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L’essentiel de mes travaux de thèse s’est appuyé sur le schéma d’aérosol organique secondaire (AOS) de CHIMERE. Ils ont consisté à le développer afin de représenter et tester de nouveaux processus de formation et d’évolution de l’aérosol organique, processus utiles pour mieux représenter le devenir des panaches gazeux et particulaires dans l’atmosphère. C’est pourquoi je présente ici en détails les principes de ce schéma, et discuterai par la suite les forces, faiblesses et possibilités d’évolution de la représentation de l’AOS dans de tels schémas.

Dans CHIMERE, la distribution en taille des aérosols se fait sur 8 classes couvrant des diamètres allant de 40 nm à 10 µm (bornes supérieures : 0.040 ; 0.078 ; 0.156; 0.312 ; 0.625 ; 1.25 ; 2.5 ; 5 ; 10µm). Il est à noter que CHIMERE (v2014b) intègre maintenant 10 classes de tailles allant de 40 nm à 40 µm, mais les plus grandes classes (bornes supérieures 20 et 40 µm) sont essentiellement dédiées à l’étude du transport des poussières désertiques.

A partir de cette distribution en taille le modèle intègre les différents processus liés à l’évolution de l’aérosol : la nucléation, la coagulation et l’absorption. Actuellement aucune paramétrisation ne permet d’inclure dans les CTM la nucléation des espèces organiques. Seul le processus de nucléation de l’acide sulfurique est implémenté selon la paramétrisation de Kulmala et al., (1998). Le flux de formation de ces aérosols est orienté vers la plus petite classe de taille de l’aérosol. La coagulation est calculée selon la théorie de Gelbard and Seinfeld (1980). Le transfert d’une classe de taille à une autre est régie par les concentrations respectives dans chacune des deux classes de tailles et par des coefficients de coagulation dépendant de la classe de taille considérée, des caractéristiques des particules ainsi que des paramètres météorologiques (température, turbulence et pression). Comme

39 la condensation est très majoritairement dominée par l’absorption, le transfert de masse entre les phases gazeuse et particulaire est représenté dans CHIMERE par la théorie du partage de Pankow. Dans la version standard de CHIMERE, tous les aérosols primaires sont considérés comme inertes chimiquement et non-volatils, ce qui assure leur persistance au sein de la phase condensée. Les équilibres thermodynamiques dictant la formation des aérosols inorganiques secondaires (nitrate, ammonium, sulfate) sont déterminés par le modèle ISORROPIA (Nenes et al., 1998) pour une température et une humidité relative données. Ce modèle considère les espèces suivantes:

- Phase gazeuse: NH3, HNO3, HCl, H2O.

- Phase aqueuse: NH4+, Na+, H+, Cl-, NO3-, SO42-, HSO4-, OH-, H2O, HNO3(aq), HCl(aq), NH3(aq),

H2SO4(aq)

- Phase solide: (NH4)2SO4, NH4HSO4, (NH4)3H(SO4)2, NH4NO3, NH4Cl, NaCl, NaNO3, NaHSO4,

Na2SO4.

Les aérosols inorganiques peuvent constituer un mélange d’espèces aqueuses et solides. La transition entre la phase aqueuse et solide est résolue en calculant l’humidité relative de déliquescence. Une version tabulée présentant les valeurs des constantes de partages pour des températures allant de 260 à 312K, pour des humidités relatives variant de 0.30 à 0.99 et pour des concentrations de 0.01 à 65 µg.m-3 a été mise en place afin de réduire le temps de calcul de CHIMERE.

Dans CHIMERE, la formation des aérosols organiques secondaires est régie par un modèle moléculaire (Pun et al., 2006). L’oxydation des COV biogéniques et anthropiques avec OH, O3 et NO3

y est représentée par une étape unique d’oxydation, aboutissant à la formation d’espèces modèles partiellement volatils (SVOC). Ces espèces modèles sont regroupées selon leur affinité avec la phase aqueuse (ou organique), la dissociation des acides et leur pression de vapeur saturante. Les SVOC hydrophiles (forte affinité avec l’eau) se dissolvent au sein de la phase aqueuse des aérosols tandis que les SVOC hydrophobes (faible affinité avec l’eau) vont s’absorber au sein de la phase organique. La dissolution des composés hydrophiles est gouvernée par la loi de Henry tandis que l’absorption des composés hydrophobes est régie par la loi de Raoult. Tous les SVOC alors formés sont considérés comme étant inertes chimiquement. Cinq précurseurs gazeux biogéniques (API, BPI, LIM, OCI et ISO) et trois précurseurs anthropiques (TOL, TMB, NC4H10) issus du mécanisme chimique MELCHIOR prennent part à la formation d’AOS dans CHIMERE. La correspondance de ces espèces modèles est donnée dans le Tableau II-2.

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Tableau II-2 - Correspondance entre les espèces modèles précurseurs d’AOS dans CHIMERE et les espèces chimiques réelles.

Espèces modèles Principaux constituants

NC4H10 Alcanes de 4 à 13 atomes de carbone

TOL Toluène, Benzène et autres composés aromatiques monosubstitués

TMB Tri-methylbenzène et autres composés aromatiques polysubstitués

API α-pinène, sabinène

BPI β-pinène, δ3-carène

LIM Limonène

OCI Ocimène et myrcène

ISO Isoprène

Le Tableau II-3 présente l’intégralité du schéma chimique pour la formation d’AOS dans la version la plus récente du modèle CHIMERE (v2014b). La nomenclature des SVOC est établie de la manière suivante :

- les préfixes « An » et « Bi » caractérisent respectivement l’origine anthropique et biogénique des composés.

- Les suffixes « A1D » et « A2D » représentent respectivement des composés hydrophiles monoacide et diacide tandis que « A0D » est un composé hydrophile non dissociatif.

- Les suffixes « BlP », « BmP » sont associés aux composés hydrophobes dont le premier définit des espèces de faible volatilité et le second des espèces présentant des volatilités intermédiaires.

- Enfin la formation d’AOS à partir de l’isoprène conduit à la formation de deux SVOC hydrophiles dont les rendements suivent la formulation établie par Kroll et al., (2006) et Zhang et al., (2007).

Cependant, la formation d’AOS à partir de l’isoprène dans CHIMERE peut-être aujourd’hui sujette à discussion. En effet, pendant longtemps l’isoprène a été considéré comme un précurseur ne contribuant pas significativement à la formation d’AOS en raison de la forte volatilité de ses produits d’oxydation de première génération tels que la méthacroléine (MACR) et la méthyle vinyle cétone (MVK). Ainsi la formation des AOS à partir de l’isoprène dans les CTM n’était pas représentée. Toutefois des campagnes de terrain ont mis en évidence la présence de composés en phase particulaire présentant un squelette carboné semblable à celui de l’isoprène comme les tétrols (Claeys et al., 2004 ; Edney et al., 2005). A partir de ces observations, des études en chambre de simulation ont pu confirmer la formation significative d’AOS à partir de l’isoprène, aboutissant à la paramétrisation actuellement utilisée dans le modèle CHIMERE (Kroll et al., 2006 ; Zhang et al., 2007; Carlton et al., 2009). Par la suite, les produits d’oxydation de l’isoprène, et surtout de la MACR et de la MVK, conduisant à la formation d’AOS, ont pu être identifiés (Surratt et al., 2006 ; Kleindienst et al., 2009). Ces composés présentent une forte affinité avec la phase aqueuse de l’aérosol. Par conséquent, ils pourraient fortement accroître la formation d’AOS en présence d’une humidité relative significative dans l’atmosphère. Toutefois cette paramétrisation étant antérieure à ces travaux une réévaluation du schéma de l’isoprène doit être envisagée.

41 Les caractéristiques (concentration saturante et masse molaire) nécessaires au partage des composés entre les phases gazeuse et condensées des SVOC, et celles constituant le schéma chimique d’AOS de CHIMERE, sont présentées dans les Tableau II-3 et Tableau II-4.

Tableau II-3 Schéma chimique gazeux pour la formation d’AOS dans CHIMERE. Extrait de la documentation du modèle CHIMERE (www.lmd.polytechnique.fr/chimere)

Tableau II-4 – Concentrations saturantes et masse molaire des SVOC aboutissant à la formation d’AOS.

Espèces modèles C*(µg.m-3) à 298K Masse Molaire (g.mol-1) AnA0D 10 142 AnA1D 10 168 AnA2D 10 186 AnBlP 0.03 167 AnBmP 150 152 BiA0D 10 168 BiA1D 10 170 BiA2D 10 186 BiBmP 41 236 ISOPA1 260 177 ISOPA2 1.5 177

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II / 3. Modélisation de l’aérosol organique dans les CTM