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Les initiatives et les stratégies de développement de ce modèle mises en œuvre sur la commune de Villefranche-du-Périgord et ses alentours constituent à ce titre un exemple intéressant. Située dans le sud de la Dordogne, cette localité est considérée, par de nombreux périgourdins, comme le bassin de production historique de la châtaigne. Ils se considèrent même comme le pays du châtaignier, preuve que l’attachement à cet arbre et sa culture ne sont pas seulement une affaire économique mais aussi une composante à part entière de leur identité territoriale. Une Maison de la Châtaigne a même été construite en 2013 pour sensibiliser le public à la castanéïculture mais également au rôle du bois de châtaignier dans l’histoire de ce village (Animatrice territoriale, entretien 2019). Comme dans l’ensemble du Périgord, la filière castanéïcole a lourdement pâti des pressions socio-économiques et écologiques de ces dernières décennies. La grande majorité des producteurs ne sont pas spécialisés dans la culture de ce fruit ou alors ils sont à la retraite et s’appuient sur le modèle classique des coopératives pour tirer un revenu de leur petite production. Mais, l’enquête menée a également mis en exergue une dynamique bien différente avec des producteurs ayant pris le parti d’assurer la transformation d'une partie de leur production en interne (illustration n°13 et n°14) :

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« On a deux producteurs à Villefranche-du-Périgord qui transforment directement leurs châtaignes, ils ont un moulin et un laboratoire pour développer leurs produits. Ils vendent exclusivement en direct auprès des consommateurs ou des boutiques dont une partie est transformée avec une gamme de produits variés »

(Animatrice territoriale, entretien 2019).

Preuve du soutien apporté par la collectivité à cette initiative et son souhait de la voir essaimer, un label site remarquable du goût a même été créé : la châtaigne du pays de Villefranche-du-Périgord. Bien que celui-ci bénéficie d’une reconnaissance encore limitée malgré les vingt ans d’ancienneté des sites remarquables du goût, il est porté par 5 ministères dont celui de l’économie. L’idée de cette démarche est de valoriser et faire rayonner le patrimoine matériel et immatériel lié à un produit (Animatrice 2, entretien 2019). En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, on parle bien souvent du produit mais rarement de son terroir ou du territoire qu’il contribue à façonner. Or, finalement, si la filière castanéïcole a résisté, c’est moins en raison d’un fruit qui finalement n’était plus apprécié ni consommé, que grâce à la mobilisation des passionnés et des amoureux de la castanéïculteur qui ont choisi de faire perdurer l’héritage d’une culture multi-centenaire. La forte dimension patrimoniale de cette initiative se retrouve dans l’idée qu’il existe un objectif marchand – développer la filière - mais aussi un objectif non-marchand - transmettre un héritage territorial. Héritage d’ailleurs repris par les acteurs de la filière dans l’objectif de construire autour de la châtaigne une image traditionnelle et chargée d’histoire.

3.2.2.2 Une image naturelle du produit mise en avant

Lucie DUPRE, dans son article paru en 2005, Classer et nommer les fruits du châtaignier ou la

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Illustration n°13 : une utilisation d'outils traditionnelles Illustration n°14 : une multiplication des produits à base de châtaigne

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construction d'un lien à la nature, écrivait que la châtaigne devenait « une valeur de refuge des sociétés

modernes ». Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, son exploitation fut considérée comme une

simple activité de cueillette mais récemment, de nouveaux modèles de production émergent. Ils mettent en avant une agriculture artisanale prônée par les acteurs, tout en soulignant la vocation symbolique et sensible des châtaigneraies, et une exploitation respectueuse de l’environnement et préservatrice de biodiversité. Les vergers ne sont plus simplement un lieu de production mais également un lieu de récréation ouvert aux touristes curieux de découvrir l’histoire du Périgord et les cultures pratiquées. Dans la continuité à cette démarche, les castanéïculteurs de Villefranche-du-Périgord se sont récemment mis à exploiter des variétés anciennes présentes dans les nombreux vergers abandonnés sur la commune pour diversifier leur production. Au-delà de leur conformité à l’image traditionnelle que souhaitent véhiculer ces producteurs, les cultivars anciens présentent notamment l’intérêt de produire des châtaignes de petits calibres adaptés à la transformation.

Ces castanéïculteurs 2.0 visent des segments de marché à forte valeur ajoutée en jouant sur la demande de clients qui ne recherchent pas simplement un produit local et traditionnel mais aussi une

image « verte » de la châtaigne. Les producteurs mettent donc en avant une culture bio, souvent pratiquée

mais peu mise en valeur. Même si la plupart des vergers sont bio, peu finalement réclament le label (Scientifique 3, entretien 2019). Il existe en partie, un manque de connaissances des agriculteurs sur cette qualification mais surtout parce qu’il y a peu de valorisation financière entre une châtaigne bio et non bio. Pour les populations, ce fruit est inconsciemment associé à une production forestière donc forcément

« naturel » et « bio ». Loin de se réduire à une logique d’émancipation du modèle coopératif actuel, la

stratégie patrimoniale des castanéïculteurs de Villefranche-du-Périgord passe aussi par des pratiques de cultures qui se veulent plus respectueuses de la terre et du vivant.

3.2.3 Des pratiques d'exploitation dans le respect de l'environnement