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Les caractéristiques biophysiques du châtaignier, constituent une ressource de valeur pour les

acteurs cherchant à valoriser cette essence :« il a un fort potentiel car il pousse très vite et sous certaines

conditions, il a les mêmes qualités que le bois tropical car il est imputrescible. Il est stable et plus durable que le chêne » (Castanéïculteur 1, entretien 2019), « il est de classe 4, solide et il ne comporte pas ou peu d’aubier, ce qui est idéal pour une utilisation en bois d’œuvre » (Animateur forestier 2, entretien

2019). Pourtant, malgré ses qualités peu communes, le châtaignier souffre d’un important manque de visibilité. Largement détrôné par le chêne considéré comme une essence noble, le châtaignier, qui n’a pourtant rien à lui envier, n’est pas connu du public. Les professionnels exploitants sont bien souvent peu organisés et ils s’insèrent difficilement sur les marchés forestiers. Son manque de reconnaissance est tel que le châtaignier, pourtant essence majeure des forêts françaises, n’était, en 2010, pas encore reconnu et normalisé pour des usages structurels. L’absence de légitimité officielle limite ainsi fortement son utilisation en architecture et dans la construction (France Bois Forêt, 2018).

Ce n’est qu’à partir de 2012, que de nombreux spécialistes de cet arbre, provenant de plusieurs pays producteurs, se mobilisent pour normer ce bois. L’Italie, l’Espagne, la Suisse et bien-sûr la France travaillent conjointement pour enregistrer les caractéristiques mécaniques de ce matériau (LEMPIRE, 2011). En France, un programme national châtaignier est mise en place pour valoriser ce bois et bénéficier d’une reconnaissance nationale. Des commissions sont ainsi créées, réunissant un grand nombre d’acteurs de la filière forestière afin d’établir des normes et classer le châtaignier parmi les autres essences : « dans des

projets d’appel d’offre, il faut prouver que l’utilisation de ce bois constitue un réel atout et il est nécessaire de le prouver avec des documents officiels » (Scientifique 3, entretien 2019). Cette normalisation, menée

en partie par le FCBA, a abouti, à la création d’un document, le technoguide (illustrations n°18 et n°19). Il synthétise l’ensemble des caractéristiques mécaniques et techniques du matériau et présente également

la pluralité de ses utilisations en construction avec différents exemples : « il faut être démonstratif et montrer

en vrai ce que le châtaignier peut apporter en tant que matériau » (Animateur forestier 2, entretien 2019).

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de la construction (architectes, promoteurs, entreprises, etc.). Après la normalisation de cette essence, il s’agit maintenant de la faire connaître au public. Le technoguide constitue alors un document de communication très utile pour visibiliser le châtaignier. Toute une campagne de valorisation a été menée entre 2013 et 2014, par les acteurs de la filière afin d’informer et faire reconnaître cette essence. Egalement divers projets ont été menés pour résoudre certaines faiblesses liées au bois. Pour exemple, bien que ce matériau soit parfaitement adapté pour les aménagements extérieurs car imputrescibles, sa richesse en tannin entraine des coulures quand il est soumis aux intempéries. Une contrainte qui peut déqualifier son utilisation car il provoque des salissures tout en modifiant la couleur du bois. Des recherches sont ainsi menées et des fixateurs de tannins sont développés.

Les différentes démarches menées ont permis une meilleure reconnaissance de cette ressource. Bien que l’utilisation du châtaignier reste encore à la marge et qu’il ne puisse concurrencer des essences comme le chêne ou le pin, il constitue aujourd’hui un matériau opérationnel, de qualité et reconnu à travers des normes constructives définies. Cependant quoique ces différentes actions ont été menées à une échelle européenne, nationale et même portées par les acteurs de filière bois périgourdine, la

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Illustration n°18 : couverture du techno-guide Illustration n°19 : exemple d'utilisation du bois de châtaignierSour

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valorisation du châtaignier pour une utilisation en bois d’œuvre reste faible dans le département. En effet, le dépérissement de cette essence sur le territoire, les conditions climatiques et pédologiques ainsi que la culture du châtaignier en taillis ne permet pas une grande production de bois d’œuvre. Il s’agit souvent de bois de petits calibres non adaptés à ce marché mais qui en répond à d’autres plus à la marge.

4.2.2.2 Privilégier les marchés spécialisés aux marchés de masse

Le Périgord n’a jamais eu la prétention de développer une sylviculture du châtaignier centrée sur une production de bois à des fins d’utilisation « noble » (bois d’œuvre). Les caractéristiques géophysiques du département ne le permettent pas. Aujourd’hui, une grande partie des châtaigniers exploités sur le territoire est réservée à la papeterie et au bois énergie. Deux marchés qui ne valorisent économiquement que très peu ce bois. Il s’agit alors de réorganiser la filière et de développer des débouchés alternatifs. L’objectif est notamment de mettre au point des procédés de production permettant d’obtenir des billes de menuiseries de tailles modestes afin d’alimenter le marché du piquet ou du parquet existant (LEMPIRE,

2011), des secteurs plus rémunérateurs pour les exploitants. « Il est nécessaire de s’appuyer sur la pluralité

d’utilisations du châtaignier et ne pas tout envoyer dans les papeteries » (Animateur forestier 2, entretien

2019).

A travers sa polyvalence, cet arbre a toujours su se placer sur des marchés spécifiques qui ne convenaient pas à d’autres essences. En effet, même si la filière a connu au cours de son histoire, plusieurs épisodes difficiles, elle ne s’est jamais effondrée comme la filière fruitière. Bien que l’exploitation du châtaignier forestier ait périclité, sa polyvalence permet d’adapter son utilisation. Au début, cette essence était principalement réservée pour le charbon de bois avant de devenir une ressource majeure pour les

industries tanniques. Au cours de la Seconde moitié du XXe siècle, les acteurs de la filière se tournent vers

le piquet pour répondre au besoin des vignerons ainsi que dans le lambris, les clôtures et le mobilier (Animateur forestier 1, entretien 2019). La mode du bois étant cyclique, le châtaignier périclite dans les années 80 mais son utilisation se redéveloppe depuis quelques décennies. Aujourd’hui, il existe notamment un très gros marché autour des piquets pour de la rétention dunaire. Ces derniers, résistants même à des milieux salins, stabilisent les dunes en bord de mer. On les retrouve aussi dans les montagnes pour limiter les avalanches. Il ne s’agit pas ici d’un petit marché de niche à la marge mais d’un marché conséquent, intervenant à une échelle européenne. Les ganivelles constituent également un débouché non négligeable pour la filière châtaignier. L’émergence de la sensibilité environnementale développe

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les aménagements de type « naturels », et les parcs publics et les jardins se parent peu à peu de ces

produits (Animateur forestier 2, entretien 2019). Le parquet lambris, quant à lui, a toujours constitué un fondement sur lequel la filière bois du châtaignier s’est appuyée. Même si l'intérêt que les populations lui portent est cyclique, il a toujours constitué un produit intéressant. En effet, il se positionne souvent sur des échelles de prix situées entre celles du pin maritime et celles du chêne. Il propose ainsi aux particuliers une alternative au résineux sans dépenser autant que pour un parquet en chêne (Scieur, entretien 2019). Aujourd’hui, le châtaignier en tant que matériau est reconnu à la fois pour ses capacités biophysiques

mais également pour son image « naturelle » car ne nécessitant aucun traitement (Scieur, entretien 2019).

En Dordogne, il constitue une industrie certes de niche mais tout de même suffisamment conséquente pour

participer au développement de la vie locale. Malgré tout, le châtaignier est encore vu comme un « sous-

chêne » : « s'il arrivait à relever cette image, le marché pourrait exploser et ça inciterait, par la même occasion, les propriétaires à privilégier le châtaignier et adapter leurs stratégies de gestion » (Animateur forestier 1,

entretien 2019). Nous sommes peut-être à l’aube d’un regain de vitalité pour la filière châtaignier même s’il semble difficilement concevable que le marché autour de cette essence connaisse une grande expansion.