2.2 Structure en classes d’individus
2.2.1 Le cas des esp` eces animales ` a sexes s´ epar´ es
Je d´evelopperai ici une extension du mod`ele en ˆıles fini (voir, par exemple,
Latter 1973; Nagylaki 1983; Rousset 1996), adapt´e au cas des esp`eces
dio¨ıques. Par souci de simplicit´e, l’analogie sera faite avec des esp`eces
ani-males, `a sexes s´epar´es (mˆales et femelles). Je reprendrai ici les mˆemes
nota-tions que celles utilis´ees pr´ec´edemment (§2.1.2). En revanche, je distinguerai
les probabilit´es not´eesQ
h(apr`es dispersion) des probabilit´es not´eesQ
∗h(avant
dispersion). La notationQ
XYhsera utilis´ee pour d´efinir la probabilit´e
d’iden-tit´e de deux g`enes, l’un ´echantillonn´e dans un individu de sexe X, le second
´echantillonn´e dans un individu de sexe Y, et ce quels que soientX ∈ {♂,♀}
et Y ∈ {♂,♀}. De cette mani`ere, deux individus, l’un de sexe X, l’autre de
sexe Y peuvent ˆetre tous les deux des mˆales, tous les deux des femelles ou
bien l’un peut ˆetre un mˆale et l’autre une femelle. Le mod`ele que je
consi-d`ere reprend les principales hypoth`eses du mod`ele `a nombre fini d’ˆıles (voir
§ 2.1.2), `a l’exception des suivantes :
(i) Ce sont les individus qui migrent, plutˆot que leurs gam`etes (on
no-tera m
Xla probabilit´e qu’un individu de sexe X soit immigrant). Par
cons´equent, apr`es la dispersion des individus, la fr´equence des paires
d’individus qui proviennent d’une mˆeme sous-population `a la g´en´
e-ration pr´ec´edente est a
XY= (1−m
X)(1− m
Y) +m
X·m
Y/(n −1)
pour des individus tir´es au hasard dans une seule sous-population et
sous-populations distinctes.
(ii) Il y a autant de mˆales que de femelles dans chaque sous-population, et
les N/2 mˆales d’une sous-population ont chacun la mˆeme probabilit´e
de se croiser avec leurs N/2 cong´en`eres de l’autre sexe. Le nombre
de descendants est tr`es grand (infini) et le nombre L
XYde jeunes de
sexe X d’un parent de sexe Y qui survivent suit une loi binomiale de
param`etres
N2et
N2, soitL
XY∼ B
N2
,
N2(Nagylaki1995).
Apr`es la dispersion, ´etant donn´ee la dispersion diplo¨ıde, la probabilit´e
d’iden-tit´e des deux g`enes homologues d’un individu est ´egale `a la probabilit´e
d’iden-tit´e de ces g`enes avant la dispersion, c’est-`a-dire
Q
0(t+ 1) =Q
∗0(t+ 1) (2.18)
De mˆeme, les probabilit´es d’identit´e de paires de g`enes tir´ees au hasard entre
individus distincts apr`es dispersion sont ´egales aux probabilit´es d’identit´es
de paires de g`enes avant dispersion, pond´er´ees par les probabilit´es a
XYet
b
XYque les paires de g`enes proviennent d’une sous-population unique avant
dispersion, soit
Q
XY1(t+ 1) =a
XYQ
∗1(t+ 1) + (1−a
XY)Q
∗2(t+ 1) (2.19)
et
Q
XY2(t+ 1) =b
XYQ
∗1(t+ 1) + (1−b
XY)Q
∗2(t+ 1) (2.20)
Avant la dispersion, en revanche, la probabilit´e d’identit´e des deux g`enes
ho-mologues d’un individu est ´egale, `a la mutation pr`es, `a la probabilit´e
d’iden-tit´e des g`enes de ses parents, soit
Q
∗0(t+ 1) =γ Q
♂♀1(t) (2.21)
Les probabilit´es d’identit´e de paires de g`enes entre individus distincts d’une
mˆeme sous-population d´ependent de leur origine paternelle ou maternelle.
Dans un cas sur deux, les deux g`enes sont des copies issues d’individus de
mˆeme sexe. Il peut d’ailleurs s’agir d’un seul individu (avec la probabilit´e
2/N) ou de deux individus de mˆeme sexe (avec la probabilit´e (1−2/N)).
Dans le premier cas, les deux copies sont identiques avec la probabilit´e
γ[Q
0(t) + 1]/2 tandis que dans le second cas, ils sont identiques avec la
pro-babilit´eγ Q
♂♂1(t) si elles proviennent de gam`etes mˆales (en proportion 1/2),
ou γ Q
♀♀1(t) si elles proviennent de gam`etes femelles (en proportion 1/2).
Dans un cas sur deux, ´egalement, l’un des g`enes ´echantillonn´es provient du
p`ere de l’individu qui le porte, tandis que l’autre g`ene vient de la m`ere de
l’individu qui le porte. Ces deux g`enes ne peuvent donc ˆetre la copie d’un
seul g`ene `a la g´en´eration pr´ec´edente, et sont donc identiques avec la
proba-bilit´e γ Q
♂♀1(t). On suit le mˆeme raisonnement pour d´ecrire l’´evolution en
une g´en´eration des probabilit´es d’identit´e de paires de g`enes entre individus
appartenant `a des sous-populations distinctes, soit
Q
∗1(t+1) =γ
"
Q
0(t) + 1
2N +
1− 2
N
Q
♂♂1(t) +Q
♀♀1(t)
4 +
Q
♂♀1(t)
2
#
(2.22)
et
Q
∗2(t+ 1) =γ
"
Q
♂♂2(t) + 2Q
♂♀2(t) +Q
♀♀2(t)
4
#
(2.23)
En r´eunissant les ´equations (2.18) `a (2.23), on peut ´etablir les ´equations de
r´ecurrence pour les probabilit´es d’identit´e avant dispersion, d’une part, et
apr`es dispersion, d’autre part. En suivant les d´efinitions de Cockerhamet
Weir(1987) etRousset(1996), j’ai d´efini lesF-statistiques conditionnelles
au sexe des individus ´echantillonn´es comme des rapports de fonctions des
probabilit´es d’identit´e conditionnelles au sexe (voir ´egalement,Wang1997a,
1999)
F
ISXY= Q
0−Q
XY 11−Q
XY 1F
STXY= Q
XY 1−Q
XY21−Q
XY 2(2.24)
F
ITXY= Q
0−Q
XY 21−Q
XY 2F des femelles
ST
F des mâles
ST
Taux de migration des femelles
F
ST
0.1 0.2 0.3 0.4 0.5
0.05
0.10
0.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
Figure 2.4: Valeurs `a l’´equilibre des F
STpar sexe. Les valeurs des
F
ST♂♂et F
ST♀♀sont donn´ees en fonction du taux de migration des
fe-melles, pour un taux de migration mˆale fix´e. 2N = 20, n = 20,
N m
♂= 1 et µ= 10
−6.
pour tout (X, Y)∈ {♂,♀}
2. A l’´equilibre,
F
STXY= γd
XY2N(1−γd) +γ a
♂♂+a
♀♀−b
XY−γ
2a
♂♀−b (2.25)
o`u a = a
♂♂+ 2a
♂♀+a
♀♀/4, b = b
♂♂+ 2b
♂♀+b
♀♀/4 et d = a−b. Si
la dispersion n’est pas biais´ee en faveur de l’un ou l’autre sexe, c’est-`a-dire si
m
♂=m
♀=m, l’´equation (2.25) se simplifie en
F
ST= γd
2N(1−γd) +γ[b+ (2−γ)d] (2.26)
c’est-`a-dire une version l´eg`erement diff´erente
19de l’´equation (2.15) (voir aussi
Rousset 1996). La figure 2.4 montre les valeurs d’´equilibre des F
STmˆales
et femelles. Le taux de migration des mˆales (m
♂) est fix´e et ´egal `a 0.1 et
les valeurs d’´equilibre des F
STmˆales et femelles sont donn´ees en fonction du
taux de migration des femelles. On voit que les deux courbes se croisent au
F des femelles
ST
F des mâles
ST
Générations
F
ST
5 10 15 20 25
0.05
0.10
0.15
0.20
0.25
Figure 2.5: Variation des valeurs deF
STpar sexe au cours du temps.
Les valeurs de F
STmesur´ees chez les mˆales avant (×) ou apr`es (4)
dispersion sont indiqu´ees en noir. Les valeurs de FST mesur´ees chez
les femelles avant (×) ou apr`es (3) dispersion sont indiqu´ees en gris.
2N = 20,n = 20, N m
♂= 0.5,N m
♀= 1 et µ= 10
−6.
point o`u les taux de migration sont ´egaux (m
♀=m
♂= 0.1). Si les femelles
dispersent moins que les mˆales, F
ST♀♀> F
ST♂♂et si les femelles dispersent plus
que les mˆales, F
ST♀♀< F
ST♂♂. Il est important de noter ici que que cette
dif-f´erence entre les valeurs de F
STmesur´ees chez les mˆales et chez les femelles
d´epend du moment o`u l’´echantillonnage est r´ealis´e. Si l’on ´echantillonne les
g`enes imm´ediatement apr`es la reproduction (c’est-`a-dire avant la dispersion
juv´enile), alors on n’observe aucune diff´erence
20(Chesser 1991a,b; Wang
1997a). Avant dispersion, on peut montrer (´equations 2.18-2.23) qu’`a l’´
equi-libre,
F
ST∗= γ
2N(1−γd) +γ a
♂♂+a
♀♀−γ
2a
♂♀−b (2.27)
20Il me faut pr´eciser que cela d´epend ´egalement de la distribution du nombre de
La figure 2.5 montre les variations des valeurs de F
STpar sexe au cours
du temps, pour des g`enes ´echantillonn´es avant et apr`es la dispersion des
individus. Les femelles dispersent plus que les mˆales et doncF
ST♀♀< F
ST♂♂. En
outre, la diff´erence entre les valeurs de F
STavant et apr`es la dispersion est
toujours plus grande chez les femelles que chez les mˆales.
On notera ´egalement que la valeur de FST, lorsque l’on ´echantillonne les
individus ind´ependamment de leur sexe est donn´ee par
F
ST= γd
2N(1−γd) +γ a
♂♂+a
♀♀−b−γ
2a
♂♀−b (2.28)
En n´egligeant les termes du second ordre des taux de migration, on retrouve
l’expression« classique»duFST dans le mod`ele `a nombre d’ˆıles fini (´equation
2.16), avec un taux de migration ´egal `a la moyenne des taux de migration
des mˆales et des femelles (voir ´egalement Berget al. 1998).
Temps de coalescence
De la mˆeme mani`ere que pr´ec´edemment (§ 2.1.2), on peut examiner les
distributions des probabilit´es de coalescence (Rousset 1996, 2001b) pour
des paires de g`enes ´echantillonn´ees `a diff´erents niveaux hi´erarchiques, mais
´egalement `a l’int´erieur et entre les classes d´efinies ici (c’est-`a-dire les mˆales
et les femelles). On noteC=C
0, C
1♂♂, C
1♀♀, C
1♂♀, C
2♂♂, C
2♀♀, C
2♂♀T
le
vec-teur des probabilit´es de coalescence, par analogie aux probabilit´es d’identit´e
Q
XYh
. La figure 2.6 montre la distribution des probabilit´es de coalescence,
obtenues `a partir des ´equations (2.9) et (2.10) pour une matriceAet un
vec-teurDd´efinis `a partir des ´equations (2.18-2.23). Sur cette figure, les femelles
dispersent `a un taux cent fois sup´erieur `a celui des mˆales. On observe que les
distributions des probabilit´es de coalescence de paires de g`enes ´
echantillon-n´ees `a l’int´erieur des sous-populations sont proportionnelles quel que soit le
sexe des individus ´echantillonn´es. En revanche, les distributions
(condition-nelles au sexe des individus) des probabilit´es de coalescence de paires de
g`enes ´echantillonn´ees entre des sous-populations distinctes ne sont
propor-tionnelles que pour des temps anciens (t > 50 g´en´erations). Pour des temps
0 >C (t1 )
C (t)
2
C (t) des mâles
2
C (t) des femelles
Générations
Probabilités de coalescence
10 10
210
310
410
-410
-310 10
210
310
410
-410
-3Figure 2.6: Distribution des probabilit´es de coalescence par sexe.
2N = 100, n = 20, et m
♀= 0.2 = 100×m
♂. La surface entre C
1(t)
and C
2♀♀(t) (F
STfemelle) est en gris-clair. La surface entre C
1(t) et
C
2♂♂(t) (F
STmˆale) est repr´esent´ee par la r´eunion des surfaces
gris-clair et gris-fonc´e.
plus r´ecents, les probabilit´es de coalescence de paires de g`enes ´
echantillon-n´ees dans deux sous-populations distinctes chez les femelles sont sup´erieures
`
a ces mˆemes probabilit´es chez les mˆales. Ceci parce que la probabilit´e que
deux g`enes ´echantillonn´es dans deux sous-populations distinctes proviennent
d’une seule sous-population `a la g´en´eration pr´ec´edente (une condition n´
e-cessaire pour que deux g`enes coalescent) est plus grande si ces g`enes sont
´echantillonn´es dans des individus femelles. Par cons´equent, le temps moyen
de coalescence de paires de g`enes entre sous-populations chez les femelles
h
T
2♀♀=P
∞t=1
t·C
2♀♀(t)i est inf´erieur au temps moyen de coalescence chez les
mˆales hT
2♂♂=P
∞t=1
t·C
2♂♂(t)i.
En reprenant les repr´esentations graphiques de Rousset (1996, 2001b)
on note que la surface d´efinie par la diff´erence entre les distributionsC
XX1
(t)
et C
XX2
(t) est plus petite pour les femelles (X = ♀) que pour les mˆales
(X =♂) (voir la figure 2.6). Or dans la limite des faibles taux de mutation,
les densit´es de probabilit´es d´efinies par ces surfaces ont pour valeurs F
ST♀♀et
F
ST♂♂, respectivement. Lorsque la dispersion des individus est conditionnelle
`
a leur sexe, les diff´erences observ´ees entre les valeurs des F
STconditionnels
sont donc la cons´equence d’une plus grande probabilit´e de coalescence des
paires de g`enes ´echantillonn´ees dans des sous-populations distinctes, parmi
les individus qui dispersent le plus.
2.2.2 Le cas des plantes annuelles avec banques de
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Génétique des populations subdivisées : théorie et applications
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