• Aucun résultat trouvé

IV / 3.4 Détermination des enthalpies de vaporisation

a. Dépendance à la température

Comme mentionné précédemment, la dépendance en température influence significativement le partage des précurseurs et des composés secondaires. La dépendance en température est représentée par la relation de Clausius-Clapeyron. Afin d’appliquer cette relation il est indispensable de déterminer pour chaque espèce son enthalpie de vaporisation. Ce besoin nous confronte à plusieurs limites de l’état actuel des connaissances. En effet, il existe actuellement peu de données dans la littérature permettant d’attribuer des enthalpies de vaporisation à des composés présentant de grandes chaines carbonés, à l’exception des alcanes lourds (donc non fonctionnalisés) et de quelques alcanols. Ainsi il est très difficile d’estimer une enthalpie de vaporisation moyenne pour nos composés secondaires. C’est pourquoi, afin de pallier ce manque, nous avons décidé d’utiliser une méthode de contribution de groupe permettant d’estimer l’enthalpie de vaporisation des espèces secondaires issues de l’oxydation de nos précurseurs. Nous avons décidé de retenir la méthode de Kolská et al., (2005) car elle est développé à partir d’une base de données conséquentes, 905 espèces (dont 74 utilisées uniquement pour estimer l’erreur moyenne), qui couvre des composés organiques de masse molaire très variable (41 à 462 g.mol-1) et issus de nombreuses familles chimiques. La Figure IV-9 présente les résultats de la méthode ainsi que sa comparaison aux données de laboratoires pour la famille des alcanes et des alcanols.

106

Figure IV-9 - Comparaison des enthalpies de vaporisation expérimentales à celles extrapolées et prédites par la méthode de contribution de groupe pour les alcanes linéaires et les 1-alcanols (Kolská et al., 2005).

Une très bonne corrélation est observée entre les données expérimentales et les valeurs prédites par la méthode de contribution de groupe. De plus, à l’aide des 74 composés organiques non retenus pour le développement de l’approche, l’erreur moyenne sur l’estimation des enthalpies de vaporisation est estimée à 2.5%. Ainsi cette approche semble la plus à-même d’estimer les enthalpies de vaporisation de nos composés secondaires. Bien évidemment, pour nos alcanes nous utilisons directement les valeurs issues de la littérature (Chickos and Acree, 2003).

Toutefois, même si nous venons d’identifier l’approche la plus adaptée pour notre étude, nous sommes maintenant confrontés à la caractérisation de nos espèces secondaires. En effet afin de rendre compte de la dépendance en température du partage de nos espèces modèles secondaires, qui représentent un mélange très divers de composés organiques, il est indispensable de leur associer une enthalpie de vaporisation. Ainsi, si l’on souhaite appliquer rigoureusement cette méthode de contribution de groupe à nos espèces modèles nous devons pouvoir identifier la nature des composés présents au sein de ces espèces et ce à chaque génération. Le nombre de générations considérées ne reflétant pas forcément le nombre de générations réelles nécessaires pour représenter l’oxydation complète d’un précurseur, l’utilisation du modèle moléculaire se révèle en inadéquation avec les schémas chimiques mis en place.

C’est pourquoi ici la méthode de contribution de groupe est ici utilisée uniquement pour évaluer la variabilité des enthalpies de vaporisation que nous pourrions rencontrer et pour affecter une enthalpie de vaporisation moyenne à nos espèces secondaires. En considérant ainsi les produits issus de l’oxydation de nos différents précurseurs selon les différentes voies réactionnelles nous avons pu estimer les gammes de variation des enthalpies de vaporisation. Le Tableau IV-11, présente les enthalpies de vaporisation des composés majoritaires de l’oxydation des différents précurseurs. La liste présente à la fois des produits de première et de seconde génération, elle est bien évidemment non exhaustive.

107

Tableau IV-11 – Estimation des enthalpies de vaporisation des précurseurs, des produits de première génération et de seconde génération (en italique) issus de l’oxydation des différents précurseurs.

Composés organiques

Estimation des enthalpies de vaporisation (kJ .mol-1)

C12 C16 C20 C24 C28 précurseur 61,4 80,3 99,2 118,1 137,0 R-OH 88,8 107,7 126,6 145,5 164,4 R-C(O) 79,8 98,7 117,6 136,5 155,4 R-ONO2 81,9 100,8 119,7 138,6 157,5 R-OOH 90,4 109,3 128,2 147,1 166,0 R(OH)-OOH 115,4 134,3 153,2 172,0 190,9 R(OH)-CHO 101,9 120,8 139,7 158,6 177,4 R(ONO2)-C(O) 97,8 116,7 135,6 154,5 173,4 R(ONO2)-ONO2 99,9 118,8 137,7 156,6 175,5 R(ONO2)-OOH 108,4 127,3 146,2 165,1 184,0 R(ONO2)-(OH)-OOH 133,4 152,3 171,2 190,0 209,0 R(ONO2)-(OH)-ONO2 124,9 143,8 162,7 181,6 176,6 R(ONO2)-(OH)-CHO 119,9 138,8 157,7 200,4 195,4

D’après la méthode de contribution de groupe développée par Kolská, l’ajout d’une fonction entraîne une augmentation moyenne de l’enthalpie de 20±10 kJ.mol-1 par rapport à l’enthalpie du précurseur, allant de 15 kJ.mol-1 pour l’ajout d’une cétone jusqu’à 26,5 kJ.mol-1 pour l’ajout d’une fonction hydroperoxyde.

C’est pourquoi, au vu de ces résultats, nous avons affecté des enthalpies de vaporisation de 80, 100, 120, 140 et 160 kJ.mol-1 respectivement pour les composés issus de première génération du C12, C16,

C20, C24 et C28. Chaque étape d’oxydation supplémentaire entraînant une fonctionnalisation plus

importante, nous avons fais l’hypothèse que cela entraine une augmentation moyenne de 20 kJ.mol-1 pour les enthalpies de vaporisation des produits de seconde génération et ainsi de suite jusqu’au nombre de générations considérées.

Si l’on compare ces valeurs à celles recommandés par Robinson dont les valeurs ont été présentées dans le Tableau I-2, les deux approches convergent sur l’augmentation des enthalpies de vaporisation avec le vieillissement photochimique de l’aérosol organique. On voit que les enthalpies estimées et extrapolées à partir de la méthode de contribution de groupe évoluent sur une gamme 2 fois plus grande [60-200 kJ.mol-1] que celle de Robinson [64 à 112 kJ.mol-1]. Néanmoins, les enthalpies de vaporisation de Robinson semblent être sous-estimées pour les composés à longue chaine. En effet, si l’on prend dans un premier temps l’exemple du dodécane, d’après la classification de Robinson, considérant la concentration saturante (C*) du dodécane de 1,3.106 µg.m-3, l’enthalpie de vaporisation devrait être aux alentours de 64 kJ.mol-1, ce qui est en accord avec les valeurs expérimentales. Dans un second temps, si l’on effectue la même comparaison mais cette fois en considérant l’eicosane, d’après la classification de Robinson, l’enthalpie de vaporisation devrait être d’environ 80 kJ.mol-1 contre 102 kJ.mol-1 pour la valeur expérimentale. De plus, cet écart ne fait que croître avec l’augmentation de la longueur de la chaîne. En effet, pour l’octacosane, d’après la classification de Robinson l’enthalpie de vaporisation devrait être de 89 kJ.mol-1 contre 151 kJ.mol-1.

108 Malheureusement aucune justification n’est fournie par Robinson, et ainsi il est très difficile de comprendre pourquoi de tels écarts sont observés avec les mesures expérimentales.

Cette estimation étant fortement entachée d’incertitudes en raison des nombreuses approximations considérées, nous avons exploré dans la section suivante l’influence d’une sous-estimation ou d’une surestimation des enthalpies de vaporisation sur le partage des composés organiques.

a. Influence des enthalpies de vaporisation sur la distribution gaz/particule

Afin d’étudier l’influence des enthalpies de vaporisation sur le partage entre les phases gaz et particulaire nous avons considéré nos 5 précurseurs dont les valeurs expérimentales sont connues. Le même constat peut bien évidemment s’appliquer aux autres espèces.

La distribution gaz/particule est calculée selon deux températures différentes : la première, caractéristique d’un hiver continental (278K) et permettant d’évaluer l’influence maximale sur la distribution des composés organiques entre les deux phases et la seconde, choisie à 288K afin d’avoir une valeur de température moyenne étant donné que toutes les valeurs de références sont établies à 298K. Enfin, d’après les résultats de la méthode de contribution nous avons vu que la fonctionnalisation augmentait en moyenne l’enthalpie de 20 kJ.mol-1, mais avec une variabilité assez importante (entre 10 et 30 kJ.mol-1 selon les espèces formées). Nous avons donc conduit ces tests de sensibilité en considérant une incertitude de ±10 kJ.mol-1 La Figure IV-10 présente l’évolution du coefficient de partage des 5 précurseurs au sein de la phase condensée en fonction de la concentration massique de l’aérosol organique pour des températures de 278K (a) et 288K (b). L’observation de la Figure IV-10 montre tout d’abord que plus la température s’éloigne de la valeur de référence (298K), plus la variabilité du coefficient de partage augmente, ce qui peut engendrer un biais plus important. Si l’on cherche maintenant à quantifier cette influence pour une température de 288K, en utilisant le tetracosane et une concentration de COA de 1 µg.m-3, la fraction présente en

phase condensée est de 18.2% pour la valeur de référence et respectivement de 16.2% et 20.4% si l’on considère une variation de ±10 kJ.mol-1. Si l’on diminue encore la température de 10K la fraction du précurseur au sein de la phase particulaire est de 59.2% pour la valeur expérimentale et 52.1% et 66.0% pour les bornes d’incertitude. Ainsi le biais observé est négligeable lorsque la température diminue de 10K (erreurs autour 2%) et l’erreur augmente à 7% si la température diminue à nouveau de 10K. Ainsi, ce biais peut potentiellement impacter les situations hivernales mais toujours dans une moindre mesure.

109

Figure IV-10 - Evolution du coefficient de partage en phase aérosol (%) pour deux températures différentes : 278K (a) et 288K (b) et pour les 5 précurseurs choisis. En trait plein le partage calculé avec l’enthalpie de vaporisation expérimentale et en pointillé le même calcul mais en considérant une augmentation et une diminution de 10 kJ.mol-1 sur la valeur expérimentale.