2.4 Conclusion
3.1.1 Le mod` ele de Fisher et de Wright
Le mod`ele connu sous le nom de mod`ele de Wright-Fisher est un mod`ele
tr`es simple d’´evolution des fr´equences all´eliques dans une population de taille
finie (Fisher 1930; Wright 1931)
2. Dans ce mod`ele, on consid`ere une
po-pulation diplo¨ıde de taille constante N. Les individus sont hermaphrodites
et il n’existe aucune diff´erence s´elective entre les diff´erents all`eles `a un locus
donn´e. Les individus se reproduisent de fa¸con simultan´ee et les croisements
se font au hasard. Ce mod`ele suppose que les g`enes `a la g´en´erationt+ 1 sont
le r´esultat d’un tirage avec remise des g`enes pr´esents `a la g´en´eration t (soit
un tirage sans remise dans une urne gam´etique contenant un nombre infini
de copies des g`enes pr´esents `a la g´en´eration t) et que les tirages sont r´ealis´es
ind´ependamment les uns des autres (voir Gale 1990, pp. 21-22).
Changement de fr´equence des g`enes en une g´en´eration
Traduits en termes statistiques, les hypoth`eses du mod`ele de
Wright-Fisher impliquent que le nombreX(t+ 1) de g`enes appartenant `a une classe
all´elique donn´ee est une variable al´eatoire tir´ee dans une loi binomiale de
param`etres 2N et X(t)/(2N). Donc, la probabilit´e que le nombre de copies
X(t+ 1) de g`enes d’une classe all´elique soit ´egal `a j, conditionnellement au
nombre de copies de g`enes dans cette classe `at est donn´ee par
P[X(t+ 1) =j|X(t) =i] =
2N
j
i
2N
j1− i
2N
2N−j(3.1)
(voir, par exemple, Ewens 1969, 1979). Par cons´equent, le nombre de
co-pies qu’un g`ene en particulier transmet `a la g´en´eration suivante, c’est-`a-dire
P[X(t+ 1) =j|X(t) = 1] suit une distribution binomiale (´equation 3.1) de
moyenne 1 et de variance 1−1/(2N). Pour de grandes valeurs de N, cette
distribution converge vers une distribution Poisson de moyenne (et donc de
variance) ´egale `a 1 (voir, par exemple, Feller 1968). Notons que le
nement est valable pour n’importe quel g`ene `a la g´en´erationt. Ceci implique
donc que chaque g`ene transmet, en esp´erance, le mˆeme nombre de copies `a
la g´en´eration suivante. En d’autres termes, un g`ene pris au hasard `a t+ 1 a
la mˆeme probabilit´e d’ˆetre la copie de n’importe quel g`ene `at. D’autre part,
la distribution conjointe du nombre de copies de g`enes transmis `a leur
des-cendance par les N individus pr´esents `a la g´en´erationt est une distribution
multinomiale sym´etrique
3.
Propri´et´es du mod`ele
D’apr`es le mod`ele de Wright-Fisher d´efini en (3.1), X(·) est une chaˆıne
de Markov
4, dont la matrice de transition est donn´ee par
P=P [X(t+ 1) =j |X(t) = i] (3.2)
Les deux plus grandes valeurs propres de cette matrice sont ´egales `a un. Si
les hypoth`eses du mod`ele de Wright-Fisher sont respect´ees, alors le mod`ele
est caract´eris´e par les propri´et´es suivantes :
(i) La plus grande valeur propre (diff´erente de l’unit´e) de la matrice de
transition des fr´equences all´eliques d’une g´en´eration `a la suivante, est
[1−1/(2N)] (voirEwens 1979, annexe B, p. 305).
(ii) La probabilit´e que deux g`enes tir´es au hasard dans la population soient
des copies du mˆeme g`ene est 1/(2N).
(iii) Conditionnellement `a la fr´equencexd’un g`ene `at, la variance de la fr´
e-quence de ce g`ene `at+ 1 estx(t) [1−x(t)]/(2N) (variance binomiale :
voir l’´equation 3.1).
3Il est int´eressant de constater que la distribution conjointe d’un ensemble de lois de
Poisson ind´ependantes, conditionnelle `a la somme de ces lois, est ´egalement une
distribu-tion multinomiale.
4On note X(·) la suite de variables al´eatoires X(1), X(2), . . ., X(t) telle que la loi
conditionnelle deX(t) sachantX(t−1),X(t−2),. . .est la mˆeme que la loi conditionnelle
Plusieurs d´efinitions de tailles efficaces
Il ne fait aucun doute que les hypoth`eses du mod`ele de Wright-Fisher sont
simplistes et ne peuvent pr´etendre d´ecrire la r´ealit´e de fa¸con pertinente. La
variance de succ`es reproducteur, par exemple, cause des ´ecarts significatifs
au mod`ele de Wright-Fisher. Tout d’abord les g`enes n’ont plus les mˆemes
probabilit´es de transmettre des copies d’eux-mˆemes `a la g´en´eration suivante,
et donc la distribution conjointe du nombre de copies de g`enes transmis
`
a leur descendance par les N individus pr´esents `a la g´en´eration t devient
une distribution multinomiale asym´etrique. D’autre part, si ces variations
du succ`es reproducteur sont h´eritables, alors les fr´equences all´eliques sont
corr´el´ees entre g´en´erations. Mais il existe d’autres effets (non s´electifs) qui
peuvent ´egalement causer des ´ecarts aux hypoth`eses du mod`ele. Il s’agit,
par exemple, de l’existence d’une structure sociale au sein des populations
(Chesser 1991b), de biais de sexe-ratio (Wright 1931), de syst`emes de
reproduction complexes (voir, pour synth`ese,Wright1969), de la dispersion
limit´ee (Wright1931), ou bien encore de la mise en place d’une structure en
ˆ
ages au sein des populations (Charlesworth 1994b). Pourtant, ce mod`ele
a permis de d´efinir le concept detaille efficace
5, introduit dans la litt´erature
par Wright (1931). Il est possible en effet de d´efinir la taille efficace d’une
population comme ´etant la taille d’une population de Wright-Fisher o`u la
d´erive g´en´etique aurait la mˆeme intensit´e que dans la population (ou bien
le mod`ele de population) qui nous int´eresse (voir Hartl et Clark 1989).
Or par quelle propri´et´e mieux vaut-il caract´eriser la d´erive g´en´etique ? On
voit bien qu’il est possible de d´efinir autant de tailles efficaces que l’on peut
compter de propri´et´es d´ecrivant le ph´enom`ene de d´erive. Plus pr´ecis´ement
donc, si l’on choisit l’une des propri´et´es du mod`ele de Wright-Fisher, il est
possible de d´efinir la taille efficace d’une population comme ´etant la taille
de la population de Wright-Fisher qui poss`ede la mˆeme propri´et´e (voir, par
exemple, Ewens 1979). On distingue en g´en´eral trois d´efinitions de la taille
efficace.
5Wright utilise alors le terme depopulation number ou d’effective number (Wright
(i) La taille efficace de consanguinit´e
6est d´efinie commeN
e(i)= 1/(2π), o`u
π est la probabilit´e que deux g`enes tir´es au hasard dans la population
soient des copies du mˆeme g`ene `a la g´en´eration pr´ec´edente (Wright
1931).
(ii) La taille efficace de variance
7est d´efinie comme N
e(v)=
(2 var[x(t)[1−x(t+1|x(tx)](t)]),
o`ux(t) est la fr´equence du g`ene A `a t (Crow etDenniston 1988).
(iii) La taille efficace de valeur-propre
8est d´efinie commeN
e(e)=
12(1−λ)
−1,
o`uλ est la plus grande valeur propre (diff´erente de 1) de la matrice de
transition des fr´equences all´eliques, d’une g´en´eration `a l’autre (Ewens
1979).
Ces diff´erentes d´efinitions montrent qu’il n’existe, en g´en´eral, pas une seule
valeur de la taille efficace. Car si ces d´efinitions donnent la mˆeme valeur de
Ne = N dans le cas d’un mod`ele de Wright-Fisher strict, il n’en va pas de
mˆeme dans des mod`eles de populations plus complexes o`u les effets de la
d´erive g´en´etique ne sont pas n´ecessairement les mˆemes que dans le cas d’une
population id´eale de Wright-Fisher.
Dans le document
Génétique des populations subdivisées : théorie et applications
(Page 83-86)