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V / 3.4 Spéciation de l’aérosol organique

Les contributions relatives primaire et secondaire à l’aérosol organique ont été évaluées par analyse PMF (Crippa et al., 2013). Sur l’ensemble des sites, 5 types de fractions ont au total pu être caractérisées. L’origine de chacune de ces 5 fractions est rappelée ici brièvement :

 Les HOA sont associés aux composés primaires issus majoritairement du trafic routier.

 Les BBOA sont primaires et associés à la combustion de bois (domestique ou industrielle).

 Les COA proviennent de toute activité liée à la cuisine et contribuent également à l’AOP.

 Les OOA sont quand à eux d’origine secondaire et caractérisent une fraction très oxydée.

 Les OOA-BBOA qui résultent du vieillissement atmosphérique des BBOA sont donc associés à une fraction secondaire de l’AO. Cependant il n’est pas à exclure que cette fraction identifiée par PMF pourrait en fait représenter un mélange entre une fraction primaire BBOA et une fraction plus oxydée (OOA).

Des analyses 3-facteurs (HOA, BBOA et OOA) ont été conduites pour les trois stations. Des analyses 4-facteurs ont pu l’être pour le GOLF (HOA, BBOA, OOA et OOA-BBOA) et le SIRTA (HOA, BBOA, COA et OOA) et enfin une analyse 5-facteurs a été menée avec les données du LHVP (HOA, BBOA, COA, OOA et OOA-BBOA).

La Figure V-25 présente les contributions moyennes des composants de l’AO, sur l’ensemble de la période hivernale. Pour chaque site la figure présente les résultats des analyses PMF menées avec le plus petit et le plus grand nombre de facteurs.

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Figure V-25 – Contribution moyenne déterminée à l’aide d’analyses PMF 3 à 5-facteurs au GOLF, au LHVP et au SIRTA respectivement.

Dans l’analyse 3-facteurs, la contribution des espèces primaires en hiver est de 40% au GOLF, 48% au SIRTA et 54% au LHVP. Sur ces sites, la contribution des HOA urbains est globalement plus importante que celle de la combustion de biomasse (25 à 36% contre 16 à 19%). L’analyse 4- à 5- facteurs permet d’identifier des sources supplémentaires, et notamment une part secondaire (ou primaire oxydée) très importante de combustion de biomasse au GOLF (38%) et au LHVP (23%), et qui était cachée initialement dans OOA. Cette dernière fraction résulte en grande partie du vieillissement atmosphérique des polluants : cela implique un apport régional ou de plus longue distance de cette fraction (Crippa et al., 2013 ; Bressi et al., 2014). De même, une part importante de COA est identifiée dans les HOA sur le site parisien du LHVP et au SIRTA.

La détermination des différentes sources d’AO apparait simple pour le site du LHVP qui est fortement influencé par les sources locales (trafic, chauffage urbain, restaurant…). En revanche, pour les stations du GOLF et du SIRTA aucun facteur associé respectivement au COA et aux OOA-BBOA n’a pu être isolé avec suffisamment de robustesse statistique.

a. L’aérosol organique primaire

Les concentrations d’AOP simulées par les deux versions de CHIMERE sont comparées à la somme des HOA et des BBOA issus de l’analyse 5-facteurs. Les émissions de COA n’étant pas incluses dans les inventaires d’émissions nous avons décidé de ne pas les inclure dans la comparaison. La Figure V-26, qui présente cette comparaison, montre une très forte surestimation de la quantité d’aérosol organique primaire par le modèle REF, à hauteur d’un facteur 2.5 à 4.3, mais aussi par la version RED- 0D, avec un facteur 1.7 à 2.9 (Tableau V-11). La variabilité des concentrations simulées est grande, de même que la fréquence et l’amplitude des pics alors que la mesure fait état d’un bruit de fond assez peu variable et de pointes de concentration de faible intensité. Ces écarts sont particulièrement marqués sur les périodes du 22 au 24 janvier et du 8 au 10 février (installation de périodes plus froides que les jours précédents, et peu ventées) où aucune pointe particulièrement forte d’AO primaire n’est enregistrée aux stations du LHVP et du GOLF à l’inverse du SIRTA où l’on mesure un bruit de fond plus élevé enAOP. C’est une situation plutôt rare qui traduit la présence d’une source spécifique plus forte en zone rurale. Ce pic pourrait être associé aux émissions de chauffage domestique et notamment aux foyers ouverts. En effet, parmi tous les modes de chauffage, seul le

157 chauffage au bois représente une source significative de particules (90% des émissions de particules par le secteur du chauffage proviennent du combustible « bois » selon des données d’inventaire CITEPA fournies au LISA dans le cadre d’un programme de recherche). Cette source serait logiquement plus intense en périphérie (zones d’habitations isolées) qu’au centre de Paris. Malheureusement le modèle ne saisit pas cette spatialisation de l’épisode. Nous avons émis l’hypothèse que ceci est dû à une répartition du chauffage au bois ne distinguant pas le type de zone d’habitation. Pour vérifier ce point nous avons représenté en annexe F, la distribution spatiale des émissions liées au secteur 2 (chauffage industriel et domestique). Nous observons que la distribution spatiale des émissions est radiale, et probablement plus dépendante de la densité d’habitation que du type d’habitation. Ceci pourrait expliquer les divergences modèle-mesure sur l’AOP durant ces 2 périodes.

Figure V-26 - A gauche, évolution horaire des concentrations d’AOP et à droite, évolution journalière moyenne des concentrations d’aérosol organique primaire, pour les 3 stations de mesures. En noir sont représentées les données d’observation (OBS), en bleu la simulation de référence du modèle CHIMERE (REF) et en rouge la paramétrisation développée (RED-0D).

Tableau V-11 – Résultats statistiques des concentrations massiques d’aérosols organiques primaires (HOA et BBOA) sur les 3 sites de mesures durant la campagne MEGAPOLI hiver.

AOP ( µg.m-3) MB NMB (%) RMSE NRMSE (%) R GOLF REF +3.9 +330.6 5.2 437.8 0.21 RED-0D +2.2 +189.1 3.8 326.3 0.10 LHVP REF +4.1 +272.9 5.4 356.0 0.50 RED-0D +2.2 +147.6 3.9 256.9 0.40 SIRTA REF +2.5 +148.8 3.4 203.7 0.55 RED-0D +1.2 +70.3 2.5 149.7 0.46

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b. L’aérosol organique secondaire

Les concentrations d’AOS simulées par les deux modèles sont comparées à la somme des OOA et des OOA-BBOA en Figure V-28 sous la forme de séries temporelles horaires mais aussi sous forme de profils journaliers moyens. Ici, l’effet de la volatilité des émissions d’AOP sur les quantités d’AOS est très faible. En effet, l’oxydation de l’AOP ne contribue que très peu à la formation d’AOS, et n’impacte quasiment pas les statistiques de comparaison présentées dans le Tableau V-12. Pour ces deux versions, les séries temporelles d’AOS montrent une absence quasi-totale de pointes de concentration dans le modèle, mais surtout aucune période réellement chargée en AOS sur 1 mois de simulation, ce qui trahit un vieillissement des précurseurs d’AOS presque inexistant dans CHIMERE en hiver alors que ce n’est pas le cas sur le terrain.

Si l’on compare les sorties de modèles aux mesures, la Figure V-28 montre que quelle que soit la version du modèle les AOS s’expriment sous la forme d’une ligne de base constante et extrêmement faible par rapport aux mesures (biais négatif moyen d’environ 3 µg.m-3, cf. Tableau V-12) ce qui confirme que la très faible ampleur de l’oxydation dans le modèle n’est pas réaliste. D’après les résultats, un important épisode de pollution secondaire est enregistré sur les trois stations le 24 janvier, le 27 janvier (10 à 14 µg.m-3) et durant toute la période froide (7 au 14 février). Quelle que soit la version du modèle utilisée cet épisode, probablement alimenté par du transport longue- distance, n’est pas du tout reproduit.

Afin de regarder plus en détails la manière dont l’AOS est produit dans CHIMERE RED-0D, nous avons présenté sur les camemberts de la Figure V-27 la contribution respective de chacun des 5 précurseurs à la formation d’AOP et d’AOS en hiver. Les 2 précurseurs les plus lourds (tetracosane et octacosane, en jaune et marron) forment ainsi beaucoup moins d’AOS qu’en été (3.9% et 1.7% respectivement contre 25.7% et 9.8%). De même, le C20 (en orange) contribuait très peu à la

formation d’AOP en été (2.7%) tandis qu’il contribue en hiver à 33% de la masse d’AOP simulée. Ceci s’explique par la réduction de l’ensoleillement et la diminution des températures qui inhibent l’oxydation des précurseurs et favorisent le partage des précurseurs en faveur de la phase particulaire. La formation d’AOS anthropique dans le modèle en hiver semble être particulièrement inhibée par le manque d’activité photochimique.

Figure V-27 - Contribution du dodécane (pDOD), de l’hexadecane (pHEX), de l’eicosane (pICO), du tetracosane (pTET) et de l’octacosane (pOCT) à l’aérosol organique primaire (POA) et secondaire (SOA) en hiver.

Au-delà du faible vieillissement photochimique des précurseurs, la quantité d’AOS en sortie de CHIMERE est également fortement réduite par le manque de précurseurs biogéniques dans l’atmosphère. La diminution des émissions biogéniques en hiver est un phénomène attendu.

159 Toutefois, une analyse de Zhang (thèse 2012) sur notre domaine et avec CHIMERE a montré que le modèle pouvait en plus sous-estimer les concentrations effectives d’un facteur 2 et 5 respectivement pour l’isoprène (dont les concentrations moyennes sont similaires à celles observées en été) et les monoterpènes. Ainsi, en plus d’une sous-estimation possible de l’activité photochimique dans CHIMERE, la sous-estimation de la formation d’AOS pourrait être accrue par un manque de représentation des précurseurs gazeux dans les émissions biogéniques.

Figure V-28 - A gauche, évolution horaire des concentrations d’AOS et à droite, évolution journalière moyenne des concentrations d’aérosol organique, pour les 3 stations de mesures. En noir sont représentées les données d’observation (OBS), en bleu la simulation de référence du modèle CHIMERE (REF) et en rouge la paramétrisation développée (RED-0D).

Tableau V-12 - Résultats statistiques de comparaison des concentrations massiques d’aérosols organiques secondaires (OOA) sur les 3 sites de mesures durant la campagne MEGAPOLI hiver.

AOS ( µg.m-3) MB NMB (%) RMSE NRMSE (%) R GOLF REF -3.0 -251.7 3.6 109.0 0.53 RED-0D -2.8 -239.6 3.4 104.2 0.58 LHVP REF -3.0 -89.2 3.8 113.3 0.47 RED-0D -2.8 -85.0 3.6 108.8 0.50 SIRTA REF -3.2 -89.7 4.3 120.9 0.44 RED-0D -3.0 -85.6 4.1 116.8 0.47

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