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Une difficulté de constituer le jury et ses remèdes 

Dans le document Le titre et le marché (Page 42-44)

Pour  ce  qui  est  de  la  constitution  des  jurys,  un  certain  nombre  de  constats  sont  partagés  par  les  centres agréés. Sans surprise et de manière constante dans le temps, ils expriment leurs difficultés à  constituer  leurs  jurys  de  session  d’examen,  faute  entre  autres  de  disponibilité  chez  les  professionnels.  

 

Garant de la valeur de la formation et de la certification, la préparation de cette étape de l’examen  final  est  synonyme  de  difficultés  à  surmonter.  Celles‐ci  sont  inhérentes  à  la  constitution  des  jurys  mais  aussi  à  la  professionnalisation  des  jurés,  les  deux  aspects  étant  décrits  comme  des  obstacles  réels à l’usage du titre professionnel et à son essor. Même les centres agréés d’entreprise disent en  pâtir  aussi,  en  dépit  d’être  du  «milieu»  et  d’être  en  proximité  quotidienne  d’un  large  vivier  d’intervenants possibles.  

 

Les blocages semblent résulter de causes multiples : la disponibilité en temps des professionnels ; les  ressources  budgétaires  pour  rembourser  leurs  déplacements ;  mais  surtout,  les  règles  déontologiques  qui  accompagnent  l’indemnisation  des  membres  du  jury.  Cette  question  de  l’indemnisation semble être un « sujet tabou ». Pourtant, les acteurs disent en connaitre la pratique  et la dénoncent pour ses effets pervers inégalitaires envers ceux qui ne la pratiquent pas. Problème  non tranché, ce sujet crée polémique, accroit les difficultés d’organisation des examens finaux pour  les centres de formation qui n’entrevoient pas des propositions de solutions.     Par ailleurs, les difficultés de recrutement des jurés ‐ pour le titre au moins un professionnel et un  formateur  ‐  sont  renforcées  par  le  fort  turnover  des  formateurs  enregistrés  pour  de  nombreux  centres,  sauf  à  l’AFPA  est‐il  noté.  Pour  ce  qui  est  des  formateurs,  les  récentes  mesures   réglementaires concernant leur qualification (arrêté du 22/12/2015 en application en juin 2016) sont  jugés être un facteur aggravant : « où va‐t‐on trouver des formateurs s’ils doivent avoir maintenant 

au moins trois ans de métier dans le titre et ne pas avoir quitté le métier pendant cinq ans précédant  l’habilitation.  On  ne  s’explique  pas  une  telle  contrainte…  on  a  des  formateurs  qui  sont  formateurs  depuis six ou sept ans et qui ont par définition quitté leur métier d’origine, d’autres sont retraités du  secteur depuis plusieurs années et enseignent… ». 

      

 

Au bout  du compte,  quel  que soit le  contexte, la constitution du jury est estimée être un moment  stressant  car  jusqu’à  l’examen  elle  reste  incertaine,  comme  le  décrit  bien  un  responsable  de  formations : « les professionnels de l'évaluation ont en général peu de disponibilité ; c'est toujours un  casse‐tête pour les centres agréés, jusqu'au matin de l'examen, un des jurés peut très bien téléphoner  en disant, mon patron finalement ne me laisse plus partir parce qu'il y a un gros problème au niveau  de mon entreprise et je ne peux pas me dégager, ce qui fait que l'examen ne peut pas se tenir ». Des  problèmes de cette nature impliquent que pour être assuré de la tenue de l’examen, le centre agréé  doit prévoir un deuxième jury, en substitution du premier au cas où. Cette contrainte est considérée  lourde  à  gérer,  hormis  celle  de  la  rémunération  des  jurés  pour  laquelle  il  faut  avoir  une  capacité  financière  suffisante.  Ces  deux  points  reviennent  le  plus  fréquemment  dans  l’ordre  des  préoccupations.     L’ensemble de ces problèmes trouvent heureusement quelques solutions.     Tout d’abord, les directions de ces organismes de formation reconnaissent unanimement bénéficier  d’une aide efficace de la part des services déconcentrés, jamais cités en défaut de disponibilité, pour  constituer les jurys. Bien que jugée parfois être une interface lourde d’utilisation, la base VALCE dans  cette  fonction  est  perçue  comme  une  ressource  utile.  Des  propos  reflètent  ce  constat :  « les 

employeurs  ne  sont  pas  disponibles  peut‐être  a‐t‐on  eu  un  problème  de  calendrier  en  plaçant  nos  sessions d’examen en juin13… nos contacts avec la Dirrecte sont bons et facilitateurs, ça a été sportif  pour mettre en place nos jurys mais on y est arrivé ; ça demande beaucoup d’énergie. On a constitué  tout  un  vivier  de  professionnels  pour  trouver  des  solutions  et  on  convoque  4  ou  5  d’entre  eux  pour  être assuré d’en avoir 2 le jour dit ». Malgré un accompagnement, l’organisation de l’évaluation reste 

un tournant délicat à négocier, chronophage et réclamant une forte mobilisation. 

 

Ensuite,  les  centres  de  formation  créent  leurs  propres  solutions  en  développant  divers  moyens  de  fidélisation ou en faisant appel à des anciens stagiaires passés par le centre et retournés dans la vie  active.  Leur  présence  dans  les  entreprises  fait  de  celles‐ci  des  lieux  d’accueil  pour  les  stagiaires  actuels. Un chargé de formation illustre cette coopération multilatérale, ce « gagnant‐gagnant » pour  le centre agréé et pour l’entreprise : « je travaille toujours avec la même dizaine de professionnels, 

très impliqués dans les procédures de validation des titres mais aussi ayant fait beaucoup de choses  pour notre CAP… les autres entreprises sont celles qui ont une fibre sociale et citoyenne, qui ont une  visée  d’aider  les  jeunes  ou  les  moins  jeunes  d’ailleurs.  Cela  les  sort  aussi  de  leur  travail  de  leur  quotidien  et  les  aide  à  prendre  du  recul ».  Pour  la  plupart  des  organismes  agréés,  la  meilleure 

protection  contre  les  difficultés  de  recrutement  de  jurés  reste  donc  la  consolidation  d’un  réseau  stable de partenaires économiques. Le plus souvent, le repérage et la cooptation des jurés d’examen  s’effectue lorsque ceux‐ci sont à un moment donné les tuteurs des stagiaires dans l’entreprise. Mais  du point de vue de la plupart des personnes enquêtées, ces pratiques n’excluent pas le fait que les  services  de  l’Etat  pourraient  promouvoir  de  manière  plus  active  une  communication  à  caractère  généraliste,  c'est‐à‐dire  sans  ciblage  de  métiers  ou  de  secteurs  particuliers,  à  destination  des  entreprises en les invitant à y participer. 

 

Du coté des employeurs, la participation de leurs professionnels aux jurys est certes peu rentable en  termes financiers mais ils n’y voient pas que des inconvénients, loin s’en faut. Pour certains d’entre  eux, retirer un bénéfice d’une telle participation est réaliste. Tout d’abord, elle peut venir alimenter  la  réflexion  autour  de  la  politique  de  RH  et  de  formation  de  l’entreprise,  par  le  biais  des  professionnels jurés qui sont parfois multi casquettes, étant aussi formateurs ou ayant une partie de  leur  activité  dans  la  formation.  Ensuite,  l’entreprise  peut  par  ce  biais  ouvrir  des  pistes  de  pré  embauche  d’apprentis  ou  de  salariés  ce  qui  peut  la  mettre  en  mouvement  sur  certains  aspects        

prévisionnels de gestion des compétences et des emplois. Sur un autre registre, les responsables de  centres agréés confirment cette opportunité : « un jury peut être un vivier de première importance et  aussi un lieu d’échange de bonnes pratiques ». D’autres responsables‐formation de grande entreprise  corroborent ce constat et y ajoutent une dimension supplémentaire : « le jury, c’est un moment de  rencontre avec ses pairs, un moment où l’on se remet en question sur la transmission du métier, c’est  avant tout une question personnelle pour ses membres ».    En conclusion, les entreprises manifestent ce qui à leurs yeux est une marque de lucidité lorsqu’elles  disent avoir une reconnaissance « après coup » (après coûts !) plutôt que des attentes de retour sur  investissement de leur participation aux jurys.   

Mais,  la  composition  des  jurys  n’est  pas  seulement  une  affaire  quantitative.  Elle  est  aussi  un  problème qualitatif à travers la question de la professionnalisation des jurés. 

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