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Utilisation de sources électroniques diverses

Dans le document « Le Grand Voyage » (Page 60-64)

dix ans (1997-2007) j’ai profité d’un abonnement à deux revues nautiques – Voiles et Voiliers et Loisirs Nautiques. Leur lecture a élargi mes connaissances du monde nautique et donné une perspective plus générale de l’économie qui le régit. J’ai pu y observer les effets de mode, l’évolution des mentalités, du matériel. Elles ont aussi contribué à ma culture nautique. Je ne m’en suis pas servie comme matériel direct, mais ces revues et leur influence sur les voyageurs mériteraient qu’on s’y intéresse. Cependant, jamais je n’ai trouvé une de ces revues citées comme référence dans aucun des blogs que j’ai lus.

 

     

Utilisation de sources électroniques diverses

     

Internet est sans aucun doute devenu une source incontournable d’information, un lieu d’acquisition et de partage de connaissances, accessible à une grande majorité.

C’est indiscutablement un médium offrant de nouvelles possibilités d’accès à l’information aussi dans le domaine scientifique. La croissante ubiquité du matériel de référence –revues en ligne, livres électroniques, accès aux bibliothèques universitaires– autorise une délocalisation du chercheur par rapport à ses sources de référence, ce qui était un avantage notoire dans mon cas, puisque travaillant dans deux lieux. De plus, l’objet de mon étude étant un matériel virtuel, j’ai opté pour l’utilisation systématique de sources électroniques lorsque celles-ci étaient disponibles.

Néanmoins, cette utilisation n’est pas sans soulever de questions quant à la validité de l’origine des informations utilisées. Pourtant, comme le montrent Leth et Thurén, les règlent qui régissent traditionnellement l’analyse de sources restent valables bien qu’elles ne soient pas toujours appliquées de la même façon. Ils soulignent que s’aventurer dans le bouillonnant chaos d’informations qu’est Internet demande à la fois plus de prudence et de sens critique, mais aussi une plus grande ouverture à de nouvelles compréhensions et la reconnaissance de l’incertitude. Il n’y a pas de « gardien » qui juge de la validité de l’information publiée, sur le réseau toutes les informations sont égales : le pire côtoie le meilleur. Un petit site créé avec peu de moyens concurrence celui d’une société qui investit de grosses sommes dans sa réalisation, ce qui n’est pas toujours gage de qualité (Leth & Thurén 2000). Car certains sites de particuliers sont extrêmement bien construits, sérieusement informés et mis à jour alors que des sites officiels peuvent manquer de contenu sérieux et ne pas être régulièrement révisés.

Que l’on surfe sur la Toile, dans une attitude de découverte et d’ouverture à

 

l’imprévu qui peut surgir à chaque clic de souris, ou que l’on effectue une recherche structurée par mots-clé, la quantité de sites proposés est énorme. La multitude des

 

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sources proposant l’information recherchée est souvent telle que nous faisons un choix arbitraire s’ajoutant au tri mécanique du serveur. Comme l’écrit Morton Wiener (Wiener 1998), il nous est impossible de tout vérifier : nous choisissons de considérer certaines sources comme convaincantes, aidés dans ce sens par les conventions et les traditions scientifiques.

Les sites universitaires, les versions en ligne des grandes encyclopédies, les revues scientifiques sous forme électronique ne posent pas plus de problèmes que des sources en format papier des bibliothèques. Par contre, le réseau donne aussi accès à des informations publiées sur les pages personnelles de scientifiques. Articles ou blogs, leurs auteurs s’expriment avec plus de liberté peut-être et plus de facilité que dans les médias conventionnels. De rapides recherches permettent de valider l’identité supposée de ces auteurs. Comment alors considérer les opinions qu’ils professent ?

En tant que folkloriste, je considère que les diverses opinions énoncées sur des sites personnels que ce soit par des spécialistes, des amateurs éclairés ou simplement des individus désireux de s’exprimer sur ces sujets, ont une valeur en tant qu’indicateurs de tendance. Ils permettent de dégager les courants de pensée et les points de vue divergents. À condition de le considérer avec une distance critique, ce matériel moins « orthodoxe » peut se montrer utile et révélateur de « l’air du temps » et ainsi élément de contextualisation. Ainsi, même Wikipédia, encyclopédie collective en ligne, me paraît digne d’être citée à condition de signifier que ce n’est pas en tant que source scientifiquement approuvée, mais en tant qu’outil diffusant des définitions et des explications qui seront lues par une multitude d’individus dont bon nombre se les approprieront (Westerman 2009). Wikipédia joue un rôle dans la diffusion de connaissances et d’opinion, qui même s’il est questionnable, n’en est pas moins concret (Levrel 2006).

   

4. L’expérience : Le Grand Voyage

 

Pénélope: On se met en question tout le temps dans des expériences comme ça. On ne

sait pas comment c’est… C’est comme avoir un enfant, c’est comme se marier, c’est

comme tous ces changements énormes.

Patricia: C’est une forme d’initiation pour toi?

 

Pénélope: Oui, pour moi c’était une épreuve pour me connaître un peu plus, pour

connaître le monde un peu plus. C’est un accéléré… On vit ça tous les jours, mais

pour moi le voyage, c’est un accéléré. On vit ça d’une façon plus intense. Avec des

bonheurs plus intenses et des malheurs plus intenses.

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Plusieurs fois au cours de leur interview, Pénélope et Ulysse utilisent le mot

 

« expérience » comme synonyme de voyage, une expérience qui marque ceux qui l’entreprennent.

Pénélope n’avait jamais navigué, la mer lui faisait un peu peur, pourtant elle n’a pas hésité à suivre Ulysse dans cette aventure. Elle lui a donné un sens personnel qui lui a permis de surmonter ses craintes et ses hésitations. Elle en a fait une initiation, une potentialité de développement, une épreuve qui précipite le processus de connaissance de soi. Elle place son Grand Voyage parmi les expériences significatives de sa vie telles le mariage, la maternité.

Oui, la grande croisière est une « sacrée expérience » ! Extrême même, pour la plupart de ceux qui l’entreprennent, étant donné l’investissement en temps et en argent qu’elle exige et les difficultés d’ordre pratique qu’elle comporte pour ceux qui ne sont pas des navigateurs chevronnés. C’est un défi qu’ils se sont lancé et au retour, leur voyage prend sa place dans leur histoire de vie auprès des faits marquants de leur existence.

Cet engouement se place dans le contexte plus large de la quête identitaire actuelle. Celle-ci se caractérise, selon Kaufmann, par une prise de distance de l’individu par rapport aux rôles sociaux traditionnels, considérés comme trop rigides. Sujet, il recherche l’autonomie et adhère plus volontiers à des rôles souples et changeants qui ne le socialisent que pour des durées brèves. Il aborde la vie comme un terrain

   

 

1 Toutes les citations d’Ulysse et Pénélope sont extraites d’une seule interview: je ne la référencerai plus pas par une note de bas de page.

 

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d’expérimentation qui lui permet d’essayer diverses façons d’être au monde afin de s’inventer une identité. Poursuivant la quête de son essence personnelle, il expérimente, multiplie les rôles refusant ceux qui lui sont imposés, se cherchant alors qu’en fait il se construit. Pour chaque nouveau rôle, il se choisit une image de soi, une identité1. L’ensemble de ces images, de ces identités créent autour de l’individu une enveloppe qui lui donne ne serait-ce qu’un instant l’impression d’être unifié (Kaufmann 2001/2004, 2004). En multipliant les expériences, il élargit cette enveloppe, la rend plus vaste. Roger D. Abrahams souligne lui aussi la place centrale qu’occupent les expériences personnelles dans la construction identitaire. Dans la culture occidentale, écrit-il, l’expérience est arrivée à avoir une valeur en soi. Grâce à elle, l’individu essaie d’atteindre son rêve d’unicité, même si celle-ci n’est qu’une illusion. Car ses expériences ne sont jamais aussi uniques, aussi originales qu’il l’espère. C’est dans un répertoire collectif qu’il trouve l’inspiration. Individualiste, il se sent responsable de son propre développement. Ainsi il cherche sans cesse à vivre de nouvelles expériences, à poser des faits et gestes significatifs qui mettent son existence en valeur et lui donnent un sentiment de réalisation personnelle (Abrahams 1986). Cependant, la plus grande découverte de l’anthrolopogie d’expérience, comme la voit Abrahams, n’est pas que chacun fait des expériences qui sont uniques et typiques, mais surtout que chacun semble être capable de les organiser de telle manière qu’elles puissent être partagées. Or, ce partage prend le plus souvent la forme de narratifs. Le récit permet à l’expérience d’exister dans le temps (Ricœur 1983) et dans l’espace, car pouvons-nous nous penser sans nous situer quelque part ?

 

 

Ce chapitre sera concentré sur l’expérience vécue par les navigateurs. Puisque celle- ci forme la base concrète des blogs qui la relatent, il est indispensable de tenter de l’approcher au plus près pour comprendre les relations qui la lient à sa mise en narration ainsi que l’intérêt que cette dernière présente pour l’industrie touristique.

Dans un premier temps, il me paraît important d’introduire théoriquement ce que j’entends par la notion d’expérience qui, à l’instar de nombreux concepts à la mode, devient vague à force d’être utilisée dans des contextes les plus divers. Ensuite, dans une petite ethnographie du Grand Voyage, je tente de décrire au plus près le vécu des plaisanciers au long cours. Bien sûr, comme je le traiterai au chapitre 5, le Grand Voyage, au même titre que toute expérience, n’est approchable que par le récit : jamais on ne peut en atteindre l’essence. En conséquence, il me paraît important de croiser différents types de témoignages afin de multiplier les perspectives et d’ainsi mieux cerner le sujet. Pour ce faire, je ne me limite donc pas au matériel que me fournissent les

   

 

1 Kaufmann accepte la proximité des deux termes, tout en ne limitant pas l’identité à l’image de soi qui n’en représente qu’un aspect.

 

blogs : je confronte celui-ci au récit oral du couple que j’ai interrogé, à des extraits de forum de passionnés de voile, à deux thèses concernant ceux qui choisissent le voilier comme style de vie et enfin à mon expérience personnelle de la vie à bord.

Dans un troisième temps, j’examine le Grand Voyage en tant que phénomène individuel et culturel. En la replaçant dans un contexte socioculturel plus large, cette analyse permet une meilleure compréhension de cette expérience et de ses ressorts, notamment au travers de l’étude des divers espaces du voyage.

 

     

Dans le document « Le Grand Voyage » (Page 60-64)