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Des usages et supports pédagogiques adaptés au milieu carcéral

Chapitre 1. Enseignement en prison et aspects techno-pédagogiques

1.4. Caractéristiques techno-pédagogiques 1. Usages sociaux des technologies

1.4.3. Des usages et supports pédagogiques adaptés au milieu carcéral

L’enjeu pédagogique s’avère de fait différent suivant l’établissement et donc la catégorie de personnes qui y séjournent. Nous ajouterons également que la présence systématique des associations bénévoles est un facteur essentiel dans les projets d’études. C’est pourquoi voyons d’abord la spécificité de ces lieux d’incarcération pour apprécier la potentialité d’étudier pour les détenus.

Deux principaux types d’établissements existent42 : les établissements pour peine43

et les maisons d'arrêt.

42 Pour consulter la typologie complète, se reporter à la page :

http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/ladministration-penitentiaire-10037/les-structures-penitentiaires-14557.html (date de consultation : 22 mars 2012)

43Deux sites sont consultables aux adresses suivantes : http://www.justice.gouv.fr/index.php? rubrique=10036&rubrique=10039&article=10049 et http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/ politique-penitentiaire/glossaire

Concernant les établissements pour peine, la longueur de la peine et les perspectives de réinsertion sont hétérogènes. Par exemple, les maisons centrales ou prison de haute sécurité enferment les personnes condamnées à de longues peines et dont les projets de réinsertion sont jugés « difficiles » ; les centres de détention regroupent des individus dont la peine est supérieure à deux ans. Dans ce cas, celle-ci est principalement orientée vers le projet de sortie. Dans les centres de semi-liberté et centre pour peine aménagée, elle est organisée en système de « semi-liberté » ou de placement extérieur sans surveillance. La « semi-liberté » consiste à laisser sortir le détenu durant la journée pour qu'il puisse exercer une activité professionnelle, recevoir un enseignement ou des soins médicaux. Il a obligation de rentrer le soir en prison. Il faut le distinguer de la peine aménagée puisqu'il s'agit de détenus volontaires placés sous le régime de semi-liberté, d'un placement extérieur ou ceux dont le reliquat de peine est inférieur à un an. Ce dispositif permet au détenu de concrétiser un projet de réinsertion plus rapidement avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (i.e. SPIP). Enfin, la dernière catégorie correspond aux centres pénitentiaires, établissements composés de différents quartiers (maison centrale, centre de détention).

Dans les maisons d’arrêt, les personnes prévenues (en attente de jugement) et condamnées (en attente de transfert vers le type d’établissement correspondant si leur peine est supérieure à un an à compter du jugement définitif) sont regroupées, de sorte que ce type d’établissement est très largement touché par un phénomène de surpopulation44.

En établissement pour peine et en maison d’arrêt, l’accès à l’enseignement s’élabore selon le type de peines et l’urgence du projet de sortie. C’est par le biais du centre scolaire que sont dispensées les formations. Le centre scolaire qui, rappelons-le, regroupe les lieux physiques (salles de classe, bibliothèque, salle informatique) où se déroule l’enseignement, est accessible par l’espace de détention. Ce qui implique une série de déplacements et de temps d’attente. Mais les modalités d’accès au centre scolaire varient selon le type d’établissements.

44 Pour une cartographie de la répartition des maisons d’arrêt et des autres types d’établissements pénitentiaire, voir le site : http://www.carceropolis.fr

En résumé, le dispositif d’enseignement est organisé suivant les emplois du temps instaurés par l’administration pénitentiaire ainsi que le flux des entrées et des sorties, les contraintes sécuritaires, le placement des salles d’activités (en détention, près de la salle de sport), la promiscuité des détenus, les nuisances de la détention, les nouveaux modes de gestion imposés par l’administration pénitentiaire, la vétusté des locaux et le manque d’effectif enseignant. Alors, la demande de personnalisation des parcours scolaires peut plus ou moins être satisfaite. Dans le cas des maisons d’arrêt, les arrivées, sorties et transferts de personnes prévenues ou détenues sont quotidiennes et rendent difficile le suivi pédagogique des personnes scolarisées. En maison centrale par contre, si la plupart des personnes qui y sont incarcérées présentent de faibles chances de réinsertion, les projets sont exploitées à plus long terme.

La question des supports pédagogiques adaptés se pose en fonction des infrastructures45 (bibliothèque, salle multimédia, postes informatiques) disponibles en centre scolaire mais également des pratiques des enseignants. Ainsi, l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (i.e. INS HEA) propose une formation à l’enseignement en prison en réunissant une fois par an les enseignants « nouvellement nommés en prison ». L’institut met à leur disposition des bases de données, des outils pédagogiques disponibles sur cédérom ou en ligne. Il développe de nouveaux supports de cours comme les vidéos de manière à proposer d’autres formes d’échanges.

Enfin, dans l’ensemble des ULE où nous nous sommes rendue, les enseignants utilisent les logiciels EfoRe (Évaluer, Former, Remédier), MACeM (Module d’activation des compétences en mathématiques) ou encore le logiciel Langagiciels (création d’exercices sur ordinateur dans le domaine des mathématiques et de la langue). L’usage techno-pédagogique de ces logiciels est institué lors de la formation des enseignants nouvellement nommés, qui se déroule à l’INS HEA. Cette formation encourage les enseignants à se servir des outils comme le livret d’attestation (outils de suivi du parcours

45 Ce terme reflète bien, selon nous, l’éventail de mesures applicables en prison. C’est au cours de la journée d’étude du 9 Novembre 2010, organisée par l’Université de La Rochelle, que nous avons eu l’occasion d’en apprécier son emploi : www.canalc2.tv/evenements.asp?idEvenement=550

de l’élève) ou le Cahier Electronique de Liaison (outil élaboré par l’administration pénitentiaire).

Notre recherche s’appuie sur les besoins à la fois technologiques et pédagogiques rendus visibles par les différentes expérimentations en cours. Il s’agit de voir comment ces besoins s’articulent dans un cadre de formation universitaire à distance qui nécessite qu’une connaissance du fonctionnement institutionnel soit partagée entre domaine universitaire et carcéral, qu’une réflexion pédagogique sur l’accès à l’éducation aux personnes incarcérées soit menée, que des propositions d’usages innovants liés précisément à la recherche et à l’enseignement dans ce contexte soit réalisées.

Nous proposons une démarche de terrain qui privilégie une prise de connaissance directe des lieux d’enseignement ; une bonne appréhension de ces espaces et de leurs activités participe directement aux propositions d’analyse que nous développons. Sans ces déplacements, nous n’aurions pu ni rencontrer les étudiants détenus et enseignants, ni effectuer des enregistrements de ces moments de vie pédagogique. Sans ces informations directes qui font référence à la perception du contexte de production, nous n’aurions pu comprendre ou du moins saisir les modalités de l’enseignement qui s’y développe. C’est pourquoi il nous paraît primordial de transmettre les éléments d’organisation sociale et éducative propres à chaque établissement visité.

Dans trois des établissements pénitentiaires où nous nous sommes rendue, nous relevons des problèmes structurels pour l’accès à l’enseignement : la promiscuité, les changements de cellules inopinés, la nécessité de travailler pour pouvoir « cantiner », la durée des peines, le repérage et le positionnement des « nouveaux entrants », l’omniprésence de la communication écrite pour une population fortement touchée par l’illettrisme. Dans ce cadre, l’accès à l’enseignement peut difficilement se définir de manière linéaire et exemplaire car il relève d’une nécessaire adaptation à l’organisation carcérale. Ainsi l’enseignement, activité parmi tant d’autres en prison, répond à un souci d’attractivité et de stimulation intellectuelle. Pourtant, dans chaque établissement, l’organisation rend compte de formes de rationalisation de l’enseignement : les

déplacements des corps réduits à minima, l’imbrication du centre scolaire dans l’espace de détention, la disponibilité restreinte des ressources.

Les observations effectuées dans des centres scolaires expérimentent des environnements numériques de travail. Nous les restitutions pour mettre en évidence certaines pratiques, certitudes et orientations usuelles particulièrement sensibles dans un établissement pénitentiaire.

1.5. Visite exploratoire dans des centres scolaires en établissements