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3.2 Influence de la structure des populations

3.2.2 Structure temporelle

Structure temporelle dans des populations isol´ees

De mˆeme que la structure spatiale, la structure temporelle des populations

influence l’intensit´e de la d´erive qui s’y exerce. On peut d’ailleurs consid´

e-rer la structure en ˆages comme un cas particulier de structure spatiale o`u

les flux de g`enes se produisent entre les diff´erentes classes d’ˆage (voir, par

exemple, Charlesworth 2001; Whitlock et Barton 1997). L`a encore,

de nombreuses d´efinitions de la taille efficace ont ´et´e employ´ees.

Felsen-stein (1971) a calcul´e la taille efficace de consanguinit´e d’une population

structur´ee en ˆages, `a partir des changements de probabilit´es d’identit´e par

descendance de paires de g`enes prises au hasard dans la population. Dans

son mod`ele, Felsenstein(1971) obtient une taille efficace de consanguinit´e

(´egale `a la taille efficace de variance) ´egale au nombre d’individus

reproduc-teurs, multipli´e par le temps de g´en´eration et divis´e par un terme qui d´epend

des taux de mortalit´e avant reproduction.Hill (1972) a calcul´e la taille

effi-cace de variance d’une population structur´ee en ˆages, `a partir de la variance

des fr´equences all´eliques par g´en´eration. Hill (1972) a obtenu une taille

ef-ficace ´egale `a la taille efficace de variance d’une population `a g´en´erations

discr`etes o`u le nombre de nouveaux individus entrant dans la population

par g´en´eration serait identique, ainsi que la variance du nombre de

descen-dants par famille sur toute la dur´ee de vie des familles. Les approches de

Felsenstein (1971) et de Hill (1972) ont ´et´e d´evelopp´ees de fa¸con exacte

par d’autres auteurs encore (voirChoyetWeir 1978;Johnson1977). Par

ailleurs,Johnson (1977) a montr´e que la taille efficace de consanguinit´e de

Felsenstein(1971) est ´egale `a la taille efficace de variance d´efinie parHill

(1972).

Le lien entre taille efficace et probabilit´es de coalescence (§3.1.2) est

par-ticuli`erement utile pour d´ecrire les mod`eles de populations structur´ees en

classes. Dans des mod`eles complexes en effet, o`u la d´emographie peut ˆetre

explicite (Orive 1993), la taille efficace est d´efinie comme l’inverse du taux

moyen de coalescence entre paires de g`enes ancestrales (voirNorborg1997;

Rousset1999a,b), c’est-`a-dire du taux asymptotique de coalescence.

Rous-set (1999a) a montr´e que la taille efficace ainsi d´efinie est ´egale au produit

de la taille efficace de consanguinit´e deFelsenstein (1971) et du temps de

g´en´eration. Orive(1993) a d´efini une expression de la taille efficace en

fonc-tion des temps de coalescence de paires de g`enes dans diff´erentes classes. Ses

r´esultats sont num´eriquement tr`es proches de ceux de Felsenstein (1971).

Toutefois, comme dans la d´efinition deFelsenstein(1971), la taille efficace

d´efinie parOrive(1993) d´epend du temps moyen de g´en´eration et pose donc

le probl`eme de la d´efinition de ce temps de g´en´eration (voirRousset1999a,

pour une discussion sur le sujet).

Dans le cas o`u toutes les paires de g`enes dans une classe peuvent coalescer

en un g`ene de n’importe quelle autre classe, la structure en ˆages a pour cons´

e-quence de diminuer la taille efficace, d`es lors que tous les individus n’ont pas

la mˆeme valeur reproductive

10

(Nagylaki 1980; Rousset 1999a). En

re-vanche, lorsqu’une paire de g`enes dans une classe peut descendre d’une paire

de g`enes d’une autre classe mais ne peut pas coalescer dans cette classe, alors

la taille efficace augmente et peut compenser l’effet dˆu `a la variance de

va-leur reproductive individuelle. Dans ce cas, la taille efficace d’une population

peut ˆetre plus importante que le nombre total d’individus dans la population

(Rousset 1999a).

Ce dernier cas de figure refl`ete exactement ce qui se passe dans une

po-pulation de plantes annuelles dont les graines peuvent rester dormantes

pen-dant quelques g´en´erations. Les g`enes qui se trouvent dans des graines qui ont

dormi plus d’un an sont des g`enes qui ´etaient d´ej`a dans des graines dormantes

une g´en´eration auparavant, et ne peuvent donc pas avoir coalesc´e (puisqu’il

10La notion de valeur reproductive a ´et´e introduite par Fisher (1930). Il s’agit de la

contribution d’une classe d’individus (ˆage, sexe, etc.) `a la descendance future de la

popu-lation. Le nombre de descendants issus de cette classe, leur survie et le temps n´ecessaire `a

leur production sont autant de termes qui entrent dans le calcul de la valeur reproductive

d’une classe. Les valeurs reproductives de toutes les classes d’une population structur´ee

sont donn´ees par le vecteur propre `a gauche de la matrice qui d´ecrit les probabilit´es de

transition entre toutes les classes. La valeur reproductive d’un individu est ´egale `a la valeur

reproductive de la classe de cet individu, divis´ee par le nombre d’individus qui composent

T

aille efficace

Taux de germination

1 ans

5 ans

10 ans

20 ans

N (surface)

Age maximal

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

10

2

10

3

10

4

Figure 3.3:Taille efficace asymptotique d’une population de plantes

avec une banque de graines. La taille efficace est repr´esent´ee en

fonc-tion du taux de germinafonc-tion des graines, pour diff´erentes valeurs de

l’ˆage maximal des graines. La ligne grise indique le nombre

d’indivi-dus adultes (N = 50) dans la population. La reproduction se fait au

hasard (s = 1/N) et le taux de mortalit´e des graines dormantes est

´egal `a 0.1.

n’y a pas eu d’´ev´enement de reproduction) `a la g´en´eration pr´ec´edente. Dans

de telles situations (plantes annuelles avec banques de graines, ou banques

d’œufs de cop´epodes), le taux de coalescence des g`enes diminue (Kaj et al.

2001)

11

. Si l’on reprend le mod`ele pr´esent´e dans le § 2.2.2, on peut calculer

la taille efficace asymptotique d’une population isol´ee de plantes, dont les

graines ne germent pas imm´ediatement. Cette taille efficace a ´et´e calcul´ee

num´eriquement comme la plus grande valeur propre de la matrice de

transi-tion des probabilit´es d’identit´e de g`enes pour toutes les classes d’ˆage. Sur la

figure 3.3, la taille efficace est repr´esent´ee en fonction du taux de germination

des graines chaque g´en´eration. Pour des taux de germination inf´erieurs `a 1,

11

Kajet al.(2001) consid`erent un mod`ele o`uNindividus haplo¨ıdes sont produits chaque

g´en´eration par des graines produites ig´en´erations auparavant. Contrairement au mod`ele

que j’ai pr´esent´e pr´ec´edemment (§2.2.2), il n’y a pas de r´ef´erence explicite aux param`etres

biologiques (taux de survie, de germination) dont d´epend la structure en ˆages stable de la

A. Taille efficace B. FST

1 ans

5 ans

10 ans

20 ans

0.14 0.12 0.10 0.08 0.06 0.04 0.02 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 105 104 103 102

Figure 3.4: Taille efficace et diff´erenciation g´en´etique d’une

popu-lation structur´ee de plantes avec une banque de graines.F

ST

est

me-sur´e parmi les individus en surface. La population est constitu´ee de

20 sous-populations de N = 50 individus, et les taux de dispersion

des graines et du pollen sont tous deux ´egaux `a 0.02. Le taux de

mor-talit´e des graines est ´egal `a 0.1. Voir la figure 3.3 pour la signification

des trac´es.

c’est-`a-dire lorsqu’une proportion non nulle de graines ne germe pas chaque

ann´ee, la taille efficace est sup´erieure au nombre total d’individus

reproduc-teurs (en surface). L’effet est d’autant plus important que l’ˆage maximal des

graines (et donc le nombre de classes d’ˆage dans la banque de graines) est

´elev´e. Par cons´equent, l’effet majeur de la banque de graines sur la

distribu-tion de la variadistribu-tion g´en´etique est de diminuer l’intensit´e de la d´erive.

Structure temporelle et structure spatiale des populations

Lorsque l’on consid`ere non plus une mais plusieurs sous-populations

connec-t´ees qui peuvent ´echanger du pollen et des graines, c’est-`a-dire si l’on

consi-d`ere conjointement la structure spatiale et la structure temporelle, l’effet

de la dormance est ´egalement de diminuer l’effet de la d´erive g´en´etique. La

figure 3.4A montre la taille efficace d’une population subdivis´ee, dont les

individus produisent des graines dormantes.

d’in-T

aille efficace

Taux de floraison

1 ans

5 ans

10 ans

20 ans

N (surface)

Age maximal

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

10

2

10

3

Figure 3.5:Taille efficace asymptotique d’une population de plantes

monocarpiques p´erennes. La population est constitu´ee de N = 50

individus, au total. La reproduction se fait au hasard parmi les

indi-vidus adultes et le taux de mortalit´e des rosettes est ´egal `a 0.1. Voir

la figure 3.3 pour d’autres l´egendes.

dividus en fleurs chaque ann´ee (figure 3.4A). Ceci est la cons´equence, dans

une moindre mesure, des flux de g`enes limit´es entre sous-populations mais

surtout de l’augmentation de taille efficace locale avec le taux de dormance

(figure 3.3). Cette augmentation de la taille efficace locale avec le taux de

dor-mance explique pourquoi la diff´erenciation g´en´etique diminue avec le taux de

dormance (figure 3.4B). Par cons´equent, la mesure des F-statistiques pour

des populations structur´ees en classes d’ˆage ne permet pas d’inf´erer l’intensit´e

des flux de g`enes entre sous-populations, `a moins de connaˆıtre exactement la

structure en ˆages stable de la population.

Monocarpiques p´erennes

La structure en ˆages qui d´ecoule de taux de germination limit´es n’est pas

sans rappeler la structure en ˆages de plantes monocarpiques p´erennes,

c’est-`

a-dire de plantes dont la dur´ee de vie est sup´erieure `a une ann´ee, mais qui

ne fleurissent qu’une fois dans leur vie. Il suffit d’imaginer que les rosettes

A. Fécondité nette B. Plantes en fleurs

Taux de floraison

Age maximal

1 ans

5 ans

10 ans

20 ans

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

5

10

15

20

25

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

0

10

20

30

40

50

Figure 3.6:D´emographie d’une population de plantes

monocar-piques p´erennes. A. F´econdit´e annuelle nette par individu. B. Nombre

de plantes en fleurs. Le nombre total d’individus (plantes en fleurs

et rosettes) est ´egal `a 50, le coˆut `a la dispersion, τ, est ´egal `a 0.1 et

l’ˆage maximal qu’une graine peut atteindre est indiqu´e sur la figure.

(les individus juv´eniles avant floraison) jouent le mˆeme rˆole dans nos mod`eles

que des graines dormantes. Toutefois, si la structure en ˆages est la mˆeme, le

type de r´egulation de ces populations est diff´erent. Dans le mod`ele pr´esent´e

jusqu’`a pr´esent (voir§2.2.2), la r´egulation ne s’exer¸cait que pour les individus

en fleur qui constituent la population de surface. Dans le cas de plantes

monocarpiques p´erennes, la r´egulation s’exerce sur l’ensemble des individus

de la population, qu’ils soient aux diff´erents stades de rosettes, ou bien au

stade adulte.

La figure 3.5 montre l’´evolution de la taille efficace en fonction du taux

de floraison. En raison du mode de r´egulation, la taille efficace asymptotique

peut ˆetre inf´erieure ou sup´erieure au nombre de plantes en fleurs dans la

po-pulation. Pour de faibles taux de floraison, la r´egulation a pour effet

d’aug-menter la f´econdit´e nette par individu. Tr`es peu d’individus contribuent donc

beaucoup `a l’ensemble de la descendance (figure 3.6). A mesure que le taux

de floraison augmente, en revanche, la variance du succ`es reproducteur

di-minue et l’effet de tampon cr´e´e par les g´en´erations chevauchantes compense

l’effet de variance de succ`es reproducteur. La taille efficace asymptotique est

alors sup´erieure au nombre total d’individus dans la population (figure 3.5).