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D. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS

1. S UR LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCÉDURE DE NON -

a) Principes

600. L’organisme ou l’entreprise qui choisit, dans sa rédaction antérieure au 6 août 2015, de solliciter le bénéfice de la mise en œuvre du III de l’article L. 464-2 du code de commerce doit respecter les conditions imposées à cet égard, en ne contestant pas la réalité des griefs qui lui ont été notifiés.

601. L’intéressé renonce ainsi à contester la matérialité de l’ensemble des pratiques visées par la notification de griefs, la qualification qui en a été donnée au regard des dispositions du droit

de l’Union et du code de commerce, ainsi que sa responsabilité dans la mise en œuvre de ces pratiques (arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, page 23). Cette renonciation doit être claire, complète et dépourvue d’ambiguïté (décision n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, paragraphe 303 et décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, paragraphe 425).

602. La renonciation à contester les griefs suffit pour permettre à l’Autorité de considérer que l’ensemble des infractions en cause sont établies à l’égard des parties qui ont fait ce choix procédural. Seule doit être discutée la question de la participation aux pratiques anticoncurrentielles des parties qui n’ont pas renoncé à contester les griefs (voir, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e.a., RG n° 2009/03532, page 10, et sur pourvoi arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, Manpower France e.a., n° 10-12913 ; voir également les décisions n° 04-D-42 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la cathédrale de Tréguier, paragraphe 12, et n° 11-D-07 du 24 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux de peinture d’infrastructures métalliques, paragraphe 113).

b) Application au cas d’espèce

603. Les griefs rappelés au paragraphe 517 ci-dessus relatifs à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express n’ont pas été contestés par les entreprises visées au paragraphe 13. Ils sont donc établis à leur égard. Ce n’est dès lors que par un souci de clarté que l’Autorité en rappellera la teneur ci-après.

604. Il demeure en revanche nécessaire de démontrer la participation individuelle à ces griefs de chacune des parties n’ayant pas fait ce choix procédural.

605. Il s’agit, en l’espèce, des sociétés suivantes :

 Schenker-Joyau SAS et Deutsche Bahn AG ;

 Heppner Société de Transports, Lambert et Valette, XP France et FINALTRA ;

 Geodis et EPIC SNCF ;

 Geodis Ciblex et Ciblex Financière ;

 BMVirolle ;

 FedEx Express France ;

 Transports H Ducros ;

 DHL Express (France) SAS, DHL Holding France SAS et Deutsche Post AG ;

 Ziegler France et Balspeed France ;

 Normatrans ;

 Norbert Dentressangle Distribution, Lotra Limited et Norbert Dentressangle ;

 la Fédération des entreprises de transport et de logistique de France (TLF).

115 2. SUR LEXISTENCE DES PRATIQUES EN CAUSE

606. Les investigations ont permis de réunir un faisceau d’indices graves, précis et concordants permettant de démontrer que les parties mises en cause se sont concertées sur une méthodologie commune de répercussion des coûts liés à la hausse des prix du gazole d’une part (grief n° 1) et sur la hausse des tarifs globaux d’autre part (grief n° 2).

607. Il convient, en premier lieu, de rappeler les principes qui guident la qualification de telles pratiques (a) et en second lieu, d’analyser leur application au cas d’espèce (b) ainsi que les arguments des parties (c).

a) Rappel des principes

Les pratiques concertées

608. La notion de pratique concertée vise « une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence […]. Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d’exiger l’élaboration d’un véritable « plan », doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du Traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun. […] S’il est exact que cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché » (arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, aff. 40/73 e.a., points 26, 173 et 174).

609. Comme l’a expliqué la Commission européenne dans ses lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du Traité aux accords de coopération horizontale : « un échange d’information peut donc constituer une pratique concertée s’il diminue l’incertitude stratégique sur le marché et, partant, facilite la collusion, c’est-à-dire si les données échangées présentent un caractère stratégique. En conséquence, l’échange de données stratégiques entre concurrents équivaut à une concertation, en ce qu’il diminue l’indépendance de comportement des concurrents sur le marché et leur incitation à se livrer concurrence » (paragraphe 61).

610. La démonstration de l’existence d’une pratique concertée requiert, non seulement une concertation entre les entreprises, mais aussi un comportement sur le marché résultant de cette concertation et ayant un lien de causalité avec elle. À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice qu’« il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché » (arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, aff. C-249/92 P, point 121).

611. Cette présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché est applicable même si la concertation n’est fondée que sur une seule réunion des entreprises concernées (arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, aff. C-8/08, T-Mobile, points 60 et 63).

612. Cette présomption est également applicable lorsque l’entreprise s’est limitée à recevoir des informations des concurrents, sans leur en communiquer. En effet, le Tribunal a considéré qu’« une entreprise, de par sa participation à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel, non seulement a poursuivi le but d’éliminer par avance l’incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais a dû nécessairement prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu’elle entendait suivre sur le marché. […] Cette conclusion est applicable également lorsque […] la participation d’une ou de plusieurs entreprises à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel se limite à la seule réception d’informations relatives au comportement futur de leurs concurrents sur le marché » (arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle, aff. T-202/98 e.a., point 58). En effet, dans un tel cas, le degré d’incertitude sur le fonctionnement à venir du marché en cause est atténué pour tous les concurrents impliqués, en raison des informations ainsi échangées (lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du TFUE aux accords de coopération horizontale, paragraphe 62).

613. Afin de renverser cette présomption, il incombe à l’entreprise concernée de prouver que la concertation n’a influencé d’aucune manière son propre comportement sur le marché. La preuve contraire doit ainsi être apte à exclure tout lien entre la concertation et la détermination, par cette entreprise, de son comportement sur le marché. À cet égard, il y a lieu de relever que des données relatives aux prix pratiqués par l’entreprise concernée ne sauraient suffire, en tant que telles, à renverser ladite présomption. En effet, ces données ne permettent pas de démontrer, à elles seules, que cette entreprise n’a pas tenu compte des informations échangées avec ses concurrents pour déterminer son comportement sur le marché (arrêt de la Cour de justice du 5 décembre 2013, Solvay Solexis SpA, aff. C-449/11 P, point 39).

La preuve d’une pratique concertée

614. L’existence d’une pratique concertée peut être démontrée par des éléments prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d’entreprises et qu’elles poursuivaient précisément le but d’éliminer ou de réduire par avance l’incertitude relative à leur comportement futur sur le marché (arrêts de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie, précité, points 175 et 179 et du Tribunal du 12 juillet 2011, Fuji Electric Co.

Ltd./Commission, aff. T-132/07, point 88 ; et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a.

c. Commission, aff. T-25/95 e.a., point 19).

615. La cour d’appel de Paris et la Cour de cassation ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants (arrêts de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France SAS, n° 09-11853 ; et de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 1999, Gerland Routes SA e.a.).

616. Concernant les déclarations d’un demandeur de clémence, le Tribunal a jugé : « [q]uant aux déclarations, une valeur probante particulièrement élevée peut par ailleurs être reconnue à celles qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue de l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210). En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l’importance

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de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une immunité ou une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 70) » (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, aff. T-112/07, points 69 et suivants).

L’objet anticoncurrentiel des pratiques concertées

617. Une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n’est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation (arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., aff. C-8/08, point 43).

618. À cet égard, il importe peu que les parties aient agi sans intention subjective de restreindre la concurrence et se soient concertées pour des motifs parmi lesquels certains étaient légitimes (arrêt de la Cour de justice du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, aff. C-209/07, point 21).

619. Les pratiques concertées consistant en des échanges d’informations entre concurrents poursuivent un objet anticoncurrentiel lorsqu’elles sont susceptibles d’éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées (arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., point 43).

620. Les échanges d’informations permettent aux entreprises de se coordonner lorsqu’ils sont de nature « à atténuer ou à supprimer […] toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements [des] concurrents » (arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, John Deere, aff. T-35/92, point 51). Tel est notamment le cas lorsque les informations échangées portent sur des intentions futures. Ainsi, dans une affaire relative au commerce des bananes dans l’Europe du Nord, la Commission européenne a considéré que les discussions et les révélations portant soit sur les « tendances de prix, soit spécifiquement sur les prix de référence, avaient pour objet de coordonner l’établissement des prix de référence par les parties » (décision précitée de la Commission du 15 octobre 2008, paragraphe 268).

621. Une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel alors même qu’elle n’a pas de lien direct avec les prix à la consommation (arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., points 36 à 39).

622. Enfin, dans l’arrêt Tate & Lyle du 12 juillet 2001, le Tribunal a jugé que « […] le seul fait d’avoir reçu lors de ces réunions des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffit à manifester l’existence chez elle d’un esprit anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt Solvay/Commission, précité, point 100) » (arrêt de la Cour de justice du 12 juillet 2001, T-202/98, Tate & Lyle plc, British Sugar plc et Napier Brown & Co. Ltd, point 66).

Les pratiques concertées portant sur des éléments de prix

623. L’article 101 du TFUE cite expressément comme contribuant à restreindre la concurrence les accords et les pratiques concertées consistant à fixer de façon directe ou indirecte les prix ou d’autres conditions de transaction.

624. De la même façon, l’article L. 420-1 du code de commerce prohibe expressément les pratiques concertées qui tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.

625. Dans ce contexte, la notion de « prix » a été interprétée de manière très large par la pratique décisionnelle et la jurisprudence.

626. Dans une affaire concernant l’industrie de la construction aux Pays-Bas (Commission européenne, décision du 5 février 1992, dossier 31.572 et 32.571, Industrie de la construction aux Pays-Bas), la Commission européenne a notamment analysé un accord entre entreprises visant à fixer deux suppléments de prix venant rémunérer, d’une part, les coûts d’étude et d’autre part, le fonctionnement des associations professionnelles. La Commission européenne a condamné ces pratiques en indiquant notamment que :

« L’établissement, en commun, des augmentations des prix constitue la fixation directe des prix de vente, tout au moins d’une partie de ceux-ci au sens de l’article 85 [devenu 101 TFUE] paragraphe 1 point a). De plus, ces augmentations de prix aboutissent à des résultats d’adjudications qui diffèrent des résultats que celles-ci auraient pu avoir si chacun des participants avait déterminé, de manière autonome, les prix à soumettre […] ».

627. La Commission a également sanctionné des pratiques portant sur des éléments de prix tels que des surcharges supplémentaires dans une décision relative au marché des compagnies de ferries (Commission européenne, décision du 30 octobre 1996, dossier 34.503, Compagnies de ferries). Dans cette décision, la Commission a considéré que :

« […] l’objet manifeste de l’accord entre les parties était l’introduction d’une surtaxe monétaire commune prenant effet à la même date. Il ne fait pas de doute que cet accord constituait bien une pratique concertée ayant pour objet la fixation de conditions de transaction par les parties en cause » (paragraphe 86).

628. La Commission européenne a également indiqué que les difficultés rencontrées par les entreprises pour appliquer effectivement les surcharges en cause étaient sans effet sur la qualification de la pratique (même décision, paragraphe 59).

629. Cette pratique de la Commission a été confirmée par les juridictions communautaires. Dans un arrêt du 13 décembre 2001 (TPI, T-45/98 et T-47/98 du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless and Acciai speciali Terni c. Commission, par. 157), le Tribunal de l’Union européenne (alors Tribunal de Première Instance) a rappelé que

« Comme le confirme, en effet, la jurisprudence relative à l’application de l’article 85, paragraphe 1, sous a), du traité CE, l’interdiction des ententes qui consistent, de façon directe ou indirecte, à fixer les prix vise également les ententes portant sur la fixation d’une partie du prix final (voir, notamment, l’arrêt du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 146) ».

630. Il découle donc d’une pratique et d’une jurisprudence nationales et européennes constantes que les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce sont applicables non seulement à des ententes visant à fixer directement le prix total d’un bien donné, mais également à des comportements portant sur des éléments de ce prix, telles que les surcharges,

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ou bien encore à des stratégies ne fixant pas directement le prix, mais affectant simplement son évolution.

L’échange d’informations non publiques

631. En principe, l’échange d’informations qui sont déjà publiques ne constitue pas une violation de l’article 101, paragraphe 1 du traité (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Trans-Atlantic Conference Agreement, aff. jointes T-191/98 e.a., point 1154). Aussi, le Conseil de la concurrence a estimé, dans la décision Téléphonie mobile, que « dans la mesure où les informations échangées n’ajouteraient rien de déterminant par rapport aux informations déjà disponibles sur le marché, elles ne modifieraient pas la structure du marché et donc les conditions dans lesquelles s’exerce la concurrence » (décision n° 05-D-65 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile, paragraphe 194).

Cependant, le caractère public des informations n’est pas une donnée absolue mais dépend de la difficulté et du coût d’acquisition de ces informations. Le critère pour qualifier d’anticoncurrentiel un échange d’informations que les concurrents pourraient se procurer par d’autres moyens est « l’augmentation artificielle de la transparence du marché » (décision précitée n° 05-D-65, paragraphe 269).

632. Dans une affaire relative à des échanges d’informations entre producteurs de parchemin végétal, la Commission européenne a considéré « [qu’]en l’absence de cet échange d’informations, les producteurs […] pourraient peut-être se procurer par personne interposée les listes de prix de ces entreprises, mais que ce procédé serait sensiblement plus compliqué et demanderait beaucoup plus de temps ; que l’on doit donc considérer la communication spontanée d’informations importantes en matière de prix comme une modification artificielle des conditions de concurrence visant à établir un système de solidarité et d’influences réciproques entre concurrents » (décision de la Commission du 13 mars 1978, n° 78/252/CEE, Parchemin végétal, point 68, voir aussi décision de la Commission du 21 septembre 1977, n° 77/592/CEE, Cobelpa/VNP, paragraphe 30).

633. Dans l’affaire Tate & Lyle précitée, les entreprises en cause arguaient du fait que les prix envisagés par British Sugar, au moment de leur communication à ses concurrents, étaient déjà connus de ses clients et que cette information était donc disponible sur le marché. Le Tribunal a considéré que « ce fait, à le supposer établi, n’a, dans les circonstances de l’espèce, aucune incidence. En effet, en premier lieu, à supposer même que British Sugar ait communiqué préalablement, individuellement et de façon régulière à ses clients les prix qu’elle avait l’intention de pratiquer, ce fait n’implique pas que, à ce moment, ces prix constituaient une donnée objective du marché, repérable de façon immédiate. […] En deuxième lieu, l’organisation des réunions litigieuses permettait aux participants d’avoir connaissance de ces informations de façon plus simple, rapide et directe que par le biais du marché. En troisième lieu […] la participation systématique des entreprises requérantes aux réunions en cause leur permettait de créer un climat de certitude mutuelle quant à leurs politiques futures de prix » (arrêt du Tribunal de l’Union du 12 juillet 2001, Tate & Lyle, aff. T-202/98, e.a., point 60).

Le contexte économique et juridique

634. La Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire T-Mobile précitée, a indiqué que la pratique concertée, pour être qualifiée de restriction par objet, « doit simplement être concrètement apte, en tenant compte du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché commun » (arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, aff. C-8/08, T-Mobile, point 31).

635. Par la suite, dans l’arrêt GlaxoSmithKline Services Unlimited c/ Commission, la Cour a précisé que « pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d’un accord, il convient de

635. Par la suite, dans l’arrêt GlaxoSmithKline Services Unlimited c/ Commission, la Cour a précisé que « pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d’un accord, il convient de