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Influence des propriétés diélectriques (permittivité et conductivité)

Liste des figures

4 Caractérisation des expositions

4.4 Spécificités de l’exposition des enfants aux champs électromagnétiques

4.4.1 Influence des propriétés diélectriques (permittivité et conductivité)

Dans les précédents rapports de l’Agence sur les effets sanitaires des radiofréquences (Afsset 2009 ; Anses 2013) figurent des éléments détaillés sur la caractérisation de l’exposition aux radiofréquences au moyen de la mesure du DAS. Deux paramètres des tissus influent sur la valeur du DAS. D’une part, la permittivité relative des tissus, qui dépend de la fréquence des rayonnements, influe sur l’absorption des rayonnements par les tissus et donc la valeur du champ électrique interne. D’autre part, la conductivité électrique, également dépendante de la fréquence et de la nature des tissus, intervient directement dans le calcul du DAS.

La littérature scientifique concernant les propriétés diélectriques des tissus biologiques est abondante, les premières publications remontent aux années 1945-50, en lien avec le développement des technologies radar. C. Gabriel a contribué activement à recenser des données animales et humaines, produisant ainsi une publication de référence en 1996 (Gabriel 1996). Si la plupart des données concernant les propriétés diélectriques des tissus biologiques proviennent de mesures faites dans diverses espèces de mammifères (rat, cochon, mouton ou lapin), des données humaines sont également disponibles. Elles ont été recueillies lors d’autopsies, ou pour des tissus comme la peau et la langue par des mesures effectuées in vivo. Dans le rapport de C.

Gabriel publié en 199633, il est précisé que les tissus animaux ont été utilisés principalement dans les deux heures suivant la mort, alors que les propriétés des tissus humains ont pu être mesurées 24 à 48 heures après le décès. Les sondes coniques utilisées avec les analyseurs d’impédance nécessitent des échantillons relativement grands, au moins un cube de 5 cm de côté. En conséquence, il est difficile d’obtenir des mesures fiables aux basses fréquences.

33 http://niremf.ifac.cnr.it/docs/DIELECTRIC/Report.html.

D’autres références existent, dont certaines basées sur des modèles (par exemple le modèle de Cole-cole (Cole & Cole 1941)).

La fondation de recherche suisse It’is, spécialisée dans les technologies liées à la recherche des effets biologiques des champs électromagnétiques, met à disposition, en ligne, une base de données des paramètres diélectriques dans les différents tissus aux différentes fréquences. Cette base de données a été construite à partir des éléments fournis par C. Gabriel et de la littérature ultérieure. La Figure 14 présente les variations de permittivité et de conductivité diélectriques pour les tissus de la peau et du cerveau, en fonction de la fréquence, issus de cette base de données, pour des adultes.

Figure 14 : propriétés diélectriques des tissus de la peau et du cerveau en fonction de la fréquence.

4.4.1.1 Variations des propriétés diélectriques avec l’âge

Peyman et al. (2001) ont étudié la variation des propriétés diélectriques des tissus de rats en fonction de leur âge, dans la bande 130 MHz à 10 GHz (Peyman et al. 2001). Les résultats montrent une décroissance générale des valeurs de propriétés diélectriques avec l’âge. Cette tendance est plus marquée pour le cerveau, les os et la peau, et moins pour les tissus abdominaux. La variation des propriétés diélectriques s’explique par les modifications de la teneur en eau et de la composition des tissus. En 2007 et 2009, cette même équipe a étudié la sensibilité du DAS à la variation des propriétés électromagnétiques dans des modèles d’enfants d’environ 3 et 7 ans et d’adultes exposés à des champs électromagnétiques de fréquences comprises entre 450 MHz et 2,4 GHz. Pour cela, elle a utilisé les propriétés diélectriques de tissus de porc de 10 kg (correspondant à un enfant de 1 à 4 ans), de 50 kg (enfant de 11-13 ans) et de 250 kg (adultes), considérant que l’animal était un bon substitut au tissu humain en ce qui concerne les propriétés diélectriques et leur évolution en fonction de l’âge. Les résultats montrent une réduction significative de la permittivité et de la conductivité avec l’âge sur 10 des 15 tissus évalués. La variation de la teneur en eau des tissus en fonction de l’âge est avancée par les auteurs pour expliquer les différences dans les valeurs de paramètres diélectriques. D’une manière générale,

0,00

Conductivité électrique cerveau (S/m) Conductivité électrique peau (S/m)

plus les tissus sont jeunes, plus ils contiennent d’eau, et plus les valeurs des paramètres diélectriques sont élevées. Aux fréquences micro-ondes utilisées pour les communications mobiles (> 300 MHz), la diminution de la permittivité et de la conductivité avec l’âge serait ainsi due à la diminution de la teneur en eau des tissus au fur et à mesure de la croissance de l’animal, alors qu’à des fréquences plus basses, c’est la structure cellulaire des tissus qui a un effet majeur (Peyman et al. 2009, Peyman 2011b).

Ibrani et al. (2011) ont construit un modèle mathématique pour évaluer les propriétés électromagnétiques des tissus (peau, muscle, tissu cérébral) à différents âges des enfants, en se basant sur leur courbe de croissance (poids et tailles moyens) et sur le recueil des propriétés électriques des adultes de Gabriel (1996) (Ibrani et al. 2011). Les auteurs ont supposé que le corps humain est schématiquement composé d’eau et de tissus spécifiques de l’organe considéré.

Bien que la composition de l’organe (concentration et nature des protéines, etc.) évolue au cours du temps, les auteurs ont admis que les tissus spécifiques de l’organe ne varient pas en fonction de l’âge, tandis que la teneur en eau intrinsèque à l’organe évolue au fil des années. Les variations de permittivité en fonction de l’âge et de la fréquence et du tissu sont reportées dans la Figure 15.

Source : Ibrani et al. 2011

Figure 15 : permittivité relative des tissus en fonction de l'âge de l’enfant et de la fréquence d’émission.

La différence de permittivité de la peau entre un enfant de 5 ans et un enfant de 10 ans pour la même fréquence, d’après le modèle d’Ibrani et al., est inférieure à 5 %. Chez un enfant de 5 ans, la différence entre les permittivités de la peau à 900 MHz, 1 800 MHz et 2,4 GHz atteint 6 %. Pour le tissu musculaire, la différence entre les permittivités d’un enfant de 5 et 10 ans à 900 MHz est inférieure à 2 %. La différence de permittivité entre une fréquence de 900 MHz et 2,4 GHz est d’environ 3 %. Les valeurs de permittivité les plus élevées sont obtenues pour le cerveau et les plus basses pour la peau. Les auteurs notent une différence d’au plus 10 % entre un enfant et un adulte pour la permittivité des tissus musculaires (Ibrani et al, 2011). Le comportement de la conductivité en fonction de l’âge est similaire à celui de la permittivité.

Ainsi, dans le cerveau, l’augmentation de la myélinisation et la diminution du contenu en eau en fonction de l’âge serait la raison de la baisse de la permittivité et de la conductivité de la matière blanche (pas de variation observée pour la matière grise) et de la moelle osseuse en fonction de

l’âge chez le cochon (Peyman et al. 2007). Les os présentent les variations de la teneur en eau les plus importantes, en raison du degré de minéralisation de la matrice osseuse qui se calcifie durant la croissance, conduisant à une baisse significative de la permittivité et de la conductivité. La moelle osseuse présente des variations de propriétés diélectriques parmi les plus importantes. Elle est composée de moelle rouge, lieu de synthèse des globules rouges et blancs, et de moelle jaune qui contient des cellules graisseuses, du tissu conjonctif et qui produit certains globules blancs.

Chez les animaux en croissance, la moelle rouge est prépondérante, alors que chez les animaux plus âgés, la proportion de graisse devient plus importante, et la moelle osseuse est majoritairement jaune. La moelle rouge contient plus d’eau que la moelle jaune, ce qui lui confère des valeurs de propriétés diélectriques supérieures (Peyman et al. 2009).

4.4.1.2 Impact des variations des propriétés diélectriques sur le DAS

Un nombre limité d’études a utilisé des propriétés diélectriques des tissus spécifiques de l’âge des modèles de tête et/ou de corps d’enfants pour calculer le DAS résultant de l’exposition aux champs électromagnétiques. Dans certaines publications, les propriétés diélectriques ont été calculées en utilisant celles de l’adulte et en les ajustant pour un tissu plus jeune, en faisant l’hypothèse de teneurs en eau plus élevée (cf. la revue de (Peyman 2011c)).

Peyman et al. (2001) ont mis en évidence, à partir d’expériences réalisées chez le rat de la naissance à l’âge adulte, que les modifications en fonction de l’âge de la conductivité et de la permittivité de différents tissus n’avaient qu’un impact limité sur le DAS (Peyman et al. 2001).

De même Gabriel (2005) ont utilisé les propriétés diélectriques de tissus de rats à différents âges pour évaluer l’exposition de modèles de rats à des ondes planes à 27, 160, 400, 900 et 2 000 MHz (Gabriel 2005). Trente-quatre tissus ont été pris en compte dans 3 modèles de rats (âge : 10, 30 et 70 jours). Les résultats montrent que bien que la variation des propriétés diélectriques modifie le DAS local, les effets sur le DAS corps entier sont faibles. Les auteurs notent qu’il est important de différencier les modifications des propriétés des tissus d’autres facteurs qui peuvent affecter l’exposition, comme la taille de l’animal ou la polarisation et la direction du champ (voir § ci-dessous).

Peyman et al. (2009) ont étudié la sensibilité du DAS aux variations des propriétés diélectriques de modèles d’enfants et d’adultes exposés à des talkies-walkies à 446 MHz (utilisation pour les modèles de tête de tissus de cochon à différents âges). Ces auteurs ont montré que les variations du DAS10 g34 étaient inférieures à 10 % et ne reflétaient donc pas l’importance des variations des propriétés diélectriques avec l’âge pourtant observées. In fine, les DAS obtenus étaient compris dans les valeurs limites d’exposition recommandées (Icnirp). Ceci pourrait être lié au fait que le DAS10 g résulte d’un moyennage spatial du DAS local, avec pour conséquence de diluer les effets de variations des propriétés diélectriques, en donnant plus de poids à l’influence de l’absorption dans la peau par rapport aux autres tissus (Peyman et al. 2009).

Ces résultats ont été complétés par des expérimentations plus récentes. Ainsi, Christ et al. (2010) ont évalué l’impact des variations des propriétés diélectriques en fonction de l’âge sur l’absorption locale et globale dans le crâne, en utilisant plusieurs modèles de tête humaine (âges : 3, 6, 7, 11, 34 et 38 ans) (Christ, Gosselin, Christopoulou, et al. 2010). Les valeurs de permittivité et de conductivité utilisées étaient celles de Peyman et al. (2009) et de Gabriel et al. (1996). Les simulations réalisées ont montré notamment que l’exposition à un téléphone mobile dans deux bandes de fréquences (à 900 et 1 800 MHz) de certaines régions du cerveau de jeunes enfants, telles que l’hypothalamus et l’hippocampe, pouvait dans ces conditions dépasser l’exposition des adultes d’un facteur 1,6 à 3,2. De même, l’exposition de la moelle osseuse des enfants pouvait dépasser celle des adultes de 10 dB (facteur 10), à cause de la grande diminution de la conductivité de ce tissu avec l’âge. Toujours dans cette étude, l’exposition des yeux des enfants a

34 DAS10 g = DAS évalué sur 10 grammes de tissus contigus, soit approximativement un cube de 2,2 cm de côté.

été estimée supérieure à celle des adultes. Les régions du cerveau situées à proximité du téléphone mobile peuvent par ailleurs révéler de grandes différences d’exposition entre les adultes et les enfants. Par exemple, le cervelet des enfants peut présenter un DAS maximal supérieur de 4 dB (soit un rapport 2,5) par rapport à l’exposition locale chez les adultes. Les auteurs de cette étude soulignent que, conformément aux résultats d’études antérieures, le DAS moyenné dans la tête entière n’est pas plus élevé chez les enfants que chez les adultes.

Tableau 11 : études investiguant les propriétés diélectriques des tissus et les conséquences de leurs variations sur le DAS.

Auteurs Modèles biologiques Gamme de

fréquences Principales conclusions

Peyman et al.,

2001 Dix tissus de rats de

différents âges 130 MHz – 10 GHz Diminution de la permittivité et de la conductivité en fonction de l’âge.

Gabriel 2003 Cerveau, peau, squelette

de rat 300 kHz – 300 MHz

Autour de 100 MHz, la permittivité et la conductivité diminuent linéairement quand l’âge augmente. La variation des propriétés diélectriques, liées au contenu des tissus en eau, affecte le DAS corps entier dans une proportion de moins de 5 %, dans un scenario pire-cas.

À des fréquences plus basses, les propriétés diélectriques varient avec l’âge, en raison des modifications des structures cellulaires.

Peyman et al., 2007

Tissu cérébrospinal de porc ; mesures in vitro et in

vivo 50 MHz – 20 GHz Diminution de la permittivité et de la conductivité dans la matière blanche et dans la moelle épinière avec l’âge, mais pas dans la matière grise.

Peyman et al.,

2009 Quinze tissus de porc 50 MHz – 20 GHz

Diminution de la permittivité et de la conductivité avec l’âge dans 10 des 15 tissus investigués.

Les variations sur le DAS moyenné dans 10 g sont inférieures à 10 % et ne reflètent pas les variations sur les propriétés diélectriques.

Christ et al.,

2010 Modèle mathématique 900 et 800 MHz

Les variations des propriétés diélectriques n’entraînent pas de modifications

importantes du DAS moyenné dans la tête entière. En revanche, certaines régions du cerveau peuvent être plus exposées chez les enfants que chez les adultes

(hypothalamus, hippocampe ainsi que la moelle osseuse), des augmentations du DAS local d’un facteur 10 sont ainsi retrouvées dans la moelle osseuse.

Ibrani et al., 2011

Modèle mathématique à partir de valeurs adultes corrigées en fonction des courbes de croissance des

enfants

900 MHz ; 1 800 MHz ;

2,4 GHz

Une variation des propriétés diélectriques des tissus est observée en fonction de l’âge pour le cerveau, le tissu musculaire et la peau, pour toutes les fréquences étudiées.

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