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Caractéristiques communes et spécificité des systèmes de culture

déterminants de l’évolution du manioc dans le sud tchadien :

3.6. Les principaux systèmes de culture intégrant le manioc

3.6.4. Caractéristiques communes et spécificité des systèmes de culture

Les villages Daradja Nadjikélo et Béréo Kouh, possèdent plusieurs caractéristiques communes : ils sont couverts par les mêmes isohyètes, leurs espaces sont toutes deux en voie de saturation et les populations partagent à peu près les mêmes rites et pratiques traditionnelles. Le village de Kamkoutou par contre dispose encore d'assez d'espace, et est situé dans une zone qui a une pluviométrie annuelle plus importante.

Malgré les différences entre les deux premiers villages et le dernier, les systèmes de culture que nous avons identifiés présentent suffisamment de similitudes qui permettent de les répartir dans deux groupes :

167 − Le premier groupe est constitué des productions à buts essentiellement alimentaires. Il s'agit du manioc et de trois céréales (sorgho, penicillaire et maïs). Les combinaisons comprennent le manioc et une ou deux des trois céréales. Le sorgho et le maïs sont cultivés dans les trois villages, alors que le penicillaire n’est cultivé que dans le village de Béréo Kouh et Daradja Nadjikélo. Bien que destiné prioritairement à être consommées les productions des céréales peuvent aussi être vendues, mais souvent dans des situations particulières. Par exemple, lorsque surviennent des évènements sociaux très contraignants (deuil, maladies, amendes judiciaires etc.). Par contre, une bonne partie de la production de manioc est généralement destinée à la vente, et la quantité vendue peut atteindre les deux tiers de la production.

− le second groupe est constitué des cultures qui peuvent être qualifiées de « vivriers marchands ». Il s'agit des cultures dont les produits entrent dans l'alimentation mais qui dans le cas présent servent en priorité comme sources de revenus monétaires. L'arachide occupe la première place dans cette catégorie depuis plusieurs années. Le sésame a également évolué vers le statut de vivrier marchand entre les années 2011 et 2013 et est revenu depuis 2014 à son ancien statut, par ce que l’envolée des prix, qui aurait pu en faire une culture commerciale, fut de courte durée. On retrouve aussi dans cette catégorie le coton, mais dans une proportion très réduite par rapport à son importance dans un passé relativement récent.

Les systèmes de culture sont donc des combinaisons de deux à cinq espèces. Les céréales et le manioc qui constituent l’ossature des systèmes de culture sont associés avec une à trois autres cultures choisies entre l'arachide, le sésame, le niébé ou le coton. Les différences entre systèmes de culture résident dans l'importance et la place que chaque agriculteur décide d'accorder aux autres espèces qui s'ajoutent au manioc et aux céréales. Indépendamment des facteurs de production (terres, équipements, et actifs familiaux), les choix des espèces à cultiver sont guidés par la nécessité d'assurer l'alimentation de la famille d'une part, et d'autre part d'avoir des revenus monétaires pour les autres besoins. À surface cultivées équivalentes, les différences entre agriculteurs se trouvent dans les proportions que chacun d'entre eux décide d'octroyer aux cultures vivrières destinés à l'alimentation et à celles à orientations marchandes. Nous entendons par culture vivrière à orientation marchande celles dont la production est en grande partie vendue, cela ne veut bien entendu pas dire que les autres productions vivrières ne sont pas vendues. Dans la suite du texte nous désignerons les vivriers à orientations marchandes simplement par le terme «vivriers marchands».

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a ) Les systèmes de culture à orientation alimentaire

Dans les faits, un système de culture à orientation strictement alimentaire n’existe pas. Quel que soit son statut, un agriculteur peut vendre (volontairement ou contraint par les circonstances) une partie de la production de n’importe quelle culture. Les systèmes de culture dont il s’agit ici sont ceux des agriculteurs qui, soumis à de multiples contraintes, sont obligés de privilégier les cultures qui doivent servir à l’alimentation de leur famille. Ce sont donc des systèmes de culture dans lesquels le manioc et les céréales occupent plus de 60 % de la surface cultivée.

Ces systèmes de culture qui sont pratiqués par 73 % des agriculteurs de notre échantillon, peuvent être scindés en deux catégories. Dans la première, le système de culture n'est pas très diversifié. Le manioc est associé à une ou deux céréales et un seul vivrier marchand. Dans la seconde catégorie, le nombre d’espèces associées dans le système de culture peut atteindre six, et ce indépendamment de la surface totale cultivée, des équipements ou des actifs familiaux disponibles. L'augmentation du nombre d'espèces cultivées est une stratégie de diversification en réponses aux aléas climatiques et aux fluctuations interannuelles des prix. Les systèmes de culture les plus rencontrés sont les suivantes :

‐ manioc – céréales – sésame ; ‐ manioc – céréales – arachide ;

‐ Manioc – céréales –arachide – sésame ;

‐ manioc – céréales – arachide – niébé – voandzou.

Le sésame est fortement représenté dans les systèmes de culture du village de Kamkoutou, alors qu'il est rarement cultivé à Béréo Kouh et Daradja Nadjikélo. Le niébé est surtout cultivé à Daradja Nadjikélo et le voandzou peut être qualifié de spécifique à Béréo Kouh, même si on peut trouver quelques parcelles à Daradja Nadjikélo. L'objectif des agriculteurs qui adoptent ces systèmes de culture est avant tout de garantir l'alimentation de leur famille. Le manioc et les céréales occupent entre 50 % et 70 % de l'assolement. Les superficies cultivées par ces systèmes de culture varient pour la plupart entre 2,5 ha et 4 ha et peuvent atteindre exceptionnellement 5 ha.

b ) Les systèmes de culture à orientation marchande

Même si le souci d'assurer l'alimentation de la famille n'est pas perdu de vue, les pratiques dans ce type de système de culture sont particulièrement orientées vers la recherche de revenus. Les espèces cultivées sont celles qui sont susceptibles d'obtenir une bonne valorisation monétaire de leurs produits. L'estimation des revenus monétaires attendus sur une culture est généralement

169 faite à partir des conditions de vente et des prix observés l'année précédant celle de la mise en place des cultures. Les risques liés aux aléas climatiques et aux fluctuations des prix de produits agricoles, contraignent souvent les agriculteurs à opter pour des systèmes de culture très diversifiés. Ce souci de diversification peut se traduire par le choix de cultiver plusieurs espèces différentes. Ce qui oblige, lorsque l'augmentation de la surface totale cultivée n'est pas possible, à des ajustements qui entrainent les réductions des superficies de certaines cultures au détriment d'autres. Ces systèmes de culture sont le plus souvent mis en place par des agriculteurs équipés, relativement aisés et qui n'ont pas (dans les conditions pluviométriques normales) des problèmes pour couvrir leurs besoins alimentaires. On le trouve aussi chez des jeunes actifs récemment installés et qui ont les possibilités de recourir à de la main d'œuvre extérieure, rémunérée ou non, pour compenser l’insuffisance de leur force de travail. Il s'agit donc de jeunes qui ont une activité extra agricole (petits commerçants, artisans), ou de ceux qui qui ont conservé encore de fortes relations avec leurs parents, leur permet d'accéder aux équipements de culture attelée de leur famille d’origine, aux réseaux d'entraide, ou à des soutiens financiers en cas de difficultés.