• Aucun résultat trouvé

Une tr` es forte structuration de la variation

1.2 Un exemple : Marsilea strigosa

1.2.3 Une tr` es forte structuration de la variation

S’il ne fait pas de doute que ce faible niveau de variation observ´e est

dˆu aux faibles taux de mutation des marqueurs enzymatiques (de l’ordre de

10

−6

par locus et par g´en´eration, voir Voelker et al. 1980), qu’en est-il de

la distribution de la variation `a d’autres locus, plus polymorphes ? Des

mar-queurs de type microsatellite

12

, dont les taux de mutations sont beaucoup

plus ´elev´es (de deux `a quatre ordres de grandeur par rapport aux marqueurs

enzymatiques : voir, par exemple,Ellegren2000;GoldsteinetSchl¨

ot-terer1999;Jarne etLagoda1996) ont ´et´e mis au point chez M. strigosa

(voir l’annexe C).

Une analyse de la distribution de la variation mesur´ee `a sept locus

mi-12Les marqueurs microsatellites sont de courtes s´equences d’ADN r´ep´et´es que l’on trouve

dans la plupart des g´enomes. Ces s´equences sont constitu´ee de r´ep´etitions plus ou moins

crosatellites a montr´e que la diff´erenciation g´en´etique entre les populations

m´editerran´eennes de M. strigosa ´etait tr`es prononc´ee et hautement

signi-ficative. Autrement dit, les flux de g`enes apparents entre ces populations

distantes en moyenne de 576 km sont extrˆemement r´eduits. D’autre part, il a

´et´e montr´e que la diff´erenciation g´en´etique `a l’´echelle de la r´eserve naturelle

de Roque-Haute,

13

`a cinq des sept locus mis au point (les deux autres locus

n’´etant pas polymorphes `a cette ´echelle spatiale) ´etait ´egalement tr`es forte,

signe que les flux de g`enes sont tout aussi limit´es `a une ´echelle spatiale

beau-coup plus fine (la distance moyenne entre les mares de Roque-Haute ´etant

d’environ 267 m).

Nous avons ´egalement montr´e que la structure g´en´etique multilocus

14

´etait particuli`erement marqu´ee `a l’´echelle du bassin m´editerran´een (voir

l’an-nexe D). De fa¸con tout aussi marqu´ee, la distribution des g´enotypes

multi-locus sur les marqueurs microsatellites est extrˆemement structur´ee dans

l’es-pace `a l’´echelle, beaucoup plus fine, de la r´eserve naturelle de Roque-Haute

(figure 1.2).

Afin de mieux rendre compte encore de la structure multilocus de la

variation aux locus microsatellites, nous avons d´efini une distance g´en´etique

entre les g´enotypes i etj comme

D

ij

=

L

X

l=1 2

X

k=1

(a

ikl

−a

jkl

)

2

(1.1)

o`uLest le nombre de locus,a

ikl

est le nombre de r´ep´etitions du motif de base

de la ki`eme copie du g´enotype i, au locus l (les copies de g`enes sont

ordon-n´ees dans l’ordre croissant du nombre de r´ep´etitions). Cette distance est donc

d’autant plus grande que le nombre de r´ep´etitions des all`eles microsatellites

diff`ere d’un g´enotype `a l’autre. Sous l’hypoth`ese que les mutations se

tra-13La r´eserve naturelle de Roque-Haute est situ´ee dans la commune de Portiragnes, pr`es

de B´eziers (H´erault) sur un plateau basaltique d’environ 150 hectares, creus´e de quelques

200 mares temporairement inond´ees.

14C’est-`a-dire la structure g´en´etique qui prend en compte les interactions statistiques

entre les locus (l’alternative ´etant de consid´erer la variation estim´ee `a chaque locus comme

une mesure ind´ependante, r´esultat d’un tirage dans la mˆeme distribution). J’aborderai ce

100 m N 81 180 115 163 170 182 62 118 59 46 147 69 65 64 66 1 52 51 63 24 58 56 50 129 165 79

Figure 1.2: R´epartition g´eographique des g´enotypes multilocus dans

la r´eserve naturelle de Roque-Haute. Les 26 mares ´echantillonn´ees

sont repr´esent´ees en gris. La composition g´enotypique de chaque mare

est repr´esent´ee par un diagramme en camembert (les diagrammes des

mares monomorphes sont de plus petite taille que les diagrammes de

mares polymorphes). Chaque couleur repr´esente un g´enotype

multi-locus. Deux g´enotypes multilocus sont distincts si un all`ele pr´esent `a

un locus dans l’un des g´enotype est absent de l’autre g´enotype `a ce

mˆeme locus. Les num´eros des mares sont indiqu´es sur la figure. Les

26 mares ´echantillonn´ees sont repr´esent´ees en gris.

duisent par l’ajout ou le retrait de quelques motifs de base

15

, cette distance

mesure la divergence entre les g´enotypes multilocus. Le r´eseau minimal

16

que l’on peut construire pour joindre les diff´erents g´enotypes `a partir de la

matrice de distance calcul´ee d’apr`es (1.1) est repr´esent´e par la figure 1.3. A

15Il s’agit des mod`eles de mutation par pas, traduction de l’anglais stepwise mutation

model.

16Il s’agit duMinimum Spanning Network, en anglais, construit d’apr`es l’algorithme de

T C D E H I N A J L K B F G M O P Q R S

Mare 81

Mare 180

Mare 118

Figure 1.3: R´eseau des g´enotypes microsatellites dans la r´eserve

na-turelle de Roque-Haute. La taille relative de chaque nœud (c’est-`

a-dire chaque g´enotype multilocus) du r´eseau est proportionnelle au

logarithme de la fr´equence du g´enotype en question sur l’ensemble de

l’´echantillon. Le r´eseau est construit `a partir de la matrice des

dis-tances moyennes bas´ees sur les diff´erences de taille entre all`eles (voir

l’´equation 1.1). La distance s´eparant deux nœuds est proportionnelle

`

a la distance entre les deux g´enotypes que repr´esentent ces nœuds.

La gradation des couleurs figure la distance g´en´etique entre les g´

e-notypes. Les g´enotypes not´es sur fond blanc sont h´et´erozygotes `a un

locus au moins. Les lignes pointill´ees regroupent des g´enotypes pr´

e-sents dans une mˆeme mare polymorphe (`a l’exception des g´enotypes

A et J, tr`es fr´equents).

l’´echelle de la r´eserve naturelle de Roque-Haute, les g´enotypes pr´esents dans

une mˆeme mare sont aussi les g´enotypes les plus proches d’apr`es la distance

(1.1) que nous avons construite (figure 1.3). Ce r´esultat (que l’on retrouve

´egalement `a l’´echelle du bassin m´editerran´een), montre d’une part que les flux

de g`enes sont extrˆemement r´eduits `a toutes les ´echelles g´eographiques

consi-d´er´ees dans cette ´etude et d’autre part que la mutation et la recombinaison

17

pourraient ˆetre les seules forces ´evolutives qui influencent la distribution de

la variation g´en´etique chez cette esp`ece.