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Le modèle, ici développé, tente de pallier aux faiblesses du modèle dit « classique ». Les acteurs

prônant cette nouvelle vision de la castanéïculture qualifient souvent les pratiques employées par les

anciennes générations d’exploitants comme « incohérentes » (Chef d’entreprise, entretien 2019). Avec la

déchéance de la filière, le fruit ne valait plus grand-chose. Ramassé à la main, il était peu valorisé sur les marchés ou auprès des coopératives avec la vente en frais. Il était alors difficile pour l’exploitant d’espérer en retenir un revenu suffisamment élevé pour en vivre. Ce modèle doit évoluer et a évolué ces dernières décennies, le marché du frais ayant permis au produit d’être a minima valorisé, sous la légère hausse de la demande. Cependant, le modèle des coopératives n’innove pas suffisant et est même stagnant de par son approche. Il reste sur un marché peu porteur et bien qu’il souligne la difficulté d'approvisionnement, il n’engage pas les actions nécessaires pour sécuriser la production de la châtaigne. Le modèle actuel est

d’un « conservatisme total ». Malgré la modernisation progressive des vergers, cela reste une exploitation,

somme toute, classique avec peu de technique et une absence de révision des pratiques anciennes :

« Il faut repenser les problématiques de production et de valorisation du fruit à travers une approche

globale. Au niveau technologique, physionomique, écologique, pédologique, historique, etc. La châtaigne doit être considérée comme une pomme. Il faut pouvoir connaître parfaitement le produit afin d’innover dans les pratiques d'exploitation et s'intéresser aussi bien à l‘amont qu’à l’aval de la filière. Il faut repenser jusqu’au sol où sont implantés les arbres et aux cultivars utilisés jusqu'aux technologies de transformation et stratégies de packaging. » (Chef d’entreprise, entretien 2019).

L’entretien mené auprès de l’entreprise développant ce modèle à fait ressortir une notion : celle de l’innovation. Pourtant, il est intéressant d’analyser cette notion d’innovation car il ne s’agit finalement que de la continuité de pratiques existant depuis des siècles ; l'innovation n’étant perçue comme telle que par ses contemporains. Cette notion n’est-elle alors pas elle-même patrimoniale ? Le modèle d’exploitation du châtaignier n’a jamais été stagnant et ne cesse d’évoluer (le greffage, le modèle de la châtaigneraie, la pluralité de ses utilisations, etc.). Dans cette étude qui s’intéresse notamment à la place de l’héritage

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patrimonial mobilisé dans les pratiques actuelles pour qualifier cette ressource, l’innovation ne pourrait- elle pas finalement en faire partie ? C’est une question qui peut se poser. L’innovation serait alors une notion sur laquelle s’appuyer pour développer de nouvelles pratiques d’exploitation plus performantes et valorisantes. Ce modèle aspire ainsi à maîtriser et à moderniser l’ensemble du processus de production de la châtaigne, de la plantation du châtaignier à la transformation du produit disponible à la distribution. À travers une connaissance poussée de la châtaigne et de ses caractéristiques, les acteurs de ce modèle ont profondément modifié les pratiques d’exploitation et les techniques de transformation.

3.3.1.2 L'industrialisation de la transformation par la conquête de nouveaux marchés

Des recherches sont menées aux différentes étapes de la transformation du produit, avec pour finalité le développement d’une technologie transformant cette ressource à grande échelle tout en minimisant les pertes. Historiquement, l’étape de l’épluchage du fruit était une opération complexe qui provoquait la dégradation d’une bonne partie de la production (Castanéïculteur 1, entretien 2019). La châtaigne, râpée et abimée n’était plus conforme aux cahiers des charges imposées pour garantir une qualité du produit. Jusqu’à 50% de la production pouvait ainsi être perdus. Une perte, somme toute, loin d’être négligeable. Encore aujourd’hui, la plupart des usines de transformation continuent à employer ce procédé. Le développement technologique réalisé permet aujourd'hui de conserver

près de 70% de la production, le reste, les « déchets », les épluchures étant également conservées pour

être valorisées. L’étape suivante de la transformation, à savoir la cuisson est également améliorée. La châtaigne, en raison de ses qualités nutritionnelles, nécessite d’adapter la cuisson pour éviter la dégradation de l’aliment. La chaleur détruit les chaînes de protéines du fruit, altérant ses bienfaits et le fait noircir au-delà de 50 degrés par oxydation. Pour y remédier, il est commun de rajouter des acidifiants comme du citron ou de l’acide ascorbique. Cependant ce procédé altère le goût de la châtaigne. Les innovations de ces dernières années ont résolu ce problème avec le développement de nouveaux équipements qui n'altèrent ni le produit ni sa couleur et gèrent le séchage et la désinfection du fruit. Le développement technologique a durablement modernisé la transformation de la châtaigne. Ce petit fruit, dont sa peau épaisse nécessitait souvent, après un épluchage mécanique grossier, de repasser manuellement pour obtenir une qualité satisfaisante, est aujourd’hui entièrement mécanisé et automatisé. Une grande importance est accordée aux qualités gustatives et nutritionnelles du produit. Ils sont mis en avant et valorisés à travers un packaging adapté. L’objectif est de proposer et d’informer la clientèle sur certaines caractéristiques de ce produit : un fruit sans gluten et riche en amidon,

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transformé sous différentes formes et directement utilisable dans la consommation. Le processus de transformation est ainsi bien maîtrisé mais produit une certaine quantité de déchets. La peau de la châtaigne, non comestible, a longtemps été considérée comme un déchet à peine utile pour amender les sols. Pourtant celui-ci constitue près de 25% du poids du fruit. Une perte non négligeable qui pourrait être valorisée :

« On se posait la question sur son utilisation, la peau de châtaigne représente entre 18 à 28% de son poids. On ne peut pas se permettre de jeter une telle quantité. Cela représente presque ¼ du prix d’achat et il est finalement jeté. Une partie part en compost mais ça ne représente pratiquement rien. Il fallait trouver un moyen de valoriser ce déchet. » (Chef d'entreprise, entretien 2019).

Ce modèle avait pour ambition d'étudier la peau afin d’en cerner les propriétés et transformer ce déchet en ressource. Des recherches menées par l’INRA et l’Ecole vétérinaire de Clermont-Ferrand mettent en exergue la capacité antibiotique de cet objet. Provenant du tannin présent dans la peau de la châtaigne, la molécule identifiée a de fortes facultés vermifuges. Elle propose une alternative très intéressante aux antibiotiques classiquement utilisés en élevage, souvent chimiques, en disposant ainsi d’un produit naturel et sain. Des travaux en cours s’intéressent également aux propriétés nématicides de la peau du châtaignier. Il n’y a à ce jour encore aucune application mais il pourrait dans le futur être utilisé dans certaines vignes. La châtaigne n’est donc plus considérée comme une simple ressource alimentaire mais comme un produit pharmaceutique donc les qualités n’ont pas encore été toutes percées. Ce nouveau modèle intensif, à travers des recherches approfondies sur ce fruit, tend à valoriser cette ressource dans son intégralité. En s’appuyant sur les déchets issus de la transformation du fruit, ils se positionnent sur de nouveaux marchés. La mobilisation des caractéristiques écologiques du châtaignier par l’innovation contribue ainsi à valoriser la ressource.

3.3.2 Une stratégie internationale