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Les sociétés insulaires de l’Iroise dans le passé : des communautés au mode de vie modeste

2.2.2. Utilisation des ressources halieutiques : la pêche en mer.

Une activité marginale pour l’île d’Ouessant

À Ouessant, la pêche n’a jamais représenté un secteur professionnel majeur, contrairement à la plupart des îles de l’Atlantique et de la Manche qui ont connu de grandes périodes de pêche à un moment de leur histoire. La principale raison tient à la disposition géographique de l’île, qui n’offre que peu d’abris pour les navires (cf. planche paysagère Ouessant). À l’est, l’anse du Stiff n’est pas protégée des vents de nord, même si la construction d’une digue en 1986 a permis d’améliorer la situation d’abri, pour un nombre de navires restreints, car le port est petit. À l’ouest, la baie de Lampaul peut abriter des navires par vent de nord ou de nord-est, mais le mouillage est assailli par les houles quand les vents d’ouest, de sud ou de sud-ouest viennent à forcer. Au fond de la baie, le port d’échouage ne permet d’accueillir que des petits navires à faible tirant d’eau. En l’absence d’abri sûr, tous les bateaux devaient être remontés à terre pendant l’hiver, afin de limiter les dégâts sur le matériel (Guillemet, 1999; Malgorn, 1973), ils devaient donc être nécessairement, de faible tonnage.

Par ailleurs, la navigation aux alentours de l’île est particulièrement dangereuse : bordée de forts courants, la côte à falaise et à écueils est entourée de rochers affleurants et de hauts-fonds. L’île est très exposée aux houles du large. Les principaux lieux de pêche, les parages de la Jument, le passage du Fromveur et la chaussée de Keller sont réputés pour les nombreux naufrages qu’ils ont occasionnés. Ces deux principaux facteurs — le manque d’abri et une mer dangereuse — auxquels s’ajoutent l’éloignement au continent et la perte de rentabilité qui en découle, expliquent que les hommes d’Ouessant se soient tournés vers la marine, militaire ou de commerce. Le Maire d’Ouessant en témoigne en 1962 : « Aujourd’hui les ¾ des hommes sont marins de commerce. Il n’est guère facile de faire autre chose à Ouessant que de la marine, de commerce ou d’état, parce que nous ne pouvons pas envisager de faire ici du commerce ou de l’industrie. »21.

La pratique de la petite pêche côtière embarquée s’est donc limitée à une pêche vivrière22. Elle était pratiquée par les hommes trop vieux ou

21 Reportage INA, 1962, « Ouessant, le travail des habitants de l’île », JT 20h, 16 min 22 Plus tard, il sera fait mention de l’existence de sécheries à poisson artisanales

développées par des Basques sur Ouessant. Nous n’avons pas trouvé d’information concernant leur approvisionnement, sur leurs propres navires ou auprès des ouessantins.

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inaptes à la marine. Ils embarquaient sur des petits sloops, embarcations à voile en bois, pour pêcher à la ligne, lieux, congres, vieilles, roussettes, soles, limandes et raies (Burel, 1984; Guillemet, 1999). Les congres, raies et lieus étaient vidés, écorchés et placés dans du sel pendant deux jours (sel importé du Croisic), ensuite suspendus sur les façades des maisons pour être séchés au soleil (Péron, 2005), enfin entreposés dans les bancs- coffres23 où ils constituaient une réserve pour l’hiver.

Une activité structurante dans l’histoire des îles de Sein et Molène

Contrairement à Ouessant, Molène et Sein ont des ports relativement abrités, qui permettent de protéger les navires des gros temps en hiver (cf. planches paysagères). Du fait de la configuration géographique de ces îles — de superficie réduite, proche de zones poissonneuses, bien que dangereuses — et par atavisme, il n’y avait pas d’autre choix que celui d’exercer le métier de pêcheur.

Plusieurs archives, notamment collectées par le travail d’Isabelle Leblic sur l’archipel de Molène, décrivent les pratiques de pêche comme l’activité économique dominante depuis le 13ème siècle (Leblic, 2007) et

ce jusque dans les années 1950. Ainsi l’économie des petites îles de l’Iroise était totalement dépendante de cette activité. Si l’île de Molène comptait quelques agriculteurs et marins de commerce au début du 19ème

siècle, les hommes actifs étaient tous pêcheurs à la fin de ce même siècle (Leblic, 2007). De même à l’île de Sein, une lettre du curé de « l’île des saints » informe le contrôleur général des finances en 1724 que « les habitants sont tous pêcheurs : on n’y voit ni marchand ni artisans, on n’y fait aucun commerce : les habitants ne sortent qu’à la Saint-Michel, pour vendre leurs poissons secs et faire leurs provisions, et, pendant le carême, ils vont vendre à Brest du poisson frais » (Bataillard, 2013). De passage à l’île de Sein en 1892, Henry de Reigner écrivait : « Tout le monde est marin dans l’île de Sein ; un homme qui refusa de naviguer fut par le maire, porté comme fou : on ne l’inquiéta pas. Le Sénan a longtemps montré une défiance teintée de mépris pour quiconque pratiquait un autre métier que celui de marin pêcheur » (Salaün, 1997). Les pêcheurs molénais et sénans se définissent comme des pêcheurs de crustacés : de homards et de langoustes (Leblic, 2007). Il n’en a pas toujours été ainsi, les espèces ciblées et les techniques utilisées ont évolué au cours des siècles. Ce n’est qu’au cours du 19ème siècle que les

pêcheurs de ces îles se sont spécialisés dans la capture des homards et langoustes. Les araignées et tourteaux étaient capturés, mais rejetés et n’ont fait l’objet d’un ciblage au casier et filet, qu’à partir des années 1950, quand la ressource en langouste et homards a diminué (Guillemet, 1999; Leblic, 2007; Salaün, 1997). Au 18ème siècle, les espèces pêchées étaient le

lieu et le congre, les deux espèces les plus abondantes, ainsi que des

23 Les bancs-coffres sont des bancs en bois ornementés qui servaient à entreposer de la

nourriture. En Bretagne, ils allaient de pair avec les lits clos, qui étaient généralement le seul mobilier d’une maison constituée d’une pièce au sol de terre battue : la famille, rentrée dans le lit clos, fermait les portes pour conserver la chaleur.

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juliennes et des lingues, elles étaient pêchées à la ligne et à la palangre, d’avril à septembre (Guillemet, 1999; Leblic, 2007; Salaün, 1997). Cette pêche était pour une part, conservée comme cela a été décrit pour Ouessant, comme denrée alimentaire pour les familles. D’autre part elle trouvait un débouché à travers l’exportation des poissons vers l’Espagne, commerce important sur les îles de Molène et Sein nous allons le voir.

Les stratégies de valorisation aux différentes époques pour composer avec la distance au point de vente

La chaussée de Sein, la fosse d’Ouessant, les alentours de l’archipel de Molène sont des zones poissonneuses : nous avons présenté chacun de ces environnements section (2.1.3). Pour les pêcheurs de ces îles, la proximité de ces zones est un atout, même si la navigation y est complexe. À l’époque de la navigation à voile, les pêcheurs continentaux avaient moins accès à ces zones éloignées de leurs ports, ce qui conférait aux pêcheurs des îles une certaine exclusivité sur ces espaces. Mais à l’inverse des pêcheurs continentaux, la principale contrainte à laquelle les pêcheurs des îles se trouvent confrontés est l’acheminement des produits de leur pêche jusqu’aux points de vente (Brest ou Audierne), dans la perspective de commercer. Au cours de l’histoire, différentes stratégies ont été mises en place, elles diffèrent en fonction des espèces ciblées. Une première stratégie est de sécher le poisson pour faciliter sa conservation et son transport. Il semble que sur Ouessant, de petites industries artisanales de sécheries à poisson aient été développées entre le 13ème et le 19ème siècle (Binet, 1999), par des marchands basques

notamment, installés en Bretagne pour organiser un commerce vers l’Espagne (Péron, 2005). D’abord installés au Conquet où ils disposaient de terrains pour le séchage, il est indiqué qu’une cohabitation conflictuelle avec les locaux (notamment liée à leur alliance avec les Anglais au moment de guerres au 14ème siècle) les amena à s’installer à

Ouessant, où ils parvinrent à développer leur activité malgré les oppositions locales (Péron, 2005). Les sécheries sur Ouessant sont mentionnées dans les archives jusqu’au 19ème siècle (Binet, 1999; Leblic,

2007), mais nous disposons de peu d’information concernant les modalités de cette pêche commerciale sur Ouessant.

Le même commerce est décrit par un inspecteur des pêches (François Le Masson du Parc) en 1726 sur l’île de Molène : « Les habitants de l’île de Molène ont quatre bateaux pêcheurs qui servent hiver et été. Ils font avec quatre ou cinq hommes d’équipage les mêmes pêches que ceux d’Ouessant. Ils préparent du congre, du lieu, des grandes raies. Quand la pêche donnait, on portait le poisson sec à Brest et à Landerneau où il était chargé pour Bordeaux, d’où il passait en Catalogne et à la côte d’Espagne » (Leblic, 2007). Il précise que les pêcheurs molénais ne pratiquent que la ligne pour ces poissons qu’ils sèchent (Péron, 2005). À propos de l’île de Sein, il décrit que « 20 000 lieus séchés sont envoyés à Bordeaux chaque année, et ceux-ci sont préparés en grande partie à l’île de Sein » (Binet, 1999).

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L’initiative de ce commerce de poisson séché est extérieure aux îles : il semble que ce soit une commerçante de Grandville, Thérèse Lamort, qui ait apporté la pratique de salaison du poisson sur l’île de Sein (Anonyme, 1972). Le blocus anglais empêchant les pêcheurs granvillais de partir pour la morue, elle aurait installé son activité de séchage de lieus sur l’île de Sein en 1801, pour exporter son poisson salé et séché ainsi que de l’huile vers la région de Caen (Anonyme, 1972). Comme elle, plusieurs femmes granvillaises auraient installé leur négoce à différents endroits de la côte bretonne. Une certaine Mme Bouillon, au départ associée à Thérèse Lamort, serait à l’origine de l’installation d’une sécherie sur l’île de Molène (Anonyme, 1972). La petite industrie semble avoir rencontré des difficultés au départ, et pour finir un certain succès qui la conduisit à ouvrir un second établissement à « Port-Salé »24 où elle se fournissait

auprès de 30 à 40 bateaux de pêcheurs. Les sécheries à Sein auraient perduré jusqu’au début du 20ème puisqu’en 1902, le Dr Boy décrit la

méthode de séchage et estime les volumes commercialisés : « Il a été exporté de l’île 8 tonnes environ l’an passé ; cette année-ci la pêche a été faite par plus de 20 bateaux, et l’on peut en estimer la production à 12 tonnes de poisson séché ayant laissé entre les mains des pêcheurs un profit de 14 000 francs25 »

(Bataillard, 2013).

La fin de cet épisode des sécheries est liée à la réapparition du commerce de la morue. À la fin du 19ème siècle, c’est la période des grandes

expéditions vers les bancs de Terre-Neuve pour la pêche à la morue. Face à la concurrence de cette nouvelle espèce présente en abondance sur les marchés français, espagnols et portugais, les sécheries auraient vu leur rentabilité diminuer, et ont disparu (Anonyme, 1972). Faisant l’objet d’une surexploitation à cette époque, les stocks de morue ont été pratiquement épuisés et peinent encore à se reconstituer (Chauveau, 2015). En l’absence de cette concurrence, des sécheries auraient pu réapparaître, mais l’initiative de ce commerce ne semble pas avoir été réappropriée par les insulaires. Au cours de nos enquêtes nous avons sondé cette possibilité de transformation, nous y reviendrons alors au Chapitre III section (3.1.3) qui évoque les stratégies de valorisation actuelles.

24 Il pourrait s’agir de l’ancienne écriture ou d’une déformation du nom de la commune

de Portsall, Finistère.

25 Exprimé en anciens francs

Figure 37 : île de Sein, les sécheries de congre sur la grève. Carte postale ancienne. « Le poisson préalablement vidé est ouvert par de profondes incisions

longitudinales disposant sa chair sur une borne plate. Ils sont ensuite séchés à l’air et expédiés en totalité en Espagne où ils sont très estimés. Le poisson en séchant perd un peu plus de deux tiers de son poids. » Source : M.Bataillard, 2013.

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C’est au cours de ce 19ème siècle que les pêcheurs insulaires se sont

spécialisés dans la technique du casier pour la capture des crustacés. Cette spécialisation est liée d’une part, à l’ouverture de nouveaux marchés : la Révolution industrielle a pour corolaire la croissance des grandes villes et l’extension des lignes de chemin de fer jusqu’aux régions périphériques, facilitant ainsi l’export (Brigand, 2002). D’autre part, les prix des crustacés connaissent une augmentation sur ces marchés constitués d’une clientèle dont le pouvoir d’achat grandit. La pêche au départ des îles à partir du 19ème siècle se concentre sur les langoustes et

homards, qui se vendent à bon prix. Les tourteaux ou « dormeurs » sont aussi capturés dans les casiers, mais ils se conservent mal dans les viviers : ils servent donc à la consommation locale (Meynier, 1950) au même titre que les congres qui rentrent souvent dans les casiers.

La technique utilisée au 19ème est celle du casier à orin : longe reliant le

casier posé au fond, aux bouées de surface qui sont en verre ou en liège. Mouillés individuellement ou par deux, ils sont relevés manuellement par les pêcheurs26. Les casiers étaient fabriqués artisanalement, en osier puis

en bois : chaque pêcheur fabriquait ses casiers, les matelots devaient apporter leur part à bord (huit casiers pour pouvoir embarquer) (Leblic, 2007).

La pêche se pratiquait sur des chaloupes, non pontées au départ, gréées avec deux mats, puis gréées en sloop, et plus tard en cotres (Salaün, 1997). Les chaloupes sont creuses au départ, puis une innovation (période après-guerre) va consister à ponter les bateaux (à les équiper d’un pont et d’une passerelle), améliorant ainsi la sécurité des marins. À l’époque de la navigation à voile les bateaux étaient assez grands, ce qui permettait d’embarquer un équipage constitué du patron-propriétaire du navire, deux ou trois équipiers et le mousse, chargé de la pêche des appâts (Meynier, 1950; Richard, 1953).

26 Reportage INA, 1967, L’île Molène en Bretagne, émission Villes et Villages, ORTF,

33 min

Figure 38 : Navires gréés en sloop, devant l'île de Sein dont on aperçoit l'Eglise. Source : Musée de l'abri du marin, île de Sein.

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Jusqu’aux années 1950, la navigation pour se rendre sur les lieux de pêche se faisait sans les moyens automatisés de repérage que l’on connaît aujourd’hui, radars, GPS. La pêche se faisait sans sondeur, et sans technique de repérage des fonds et des bancs de poissons. Les professionnels avaient donc une connaissance empirique, très fine, de leur environnement. C’est à travers le sens de l’observation qu’ils développaient une capacité à « sentir » la pêche et la transmission de ce savoir était plus visuelle qu’orale (Jorion, 1983). Un pêcheur témoigne de cette époque sans instruments : « [Je me souviens] de mon père, par brume épaisse, d’un remous à un autre, il me disait “bon allez tel remous là, ça va être une accalmie ! Donc prochain remous, on devrait trouver les bouées ! Regardes bien regardes bien !”, tu avais quoi, 15-20 mètres de visibilité, et puis paf on trouvait la bouée ! Ou alors je me suis vu aussi, par brume épaisse, aller attendre près du phare d’Ar-Men… on se dirigeait avec la corne à brume, alors tu prenais avec ton compas, tu regardais d’où venais le son, cap comme ça, et puis tout d’un coup dans la brume tu voyais un gros truc devant toi ! C’était le phare d’Ar Men. Donc tu avais ton repère et puis tu attendais là, tu discutais avec les gardiens ! Et tu attendais parce que pour trouver tes bouées c’était pas facile par brume épaisse ». La pêche au départ des îles se pratiquait dans les lieux que nous avons décrits section (2.1.3) comme particulièrement favorables à la faune sous-marine de crustacés et de poissons : depuis l’île Molène, autour des nombreux îlots de l’archipel, aux environs de la Jument, dans le passage du Fromveur et les parages d’Ouessant, zone laissée libre par les Ouessantins partis à la marine. Au départ de l’île de Sein, dans la chaussée de Sein, les dunes sous-marines de Kafarnao, et les hauts fonds rocheux tels que Tevennec. Les pêcheurs insulaires ont aiguisé leur connaissance de ces zones, des savoirs et des techniques particulières qui fonctionnent au sein de ces environnements, par des savoirs transmis de père en fils. En particulier, de leurs dires, les pêcheurs des îles ont acquis la capacité d’aller « chercher la roche », c’est-à-dire de travailler au-dessus de zones rocheuses, naviguant très près des rochers et écueils affleurants dans la chaussée et le plateau de Molène, tandis que les pêcheurs continentaux travaillaient plus « sur la longueur », c’est-à-dire avec des casiers à filières, déposés sur des fonds plus au large des îles (source : entretiens pêcheurs insulaires).

Figure 39 : Marins pêcheurs de l’île de Sein

approvisionnant leur vivier. Source : Image extraite du film « Finis Terrée » de Roger Dufour, 1957, 28 min.

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Sur l’île de Sein, les pêcheurs stockaient dans leurs propres viviers et commercialisaient eux-mêmes leur pêche sur le continent, à Audierne ou à Brest. Plusieurs sortes de viviers servaient à la conservation des prises. Des viviers communs, en bois, étaient amarrés dans le port et ramenés à quai au retour de pêche (Dufour, 1957). D’autres sortes de viviers étaient amarrés de chaque côté du navire de pêche et constituaient des viviers « hors-bord », trainés par le bateau en navigation. Puis furent développés des modèles de bateau intégrant des viviers « in bord » : ils freinaient moins le bateau et constituaient un lest liquide qui stabilisait le navire (Nicolas, 2013). Ce type de bateau (Figure 40), dit camarétois, construit à Camaret à partir de 1870, est apparu à Molène en 1914 et ne fut généralisé qu’après la Seconde Guerre. Une fois commercialisé, le système de rémunération était « à la part » : tout le monde participait aux frais d’appât, à l’achat des casiers, plus tard aux frais de gasoil et de moteur ; puis chaque membre recevait une part, et le patron une part de plus pour l’armement et son entretien.

Malgré le ciblage d’espèces bien valorisées que sont le homard et la langouste, les insulaires ne se sont pas — ou pas tous — enrichis grâce à cette exploitation. Il est mentionné que sur l’île de Molène au 19ème siècle, la majorité des navires étaient la propriété d’armateurs qui cumulaient plusieurs fonctions sur l’île (Leblic, 2007). Originaires du continent, ces négociants-armateurs finançaient d’une part l’achat des navires et employaient leurs matelots sur l’île. Ils étaient également mareyeurs, assurant l’intermédiaire entre les pêcheurs et les mareyeurs du continent (du Conquet et de l’aber Wrac’h) (Meynier, 1950). Ensuite leur activité commerçante leur permettait la pratique du « livret » : l’hiver lorsque les ressources venaient à manquer pour les familles de pêcheurs, ceux-ci contractaient des dettes auprès des commerçants-armateurs (qui étaient consignées dans un livret), et devaient les rembourser grâce aux recettes de l’été. Celles-ci étant bien souvent plus maigres que prévu, ils cédaient alors un lopin de terre et c’est ainsi que les commerçants armateurs sont également devenus d’importants propriétaires terriens sur l’île (Leblic, 2007). Certains d’entre eux étant placés au conseil municipal, pouvoir politique et économique se mêlaient alors (source :