• Aucun résultat trouvé

concurrence ou complémentarité ?

3.1. Le contexte environnemental et les facteurs de production

3.1.1. Une forte variabilité du régime pluviométrique

Comme dans toutes les régions sahélo-soudanienne d’Afrique, la pluviométrie est extrêmement variable d’une année à l’autre tant en quantité (Fig. 7), qu’en répartition dans la saison (Fig. 8). Pour les productions végétales, les quantités de pluies enregistrées annuellement, malgré leur variabilité, sont généralement suffisantes. La date de fin des pluies est moins irrégulière, c’est surtout le début de la saison des pluies qui est imprévisible et qui, s’il est trop tardif, peut le plus fortement défavoriser les cultures. Il y a également les épisodes de sécheresses plus ou moins longues (5 à 25 jours), qui surviennent entre le mois de juin et de juillet (Arrivets et Rollin, 2002). Ces périodes de sécheresse sont particulièrement redoutées par ce que les

96 destructions de plants qu'elles occasionnent ne peuvent plus être rattrapées par de nouveaux semis au cours de la campagne agricole.

Figure 7 : pluviométrie des dix dernières années à Baïbokoum et Kélo

a ) Pluviométrie dans le site de la Tandjilé en zone soudano-sahélienne

Les pluies dans le site de la région de la Tandjilé commencent en avril, mais s'installent véritablement pour les travaux agricoles entre la dernière décade du mois de mai et le début du mois de juin. La moyenne annuelle (sur la période 2006-2015), mesurée sur le poste pluviométrique de Kélo, est de 1081mm. La fin des pluies intervient entre les mois de septembre et d'octobre. La courbe de l'année 2014 (Fig. 8) est caractéristique d'une mauvaise répartition pluviométrique, comme il en arrive très souvent dans la région. Après une arrivée assez précoce des pluies en avril, on observe un arrêt en mai, les pluies reprennent en juin pour permettre les semis, mais survient ensuite une poche de sécheresse au mois juillet (mois normalement très pluvieux). En année normale la courbe à l'allure d'une cloche avec un pic entre les mois de juillet et d’août.

97 Figure 8 : pluviométrie de 2014 à Kélo

b ) Pluviométrie dans le site des Monts de Lam situé en zone soudano-guinéenne

Le site de la région des Monts de Lam est situé sur la portion du Tchad la plus arrosée, avec une pluviométrique annuelle variant de 1200 mm à plus de 1500 mm. La moyenne annuelle (sur la période 2006-2015), mesurée sur le poste pluviométrique de Baïbokoum est de 1363 mm. La saison des pluies s'étale de mars-avril à octobre-novembre (Fig. 9). Les pluies peuvent débuter dès le mois de mars, cependant, les quantités qui permettent le démarrage des travaux agricoles arrivent vers la dernière décade du mois d'avril.

Figure 9 : pluviométrie annuelle en 2014 à Baïbokoum 3.1.2. Un calendrier cultural très contraignant

La variabilité et l'imprévisibilité qui caractérisent la saison des pluies ne permettent pas, même pour l'agriculteur le plus averti, de prévoir les périodes effectives du début des semis à

0 50 100 150 200 250 300 350 400 Pl uv io tri e (e n mm) Poche de sécheresse

98 l’approche d’une nouvelle campagne agricole. Les premiers semis commencent vers le milieu du mois d’avril dans le site des Monts de Lam et vers et la fin du mois de mai et au début de juin pour le site de la Tandjilé. Mais quel que soit la date de démarrage de la saison des pluies, le calendrier cultural offre très peu de marge de manœuvre aux agriculteurs. Lorsque les pluies s’installent, les semis sont groupés sur une période relativement courte qui dure de 30 à 40 jours (Fig. 10 et 11). Le sarclage qui est l'un des travaux les plus exigeants en main d'œuvre débute 10 à 15 jours après les semis. Les agriculteurs disposent à partir de ce moment, d’environ un mois pour terminer les premiers sarclages des parcelles semées, au risque d’en abandonner certaines. Quelle que soit la période de semis, c’est donc la capacité à effectuer les premiers sarclages à temps qui détermine la surface qu’un actif peut réellement travailler annuellement, et par conséquent les performances techniques d’une exploitation agricole.

99

Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept Oct Nov Déc Janv Fév

Décade 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 Sorgho Arachide Coton Maïs Sésame Manioc

Légende : Déf/Net/FO : défrichage, nettoyage, épandage fumure organique ; Lab/sem : labour semis ; Sarcl : sarclage ; an : année Limite de la période des pointes de travaux

Figure 10 : calendrier agricole dans le site de la Tandjilé

Déf/Net Lab/sem Sarcl Sarcl Sa rcl Récol

Sarcl Lab/sem Déf/Net Sarcl Récolte Sarcl 1 + engrais Récol Déf/Net/ Lab/sem Sarcl Butta Traitements phyto Sarcl Récol Déf/Net/

Lab/sem Sarcl 1 Sarcl

Déf/Net

Lab/sem Sarcl Récol

Plantation an 1 Désherbage an 1 Clôture an 1 Récolte

100

Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept Oct Nov Déc Janv Fév

Sorgho Arachide Coton Maïs Sésame Manioc

Légende : Déf/Net/FO : défrichage, nettoyage, épandage fumure organique ; Lab/sem : labour semis ; Sarcl : sarclage ; an : année Limite de la période des pointes de travaux

Figure 11 : calendrier agricole dans le site des Monts de Lam

Déf/Net Lab/sem Sarcl Sarcl Sarcl Récol

Sarcl Lab/sem Déf/Net Sarcl Récol Déf/Net Sarcl 1 + engrais Lab/sem sarcl 2, Buttage Traitements phytosanitaire Sarcl Récol Déf/Net/ Lab/sem Sarcl 1 Sarcl

Récol

Déf/Net

Lab/sem Sarcl Récol

Plantation an 1 Désherbage an 1 Clôture an 1 Récolte

101 3.1.3. Des disponibilités foncières variables en fonction de la densité

démographique

Pour l'ensemble des quatre villages, la moyenne de la surface agricole totale détenue par exploitation agricole est de 6,35 ha pour une surface moyenne cultivée de 3,46 ha. Même si le statut foncier moyen par exploitation agricole (tableau5) et le taux de mise en valeur des terres (Fig. 12) ne présentent pas de grandes différences (à l’exception du village de Béréo Kouh).

Tableau 5 : moyennes des surfaces cultivées et des jachères par exploitation agricole

Village Surface cultivée Jachère Surface totale Béréokouh 5,24 3,65 8,9 DaradjaNadjikélo 3,65 1,76 5,08 Kamkoutou 3,12 2,58 5,7 Mboura 2,99 3,61 6,56 Moyenne générale 3,46 2,97 6,35

Figure 12 : taux de mise en valeur des terres (en pourcentage de la SAU par EA) SAU : Surface agricole utile ; EA exploitation agricole

La situation réelle des terres cultivables dans les villages est assez contrastée entre les villages situés dans le site de la Tandjilé (Daradja Nadjikélo et Béréo Kouh) et ceux situés dans le site des Monts de Lam (Kamkoutou et Mboura).

Pour les villages de Kamkoutou et de Mboura, il y a sensiblement par exploitation agricole autant de surface cultivée que de jachère. La grande disponibilité de terre permet encore des jachères de longue durée (plus de 10 ans). La relative supériorité du capital foncier des agriculteurs du village de Béréo Kouh ne s’explique pas par une disponibilité foncière plus

66% 62% 50% 61% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Proportion

102 forte, ni par des capacités de travail exceptionnelles. Elle est plutôt le résultat des pratiques d’appropriation habituellement observées dans les terroirs en voie de saturation. En pareilles circonstances, chaque agriculteur a le souci de marquer les terres qui lui appartiennent, en privilégiant la productivité de la terre à celle du travail.

Parmi les quatre villages c’est à Daradja Nadjikélo que l’épuisement des réserves de terres cultivables est le plus ressenti. C’est contraints que les agriculteurs abandonnent leur terres pour deux ou trois années de jachères. À Daradja Nadjikélo comme à Béréo Kouh, il n’y a plus de réserves de terres à l'exception des espaces réservés aux cérémonies et rites traditionnels (forêt sacré de Daradja Nadjikélo), ou les terres incultivables de Béréo Kouh par ce que situées sur des affleurements rochers. Les surfaces actuelles détenues par les agriculteurs se réduiront de plus en plus au fil transmissions successorales.

L'héritage demeure le principal mode d'accès à la terre pour les jeunes qui s'installent. Les règles et droits d’usage de la terre ont évolué. Les principes de gestion communautaire des terres ont disparu au profit d’une appropriation individuelle même si elle n’est pas matérialisée par un acte juridique (au sens du droit moderne). La terre est devenue un bien marchand. Les prêts et les sessions gratuites de terres entre proches parents, pour une saison de culture sont de plus rares. Les pratiques de vente de terres ne sont pas encore observées. Par contre les locations de terres contre des paiements en espèces sont assez courantes dans le village de Daradja Nadjikélo.

Le potentiel foncier dans les villages de Kamkoutou et de Mboura offre par contre des possibilités de nouvelles extensions pour les cultures. Il existe des terres qui ne sont pas encore mis en valeur et des jachères de longues durées. À moins de recevoir d'agriculteurs qui viendraient d'autres régions, la disponibilité de terres peut être qualifiée de satisfaisante pour encore une ou deux générations d'agriculteurs. Il n'existe pas d'autorité de régulation pour l'utilisation des ressources foncières. Les nouvelles terres peuvent être mises en valeur sans procédures particulières. Mais l'exploitation des jachères de très longues durées (plus de 15 ans) est soumise à l'approbation du premier utilisateur, même s'il existe de signes qui attestent que celui-ci ne s'y intéresse plus, ou même lorsqu’il est décédé.

103 3.1.4. Un faible niveau d’équipement agricole

À l’exception de Mboura, le niveau d’équipement des exploitations agricoles des trois autres villages est supérieur à la moyenne de la zone soudanienne du Tchad. Plus de 40 % des exploitations agricoles agricole possèdent au moins une paire de bœufs de trait et une charrue, alors la proportion moyenne des exploitations agricoles détenant une charrue en zone soudanienne est d’environ 30 % (Hauswirth et Reoungal, 2006). La proportion des exploitations agricoles détenant une charrette par contre, est assez faible même si les taux de 21 % et 14 % des villages de Béréo Kouh et de Daradja Nadjikélo sont supérieurs à la moyenne de la zone soudanienne qui de 9 % (Fig. 13).

Figure 13 : Taux d'équipement des exploitations agricoles

Le faible niveau d’équipement du village de Mboura est surprenant par ce que la proximité du Cameroun qui a souvent été en pareille circonstance, un facteur favorable, ne semble avoir eu d'effet ici. En effet, les coûts d'acquisition des intrants et du matériel agricole au Cameroun sont inférieurs à ceux du Tchad, et le matériel agricole y est plus facilement disponible. Cette proximité a souvent profité aux agriculteurs des zones frontalières du sud-ouest du Tchad. On peut supposer que les difficultés de l'élevage des zébus en milieu tropical humide pourraient avoir été une des contraintes à la diffusion des équipements de traction animale dans ce village.