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1.6 Régimes de propagation dans la fibre

1.6.3 Régime de dispersion anormale

Lorsqu’un champ se propage dans une fibre proposant un régime de dispersion anormale, de nombreux effets complexes peuvent avoir lieu par l’action conjointe de la dispersion et de la non-linéarité. Nous présentons ici succinctement deux effets prédominants qui prendront toute leur importance lors de la génération de supercontinuum : La propagation de solitons optiques dans une fibre et l’amplification de perturbations par le biais de l’instabilité de modulation (IM).

Le soliton optique

Les effets dispersifs peuvent sous certaines conditions compenser les effets non-linéaires de manière à ce que l’impulsion se propage sans déformation dans la fibre [84, 85]. On parle alors de soliton fondamental. En considérant l’ESNL standard, ces conditions sont réunies lorsque le chirp induit par effet Kerr, et donné par l’Eq. (1.42), est en tout point compensé par le chirp induit linéairement par la dispersion de la vitesse de groupe [12]. D’une manière plus générale, plusieurs solitons d’ordres N (tel que N soit un entier naturel) sont des solutions exactes de l’ESNL standard et peuvent être observés dans un régime de dispersion anormale. Dans ce cas, l’ordre du soliton est donné par l’Eq. (1.58) :

N2 = LD

LN L

= γN LP0T02

2|

Le soliton fondamental, dont l’ordre est N = 1 , évolue sans déformation temporelle ni spectrale et possède ainsi des longueurs caractéristiques de dispersion et de non-linéarité égales. Son expression analytique exacte est alors donnée par l’Eq. (1.59) :

ASol(z = 0, T ) = q P0sech T T0  (1.59) On retrouve alors le profil d’une impulsion sécante hyperbolique aux limites de Fourier dont la durée caractéristique T0 est reliée à sa puissance crête P0 par l’Eq. (1.58). Dans la

Fig. 1.11(a), on montre l’évolution longitudinale de cette solution dans une fibre standard où, pour TF W HM = 1 ps, on obtient LD = LN L ≈ 15 m.

Figure 1.11 – Soliton fondamental (N=1) de durée TF W HM = 1 ps évoluant dans un 1 km

de SMF standard en considérant l’ESNL standard (a) et l’ESNL généralisée (b). Paramètres : TF W HM = 1 ps ; P0 = 52.1 W ; β2 = −21.8 ps2 km−1;

β3 = 1.20 × 10−2 ps3 km−1; γN L = 1.3 W−1 km−1; λ0 = 1550 nm

Dans le cas présenté dans la Fig. 1.11(a), le soliton se propage sur 1 km (L > 65 LN L)

et on n’observe pas de déformation temporelle notable entre l’impulsion initiale et l’impul- sion finale telle qu’elle peut être vue dans la Fig. 1.12. Néanmoins, lorsque l’on considère l’évolution de ce même soliton intégré par l’ESNL généralisé présenté dans la Fig. 1.11(b), on remarque un décalage progressif du soliton qui acquiert un retard temporel au cours de la propagation. Cet effet apparaît de manière plus visuelle si l’on observe en détail la Fig. 1.12(a) où le soliton après 1 km de propagation est décalé de presque 2 ps. Dans ce cas, on peut identifier le profil obtenu qui est très similaire au profil initial mettant en lumière une relative stabilité du soliton fondamental en présence de perturbation.

Physiquement, le retard acquis par le soliton au cours de la propagation provient en fait du phénomène d’auto-décalage en fréquence du soliton (SSFS - Soliton Self-Frequency

Shift) dont l’origine réside dans la réponse retardée de diffusion Raman [65]. En effet, pour

un soliton de durée suffisamment courte, une partie de son spectre subit un recouvrement avec sa propre bande de gain Raman. Dans ce contexte le décalage fréquentiel du soliton dépend de sa puissance crête et de sa durée. Généralement, une bonne approximation de ce décalage en fonction de la distance est donnée par l’Eq. (1.60) [12, 66] :

∆ωR(z) = −

8γN LP0TR

15T2 0

1.6. Régimes de propagation dans la fibre 35

Figure 1.12 – Profil temporel (a) et spectral (b) initial d’un soliton fondamental (ligne noire) comparé aux profils obtenus après 1 km de propagation en considérant une inté- gration de l’ESNL standard (croix rouges) et de l’ESNL généralisée (ligne bleue pointillée).

Dans ce cas, TR= 3 fs correspond à l’approximation de la pente de la réponse Raman

donnée précédemment. Le décalage effectif est en fait plus complexe à déterminer lorsque l’on limite cette approximation et l’on inclut les termes d’ordres supérieurs tels que β3 et

l’autoraidissement τshock. Notons que pour un soliton fondamental où N = 1, on retrouve

uniquement une dépendance temporelle selon ∆ωR(z) = −8 |β2| TRz/15T04. Ce décalage

Raman du soliton induit bien évidemment un retard temporel dans un régime de disper- sion anormal puisque le décalage vers les plus grandes longueurs d’onde présenté dans la Fig. 1.12(b) induit alors une augmentation de l’indice de réfraction effectif vu par le soliton et donc une diminution de sa vitesse de propagation.

Il convient aussi de noter que des solitons d’ordres supérieurs N ≥ 2 sont aussi des solutions exactes de l’ESNL standard qui évoluent de manière périodique dans la fibre au cours de la propagation [80,81,86]. Ces solutions ainsi que leur comportement en présence de perturbations seront abordées plus en détail dans le chapitre 2.

Instabilité de modulation

Un autre phénomène important peut aussi avoir lieu lors de la propagation d’une onde dans un régime de dispersion anormale. Il s’agit du phénomène d’instabilité de modulation (IM) décrivant la croissance d’une perturbation appliquée à une onde continue ou quasi- continue [87–96]. Pour illustrer notre propos, considérons une onde continue a0 subissant

une faible perturbation périodique décalée de l’onde pompe d’une fréquence ωmod telle

que le champ initial ait la forme suivante [12] :

A(z, T ) = a0(z, T ) + a1(z, T )e−iωmodT + a2(z)e+iωmodT (1.61)

Dans ce cas, on retrouve dans le domaine fréquentiel deux bandes latérales de modu- lation incluant une composante Stokes a1 et anti-Stokes a2.

En considérant l’ESNL standard, on peut alors examiner l’évolution de la perturbation par une étude de stabilité linéaire. Aussi, dans le cas où la perturbation possède un décalage en fréquence inférieur à la fréquence de coupure ωc donnée par l’Eq. (4.2), le

nombre d’onde de la perturbation devient imaginaire de telle sorte que celle-ci subisse un gain au cours de la propagation.

ω2c =

4γN LP0

2|

(1.62) Cette analyse peut être aisément obtenue dans la littérature et est explicitée plus en détail dans l’annexe B.2, elle ne fera donc pas l’objet d’une étude spécifique dans cette partie. On pourra néanmoins noter que le gain en puissance de l’instabilité totale (onde Stokes et anti-Stokes) en fonction de la distance dépend de la fréquence de modulation

ωmod selon :

g(ωmod) = |β2.ωmod|

q

ω2

c − ωmod2 (1.63)

On voit alors que dans ce cas, le gain maximal est obtenu pour une modulation ωmod = ωmax selon :

ωmax = ωc

2 (1.64)

Ainsi, le gain de l’instabilité, au-delà de la fréquence de la perturbation, dépend gran- dement des paramètres de fibre et de la puissance initiale de la pompe selon la fréquence de coupure. Dans la Fig. 1.13, on présente le gain en puissance d’une onde continue de puissance P0 = 10 W en fonction de la fréquence de la perturbation périodique pour une

fibre SMF standard (a) et une fibre HNLF (b) où il est intéressant de noter les différentes étendues spectrales et les valeurs de gain considérées.

Figure 1.13 – Gain de l’instabilité de modulation pour une onde continue de puissance P0 = 10 W injectée à λ0 = 1550 nm. La dépendance en fréquence du gain sur

l’axe des abscisses est ωmod/2π exprimé en THz. (a) Cas d’une fibre SMF avec

β2 = −21.8 ps2 km−1 et γN L = 1.3 W−1 km−1 (LN L ≈ 77 m). (b) Cas d’une

fibre HNLF avec β2= −5.24 ps2 km−1 et γN L= 9.4 W−1 km−1 (LN L≈ 10 m).

D’après l’approche perturbative considérée précédemment, on néglige la déplétion de la pompe et l’instabilité subit alors une croissance exponentielle lors de la propagation [12].

1.6. Régimes de propagation dans la fibre 37 Nous reviendrons plus en détail sur les limites de cette approche dans le chapitre 4 de ce manuscrit. Néanmoins, il est aisé de voir que celle-ci, bien que ne décrivant pas correctement les dynamiques d’évolution globales de la perturbation, permet une vision intuitive de l’instabilité de modulation. Afin d’illustrer ce phénomène, nous présentons dans la Fig. 1.14 l’évolution d’une onde continue de puissance 10 W dans l’HNLF consi- dérée dans la Fig. 1.13(b). Dans ce cas, la perturbation initiale totale représente 5 % de l’amplitude de l’onde continue.

Figure 1.14 – Phénomène d’instabilité de modulation intégrée par l’ESNL standard et obtenue dans l’HNLF décrite précédemment avec une onde continue de puissance P0 =

10 W et une modulation en amplitude de 5 % de la puissance pompe appliquée

au maximum du gain de l’IM (953 MHz). (a) Évolution des intensités spectrales normalisée pour l’onde pompe (ligne continue rouge) et Stokes (ligne pointillée large) comparée à la croissance exponentielle prédite par l’approche perturbative d’une onde pompe non dépletée. (b-d) Profils spectraux et temporels extraits à différentes distances de propagation.

Dans la Fig. 1.14(a), on montre ainsi l’évolution de l’intensité spectrale de l’onde pompe (ligne continue rouge) et de la bande Stokes de la perturbation (ligne pointillée large) en fonction de la distance en considérant l’intégration de l’ESNL standard. En com- parant ces résultats avec l’approche perturbative énoncée précédemment (ligne pointillée), il est clair que la croissance de l’instabilité n’est pas exponentielle mais présente plutôt un phénomène d’échange énergétique entre la pompe et la perturbation [94–97].

Dans les Figs. 1.14(b-d), nous présentons aussi les profils temporels et spectraux ob- tenus à différentes distances de propagation montrant clairement la croissance de l’insta- bilité qui s’effectue de manière symétrique pour la composante Stokes et anti-Stokes. De plus, après une croissance suffisante de la fréquence fondamentale de la perturbation, on observe aussi une croissance en cascade des harmoniques supérieurs mettant en lumière l’aspect complexe du phénomène. Ceci montre clairement les limites d’une approche sim- pliste considérant seulement un mélange à quatre ondes dégénéré tel que souvent utilisé dans la littérature [98, 99].

Figure 1.15 – Résultats numériques illustrant le phénomène d’instabilité de modulation spon- tanée obtenu à partir des conditions données dans la Fig. 1.14. Dans ce cas, chaque composante fréquentielle du bruit initial possède une amplitude constante correspondant à 5×10−3 % de l’onde pompe ainsi qu’une phase aléatoire. (Haut)

Évolution longitudinale du spectre obtenue par moyennage pour 50 réalisations comportant un bruit stochastique. (Centre) Profils spectraux extraits à plusieurs distances de propagation pour chacune des réalisations (points gris) et moyenné sur les 50 simulations (ligne noir). (Bas) Profils temporels correspondants ob- tenus pour une réalisation unitaire.