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L’utilisation des ressources de l’estran et de la terre par les sociétés insulaires

Les sociétés insulaires de l’Iroise dans le passé : des communautés au mode de vie modeste

2.2.1. L’utilisation des ressources de l’estran et de la terre par les sociétés insulaires

Dès le Néolithique par les sociétés protohistoriques

L’occupation humaine des îles et des îlots est attestée à partir du Néolithique (Stéphan et al., 2011; Pailler et al., 2011, 2004; Le Carguet, 1897), un âge qui correspond aux débuts de l’agriculture. De nombreux menhirs, dolmens, cromlec’h (cercles de pierres levées), chambres dolméniques, tertres et formes de sarcophages en pierres ont été inventoriés sur Ouessant, Molène, Quéménès et leurs Ledenez, ainsi que sur Trielen et Beniguet (Du Châtelier, 1902). Quelques structures domestiques de cette époque ainsi que des dépôts coquillers ont aussi été fouillés, mais la quantité et la concentration de monuments funéraires est telle que l’hypothèse a été émise que les îles n’étaient que des « îles pour les morts » (Du Châtelier, 1902), des sites funéraires fréquentés occasionnellement par les populations continentales pour venir y accomplir des rites et enterrer leurs morts. Des recherches archéologiques ont montré que les îles et îlots ont bien été habités au cours de cet âge. Ainsi, l’analyse des dépôts coquillers révèle une utilisation des coquillages quasi quotidienne, à des fins alimentaires, sur Ouessant, Balanec, Molène, le Ledenez Vihan de Quéménès, Trielen et Béniguet (Cailleux, 1950). Les traces découvertes révèlent une prédominance de la patelle dans ces dépôts, utilisée pour l’alimentation, mais aussi comme parure, Molène aurait ainsi été un important site de production de parure à des fins d’échange avec le continent (Cailleux, 1950).

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La fouille du site de Beg Ar Loued sur Molène a révélé les plus anciennes traces en Iroise d’une activité d’élevage en milieu littoral (Pailler et al., 2004) : élevage de bœufs, de moutons, de chèvres et de porcs. Les restes analysés témoignent du fait que les populations installées pratiquaient la culture de céréales et de légumes, ainsi qu’une activité de prédation tournée vers les phoques gris (déjà présents en Iroise à cette époque) et les oiseaux marins : goélands, cormorans, macareux moines et pingouins tordas. Les dépôts coquillers montrent une consommation importante de patelles et les restes d’une ichtyofaune variée(Stéphan et al., 2011). Les îlots de l’archipel ont eux aussi fait l’objet d’une occupation humaine importante. Rappelons qu’à cette époque l’estran était quatre fois plus étendu qu’aujourd’hui (Stéphan et al., 2011), le niveau marin se situant 5,5 mètres sous son niveau actuel. L’îlot de Béniguet ainsi que les îlots de Quéménès, Litiry et Morgol qui formaient alors un seul ensemble et ont été habités par une population relativement nombreuse dont la présence est révélée par des amas coquillers importants ainsi que des traces de pratiques agricoles, d’élevage et de céréaliculture (Stéphan et al., 2011). L’île de Trielen paraît, elle en revanche, avoir été utilisée comme un espace dédié aux morts, une « île nécropole ». Quant à Bannec et Balanec, il n’est pas fait mention d’une occupation particulièrement importante si ce n’est une fréquentation occasionnelle (Stéphan et al., 2011).

Les populations qui ont occupé les îles pendant la Protohistoire ont mis en place des structures complexes pour pêcher : la découverte et la datation de barrages de pêcheries datant du Mésolithique final et du Néolithique ancien sur Molène et Quéménès attestent de la présence d’une population exploitant les ressources halieutiques sur les îles et îlots de l’Iroise (Gandois & Stéphan, 2015). Les barrages de pêcheries sont des structures en pierre utilisant le système des marées pour retenir les poissons à marée basse. Un de ces barrages s’étend sur une longueur de plus de 400 mètres, et s’est conservé depuis plus de 7000 ans contre houles et courants, ce qui témoigne de l’extrême soin apporté à ces constructions solides par des populations nécessairement importantes en nombre (pour aligner des tonnes de pierres), organisées et parfaitement adaptées à leur environnement maritime (Gandois & Stéphan, 2015).

Sur l’île de Sein, il semble au contraire que la population néolithique soit demeurée dans un mode de vie plutôt rudimentaire. On trouve onze centres de population néolithique éparpillés par groupes ou familles sur toute l’étendue de l’île, vivant à l’abri des rochers et se nourrissant de coquillages et de petits animaux (Le Carguet, 1897).

L’histoire protohistorique des îles montre un apparent abandon des lieux à l’âge du Bronze (Stéphan et al., 2011). Cette diminution progressive de la population des îles se manifeste d’une part, par la taille de plus en plus petite des pêcheries au fur et à mesure que l’on remonte l’estran (les pêcheries sont un marqueur dans le temps de la remontée du niveau

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marin), d’autre part, par une diminution des traces archéologiques correspondant à cet âge du bronze pour l’archipel de Molène (Stéphan et al., 2011). Des éléments d’explication peuvent se trouver dans la détérioration du climat à l’échelle de l’ouest de l’Europe (baisse de l’activité solaire, refroidissement des eaux de surface, hausse des précipitations, hausse des tempêtes) (Stéphan et al., 2011). Sur l’île de Sein, il semble que l’interruption de l’occupation humaine se situe à l’époque gallo-romaine (Le Carguet, 1897), sans que l’on puisse dire si la même explication qui concerne l’archipel peut lui être appliquée. Le retour d’une population dans les temps modernes serait associé à l’arrivée de naufragés, de pêcheurs et de « coureurs de mer », pirates embusqués sur l’île dans des cabanes(Le Carguet, 1897).

L’utilisation des ressources de la terre et de l’estran à des fins alimentaires et domestiques dans l’histoire récente des îles

Jusqu’aux années 1960, l’agriculture sur les îles de l’Iroise était pratiquée par les femmes, pendant que les hommes étaient occupés à la pêche (ou à la marine au long court dans le cas d’Ouessant). Au sein des parcelles rendues minuscules par le morcellement de génération en génération (Meynier, 1950; Richard, 1953), la culture était pratiquée sur des buttes de terre longilignes, les sillons, qui sont encore visibles dans le paysage actuel et permettaient de favoriser l’écoulement des eaux de pluie, de délimiter les parcelles et d’étendre la surface cultivable (Brigand, 1984; Meynier, 1950). À la main, avec des bêches et des fourches, les femmes cultivaient des pommes de terre, des choux, et des céréales (orge et seigle) qui poussaient toutefois difficilement sur une terre peu profonde (Leblic, 2007; Richard, 1953). Sur Ouessant, l’élevage de moutons pour la laine était important, des vaches étaient également élevées pour leur lait sur les îles de Molène et Sein jusque dans les années 1960 (Dufour, 1957; Richard & Le Cunff, 1958). Même si toute la surface des îles était cultivée, l’agriculture ne constituait qu’un complément de subsistance : en comparaison du travail fourni, les récoltes demeuraient faibles et aléatoires, une tempête pouvant ravager en une fois le travail de plusieurs semaines.

Figure 30 : Les femmes cultivatrices battant le blé à gauche, ramassant le goémon épave à droite. Ici, sur l’île de Sein.

Source : S.Richard, L. Le Cunff, 1958.

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Les ressources de l’estran représentaient dans le quotidien des îliens un apport de nourriture non négligeable (Guillemet, 1999; Péron, 2005). Les femmes, les enfants ainsi que les hommes lorsqu’il faisait trop mauvais pour sortir en mer, allaient ramasser sur l’estran des coquillages, des « brinnik » ou patelles présents en abondance sur les rochers, moules et ormeaux dans les champs de blocs pendant les grandes marées, et pousse-pied sur les falaises. Il semble que les enfants pêchaient aussi à la ligne à partir de la côte : des lieus, des vieilles, des maquereaux, des petits congres (Guillemet, 1999; Péron, 2005). Ces espèces sont restées dans les habitudes alimentaires, ils constituent aujourd’hui des mets traditionnels des îles.

Les algues n’ont jamais constitué une ressource alimentaire sur les îles, mis à part l’algue rouge Chondrus Crispus, appelée « pioca » sur Ouessant, « petit goém’ » à Molène, et « lichon » sur l’île de Sein, qui était (et est toujours) utilisée pour ses propriétés gélifiantes dans la conception de flans (Arzel, 1987). Les algues servaient par contre à l’alimentation animale, pour les vaches en particulier. L’algue rouge Palmaria Palmata porte en breton le nom de Bijin Saout qui signifie goémon à vache. Les vaches se rendaient sur la plage pour brouter ces algues : on aménageait des chemins parmi les rochers pour ne pas qu’elles se cassent les pattes en glissant (Arzel, 1987). Les chevaux auraient également été nourris avec des algues de manière exceptionnelle, en situation de pénurie d’avoine et de fourrage pendant la guerre (1914-1918) (Arzel, 1987). Les algues étaient utilisées comme combustibles, en l’absence d’arbres sur les îles de l’Iroise (Arzel, 1987; Guillemet, 1999). Les stipes de laminaires en particulier, partie rigide qui constitue le pied des grandes algues brunes, ont la caractéristique de brûler longtemps. Ils étaient mis à sécher et mélangés à la bouse de vache : ce combustible appelé glaouad (en breton) était utilisé pour le chauffage et la cuisson des repas (Arzel, 1987).

Les « goémons épaves » et « de rives » servaient aussi d’engrais pour les cultures. Les goémons regroupent les espèces d’algues brunes de type Ascophylum et les différents types de Fucus17. Les goémons épaves sont

ceux qui ont été arrachés par la mer et déposés sur la grève, les goémons de rives, plus riches en iode et plus intéressants pour la fertilité de la terre, sont fixés sur les rochers et doivent être cueillis à marée basse. Leur ramassage était assuré par les femmes et les jeunes filles. En hiver, il s’agissait d’un travail laborieux : elles devaient être penchées vers le sol pour ramasser le goémon, elles portaient les paniers lourds d’algues sur leur tête jusqu’au haut de la grève, elles étaient trempées par l’eau de mer ruisselant des paniers. Il fallait ensuite faire sécher le goémon sur la grève alors divisée en parcelles délimitées par des pierres (délimitation souvent sujette à conflit).

17 Mais en fait, le terme « goémon » est utilisé dans le langage courant des populations

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Il semble que l’exploitation des algues pour ces différentes utilisations (combinées à l’utilisation commerciale que nous abordons ensuite) ait donné lieu à une certaine pression sur la ressource. Sur le reste du littoral atlantique, l’utilisation du goémon a été règlementée par une ordonnance de Colbert en 1681. Les îles ont été exemptées de ce règlement, en raison de leur utilisation permanente et en toute saison, du goémon pour la combustion (Guillemet, 1999) et en reconnaissance de la difficulté de la vie insulaire. Au début du 20ème siècle qui correspond à la période où

l’agriculture a été la plus intense sur Ouessant, les habitants se trouvant en concurrence pour l’exploitation des ressources en algues comme engrais, la municipalité aurait alors régulé le partage de la récolte et des emplacements sur la grève, par le biais de lots tirés au sort. La grève était même cadastrée pour l’organisation du séchage, et il semble que les parcelles de séchage avaient alors une plus grande valeur que les parcelles agricoles (Péron, 2005). Les familles les plus pauvres n’ayant pas de propriété officielle délimitaient leurs parcelles par des cercles de pierres encore visibles dans le paysage (Péron, 2005). Il est intéressant que les ressources soumises à une pression aient fait l’objet d’une organisation et d’une régulation par les habitants et par la municipalité à cette période.

Un dernier type de ressource exploité sur l’estran par le passé résulte des nombreux naufrages dont un grand nombre ont eu lieu avant la construction des phares au début du 19ème siècle : les échouages de

cargaisons de biens divers, bois, vêtements, vivres, matières premières, étaient récupérés par les habitants sur la grève (Epstein, 1988). Il était coutume de poser une pierre sur le bois flotté que l’on comptait venir rechercher plus tard sur la grève, la propriété en était ainsi affichée ; il semble que cette coutume soit encore parfois pratiquée (source : dires d’habitants).

Figure 31 : Sénanes portant des paniers remplis d'algues sur la route du phare, vers l’ouest de l’île qui était entièrement cultivé. A droite, on aperçoit les murets qui délimitaient les parcelles agricoles. A gauche, les goémons épave sur la grève. Non daté. Source : musée de l'abri du marin, île de Sein.

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Nous voyons que les ressources de la terre et de l’estran étaient largement utilisées par les populations locales à des fins vivrières et domestiques, en complément des ressources de la pêche en mer dont une partie seulement était destinée à la consommation personnelle : les familles ne conservaient pour leur propre alimentation que les espèces les moins valorisées à la vente. Le poisson était consommé frais, ou salé et séché puis conservé dans les bancs-coffres, constituant ainsi une réserve de protéines pour l’hiver, quand les sorties en mer se raréfient. Le poisson constituait une part essentielle de l’alimentation quotidienne : « Avalou douar an pesce sal » en breton, « le poisson salé sur les pommes de terre » constitue ainsi le repas séculaire des îles de l’Iroise en combinant les deux sources principales d’alimentation, la terre et la mer. Les anciens le racontent aujourd’hui : c’était, invariablement, le repas quotidien de leur enfance.

L’alimentation était donc majoritairement composée de ressources locales. Nous devons préciser que cette utilisation vivrière de toutes les ressources à disposition allait de pair avec des conditions de vie difficiles sur les îles de l’Iroise au cours des derniers siècles. Si le 18ème, puis les

19ème et 20ème siècles correspondent à des périodes d’apogée

démographique, ils ne semblent pas avoir été des périodes de prospérité ou d’apogée économiques pour les habitants. Concernant le 18ème siècle,

le recteur de Molène indique en 1774, dans une enquête sur la mendicité commandée par l’évêque du Léon : « [l’agriculture] ne fournit du blé à la plus grande partie des habitants que pour trois ou quatre mois de l’année. (…) Les gens les plus vigoureux de l’île ne vivant ordinairement que de la pêche ont mille peines à vivre par la cherté des denrées, et par le peu d’émoluments qu’ils retirent de leur pêche pour la difficulté d’aller à Brest dont ils sont éloignés de 9 à 10 lieues » (Leblic, 2010). Il semble qu’au cours des hivers du 18ème siècle lors de

périodes de famines, on retrouvait des monticules de valves de coquillages devant les maisons, qui constituaient dans ces moments de crise la seule nourriture des habitants (Bataillard, 2013).

Au début du 19ème siècle, l’espérance de vie moyenne relevée sur l’île de

Sein est de 35 ans, elle s’explique selon (Touzeau, 1981) par une alimentation peu variée, une hygiène de vie et des soins limités, ainsi que par le nombre important de marins emportés en mer. Des conditions de vie difficiles sont également mentionnées à Molène : la stérilité de la terre, le manque d’eau douce, l’alcoolisme et le manque d’hygiène (Meyer- Sablé, 2009). Le 19ème siècle connaît des épidémies de choléra qui

emportent une centaine d’habitants de l’île de Molène et de Sein : c’est suite à cette catastrophe sanitaire que les femmes portèrent sur l’île de Sein la coiffe noire, la djibilinenn, en signe de deuil (Richard & Le Cunff, 1958).

Le 20ème siècle n’est pas beaucoup plus clément pour les îles, les récoltes

sont médiocres au début du siècle et des tempêtes exceptionnelles rendent les terres infertiles pour plusieurs années. L’île réduite à la famine doit à plusieurs reprises être ravitaillée par les navires de l’État

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(Leblic, 2007; Meyer-Sablé, 2009). Sur d’autres territoires ruraux aux mêmes époques, les habitants vivaient modestement, mais ne souffraient pas de la faim, grâce à une agriculture fournissant les ressources nécessaires à l’autosubsistance : c’est le cas, par exemple, pour les territoires du Léon au nord du Finistère cultivé par des paysans maraîchers ou encore dans le bocage normand, terre d’élevage.

Dans les conditions économiques décrites ci-dessus et tenant compte de la configuration de l’environnement naturel décrit plus haut, la récolte des produits de la mer sur l’estran et la pratique agricole représentaient une source d’alimentation plus accessible (à pied) et plus régulière (toute l’année et quelles que soient les conditions météorologiques) que la pêche en mer. C’est ce qui explique que ces éléments naturels aient été considérés comme des ressources : en raison de leurs propriétés intrinsèquement nutritives, de la demande induite par les conditions géographiques et économiques des îles, de leur accessibilité et de l’état des techniques qui permettaient de les extraire, de les valoriser, de les transporter et de les stocker, enfin de les intégrer dans l’alimentation. C’est ce qui explique encore aujourd’hui nous le verrons, que ces éléments naturels soient considérés comme des ressources, et d’autres non.

L’utilisation des ressources de l’estran à des fins commerciales

Les cendres d’algues ont été commercialisées dans un premier temps comme amendement pour l’agriculture, dès le 17ème siècle. Il semble que

la demande ait été telle à cette époque que les quantités présentes ne suffisant plus à couvrir les besoins du marché, les Molénais mélangeaient de la terre à leurs cendres : il fallut une intervention préfectorale pour faire cesser le subterfuge (Arzel, 1987).

Un usage industriel apparaît au milieu du 17ème siècle à travers la

production de la soude : pouvant être extraite des algues brûlées, elle a d’abord été utilisée pour la fabrication du verre (dont les trois composants sont la soude, la silice et la chaux). Des manufactures se sont développées à Paris et en Normandie et ont été approvisionnées par les ressources en algues de tout le littoral breton et normand. L’exploitation du goémon de soude s’est alors développée sur les îles de Sein et Molène, mais pas à Ouessant, où il y a moins d’estran en raison de la configuration géographique de l’île exposée section (2.1.1). La récolte était assurée

Figure 32 : À gauche le brûlage de la soude, carte postale ancienne. Source : M. Bataillard, 2013.

À droite : un four à soude, Molène, 2018, Source : M. T.

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essentiellement par les femmes qui y trouvaient un moyen de diversifier les revenus de leurs foyers, tandis que le brûlage des algues semblait être, d’après plusieurs photographies, plutôt mixte. Comme à Ouessant pour le goémon engrais, des zones de ramassage et de séchage, les tachen, étaient délimitées et louées à la commune (Arzel 1987). La récolte était autorisée le jour, de l’extinction du phare le matin, à son allumage le soir. Les algues étaient mises à sécher et protégées de la pluie (car celle-ci les laverait de leur iode), puis brûlées pendant plusieurs heures dans les fours à soude, creusés dans le sol dans des endroits exposés aux vents (Figure 32). Les fours étaient approvisionnés, les feux entretenus, la matière en fusion vigoureusement brassée pendant plusieurs heures (Meyer-Sablé 2009). L’activité enfumait l’île entière jusqu’à ce que l’on puisse extraire un pain de soude de plusieurs dizaines de kilos, qui était pesé et transporté vers les usines du continent (Arzel, 1984; Leblic, 2007; Meyer-Sablé, 2009). Avec une tonne de goémon sec, on obtenait 50 kilos de soude (Meyer- Sablé, 2009), ce qui nous permet d’imaginer les quantités d’algues qu’il fallait ramasser, et de déduire que les revenus tirés de cette exploitation