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Usage des outils de télécommunications mobiles et exposition aux radiofréquences

Liste des figures

5 Étude des effets potentiels des radiofréquences sur la santé des enfants

5.1 Usage des outils de télécommunications mobiles et exposition aux radiofréquences

Dans les études épidémiologiques qui recherchent des associations entre l’exposition aux radiofréquences et des effets sur la santé, l’exposition peut être évaluée de plusieurs manières :

 par l’exposition aux radiofréquences, en utilisant des mesures de champs électromagnétiques chez l’individu, des exposimètres individuels ou des modélisations en fonction de l’adresse de l’individu (pour l’exposition aux antennes-relais) ;

 par l’exposition au téléphone mobile ou aux autres appareils électromagnétiques (téléphone mobile, tablette, Wi-Fi, jouets, veille-bébés, etc.), en recueillant l’évaluation quantitative de l’usage de ces appareils à l’aide de questionnaires.

Les études évaluant l’exposition aux radiofréquences par l’intermédiaire d’un questionnaire ne permettent de connaitre que les sources d’expositions connues des répondants, c’est-à-dire liées à leur propre usage. Or, il convient de considérer également l’exposition environnementale aux radiofréquences (liée aux antennes-relais, antennes de radiocommunication, etc.).

Si l’on restreint la connaissance de l’exposition au téléphone mobile durant une période donnée relativement courte (par exemple 24 h), il est possible de mesurer par dosimétrie le champ électromagnétique parallèlement au recueil des durées d’utilisation du téléphone à l’aide d’un auto-questionnaire d’usage. Cette situation est évidemment favorable lorsqu’il existe une forte corrélation entre les résultats quantitatifs (ou semi quantitatifs) obtenus car elle permet de

« valider » l’emploi du questionnaire concernant l’usage comme « proxy » de l’exposition aux radiofréquences pour la recherche d’éventuelles associations avec des effets sanitaires.

Cependant, en pratique, chez les enfants de 8 à 12 ans et les adolescents (13 – 17 ans), la corrélation entre l’exposition aux radiofréquences et la durée d’utilisation du téléphone estimée par questionnaire auto-rapporté est faible (Thomas et al. 2008 et Heinrich et al. 2010), et la corrélation entre la durée d’utilisation fournie par les opérateurs et celle estimée par les utilisateurs est médiocre (voir paragraphe 4.2.3).

De plus, dès que l’on s’intéresse à la genèse d’effets chroniques potentiels des radiofréquences, on ne peut tenter que de reconstituer l’histoire de l’exposition aux sources, c’est à dire en pratique l’usage des outils de télécommunication mobile. L’information est obtenue généralement par questionnaire, rempli le plus souvent de façon rétrospective, interrogeant les usages passés pour obtenir une exposition « moyenne », voire en cherchant simplement une exposition « habituelle ».

Une estimation quantitative de l’usage peut alors permettre la recherche d’éventuelles relations dose-effet, mais aucune validation directe de l’exposition n’est envisageable.

En règle générale, une exposition (même « parfaitement » estimée) peut conduire à une association indépendamment de l’existence d’un effet propre de l’exposition d’intérêt, généralement parce que des facteurs de confusion importants n’ont pas été pris en compte (cf encadré « Généralités sur le rôle des facteurs de confusion dans l’analyse de risques en épidémiologie »).

Généralités sur le rôle des facteurs de confusion dans l’analyse de risques en épidémiologie

Figure 17 : schéma de causalité élémentaire illustrant un effet de confusion dans la relation entre l'exposition d'intérêt et l'état de santé.

La Figure 17 fait apparaître l’exposition d’intérêt comme cause de l’effet de santé étudié (flèche 1), parmi l’ensemble des causes possibles parmi lesquelles on distingue le sous ensemble de causes (ou facteurs) qui sont également associées à l’exposition (flèche 2). Ces facteurs sont appelés

« facteurs de confusion » dans l’analyse du risque causé par l’exposition. Les autres facteurs causaux, non associés à l’exposition, n’ont d’après le schéma aucun effet (en dehors d’être facteur causal de l’état de santé) (flèche 4).

L’association observée directement entre l’exposition et l’état de santé résulte à la fois de l’effet causal direct (flèche 1) et aussi de l’effet causal indirect généré par les facteurs de confusion (combinaison des flèches 2 et 3). L’écart entre l’association mesurée directement et celle de l’effet causal direct recherché prend le nom de biais de confusion. Bien entendu, les effets créés par les facteurs causaux non associés à l’exposition d’intérêt ne jouent aucun rôle dans le biais de confusion et ils ne sont généralement pas étudiés ni même évoqués.

Ce schéma de causalité est le plus simple possible pour exprimer un biais de confusion associé à une exposition. Il peut évidemment être beaucoup plus complexe. Par exemple, la Figure 18 indique que la présence de l’état de santé modifie à son tour causalement l’intensité de l’exposition, effet de causalité inverse qui n’était en aucune façon permis initialement (flèche 1’).

Une étude épidémiologique doit être en mesure de fournir des estimations non biaisées de l’association causale d’intérêt, c’est à dire ici de la relation 1, tenant compte ou non, selon le

schéma de causalité retenu, d’un effet de causalité inverse. La méthodologie statistique permettant d’atteindre ce but, au moins théoriquement, utilise les techniques dites d’ajustement.

Cependant, les données recueillies dans l’étude sont en règle générale insuffisantes pour deux grands types de raisons :

 seuls quelques facteurs de confusion ont effectivement été mesurés dans l’étude et peuvent de ce fait être pris en compte dans les ajustements. Certains, bien que connus, ne sont pas mesurés, d’autres, inconnus ne peuvent, de ce fait, n’être que négligés. L’hypothèse que la responsabilité des facteurs de confusion non mesurés et inconnus dans le biais de confusion est faible est absolument nécessaire pour que l’on puisse être assuré que l’association observée après ajustement soit proche de l’association causale. C’est en ce sens qu’il est dit couramment qu’une étude d’observation ne permet pas de montrer la causalité d’une association. La plausibilité d’un effet causal est donc matière à discussion qui ne peut être au bout du compte réglée qu’en faisant intervenir des connaissances extérieures à l’étude elle-même et en particulier des mécanismes biologiques qui pourraient être en cause. Néanmoins, une telle discussion peut être guidée par un raisonnement simple : le biais de confusion créé par un facteur dépend à la fois de l’intensité de son association avec l’exposition (flèche 2) et de l’intensité de son association avec l’état de santé étudié (flèche 3). Pour que ce biais soit important, il est nécessaire et suffisant que ces deux associations soient simultanément fortes.

Le calcul permet d’établir les conditions que devrait remplir un facteur inconnu hypothétique qui pourrait à lui seul « expliquer » entièrement l’association observée après ajustement sur les facteurs connus et mesurés.

 Compte tenu du « design » de l’étude, les données recueillies ne permettent pas toujours d’estimer les paramètres du modèle causal nécessaires pour obtenir une estimation sans biais de l’effet causal étudié. Il est dit dans ce cas que le modèle est non identifiable. C’est en particulier le cas du modèle incluant un biais de causalité inverse à partir d’une étude transversale ne faisant à aucun moment intervenir le temps.

Figure 18 : schéma de causalité impliquant un biais de causalité inverse.

L’usage du téléphone mobile peut être considéré comme pouvant introduire un biais de confusion majeur pour l’association état sanitaire étudié et radiofréquences. Les effets sanitaires observés résultent-ils de l’exposition aux radiofréquences ou de l’exposition aux sources de radiofréquences ?

Figure 19 : schéma de causalité général étudié dans les études épidémiologiques.

Cette distinction peut ne pas être immédiatement perceptible aux yeux des scientifiques rompus à l’expérimentation pour lesquels seule l’exposition à l’agent considéré (ici les radiofréquences) défini par ses caractéristiques physiques doit être considérée. Dans quelle mesure l’analyse des risques associés à l’utilisation des sources peut-elle se substituer à l’analyse des risques associés aux radiofréquences correspondantes ? Il ne s’agit évidemment pas de donner une réponse en tout ou rien mais d’entamer une discussion qui, très rapidement, devra faire intervenir, en plus des résultats de l’étude elle-même, l’ensemble des connaissances disponibles et particulièrement celles fournies par l’expérimentation biologique. Dans le cas présent, les données disponibles concernent très majoritairement des publications s’intéressant à l’exposition au téléphone mobile, mais le raisonnement reste valable pour les autres sources de radiofréquences auxquelles peuvent être exposés les enfants : Wi-Fi, veille-bébés, jouets radiocommandés etc.

Par exemple, plusieurs études ont recherché une association entre l’exposition aux radiofréquences pendant la grossesse et l’apparition de troubles cognitifs pendant l’enfance. Leur approche épidémiologique a conduit à remplacer cette question à laquelle on ne peut fournir a priori aucun élément de réponse, par celle d’un éventuel effet sur l’enfant de l’usage du téléphone mobile par les futures mères tel qu’elles peuvent le rapporter par interrogatoire plusieurs années après leur grossesse. Une telle approche présente dans ce cas précis une limite évidente : l’exposition individuelle réelle du fœtus à l’agent physique est vraisemblablement mal estimée par la seule déclaration de l’usage du téléphone mobile par la mère, conduisant a priori à une sous-estimation de l’association, si elle existe, avec l’état de santé étudié, c’est à dire à une perte de puissance de l’étude. Le schéma de causalité de cette série d’études est illustré dans la Figure 20.

Figure 20 : schéma de causalité étudiée dans les études de Divan et al., 2008, 2010 et 2011.

Cette figure fait apparaître un élément supplémentaire par rapport à la Figure 19 : l’exposition des futures mères au téléphone mobile est associée causalement (a priori fortement) à l’exposition des enfants aux radiofréquences (flèche 2) et associée hypothétiquement causalement au développement de l’enfant (flèche 3). Dans un tel modèle, l’exposition des mères au téléphone joue un rôle de facteur de confusion pour l’association entre radiofréquences et développement de l’enfant au même titre que les autres facteurs de confusion indiqués sur le schéma par les flèches 4 et 5. Autrement dit, l’association observée entre l’exposition au téléphone mobile et le développement de l’enfant présente un biais de confusion pour l’estimation de l’association causale entre les radiofréquences et cet état de santé (flèche 1). Ce biais ne peut s’annuler que si l’exposition au téléphone mobile n’a aucun lien direct causal avec l’état de santé, c’est à dire si l’association représentée par la flèche 3 est supprimée. Ceci ne peut résulter que d’une hypothèse nouvelle qui, en général, ne peut pas être testée alors que ce biais peut être important dans certains cas particuliers. En effet, l’usage du téléphone mobile durant la grossesse peut être associé au développement ultérieur de l’enfant en dehors de tout effet des radiofréquences. Il peut par exemple témoigner de conditions familiales, psychologiques, sociales, etc., qui pourraient être préjudiciables au développement du jeune enfant. Ce biais de confusion aurait d’autant plus de chance d’être important que l’effet étudié concerne lui-même des dimensions subjectives de la santé (symptômes généraux, comportement, bien être…) a priori fortement associées à ces conditions.

Cette analyse de causalité est particulièrement nécessaire lorsque l’on cherche à étudier les effets des radiofréquences sur le bien-être des enfants. Les résultats des études mettent en relation l’utilisation du téléphone mobile et des effets sur le bien-être des enfants, sans qu’il soit possible de différencier avec certitude l’effet des radiofréquences de l’effet de l’utilisation du téléphone mobile. En effet, le biais de confusion ne peut s’annuler que si l’exposition au téléphone mobile n’a aucun lien direct causal avec le bien-être des enfants, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, l’usage du téléphone peut n’être qu’un indicateur d’altération du bien-être (tout comme la santé mentale, annexe 7) et non une cause, c’est-à-dire qu’il est envisageable qu’un adolescent en situation de mal-être téléphone davantage qu’un adolescent qui n’en a pas.

Depuis quelques années, plusieurs études se sont intéressées aux relations entre l’usage problématique du téléphone mobile par les adolescents (par exemple après leur coucher) et l’existence de troubles relevant de la santé mentale comme par exemple la dépression. En poursuivant l’analyse faite précédemment, on se trouve face à un cas extrême où le facteur d’intérêt et le facteur de confusion sont échangés : l’association recherchée ne concerne plus l’effet des radiofréquences mais bien celui du comportement des sujets comme déterminant (ou témoin) des troubles psychiques. Ces études n’apportent en conséquence aucune information sur les effets de l’exposition des adolescents aux radiofréquences et pourraient ne pas être prises en compte dans ce rapport. Elles ont paru cependant importantes au collectif d’experts mobilisé pour cette expertise qui a décidé de les mentionner en annexe 7.

D’une façon générale, la prise en compte de facteurs de confusion de nature psychosociale dans l’analyse du risque associé à l’usage des outils mobiles de communication représente un critère important pour déterminer le crédit devant être accordé aux résultats des études et à leur interprétation.

5.2 Méthodologie d’évaluation du niveau de preuve des effets

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