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Ecarter le titre et s’engager dans l’alternance, l’apprentissage et le diplôme

Dans le document Le titre et le marché (Page 67-69)

Le cas d’une entreprise de matériaux composites créant un titre de chef de projet d’une valeur de licence professionnelle

4.5.  Ecarter le titre et s’engager dans l’alternance, l’apprentissage et le diplôme

Le  dernier  cas  de  la  typologie  est  bâti  sur  une  stratégie  opposée  au  cas  précédent.  Le  choix  de  l’entreprise est de ne pas développer les titres au profit d’un partenariat avec l’Education nationale  pour promouvoir l’alternance et l’apprentissage conduisant au diplôme. Un exemple d’entreprise est  ici donné en illustration de ce choix.     Spécialisé dans la gestion des ressources (eau, énergies, traitement des déchets), le groupe EléaNet  compte plus de cent mille salariés dans le monde. Il y a vingt ans, l’entreprise fondait un centre de  formation pour ses besoins internes. Par la suite, le centre a pris de l’ampleur et s’est ouvert à tous,  notamment  aux  jeunes  en  scolarité.  Fondé  initialement  sur  les  métiers  de  quatre  secteurs,  un  recentrage est opéré sur les formations des secteurs de l’eau et de la propreté. La place du centre de  formation  au  sein  de  l’entreprise  EléaNet  transcende  ses  activités  formatrices ;  il  est  en  quelque  sorte vécu comme le porte‐drapeau de l’entreprise citoyenne impliquée dans l’éducation.   

 

Comme le souligne Maxime, directeur de l’un des sites historiques de formation : « notre centre est 

une  vitrine  de  l’engagement  social  de  l’entreprise  dans  l’éducation  et  la  formation ;  c’est  aussi  un  moyen  de  véhiculer  une  communication  socialement  responsable ».  Dans  cet  ensemble,  les  titres 

professionnels  ne  sont  donc  pas  particulièrement  développés.  La  préparation  au  titre  d’agent  technique de déchetterie de niveau V a été initiée un peu par hasard, à l’occasion d’une réponse à un  appel d’offre de la Métropole L. qui en prescrivait  l’usage pour certifier la formation. Ayant remporté  le marché, le centre n’a que deux candidats en interne motivés pour s’y inscrire. Il y a donc nécessité  d’ouvrir la formation aux candidats extérieurs pour la maintenir viable. EléaNet propose alors à ses  concurrents  de  porter  candidature  de  leurs  propres  salariés.  La  concurrence  devient  ainsi  un  partenaire. 

 

Les années suivantes, cette formation agréée pour le titre d’agent technique de déchetterie acquiert  une solide notoriété auprès des municipalités qui voient croitre leurs besoins en personnel qualifié  dans ce domaine. Cette notoriété s’explique en grande partie par la qualité des installations pour les  exercices  pratiques  puisque  l’entreprise  dispose  de  ses  propres  sites  de  déchetterie  mobilisables  comme lieux techniques pour ses formations. Maxime précise en outre que « cette formation fédère 

les  acteurs  qui  se  mettent  à  coopérer  au  plan  territorial,  certes  sous  la  pression  de  recevoir  des  pénalités s’ils ne  forment pas leur personnel, toujours au regard des normes fixées par la Métropole ;  nos concurrents ont donc vu leur intérêt à prendre des marchés par la voie de la formation des agents  techniques ;  il  y  a  eu  en  parallèle  une  vraie  volonté  politique  de  professionnaliser  les  personnes  de  niveau V qui doivent monter en compétences. C’est par exemple le cas du gardien de la déchetterie  qui avant ouvrait et fermait la barrière ; aujourd’hui, il  s’avère  qu’il y a  des  produits dangereux, du  recyclage  etc.  ils  doivent  écrire  des  bons  pour  ces  produits  (on  découvre  l’illettrisme),  tenir  des  registres de leurs mouvements ».  

 

Ces  évolutions  de  métier  conduisent  les  responsables  du  centre  de  formation  à  réfléchir  à  de  nouveaux  parcours.  Dans  ce  processus,  l’AFPA  n’est  pas  choisie  comme  partenaire ;  leur  jugement  est négatif tant sur son image et sur ses capacités à intervenir en dehors de la formation théorique  car l’AFPA ne dispose pas en effet de l’outil de production.  Concernant les parcours VAE imaginés au  départ,  l’idée  se  heurte  aux  mêmes  difficultés  citées  par  d’autres  précédemment,  ce  qui  amène  à  écarter  les  titres  comme  moyen  pour  valider  les  acquis  de  l’expérience.  Ici,  les  raisons  explicitées  restent identiques à celles déjà évoquées, à savoir l’inadéquation de l’examen du titre par rapport au  passé professionnel des personnes présentant un dossier VAE qui doivent de justifier de leur maitrise  du  métier.  Maxime  s’exprime  sur  le  sujet : « la  VAE  est  une  démarche  individuelle  et  pour  les 

font preuve dans le quotidien de leur travail de la maitrise des savoir‐faire ; ils doivent repasser tous  les modules ; cela est surprenant et c’est mal vécu ; cela n’a rien à voir avec la procédure VAE visant  un  diplôme  où  l’on  peut  s’en  soustraire,  on  ne  repasse  pas  tout  et  l’on  peut  jouer  une  stratégie  de  coefficient  dans  les  matières ;  je  ne  comprends  pas  l’intérêt  du  titre  pour  la  VAE  qu’il  faudrait  réétudier ».  Il  rappelle  enfin  que  l’attractivité  des  diplômes  à  ses  yeux  tient  au  fait  de  disposer  de 

référentiels  de  formation,  à  l’inverse  de  ce  qui  existe  pour  le  titre,  dont  le  seul  référentiel  de  certification laisse le centre agréé seul face à l’exigence de produire un contenu de formation, sans  lignes directrices. Cet exercice imposé est jugé parfois fastidieux mais surtout coûteux.  

 

Hormis l’usage isolé du titre d’agent technique de déchetterie, le diplôme reste prépondérant car il a  l’avantage de pouvoir être préparé par apprentissage, ce qui n’est pas encore le cas du titre20. Avec le  recul,  les  commentaires  de  Maxime  sur  le  fait  de  ne  pas  pouvoir  (encore)  préparer  le  titre  par  apprentissage  témoigne  des  enjeux  de  l’époque :  « c’est  dommage  que  les  titres  ne  peuvent  se 

réaliser par apprentissage, il va s’ouvrir et pour ma part j’y suis très favorable et indéniablement il y  aura concurrence entre les deux, quand les formations pour le titre sont de 300 heures là où pour un  CAP il en faut trois fois plus ; malgré ce moindre coût pour le titre, pour ma part je trouve qu’il occulte  la partie  que je considère  importante qui est la partie culture professionnelle  et ouverture d’esprit ;  néanmoins,  cela  permet  de  cibler  des  populations  ayant  rencontré  des  difficultés  scolaires  que  le  diplôme  ne  peut  plus  motiver ».  L’aspect  financier  explique  également  le  choix.  Les  entreprises  qui 

versent  la  taxe  d’apprentissage  et  qui  rationnellement  ont  intérêt  à  la  récupérer  optent  plus  volontiers  pour  l’embauche  d’apprentis  visant  par  conséquent  un  diplôme.  La  logique  de  recrutement d’EléaNet est que le diplôme sera recherché si le but est de capter une main d’œuvre  jeune ;  le  titre  sera  recherché  si  les  personnes  à  embaucher  ne  sont  pas  en  sortie  du  système  scolaire.  

 

Mais ces raisonnements sont appelés à évoluer. Les nouvelles dispositions règlementaires des titres,  dont leur ouverture à l’apprentissage, sont susceptibles d’être des facteurs de changement de l’offre  de formation et de certification. A l’instar des Greta, les sections d’apprentissage et les CFA sont de  « nouveaux »  arrivants  sur  le  marché  de  la  délivrance  des  titres  du  ministère  du  travail.  De  quelle  façon les CFA se positionnent‐ils sur ce marché et quelles relations entretiennent‐ils avec les autres  segments préexistants ? Peut‐on observer d’ores et déjà des changements significatifs à la suite des  évolutions du cadre ?   

 

 

       20

   L’entretien  avec  EléaNet  se  déroule  lorsque  l’ouverture  de  l’apprentissage  aux  titres  n’est  pas  encore  effective. 

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