• Aucun résultat trouvé

2.2 Les instabilités du supercontinuum en régime d’impulsions longues

2.2.2 Les vagues scélérates optiques

Dans leurs travaux, Solli et ses collaborateurs parvinrent en effet à observer expérimen- talement les fluctuations au coup par coup au sein des SC optiques [142]. La détection de ces fluctuations en temps réel fut effectuée par l’utilisation conjointe d’un filtre spec- tral couplé à une fibre hautement dispersive pour obtenir un étirage du signal tempo- rel filtré [102, 142]. Nous décrirons plus en détail une adaptation de cette technique de mesure du spectre en temps-réel [143, 144] dans le chapitre 5. Dans leur approche, les auteurs utilisèrent un filtre spectral passe-bande afin d’identifier les fluctuations obtenues dans les grandes longueurs d’onde du supercontinuum. Selon cette méthode, les auteurs identifièrent des événements de très grandes intensités comparés à la valeur moyenne ob- tenue par filtrage. Néanmoins, l’occurrence de tels événements fut observée de manière beaucoup moins rare que cela aurait pu être attendu par la dispersion statistique d’une distribution aléatoire classique (loi de distribution Normale ou de Poisson par exemple). De cette manière, les auteurs qualifièrent ces événements extrêmes de “vagues scélérates optiques” (Optical Rogue Waves) par analogie aux vagues océaniques destructrices appa- raissant parfois à la surface des océans et présentant une amplitude extrême par rapport aux conditions de houle moyenne.

L’aspect statistique de tels événements peut en fait être compris visuellement par le biais de la Fig. 2.5 extraite de la Ref. [135]. Dans ce cas, on considère les 1000 réalisations numériques présentées dans la Fig. 2.5(c) dont on filtre spectralement les composantes de longueurs d’onde supérieures à 1210 nm telles que présentées dans l’insert. De cette manière, on reconstruit dans la Fig. 2.5(d) l’histogramme correspondant à la puissance crête maximale de chaque événement filtré dans le bord du spectre. Dans ce cas, très simi- laire aux observations de la Ref. [142], on parvient à mettre en évidence un histogramme hautement asymétrique (en forme de “L”) avec une queue lourde montrant l’apparition relativement fréquente d’événements filtrés de large puissance comparés à la puissance moyenne. Cet aspect est encore mieux mis en évidence dans l’insert présentant ce même histogramme selon une échelle logarithmique ainsi que l’ajustement correspondant avec une distribution de Weibull. Cette distribution asymétrique, tout comme les distributions de Fréchet ou de Gumbel, sont des modèles bien connus dans leurs applications dans la

théorie des valeurs extrêmes [145, 146].

Du point de vue des dynamiques, on peut très nettement différencier l’évolution d’un supercontinuum menant à l’obtention d’un événement extrême représenté dans la Fig. 2.5(a) de celui menant à la détection d’un événement médian, typiquement obtenu dans la majorité des simulations, et présenté dans la Fig. 2.5(b). Dans ce dernier cas, on peut remarquer que l’éjection des solitons donne lieu à un décalage fréquentiel par effet Raman similaire pour tous les solitons. Finalement, on retrouve un spectre relative- ment “plat” avec peu d’énergie transférée vers les composantes spectrales supérieures à 1210 nm. Dans l’évolution présentée dans la Fig. 2.5(a), on constate au contraire qu’après environ 16 m de propagation, un soliton va subir une collision avec d’autres solitons se dé- calant plus lentement vers les grandes longueurs d’onde. Dans ce cas précis, la collision est constructive et ce dernier absorbe l’énergie des autres solitons. Par conséquent, l’énergie du soliton ayant subi une collision est très importante de telle sorte que celui-ci subisse un décalage fréquentiel extrême par effet Raman, en accord avec les Eqs. (1.60) et (2.7). Dans ce contexte, on retrouve un spectre de sortie avec des lobes d’intensité plus importante dans les bords du spectres (dû au décalage du soliton aux grandes longueurs d’onde et au piégeage de l’onde dispersive aux faibles longueurs d’onde) associé à un soliton de forte intensité (noté RS) largement retardé dans le domaine temporel.

D’après cette observation, il semble clair que la technique de filtrage spectral sélectif utilisée par Solli semble intéressante pour isoler des solitons de grande puissance subis- sant un décalage fréquentiel important par effet Raman. On notera ainsi que d’autres méthodes ont été proposées dans ce sens afin de mesurer l’énergie filtrée d’une réalisation à une autre [147]. Néanmoins de récentes études ont permis de montrer que les solitons les plus décalés en fréquence n’étaient pas forcément ceux présentant la plus forte éner- gie [148]. Ainsi, étant donné que les distributions reconstruites par ces méthodes dépendent non seulement de la longueur d’onde considérée, mais aussi de largeur du filtre utilisée, il paraît essentiel de considérer les fluctuations discrètes dans l’intégralité du spectre afin d’éviter les biais statistiques.

Nous reviendrons plus en détail sur la technique proposée dans le cadre de cette thèse au cours du chapitre 3, ainsi que sur la validation expérimentale de cette approche abordée dans le chapitre 5.

2.2. Les instabilités du supercontinuum en régime d’impulsions longues 55 D’après les dynamiques d’évolution présentées précédemment ainsi que les divers tra- vaux menés par d’autre groupes de recherche [49, 76, 135, 148–153], l’apparition d’événe- ments extrêmes à la sortie du supercontinuum peut principalement être attribuée à deux facteurs :

• L’instabilité de modulation associée à une amplification du bruit dans un régime impulsionnel long et menant à l’apparition de structures localisées dans les premières étapes de la propagation et à une fission solitonique non déterministe de l’impulsion initiale.

• L’évolution des solitons éjectés après cette étape dont les dynamiques sont largement conditionnées par l’étape initiale d’amplification du bruit et pouvant donner lieu à une collision efficace de solitons responsable de la formation d’impulsion(s) possé- dant une importante puissance crête fortement décalée vers les grandes longueurs d’onde.

Alors que de récents travaux ont étudiés ces mécanismes de collision solitonique et leur rôle dans la formation de vagues scélérates optiques [148,152,154–158], nous nous concen- trerons plus particulièrement sur l’émergence de l’instabilité dans le supercontinuum par un traitement plus poussé du phénomène d’instabilité de modulation qui sera abordé en détails dans le chapitre 4 de ce manuscrit.