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Mesure des taux de migration mˆ ales et femelles

4.2 Estimation des taux de dispersion par sexe

4.2.2 Mesure des taux de migration mˆ ales et femelles

Dans ce mod`ele, pr´esent´e en§2.2.1, j’ai calcul´e les valeurs d’´equilibre des

FST sp´ecifiques au sexe, chez des individus ´echantillonn´es avant et apr`es la

dispersion. Si l’on regarde d’un peu plus pr`es les ´equations (2.25) et (2.27)

(p. 40), on remarque que les expressions de F

ST

`a l’´equilibre sont tout `a fait

similaires, `a un terme de migration pr`es. Notamment, le rapport du F

XY

apr`es dispersion sur le F

ST

avant dispersion donne l’expression suivante

F

XY ST

F

ST

=dXY +bXY ·F

STXY

pour tout (X, Y)∈ {♂,♀}

2

(4.17)

o`u je rappelle que b

XY

est la fr´equence des paires d’individus tir´es au hasard

dans des sous-populations distinctes, et qui proviennent d’une mˆeme

sous-population `a la g´en´eration pr´ec´edente (voir p. 38). Le dernier terme du second

membre de l’´equation (4.17) est n´egligeable devant dXY. Par cons´equent,

F

ST

ne diff`ere de F

STXY

que par un facteur dXY = (1−mX[n/(n−1)])(1−

m

Y

[n/(n−1)]), o`u je rappelle quem

X

(respectivementm

Y

) est la probabilit´e

qu’un individu de sexe X (respectivement de sexe Y) soit immigrant et o`u

n est le nombre de sous-populations (voir § 2.1.2). Pour de grandes valeurs

den,d

XY

≈(1−m

X

)(1−m

Y

). Si l’on prend le rapport du F

XX

ST

sp´ecifique

au sexe des individus ´echantillonn´es, ´evalu´e apr`es la dispersion, sur le F

ST

´evalu´e pour des individus ´echantillonn´esavant la dispersion, alors on obtient

le taux de migration des individus de sexe X.

m

X

≈1−

q

F

XX

ST

/ F

ST

pour tout X ∈ {♂,♀} (4.18)

Par cons´equent, on peut construire un estimateur du taux de migration sp´

e-cifique au sexe, de la forme

b

m

X

= 1−

q

b

θ

XX

/ θb

pour toutX ∈ {♂,♀} (4.19)

o`u bθ

XX

est un estimateur multilocus de F

XX

ST

´evalu´e parmi les individus de

sexeX, ´echantillonn´es apr`es dispersion etθb

est un estimateur multilocus de

F

ST

´evalu´e parmi les individus ´echantillonn´es avant dispersion.

J’ai r´ealis´e un mod`ele de simulations stochastiques, afin de tester la pr´

eci-sion de l’estimateur du taux de migration sp´ecifique au sexe donn´e en (4.19).

La figure 4.6 montre deux exemples de la distribution totale des taux de

migration estim´es, chacun pour un jeu de param`etres. Dans la figure 4.6A,

les femelles dispersent cent fois moins que les mˆales. Dans seulement 0.6%

des cas, le taux de migration estim´e chez les femelles ´etait sup´erieur au taux

0 0.2 0.4 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0 0.2 0.4 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5

Taux de migration mâle

T

aux de mig

ration f

emelle

A. B.

Figure 4.6: Un exemple d’estimation des taux de migration par sexe.

Chaque point repr´esente une estimation conjointe des taux de

migra-tion des mˆales et des femelles. Quatre-vingt dix individus au total

ont ´et´e ´echantillonn´es au sein de dix sous-populations et g´enotyp´es `a

seize locus ind´ependants. Les tirets indiquent la premi`ere diagonale,

en dessous de laquelle le taux de migration des mˆales est plus faible

que celui des femelles. Les lignes en pointill´es donnent les valeurs

r´eelles (simul´ees) des taux de migration des mˆales et des femelles.

2N = 100, n = 20, m

= 0.1 et µ = 10

−3

. A. m

= 0.01. B.

m

= 0.2.

de migration estim´e chez les mˆales. Dans 78.6 cas sur 100 les intervalles de

confiance, obtenus par la m´ethode du bootstrap r´ealis´e sur les locus (voir

DiCiccio et Efron 1996), ´etaient disjoints tout comme les intervalles de

confiance moyens

15

. Dans la figure 4.6B, les femelles dispersent deux fois

plus que les mˆales. Dans 3.7% des cas, le taux de migration estim´e des

fe-melles ´etait inf´erieur `a celui des mˆales. Cependant, les intervalles de confiance

n’´etaient disjoints que dans 44.3 cas sur 100 et les intervalles moyens ´etaient

l´eg`erement chevauchants.

Pour une plus grande gamme de valeurs de taux de migration des

indivi-dus des deux sexes, le tableau 4.2 donne des r´esultats de l’estimation des taux

15Je d´efinis l’intervalle moyen comme ´etant l’intervalle de confiance dont les bornes

inf´erieures et sup´erieures ont pour valeur les moyennes des bornes inf´erieures et sup´erieures

Tableau 4.2: R´esultats de simulation d’un mod`ele `a nombre fini

d’ˆıles. Les moyennes (Moy.) et les ´ecart-types (s) des taux de

migra-tion estim´es sont indiqu´es pour chaque sexe et pour plusieurs valeurs

des param`etres m

et m

. 20 sous-populations de 50 individus

re-producteurs ont ´et´e simul´ees. Des ´echantillons sont pr´elev´es dans 10

sous-populations parmi 50 individus avant dispersion et parmi 50

in-dividus apr`es la dispersion. Huit locus sont g´enotyp´es. Les valeurs

moyennes des bornes des intervalles de confiance `a 95% sont ´

egale-ment indiqu´ees.

b

m

mb

m

Moy.(s) 95% C.I. m

Moy.(s) 95% C.I.

0.01 0.01 (0.01) [−0.01; 0.03] 0.01 0.01 (0.01) [−0.01; 0.03]

0.01 (0.01) [−0.01; 0.03] 0.02 0.02 (0.02) [0.003; 0.04]

0.01 (0.02) [−0.02; 0.05] 0.10 0.11 (0.03) [0.071; 0.16]

0.02 (0.03) [−0.03; 0.07] 0.20 0.21 (0.05) [0.154; 0.27]

0.02 0.02 (0.01) [0.001; 0.04] 0.01 0.01 (0.01) [−0.01; 0.03]

0.02 (0.02) [0.000; 0.04] 0.02 0.02 (0.02) [0.001; 0.04]

0.02 (0.02) [−0.01; 0.06] 0.10 0.11 (0.03) [0.068; 0.15]

0.03 (0.03) [−0.02; 0.08] 0.20 0.21 (0.04) [0.151; 0.28]

0.10 0.11 (0.03) [0.069; 0.14] 0.01 0.01 (0.02) [−0.02; 0.05]

0.11 (0.03) [0.067; 0.15] 0.02 0.03 (0.02) [−0.01; 0.06]

0.11 (0.04) [0.058; 0.16] 0.10 0.11 (0.04) [0.057; 0.16]

0.12 (0.05) [0.051; 0.18] 0.20 0.21 (0.05) [0.141; 0.29]

0.20 0.21 (0.04) [0.152; 0.27] 0.01 0.02 (0.03) [−0.03; 0.07]

0.21 (0.05) [0.151; 0.28] 0.02 0.03 (0.03) [−0.02; 0.08]

0.21 (0.05) [0.142; 0.29] 0.10 0.12 (0.05) [0.048; 0.18]

0.22 (0.06) [0.133; 0.31] 0.20 0.22 (0.06) [0.133; 0.32]

de migration par sexe. Les taux de migration sont en g´en´eral l´eg`erement

sur-estim´es, pour l’ensemble des gammes de param`etres consid´er´ees ici. Ce l´eger

biais provient vraisemblablement de l’approximation faite en n´egligeant le

terme bXY ·F

STXY

dans le second membre de l’´equation (4.17). La pr´ecision

de l’estimation augmente avec la valeur vraie (simul´ee) des taux de migration.

Lorsque les taux de migration sont faibles (inf´erieurs `a quelques pour-cents),

les ´ecart-types des estimations tout comme les intervalles de confiance sont

T

aille d'échantillon

Taux de migration femelle

T

aux de mig

ration mâle

Nombre de locus

30 60 90 0.01 0.02 0.1 0.2 8 12 16 > 1.0 0 - 0.25 0.25 - 0.50 0.50 - 0.75 0.75 - 1.0 0.2 0.1 0.02 0.01 8 12 16 8 12 16 8 12 16 30 60 90 30 60 90 30 60 90

Figure 4.7: Erreur relative sur les valeurs estim´ees des taux de

mi-gration par sexe. Chaque carr´e repr´esente une combinaison de

pa-ram`etres et dans chaque carr´e, le triangle sup´erieur donne l’erreur

sur les taux de migration des femelles et le triangle inf´erieur donne

l’erreur sur les taux de migration des mˆales. La taille d’´echantillon

indique le nombre d’individus ´echantillonn´e dans chacune des 10

sous-populations, parmi 20 sous-populations simul´ees. Un tiers du nombre

total d’individus est ´echantillonn´e avant la dispersion, le reste apr`es.

N = 50, n= 20 et µ= 10

−3

.

importants. Le biais et la variance des estimations du taux de migration d’un

sexe augmentent avec le taux de migration des individus du sexe oppos´e.

Pour diff´erentes valeurs des taux de migration mˆales et femelles, la

fi-gure 4.7 donne les gammes de valeur de l’erreur relative des carr´es moyens

parmi les mˆales (triangles des coins sup´erieurs) et les femelles (triangles des

coins inf´erieurs), pour diff´erentes strat´egies d’´echantillonnage (nombre

d’indi-vidus ´echantillonn´es, nombre de locus typ´es). L’erreur quadratique moyenne

relative est calcul´ee comme la valeur moyenne de [(mb

X

−m

X

)/m

X

]

2

. Pour

de faibles taux de migration (m

6 0.02 et m

6 0.02) l’erreur relative est

grande (> 0.50). Pour des taux de migration plus importants (m

> 0.1

et m

> 0.1) les taux de migration estim´es ont une pr´ecision satisfaisante

(6 0.21 pour 90 individus ´echantillonn´es par sous-population et 12 locus

g´enotyp´es). Cependant, l’erreur standard associ´ee aux taux de migration

es-tim´es pour le sexe le plus philopatrique est toujours plus forte que l’erreur

standard associ´ee aux taux de migration estim´es pour le sexe qui disperse le

plus, et ceci d’autant plus que les taux de migration sont grands (figure 4.7).

La pr´ecision des estimations augmente `a mesure que le nombre total

d’indi-vidus ´echantillonn´es augmente. En revanche, augmenter le nombre de locus

ne semble pas am´eliorer la pr´ecision des estimations. Pour le mˆeme effort

d’´echantillonnage (c’est-`a-dire le mˆeme nombre total de g´enotypes `a un

lo-cus), il vaut toujours mieux ´echantillonner plus d’individus que d’augmenter

le nombre de locus. D’avantage de r´esultats sont pr´esent´es dans l’annexe H.

Cette m´ethode montre que l’estimation desFST sp´ecifiques au sexe, avant

et apr`es la dispersion des individus, permet de mesurer les taux de migration

par sexe. L’´equation (4.19) d´efinit en effet un estimateur du taux de migration

par sexe, dont la pr´ecision a ´et´e ´evalu´ee par des simulations stochastiques

(tableau 4.2 et figures 4.6-4.7). Cette m´ethode peut s’appliquer `a n’importe

quelle esp`ece `a sexes s´epar´es, pourvu que l’on ´echantillonne les individus

avant et apr`es la dispersion. Ceci implique donc n´ecessairement une bonne

connaissance de la biologie des esp`eces et de leur cycle de vie. Cette m´ethode

peut donc s’appliquer aux nombreuses esp`eces dont on connaˆıt suffisamment

d’´el´ements du cycle de vie et pour lesquelles un biais de dispersion li´e au sexe

a d’ores et d´ej`a ´et´e constat´e (Greenwoodet Harvey1982; Greenwood

1980). Un ´echantillonnage adapt´e consiste, par exemple, `a pr´elever des tissus,

du sang ou toute autre source de mat´eriel g´en´etique, parmi les jeunes au nid

(avant dispersion) et les adultes reproducteurs (apr`es dispersion).

de dispersion `a partir de donn´ees de polymorphisme sur des marqueurs g´

e-n´etiques ont ´et´e cantonn´ees `a une approche qualitative visant `a caract´eriser

le mouvement relatif d’individus de sexe oppos´e. R´ecemment, Petit et al.

(2001) ont propos´e une approche quantitative, la premi`ere `a ma connaissance,

utilisant des marqueurs nucl´eaires (microsatellites) et mitochondriaux. Les

flux de g`enes sont g´en´eralement caract´eris´es par le « nombre efficace de

mi-grants par g´en´eration», c’est-`a-dire le produit de la taille efficace locale par

le taux d’immigration (Beerli etFelsenstein 1999;Slatkin 1987).

L’es-timateur du taux de migration que j’ai propos´e en (4.19) ne d´epend quant

`

a lui pas de la taille efficace locale. L’estimateur (4.19) donne la proportion

d’individus qui se reproduisent avec succ`es dans une autre sous-population

que celle o`u ils sont n´es. Ce param`etre inclue les coˆuts `a la dispersion.

4.2.3 Limites de l’approche

Quelles sont les limites de cette approche ? Le mod`ele qui a ´et´e d´evelopp´e

fait un certain nombre d’hypoth`eses, dont notamment celle d’un sexe-ratio

´equilibr´e. S’il existe des biais de sexe-ratio, on s’attend `a ce que la d´erive soit

plus forte. Dans ce cas, toute chose ´etant ´egale par ailleurs, la valeur de F

ST

(apr`es la reproduction) devrait donc ˆetre plus forte qu’en l’absence de biais

de sexe-ratio. Mais la valeur de F

STXY

aussi doit ˆetre plus forte et le rapport

de ces param`etres ne devrait pas ˆetre tr`es diff´erent de (4.17). En revanche,

cette approche souffre sans aucun doute de limites plus importantes li´ees

aux hypoth`ese faites quant au mod`ele de migration. L’analyse de mod`eles

d’isolement par la distance qui prennent en compte des biais de dispersion

sp´ecifiques `a certaines classes d’individus reste une question ouverte.