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LA BELGIQUE : UN COMPROMIS NATIONAL UNIQUE

Dans le document Vocation: régent, institutrice - RERO DOC (Page 50-52)

Traditionnellement, l’enseignement belge est catholique, quand bien même il devient officiel et affaire d’État au 18e siècle. Son objectif : « former des citoyens

utiles à l’Église et à l’État » (Grootaers, 1998). Un pacte d’union est signé en 1827 entre libéraux et catholiques, aux positions antagonistes sur les questions d’éducation. Quelques années plus tard, la Constitution introduit le principe de liberté d’enseignement, jamais démenti aux 19e et 20e siècles malgré deux « guerres

scolaires » (1879-1884 et 1951-1958). Ces conflits entre catholiques et laïques ont fortement déterminé l’organisation du système scolaire belge, et les organes centralisateurs de coordination ont joué un rôle essentiel dans cette histoire.

L’histoire de la formation des enseignants s’en ressent également. Grootaers (1998, pp. 171-182) relève que jusqu’au milieu du 19e, bon nombre d’instituteurs

sont formés sur le tas. Mais en 1842, deux articles de loi établissent l’enseignement normal dans des établissements d’État. Seuls les instituteurs ayant suivi cette formation avec succès seront désormais recrutés. Deux établissements sont immédiatement créés, à Lierre et à Nivelles, et sept Écoles normales diocésaines créées en 1830 pour les jeunes gens sont adoptées. En 1848, dix établissements libres, le plus souvent catholiques, sont adoptés afin de former les institutrices du pays. La première École normale d’État pour les jeunes filles s’ouvre en 1874.

Les Écoles normales belges d’une bonne partie du 19e siècle préparent les

futurs enseignants par une « formation totale de la personnalité » , dans la stricte et austère discipline d’un internat tenu par des congrégations religieuses (pour les jeunes filles, voir Querton, 1991). Car, d’après Querton (1991), les autorités ecclésiastiques et laïques s’accordent sur la nécessité morale d’une telle éducation.

Dans son rapport rendu au début du siècle, le Québécois Magnan (1909, pp. 235-322) expose la situation unique de la Belgique au début du 20e siècle du point

de vue des rapports entre l’Église et l'État : « La liberté absolue d’enseigner existe en Belgique : la Constitution belge permet à tout particulier, belge ou étranger, et à toute association particulière d’ouvrir des établissements quelconques d’enseignement » (p. 235). Chaque commune a l’obligation d’établir ses écoles. Et si elle adopte une école privée (le plus souvent religieuse), elle est dispensée d’établir une école publique et laïque, à moins que vingt chefs de famille ne « réclament la création ou le maintien de l’école communale pour l’instruction de leurs enfants ». Les inspecteurs civils sont nommés par le roi, avisé par ses ministres. Les inspecteurs ecclésiastiques sont nommés par les autorités religieuses, mais ils reçoivent un traitement de l’État.

La totale liberté laissée aux communes entraîne une disparité singulière et étonnante pour l’observateur étranger : « Que la province ou la commune soit administrée par un conseil composé de catholiques éclairés, les écoles sont catholiques ; mais si le conseil est gouverné par un groupe de radicaux ou de libres- penseurs, les écoles sont neutres et très souvent hostiles au catholicisme. Parfois même, une légère majorité dans un conseil provincial suffit pour que les Écoles normales deviennent des foyers d’impiété » (Magnan, 1909, p. 236). Les Écoles normales privées doivent être agréées par l'État afin de recevoir une subvention prise

sur le Trésor public et jouir des privilèges des Écoles normales officielles. Elles sont soumises à une inspection d’État qui délivre son rapport. Les directions des Écoles normales privées ou publiques sont pourvues d’un diplôme officiel délivré par une école agréée.

Les candidats aux Écoles normales, formés pour instruire le peuple, doivent être âgés de quinze ans, prouver une conduite irréprochable, avoir été vaccinés contre la variole, posséder une solide constitution et n’être « atteints d’aucune infirmité, d’aucun défaut physique de nature à affaiblir l’autorité que doit voir l’instituteur sur ses élèves » (Magnan, 1909, p. 304). La religion et la morale tiennent la première place dans les matières d’enseignement. Cependant, les élèves peuvent être dispensés des cours de religion. Alors, ils reçoivent un enseignement portant sur les préceptes de la morale.

Ce pays, comme la Suisse, est composé d’États fiers de leur identité. Mais tous se soumettent à la royauté, ciment de l’unité nationale. Pour la formation de ses enseignants, la Belgique adopte donc une solution originale qui respecte les libéraux comme les catholiques, les sensibilités flamandes et les wallonnes. Ainsi, au début du 20e siècle, chaque École normale conserve encore la possibilité de choisir les

méthodes et les moyens d’apprentissage qui lui semblent bons, ce qui est fait, collectivement. Des programmes-modèles sont mis en place, laissant la place à des aménagements locaux. Seuls les examens d’admission et le barème de points de l’examen final sont identiques aux matières et règles que les examens d’État (Grootaers, 1998, pp. 177-178).

Le système de formation des institutrices et instituteurs belges évolue régulièrement. De 1896 à 1923, l’École normale primaire compte quatre années d’études, puis, en 1923, trois seulement, avec deux années préparatoires. De 1926 à 1961, le programme compte à nouveau quatre années d’études. En 1961, dans certaines écoles d’État, les trois dernières années d’humanités sont assimilées aux trois premières années d’École normale. Les écoles catholiques refusent cette innovation, la formation de la personnalité des futurs éducateurs continuant à y occuper une place centrale. En 1967, un arrêté royal établit l’enseignement normal sur deux cycles. Le premier correspond au degré supérieur de l’enseignement moyen ; les futurs instituteurs y sont instruits dans une section « sciences humaines ». Le second, consacré à la formation professionnelle, est un cycle post-secondaire de deux ans. Cette organisation devient effective en 1970, et le second cycle est dispensé dans une structure d’ « enseignement supérieur pédagogique ». Les discussions sur le transfert à l’Université tournent court, et la formation est seulement rallongée en 1984, à la grande déception des partisans d’une formation scientifique de haut niveau pour les instituteurs (Grootaers, 1998, pp.178-182).

En Europe francophone et catholique, la liberté d’enseignement de la Belgique a permis à l’enseignement confessionnel de se développer en toute officialité. De nombreux moyens d’enseignement, en adéquation avec une éducation catholique, ont donc été créés et diffusés. Au 20e siècle, le Valais francophone se tournera

fréquemment vers les éditions belges pour y puiser les ouvrages et revues pédagogiques conformes à son idéal catholique (p. ex : Auger et Haustrate, 1912; Anselme, 1955. Pour les enfants, les journaux des Éditions Fleurus).

La France, géographiquement limitrophe de la Suisse, n’a pas eu le même impact sur les Écoles normales du Valais. L’idéal républicain de la France va s’acharner dès le 20e siècle à extraire toute influence catholique du paysage de

l’instruction publique. L’objet idéologique de l’éducation investie par les Écoles normales françaises, soit la laïcité républicaine, semble radicalement opposé au catholicisme valaisan. Pourtant, les stratégies éducatives très fermement dirigées de ces institutions de formation les rapprochent alors qu’apparemment tout tendrait à les renvoyer dos à dos.

UNE ÉDUCATION LAÏQUE POUR UNE NATION LAÏQUE, LA

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