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Recueil des données :

C) Evaluation de la communication sociale précoce :

4. Lilian, 3 ans 5 mois

A) Anamnèse :

Lilian est le second enfant d’une fratrie de deux. Suivi au CASMP depuis la rentrée scolaire, il est atteint d’une dysharmonie évolutive associée à un trouble oppositionnel avec provocation.

Lilian est un enfant anxieux et très agité avec une importante instabilité émotionnelle et un retard de développement massif. Actuellement, il prononce quelques mots et répète certains sons. Il n’a pas encore acquis la propreté diurne et présente par ailleurs des troubles du sommeil et un déficit d’intégration des limites corporelles. Le caryotype et la consultation génétique n’ont rien révélé.

Lilian n’est pas scolarisé ; en attendant une prise en charge plus complète, il est gardé par une nourrice chez laquelle il évite autant que possible les contacts avec d’autres enfants.

En interaction duelle avec l’adulte, des épisodes de poursuite visuelle et d’attention conjointe sont possibles mais Lilian est rapidement happé par son agitation et son déficit attentionnel. Il peut s’investir davantage dans des jeux physiques (cache-cache, course, chatouilles…).

B) Premiers raisonnements

Analyse des manipulations :

Durant cette séance, Lilian oscille entre des moments d’exploration et d’autres marqués par une importante agitation : il a alors besoin de crier et de courir quelques instants puis revient vers le matériel proposé.

104 Les aspects physiques des objets sont privilégiés par Lilian : il s’applique notamment à fractionner entièrement la pâte à modeler puis le coton de façon itérative, en dispersant les petits morceaux dans la pièce. Lilian peut aussi froisser le papier pour en faire une boule et enfiler des morceaux de coton par le trou des anneaux de bois. De même, il enfonce son doigt puis un bâton dans la pâte à modeler.

Au niveau des aspects logiques, Lilian procède à quelques actions simples (lancer, toucher et porter au visage), puis à quelques enchaînements d’actions comme prendre de la pâte à modeler, y enfoncer un doigt, l’écraser, la jeter par terre puis la mettre dans une boîte.

Les premières organisations spatio-temporelles sont présentes : Lilian met du coton dans des boîtes. Il explore également le double caractère d’un élément (contenu et contenant) en emboîtant deux gobelets gigognes et en tentant d’y insérer un troisième. Une réitération du schème « mettre sur » a lieu lorsque Lilian empile 5 gobelets gigognes sans s’attacher aux différences de tailles entre eux : deux petits gobelets sont dissimulés sous des plus gros sans que cela provoque de réaction chez lui.

De même, il est capable d’effectuer des actions renversables : Lilian ouvre puis referme une boîte munie d’un couvercle. De plus, dans la pièce où nous travaillons se trouve une petite tente en toile : Lilian y entre et en sort à plusieurs reprises. Ce petit garçon construit actuellement la notion de réversibilité.

Enfin, Lilian peut constituer une collection exhaustive : il réunit tous les morceaux de coton et va les déposer dans la tente.

On note un comportement d’imitation différée, au niveau des aspects symboliques, lorsque Lilian porte le coton à ses oreilles pour les nettoyer.

Ses préoccupations cognitives sont celles d’un enfant de 13 ou 14 mois ; il n’est pas encore au niveau de l’organisation d’actions.

105 Comportements communicatifs au cours de cette séance :

Lilian met quelques minutes à entrer dans l’interaction, se contentant d’abord de nous lancer des regards en coin. Il s’enhardit ensuite et commence à nous montrer les objets qu’il choisit et accepte de prendre ceux que nous lui proposons.

Lorsqu’il prend la boîte de pâte et s’aperçoit qu’elle est vide, il nous regarde et commente : « apu ! ». Il dit également « attends ! » à plusieurs reprises et dans différentes situations. Le code oui-non est efficace, par mots et/ou par mouvements de tête.

On relève des imitations immédiates sous la forme de répétitions de syllabes ou de petits mots.

Si Lilian prononce peu de mots identifiables, il oralise beaucoup, avec une prosodie et des intonations riches et variées (commentaires, interrogations, exclamations…), ce qui permet d’entretenir un dialogue avec cet enfant, même sans le support des mots. Le schéma est identique du point de vue réceptif : Lilian perçoit bien les schémas intonatifs et laisse rarement une question sans réponse, vocale ou gestuelle.

De plus, Lilian cherche souvent à répéter les productions courtes de l’adulte, avec un assez bon rétrocontrôle. Par exemple, lorsqu’il arrache des morceaux de pâte à modeler, nous commentons : « un bout, un bout, un bout… », il nous observe quelques secondes et énonce : « un bo, un bo…», puis « un bout ! ».

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C) Evaluation de la communication sociale précoce

Analyse quantitative :

A l’heure actuelle, Lilian se situe au niveau 2 (complexe) pour la fonction d’attention conjointe et au niveau 3.0 (conventionnel gestuel) pour les fonctions « interaction sociale » et « régulation du comportement ». Les épreuves de maintien de l’interaction sociale et de maintien de l’attention conjointe sont les plus échouées, du fait de ses grandes difficultés attentionnelles.

Ses scores bruts sont les suivants :

- 32/75 pour la fonction « interaction sociale », avec 10.5/25 en réponse, 20/25 en initiation et 1.5/25 en maintien l’interaction sociale ;

- 28/75 pour la fonction « attention conjointe », avec 13.5/25 en réponse, 8.5/25 en initiation et 6/25 en maintien de l’attention conjointe ;

- 30/50 pour la fonction « régulation du comportement », avec 15/25 aux deux sous-fonctions.

Lilian obtient ainsi un total de 90/200 pour l’ensemble de l’épreuve, ce qui correspond à un âge développemental de 17 mois et 16 jours, selon les tableaux de conversion de l’ECSP.

Analyse qualitative :

Lilian est assez difficile à canaliser lors de cette séance ; il souhaite tout voir et tout toucher, en passant sans cesse d’un objet à un autre. C’est pourquoi les épreuves de maintien de l’attention conjointe et de maintien de l’interaction sociale sont si peu réussies.

Il prête néanmoins attention à tous les objets que nous lui proposons, sur une très courte durée. Il joue quelques instants à tirer le lapin à roulettes derrière lui : il semble apprécier ce petit jeu, se retournant à trois reprises pour s’assurer que l’animal le « suit ». Puis, il aperçoit un nouveau jouet et délaisse le lapin.

107 On note une accroche du regard difficile à obtenir ainsi que peu de réactions à l’appel de son prénom. La réponse aux interactions sociales est très aléatoire, en fonction de l’attention de Lilian à ce moment.

Lilian peut demander un partage d’attention en pointant un élément de la pièce qui l’intéresse (images au mur, jouets…), avec souvent une mimique étonnée et « oh ! [gad] ! ». Si l’objet désiré est hors de portée, Lilian se retourne vers nous pour s’assurer que nous allons le lui donner.

Lorsqu’il entend un bruit non identifié, Lilian se déplace pour tenter d’en déceler la source. Lors de la séance, un jouet électronique se met en marche et une voix retentit : « au revoir ! ». Lilian fait : « oh ! », nous regarde, tout étonné, et part inspecter les jouets afin de trouver celui qui parle. Après avoir manipulé plusieurs objets, il semble oublier son but premier et joue à déplacer différents petits personnages.

Lilian est capable d’imitation différée : il met les lunettes sur son visage, boit au verre…

Actuellement, Lilian prononce peu de mots : « maman », « papa », « allô », [gad] pour « regarde », mais on remarque de nombreux comportements de stimulation orale : vocalisations avec des intonations très variées, productions de consonnes bilabiales dupliquées (« memema », « papapa »…) etc. Les gestes signifiants relevés sont « salut » et « chut ».

La compréhension en contexte est assez bonne : Lilian tire de nombreuses informations des gestes et des mimiques de son interlocuteur. L’épreuve de désignation d’objets ou de parties du corps est nulle car, sans contexte, Lilian ne semble pas du tout comprendre ce qu’on attend de lui. Au contraire, lorsque nous lui désignons des objets en lui disant : « donne ! » ou « mets le dedans » en lui présentant le sac ouvert, il effectue l’action demandée sans hésitation.

La compréhension de consignes avec variation des actants est également trop compliquée pour ce petit garçon, qui ne saisit que des informations parcellaires dans le discours de l’adulte. A titre d’exemple, lorsque nous lui proposons de donner à manger à la

108 poupée, il porte la cuillère à sa propre bouche. Peut-être n’est-il pas non plus au stade du jeu où il peut faire sur autrui.

Les livres ont été manipulés très fugitivement. Lilian pointe une image intéressante, retourne le livre mais ne tolère pas que nous tentions de diriger son attention sur de nouvelles images et que nous lui montrions comment tourner les pages : il passe alors à autre chose.

Durant cette séance, il remarque le pied de caméra et s’intéresse longuement au bras télescopique. Il saisit également notre main pour nous faire tourner la manivelle qui permet de faire pivoter la plateforme pour la caméra. Ces explorations durent plusieurs minutes et Lilian reste plus concentré et attentif qu’à tout autre moment.

D) Analyse et interprétation

Lilian semble avoir de nombreux schèmes moteurs à sa disposition mais demeure parasité par son agitation et son besoin d’exprimer ses décharges motrices. Son anxiété et son agitation l’empêchent de s’asseoir et de concentrer son énergie sur une tâche intellectuelle.

L’imitation immédiate et l’imitation différée sont acquises. Au contraire, le tour de rôle semble encore à l’état d’ébauche. Actuellement, Lilian ne peut maintenir une interaction suffisamment longue et attendre la réponse de l’interlocuteur avant de poursuivre. Il est dans l’action, dans l’immédiateté.

Le pointage proto-impératif est utilisé à de nombreuses reprises, souvent enrichi par des vocalisations et des mimiques.

Lilian est capable d’attention conjointe, principalement s’il en est à l’origine. Il lui est plus difficile d’orienter son attention sur un objet présenté par l’adulte.

109 Les fonctions de communication acquises par Lilian sont donc :

- la fonction expressive, notamment par ses mimiques et intonations ; - la fonction conative : [gad], pointage proto-impératif…

On ne peut guère parler d’utilisation de la fonction phatique chez ce petit garçon : les regards sont rares et les interactions peu maintenues.

Les manipulations et explorations de matériel plaisent beaucoup à cet enfant : il faut le laisser assouvir cette curiosité et ce besoin de réitérer qui lui permettront d’établir des certitudes quant à l’environnement et à lui-même. Ce n’est qu’une fois ces certitudes installées que Lilian pourra se fixer et développer un intérêt plus poussé pour certaines activités, et notamment entrer dans un échange plus long avec autrui.

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