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déterminants de l’évolution du manioc dans le sud tchadien :

3.5. Les pratiques de transformation des racines de manioc

3.5.3. Les pratiques de transformation au Tchad

Les procédés de transformation qui sont utilisés au Tchad ne sont pas très élaborés et la transformation s’arrête généralement au premier stade. Le but recherché est d'obtenir des cossettes qui puissent être transformées en farine et utilisées pour la préparation soit de bouillie, soit d'une sorte de pâte durcie appelée "boule" qui se consomme avec une sauce. Il existe trois types de cossettes en fonction du mode de fermentation choisie (Fig. 40).

156 Figure 40 : procédés de transformation des racines de manioc en cossettes

a ) La production des cossettes par fermentation lactique (rouissage)

Les pratiques de fermentation durant le procédé de rouissage sont fondamentalement partout les mêmes. Les différences s'observent uniquement dans les contenants utilisés. Le procédé consiste à immerger des racines de manioc dans de l'eau, pendant trois à cinq jours. Les racines sont préalablement épluchées, conservées entières ou prédécoupées (lorsqu'elles sont très grosses). Les conteneurs en matériaux synthétiques plus volumineux et plus facile à manier (photo 11) remplacent de plus en plus les jarres (photo 12) en terres cuites qui étaient les récipients utilisés dans le passé. Certains grands producteurs de manioc ont construits des ouvrages spécifiques en

Épluchage Lavage Défibrage Rouissage Boulette Grumeaux Pilage Séchage Découpes en petites tranches

157 maçonnerie (photo 13). Le rouissage a également pour but de donner un goût aigre très apprécié des consommateurs.

Photo 11 : conteneur en plastique utilisés pour le rouissage

Photo 12 : jarres en terre cuite utilisées pour le rouissage

Photo 13 : bassin de fermentation en ouvrage maçonné utilisé pour le rouissage

Les racines fermentées sont ensuite retirées, défibrées et séchées au soleil. Deux formes de produits sont obtenues en fonction du mode de présentation final choisi.

Dans le premier cas, la pâte est simplement émiettée et mise à sécher sur des nattes ou des toiles en plastiques (photo 14). Le produit final séché est un ensemble de petits grumeaux friables qu’on peut facilement transformer en farine. Cette forme de présentation est utilisée

158 pour les petites quantités destinées à l’autoconsommation ou pour raccourcir les délais de séchage, durant les périodes de faible ensoleillement en saison des pluies.

Photo 14 : séchage de cossettes en grumeaux

Dans la seconde forme, la pâte est façonnée en petites boulettes avant le séchage (photo 15). Cette dernière forme de présentation d’après les agriculteurs est meilleure, par ce qu’elle facilite le transport, surtout lorsque les cossettes sont destinées à être vendues sur des marchés éloignés des zones de production.

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b ) La production des cossettes par fermentation aérobie

Cette technique consiste à éplucher les racines de manioc, les découper en petites tranches, les défibrer (ou non) et laver (ou non) les morceaux de pulpe. Ceux-ci sont étalés sur des nattes ou des bâches pour une déshydratation et une fermentation naturelle. Le séchage peut durer de quelques jours à plusieurs semaines en fonction de l'ensoleillement. Les cossettes obtenues sont de forme et de taille très variables.

Ce procédé est moins contraignant que le rouissage qui nécessite beaucoup d'eau et l'utilisation de conteneurs appropriés. Comparées aux boulettes et aux grumeaux, les cossettes obtenues par fermentation aérobie sont moins prisées des consommateurs. Elles n’ont pas le goût aigre des produits obtenus par rouissage et par conséquent, une valeur marchande plus faible. Les agriculteurs font recours à ce procédé lorsque la production est importante, et que les coûts des investissements à réaliser en temps de travail ou en acquisition de conteneurs sont élevés. Cependant, le procédé possède certains avantages, outre la réduction additionnelle en cyanogènes obtenus par l'épluchage, cette pratique a l’avantage de rendre les cossettes plus tolérantes aux ravageurs des stocks dans la mesure où elles deviennent plus dures (Agueguia et

al., 2000). Les produits séchés (boulettes ou grumeaux) sont conditionnés dans des sacs de

polyéthylène ayant des poids compris entre 60 kg et 90 kg.

Le séchage des produits transformés nécessite des bonnes conditions d'ensoleillement, et une faible humidité relative de l'air. Les bonnes périodes de transformation se situent donc après l'arrêt complet des pluies, à partir de novembre pour la zone soudano-sahélienne et décembre pour la zone soudano-guinéenne. Mais contrairement à la période pluvieuse où l'humidité du sol facilite l'arrachage de manioc, les récoltes qui ont lieu en saison sèche nécessitent un peu plus de travail par ce qu’il faut creuser pour extraire les racines du sol.

c ) Les autres produits dérivés du manioc

Les autres produits dérivés du manioc sont généralement destinés l'autoconsommation des ménages ruraux, ou à être vendus sur des marchés de proximité. Les produits dérivés les plus connus dans cette catégorie sont le "Mambéré", le "Binan" ou le "Mbe".

Le Mambéré (photo 16) est très consommé dans les régions du Moyen-Chari et du Mandoul. Il est fabriqué à partir de la pâte obtenu par broyage des racines rouies. La pâte est modelée en bâton de cinq à dix centimètres de diamètre et de 15 à 20 cm de long. Les bâtons sont enveloppés dans des feuilles de sorgho ou de bananiers et ficelés. Ils sont ensuite cuits soit à l'eau, soit à la vapeur pendant une à deux heures. Le principal avantage du mambéré réside dans sa durée de conservation qui peut dépasser une semaine. Produit dans les zones rurales, les

160 bâtons peuvent être vendus dans les grandes agglomérations ou en bordure des grands axes de communication.

Photo 16 : mambéré vendu sur un marché de

Sarh Photo 17 : binan en vente sur le marché de

Déli

Le "Binan" " (photo 17) est une variante du Mambéré que l'on rencontre dans les départements des deux Logones et de la Tandjilé. Il est fabriqué suivant le même procédé utilisé pour le

Mambéré, mais le conditionnement pour la cuisson est moins soigné, il se conserve moins

longtemps que le Mambéré.

Photo 18 : gâteaux de manioc (mbe) Photo 19 : gari produit à Béré Kouh

Le "Mbe" (photo 18) est un gâteau de manioc fabriqué avec le même type de pâte qui permet d'obtenir les deux produits précédents. La pâte fraîche est modelée pour lui conférer une forme plus ou moins plate et mise ensuite à cuire sur une poêle surchauffée.

161 Le Gari, est un produit dérivé largement consommé en milieu urbain en Afrique de l'Ouest (Abbas et al., 2013). C’est un produit sec, croustillant, granulaire et de couleur blanc crème. Il est fabriqué à partir de racines de manioc écrasées jusqu’à l’obtention d’une pâte qui est ensuite fermentée et tamisée pour obtenir une semoule. La semoule est torréfiée pour fabriquer le produit final (James et al., 2013b).

La technique de transformation du manioc en gari a été introduite au cours des années 2000 dans les villages de Béro Kouh et de Kamkoutou. Des agriculteurs ont été formés et équipés en petits équipements de transformation du manioc en gari et en tapioca. Le procédé de transformation semble avoir été maîtrisé, puisque du gari d’assez bonne qualité est fabriqué

par certains agriculteurs (photo 19). Cependant, les quantités produites sont très faibles et les

produits sont autoconsommés par les agriculteurs.

Les feuilles constituent dans les régions de production de manioc l'un des principaux condiments qui entrent dans la composition des sauces. Les feuilles sont broyées au pilon et la pâte obtenue est cuite dans une sauce de viande ou de poisson fumé ou séché. Elle peut également être cuite simplement en lui adjoignant de l'eau et une pâte d'arachide ou de sésame. Après les récoltes, il faut attendre plusieurs

mois avant que les feuilles issues de nouvelles plantations soient disponibles pour la consommation. Pour se prémunir contre ces pénuries, les feuilles sont découpées et séchées (photo 20). Elles sont ensuite utilisées dans la préparation des sauces suivant les mêmes procédés de cuisson que ceux utilisés pour les feuilles fraiches. Les formes séchées sont de nos jours de plus en plus vendues sur les marchés des grandes villes.

Photo 20 : feuilles de manioc séchées vendues sur le marché de Moundou.