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LE VALAIS : CONTEXTE POLITIQUE, RELIGIEUX ET SOCIAL U NE SOCIÉTÉ PROFONDÉMENT CATHOLIQUE

Dans le document Vocation: régent, institutrice - RERO DOC (Page 65-74)

Le canton du Valais, objet de notre monographie, malgré son isolement géologique apparent, participe à l’évolution sociale et politique de la Confédération helvétique. Les tourments européens atteignent sa population malgré son isolement naturel dû à la forteresse des Alpes, et en dépit de l’orientation autarcique que veulent y développer ses élites politiques, profondément fidèles à la religion catholique et à l’enseignement social et politique romain. Altermatt (1994) propose une analyse de la destinée historique, politique et sociale de ce milieu culturel particulier qu’est le catholicisme :

Par catholicisme, il faut entendre les phénomènes sociaux du christianisme catholique romain. En tant qu’image de l’Église et de la société, le catholicisme englobe toutes les formes sociales que l’Église et les catholiques ont créées pour maintenir le mode de vie et l’identité catholique dans la société moderne des 19e

et 20e siècles (p. 19).

En tant que telle, l’Église catholique s’est opposée à la fondation de l’État fédéral moderne de 1848. Vaincu par le Sonderbund, humilié, minorisé politiquement, socialement et culturellement, le catholicisme a lutté contre l’industrialisation, l’urbanisation et la sécularisation qui ont caractérisé la fin du 19e

siècle et le début du 20e. Figure antimoderniste réactionnaire, il proteste face à ce qui

est ressenti comme d’intolérables menaces d’assimilation et désagrégation : l’historien montre comment les tenants du catholicisme s’organisent pour défendre et

34 Voir Duc, 1989 ; École normale du canton de Fribourg, section enseignement préscolaire et économie

familiale, 1989 ; École normale du canton de Fribourg, section enseignement primaire, section française, 1990.

35 Voir : Groupe de conduite HEP, 1997 ; Maradan, 1997 ; Maradan & Schneuwly, 1999 ; Message n° 148

accompagnant le projet de loi […]., 1998 ; Loi sur la Haute école pédagogique du 4 octobre 1999 ; Stauffer, 1998.

maintenir leur identité. Décidés à tenir à distance toute autre influence, ils mettent sur pied un réseau d’associations, d’organisations et de partis, véritable sous- ou contre- société, et qui se présentent

comme un entrelacs d’institutions multiples, qui [tiennent] à la disposition du catholique, littéralement du berceau à la tombe, des directives de conduite d’inspiration catholique. Une caractéristique essentielle de cette sous-société cuirassée contre l’extérieur était ce que les architectes et propagandistes de la voie catholique appelaient « Unité et Cohérence », selon une expression maintes fois citée. Ce qui signifie, du point de vue des structures, qu’une intégration interne aussi grande que possible [est] liée à un isolement externe aussi grand que possible (Altermatt, 1994, pp. 80-81).

Le Valais fait partie des régions traditionnellement catholiques, moins touchées par l’industrialisation : la création d’associations et de partis y serait moindre, «car les valeurs et les normes catholiques y [sont] soutenues par un État à majorité conservatrice catholique » (p. 80). Pourtant, les États catholiques, dont le Valais, face au succès matériel qu’apporte la croissance économique de la Suisse dès 1945 et vers lequel lorgne leur population rurale, se mettent en devoir de rattraper la Suisse libérale et capitaliste. Et surgissent, de plus en plus fort et en son sein même dès les années 1960, des voix qui y introduisent le pluralisme et la démocratie et s’émancipent politiquement : le milieu catholique a fini par engendrer dans le catholicisme lui-même des éléments de modernité, et les paradoxes s’ouvrent entre les diverses tendances dont l’Église est désormais traversée. La scène religieuse est désormais devenue, « à la manière postmoderne, multicolore et sélective » (p. 321).

La grille de lecture de l’histoire sociale qu’offre Altermatt convient parfaitement au Valais, canton fidèle parmi les fidèles d’un catholicisme romain appliqué à la lettre, fier de son identité confessionnelle sans cesse renforcée : son histoire respire l’air du Vatican que ses élites politiques, ecclésiastiques, médecins et notaires, notables formés dans les universités catholiques et à celle de Fribourg en particulier, ont consciencieusement injecté dans la société civile du cantontout au long des 19e et 20e siècles.

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ISTOIRES DU

V

ALAIS Ce canton du Valais, catholique donc par excellence, a été diversement mis en voix par ses historiens. Diverses mises en sens sont perceptibles : issues des rangs majoritaires, elles ont exalté le combat du Vieux Pays dans sa fière lutte autonome. Venues de milieux moins évidemment acquis à la cause du conservatisme, elles ont jeté un regard plus critique sur le fonctionnement de ses institutions et sur les conflits qui en ont fait l’étoffe.

Biollay (1966) peint un tableau hagiographique du Valais. Destinée à la jeunesse valaisanne, la plaquette est écrite en l’honneur du cent cinquantième anniversaire de l’entrée du canton dans la Confédération. « Cent cinquante ans de vie suisse, tel est le bienfait dont la Providence nous a dotés […]. Nous voudrions seulement signaler les événements les plus marquants d’une histoire politique, diplomatique, religieuse et économique à laquelle font encore défaut maints travaux d’analyse qui seuls permettraient de dégager une vue d’ensemble valable » (p. 13). Ces événements, en fait, caractérisent les luttes des cléricaux contre les libéraux et les radicaux dans la première moitié du 19e siècle soit jusqu’en 1847. Les catholiques,

que de 1857 à 1965, soit sur plus d’un siècle, la stabilité du gouvernement traditionnel valaisan est « assurée par le ciment religieux qui unit entre elles les diverses tendances qui se font jour avec le temps » (p. 34). Désormais, seuls la croissance économique et le développement culturel du pays sont pris en compte et entièrement mis au crédit du gouvernement conservateur. La littérature valaisanne est approchée sans nuance : ainsi, le très anticlérical et radical notoire Courthion, auteur de l’irrévérencieuse monographie sur Le Peuple du Valais (1903/1979) est cité aux côtés du chanoine Gross (p. ex. 1933), chantre d’un Valais pieux et bucolique.

Salamin (1978), dans son histoire du Valais de 1798 à 1940, en donne les événements essentiels. Mais, clairement, sa lecture reste influencée par la pensée conservatrice. Ainsi, pour lui, en 1844, les « conservateurs imposent leur loi », et en 1847 les radicaux organisent leur « dictature » (p. 327). Le Groupe Valaisan des Sciences Humaines (GVSH, 1979), à propos des mêmes faits, parle, de « dictature populaire et théocratique » et « d’hiver du Valais » pour le régime conservateur de 1844 et de « démocratie radicale »pour le régime de 1847 (p. 329). Le Sonderbund, pour Salamin, est une défaite, alors que pour le GVSH, il est question de « la grande chance du Sonderbund ».

Le GVSH publie en 1979 une histoire politique du canton au 19e siècle. Cette

publication, au sein d’autres travaux dans le champ du 19e siècle valaisan (GVSH,

1974, 1985), s’est imposée à ses auteurs par l’insatisfaction ressentie face à la somme encyclopédique des connaissances jusqu’ici acquises sans avoir fait l’objet d’analyses plus critiques : des domaines entiers du comportement, de l’activité et des mentalités valaisannes, malgré la foule de détails accumulés, n’avaient jusque-là pas été abordés.

Posant la question fondamentale de la démocratie, le GVSH analyse d’abord la fonction sociale des régimes qui ont gouverné le Valais au 19e « sans préjugés mais

aussi sans fausse complaisance à leur égard » (p. 10). Dans leurs travaux, les historiens du groupe ont relevé les nombreuses modifications de surface qu’a connues le jeune Valais démocratique, mais, surtout, la continuité de la classe politique. Le « pouvoir et les hommes », les « conflits idéologiques », les « démocraties radicale et conservatrice », le « peuple aux urnes » sont autant d’objets d’analyses. Scène d’une intense activité politique au 19e siècle dont la démocratie représentative

constitue l’enjeu majeur, le Valais doit s’aligner, malgré lui, sur les normes helvétiques. Cependant, le GVSH constate que, si une élite ne tend guère qu’à se substituer à une autre, la modification permanente des relations entre société et pouvoir et leur définition même ne peut s’imposer qu’au prix d’une transformation globale de la société. Un certain pluralisme idéologique finit tout de même par apparaître au seuil du 20e siècle, corrélativement aux transformations économiques

que le pays connaît : une mutation structurelle que le GVSH étudie dans des contextes plus spécifiques (1976).

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ISTOIRES DE L

ÉCOLE VALAISANNE L'école valaisanne garde ancrée très profondément en elle les traces des conflits politiques entre libéraux, radicaux et conservateurs cléricalistes qui agitent le pays au 19e siècle. Les signes de son appartenance religieuse, que revendiquent les

intérieure et extérieure, dans un enchevêtrement d’intérêts et des jeux de pouvoirs sans fin.

L’abbé Louis Boucard s.m36 (1938), dans son Histoire de l’école primaire de

1798 à 1830, donne un tableau vivant, haut en couleur et parfois orienté par son état ecclésiastique, des écoles valaisannes. La période qu’il couvre révèle une école « chose de l’Église » : l’enseignement religieux y est prioritaire, sinon exclusif, et les maîtres « participent en quelque sorte au sacerdoce des pasteurs ». Les gouvernements, gagnés par les idées démocratiques, remettent au 18e siècle déjà en

cause cette situation, mus par des motifs politiques : ils « tiennent désormais à diriger l’éducation de ceux sur qui reposait l’avenir de la patrie. Il ne suffisait plus de former de bons chrétiens, il leur fallait aussi former de bons citoyens et des électeurs dévoués » (p. 370). La restauration de 1813 n’empêche guère les idées nouvelles de faire leur chemin. L’intervention de l’État dans les affaires scolaires et leur organisation devient dès lors inévitable, voire nécessaire pour les « esprits non prévenus ». Cette intervention provoque des conflits avec l’autorité ecclésiastique, combats que regrette vivement Boucard :

Puisse cette histoire du passé de l’école primaire valaisanne convaincre tous les esprits de l’utilité et de la nécessité d’une collaboration loyale et désintéressée entre les deux pouvoirs civil et ecclésiastique, à tous les degrés de la hiérarchie, en vue d’assurer à la jeunesse l’instruction et l’éducation qui lui permettront de réaliser ses tâches temporelles et éternelles, pour sa plus grande félicité et pour la plus grande prospérité de la Patrie ! (p. 373)

Gagliardi et Luy (1988) reprennent le thème des conflits liés à l’enseignement mutuel en Valais (1820-1830) laissé ouvert par Boucard. Elles proposent une vision contrastée des forces en présence : celle des conservateurs, voués à la transmission d’un savoir traditionnel fortement marqué par les enseignements de la religion, et celle des libéraux dont les projets d’enseignement tendent à faire évoluer positivement la situation de la population valaisanne. Le clergé, en ce début de 19e

siècle, ne reconnaît à l’autorité civile aucun droit en matière d’enseignement religieux, principal objet d’enseignement dans les écoles. Il utilise tous les moyens à sa disposition pour faire respecter sa volonté. Rien n’est à négocier dans ce domaine : la répartition des pouvoirs entre l’Église et l'État occupe l’avant de la scène politique, sans qu’aucun consensus ne puisse aboutir. Pendant ces dix ans, le Valais se déchire autour de la question scolaire, tout en entamant définitivement le pouvoir de l’Église. Dix ans pendant lesquels les libéraux n’auront pas osé défier le clergé au-delà de limites bien étroites, dix ans de luttes qui aboutissent à l’établissement juridique d’une formation pour les enseignants à travers le décret inachevé de 1828. Cette étude, en décrivant les manifestations que cette méthode suscite en Valais, confirme ce que l’on sait déjà des réactions que le reste de l’Europe oppose à la méthode et le fait que le Valais a participé à l’embrasement du ciel pédagogico-politique des nouvelles démocraties.

Poursuivant l’œuvre du marianiste Boucard, le capucin M. Farquet (1949) poursuit l’écriture de l’histoire de l’école valaisanne, à partir de 1830 et jusqu’à 1910. Basée sur son évolution en relation avec l’évolution politique, économique et sociale du canton, son étude relève les passions qui ont accompagné l’étatisation de l’école valaisanne. Relevant la « bonne harmonie » entre l’Église et l'État restaurée par la loi de 1873, instaurant une « forte éducation profane et chrétienne de la jeunesse

valaisanne», Farquet pose le problème de la souveraineté cantonale face à « l’ingérence toujours plus marquée de l’autorité fédérale » (p. 138). Pour ces hommes marqués par la Régénération, l’école doit éduquer avant tout des citoyens, l’enseignement religieux n’occupant qu’une place secondaire. A contrario, en Valais, le gouvernement insiste sur le fait que la tâche principale de l’école est de former pour la vie, au moyen « d’une éducation chrétienne qui forme des hommes dans toute l’acception du terme. » Aussi, dans ce sens, regrette-t-il la perte de la « conception idéale de la vie » des gymnases valaisans qui ont dû conformer leurs programmes aux exigences des examens fédéraux de maturité37. L’école valaisanne

est catholique. Par cette identité ainsi affirmée, Farquet approuve toute l’action du gouvernement conservateur.38 Une lecture chrétienne de la situation scolaire

valaisanne est ici posée par un acteur de cette culture spécifique et bien vivante. Métrailler (1978) reprend une partie des travaux de Farquet afin d’écrire son histoire de l’école primaire du milieu du 19e siècle à 1940, à partir des examens

fédéraux de recrutement et en regard du diagnostic général de la situation valaisanne du point de vue de son instruction et de son évolution jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Cherchant les causes de l’important retard scolaire accusé par les recrues valaisannes, il utilise les arguments officiels du monde politique que reprend le chanoine de Cocatrix (1907). Intrinsèques à la situation géographique du canton, ces arguments accusent les conditions économiques et topographiques difficiles, la faible durée de l’école, les instituteurs peu formés, l’usage funeste du patois, les classes nomades. Cette résistance à l’école, pour Métrailler, trouve donc son explication dans l’essence même du canton, dans sa pauvreté économique et dans sa structure rurale qui tient à l’écart de toute possibilité de s’instruire. Mais il ne s’interroge pas vraiment sur l’absence du sens social impossible à attribuer à l’instruction dans un tel contexte.

Métrailler dresse ensuite l’inventaire des moyens utilisés par le gouvernement. Piqué dans sa fierté par les résultats déplorables obtenus par ses jeunes gens, il commence par réorganiser les Écoles normales et annualise leur durée dès 1875. Pour lui, les moyens utilisés par le gouvernement sont convaincants : c’est, dit-il, une « victoire d’abord de l’école de l’État sur l’école paroissiale ou communale; victoire ensuite de l’école démocratique et publique sur l’école aristocratique et particulière, victoire enfin de l’école obligatoire et gratuite sur l’ignorance et la pauvreté du Valaisan » (p. 189). Mais l’historien n’interroge pas la volonté politique pourtant clairement exprimée de maintenir la population dans son état de peuple agricole, pauvre et pieux. Il ne prend pas non plus en compte le rôle joué par l’entrée timide du monde industriel et capitaliste dans cette victoire de l’école publique centralisée, ni ne mentionne les besoins en matière d’instruction populaire apparus alors.

37 Mais le Valais n’est pas le seul canton à regretter cette centralisation fédérale des certificats de maturité

en Suisse. Voir Surdez, 1998.

38 En concordance parfaite, par exemple, avec les thèses officielles, regroupées dans le fascicule intitulé

L’effort éducatif qui s’impose (s.d.) et écrites par un ancien inspecteur scolaire : le but de l’école populaire y est décrit comme étant de communiquer les connaissances indispensables, développer les facultés physiques, morales et intellectuelles, collaborer de concert avec la famille à l’œuvre de l’éducation de l’enfant, dans une fraternité vraie, chrétienne, un attachement sincère à la religion et un respect des traditions, du goût de l’effort – ténacité et persévérance – aux formes multiples lié à un amour très vif de la liberté : « L’instruction pour le cœur et la vie ».

Pourtant, tous les acteurs scolaires n’ont pas partagé les mêmes idéaux que ceux imposés au peuple par les gouvernements catholiques. Un établissement laïc particulier marque, quoique de manière marginale, l’histoire de l’école valaisanne pendant la première moitié du 20e siècle : l’école libre de Bagnes (1900-1943), dont

Deslarzes-May (1998) écrit l’histoire39. « École libre (sans Dieu) : pas de catéchisme,

pas d’histoire sainte, libres penseurs ». Ainsi définie par les inspecteurs cantonaux, cette tentative d’éducation laïque à une échelle certes régionale est unique en Valais. De fortes personnalités libérales et radicales, aux liens maçonniques reconnus, opposées au catholicisme politique et religieux cantonal, l’ont soutenue. Un foisonnement d’implications politiques et économiques sous-tendent cet essai d’enseignement alternatif peu banal. Certains élèves avouent que l’avoir suivi, « c’est être marqué au fer rouge » (p. 157). Et, relève l’auteure, la plupart de ceux – rares – qui ont souhaité poursuivre leurs études ont dû s’expatrier. De plus, en sortant de ce qu’on peut appeler le circuit normal de la scolarité, « on ne retrouve que très peu d’anciens élèves dans des postes publics. Ce n’est pas forcément pour ne pas y avoir été accepté, mais plutôt pour ne pas s’y être présenté, refusant ainsi de s’allier avec le pouvoir en place, à majorité conservatrice. La plupart des anciens élèves sont donc demeurés soit des paysans soit ils ont choisi d’embrasser des carrières dites libérales » (p. 150).

Les carrières libérales des élèves de l’École libre de Bagnes n’auront pas donc pas été initialement construites dans les collèges cantonaux ni nécessairement à l’Université catholique de Fribourg, tous établissements pourtant destinés à cette éducation de l’élite catholique au 19e siècle comme au 20e.

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ORMER LES ÉLITES CANTONALES ET LES ÉLITES POPULAIRES Roduit (1993) reconstruit la trajectoire des collèges en Valais de 1870 à 1925. Le but explicite de ces écoles est ici identifié : déterminer les multiples interactions entre les choix politico-pédagogiques d’un État et la fonction immanente des collèges dans la formation des élites cantonales. Pour l’historien, les collèges ont pour vocation première de contribuer à la reproduction, à l’affirmation et à la définition socioculturelle des élites valaisannes et des structures sociales existantes : défense extrême de la doctrine conservatrice et du fédéralisme dans ce canton composé de véritables petits États dans l'État. L’État avoue de très nets penchants pour une reproduction traditionnelle de ses élites par la transmission de la culture classique et latiniste. Il prend peu en considération l’enseignement moderne et industriel, jugé inadapté au particularisme valaisan. L’autonomie des instituts supérieurs de formation classique est acceptée par la classe dominante « avec d’autant plus de satisfaction qu’elle sert ses propres intérêts » (p. 323). Une confiance totale est accordée à l’Église pour perpétuer un monde classique uniforme, dans une défense farouche de la doctrine conservatrice. La culture moderne est qualifiée avec mépris d’utilitaire jusqu’en 1910, soit lorsque le législateur est enfin acquis à l’idée que la prospérité générale d’une région dépend de son potentiel de connaissances dans les branches industrielles et commerciales. Mais, relève Roduit, « en admettant que l’instruction soit définie par rapport au type de société que l’on défend et que l’on veut mettre en place, la retenue de l’État dans le développement et l’amélioration de l’enseignement industriel engage fortement sa responsabilité » (p. 328). L’univers des

collèges ne subira que peu de modifications de 1925 à 1962 (loi sur l’Instruction publique), malgré les lamentations réitérées de la classe dominante face au manque chronique de cadres techniques et industriels. A travers l’analyse de la formation réservée par le canton à ses élites entre 1870 et 1925, les conceptions, les résistances et les développements d’un État et d’une société durant une période de profondes mutations sont clairement identifiées.

A l’issue de cette formation, ces élites cantonales, nourries dès leur prime jeunesse à la mamelle du catholicisme, s’inscrivent dans les universités catholiques, en particulier à Fribourg dès son ouverture en 1890.40 Elles s’y imprègnent de

littérature chrétienne, telle que représentée par le Commentaire pratique de l’Encyclique Rerum Novarum (1927) ou des auteurs comme Coulet (1924), Gilson (1934), Riquet (1949), Saint-Pierre (1960).41 « Pour un ordre catholique, l’Église et

le problèmesocial, le chrétien face au pouvoir, questions et réponses sur la condition des ouvriers » sont autant de questions sociales et politiques auxquelles la hiérarchie romaine, relayée dans son réseau international, apporte des réponses précises, considérées comme « vraies », définitives. La presse locale des deux siècles se fait

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