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Le faible recours aux titres en formation continue et dans les parcours VAE 

Dans le document Le titre et le marché (Page 31-33)

Un  premier  constat  partagé  est  le  faible  recours  aux  titres  professionnels  pour  les  démarches  de  VAE11.  Des  explications  sont  données  du  point  de  vue  des  entreprises  et  des  individus  par  un  responsable d’entreprise : « cela fait peur aux candidats, les entreprises ne voient pas l’utilité d’une 

procédure  si  compliquée  et  elles  craignent  également  que  les  gens  revendiquent  par  la  suite  un  changement  de  catégorie » ;  ou  encore,  issu  des  propos  d’un  autre  responsable :  « depuis  que  je  travaille, j’ai vu passer un seul salarié visant une VAE par le titre ; actuellement sur les niveaux V et IV,  la logique VAE ne passe pas du tout à cause de trop de lourdeur dans le dossier, trop de formalisme à  mettre en œuvre… même si l’on précise qu’il y aura un accompagnement ça ne passe pas auprès des  gens ».     Les idées reçues ont parfois la vie dure ; les réticences à entamer une démarche en VAE sont décrites  reposer  quelque  fois  sur  des  arguments  irrationnels,  comme  le  rappelle  un  DRH :  « tout  le  monde 

n'adhère  pas  à  la  VAE  parce  qu'il  y  a  aussi  la  crainte  de  " s’il  veut  me  certifier,  c’est  qu'il  veut  se  débarrasser de moi". C’est ça mais pas forcément. Il y en a qui sont sensibilisés, pour autant ce n'est  pas  le cas de tout le monde ». D’autres interlocuteurs précisent qu’avec la  crise des subprimes, les 

sociétés et les salariés de l'intérim, qui ont connus des intermissions plus longues qu’en période de  reprise économique, auraient pu mettre à profit cette période pour se lancer dans la certification des  acquis professionnels. Or, de leur point de vue, ce n’est pas ce choix‐là qui a été privilégié, la crainte  étant de rater une mission compte tenu de leur rareté durant cette phase d’activité au ralenti.   

Pour  certains  secteurs,  ce  peu  d’attrait  pour  une  préparation  au  titre  par  la  VAE  ne  dépend  pas  toujours de la certification elle‐même ; il peut dépendre plus simplement du fait que le dispositif de  la VAE n’y est pas très développé, comme dans l’artisanat dont l’un des représentants précise que : 

« dans ce secteur, on utilise un peu moins qu'ailleurs le parcours VAE qui est vu comme effectivement  un  relatif  "échec",  référence  faite  aux  savoirs  scolaires.  Dans  l’artisanat,  la  VAE  a  trouvé  un  public  mais  ce  n'est  pas  à  hauteur  probablement  de  ce  qu'on  peut  souhaiter  pour  un  dispositif  qui  a  des  vertus ». 

 

Du côté des individus, la motivation est déterminante pour vouloir commencer un parcours de VAE ;  les personnes susceptibles de l’effectuer sont le plus souvent en activité au sein de l’entreprise. Tant  que  leur  situation  dans  l’emploi  est  exempte  de  tensions,  la  question  de  la  VAE  ne  se  pose  pas  vraiment  ;  elle  se  pose  lorsque  l’emploi  est  menacé  par  une  dégradation  du  positionnement  de         11  DARES Résultats, n°038 juin 2017 : « En 2015, 60 000 dossiers de candidatures à un titre professionnel délivré  par un certificateur ministériel ont été jugés recevables à la validation des acquis de l’expérience (VAE). 41 400  candidats seront présentés devant un jury en vue de l’obtention de tout ou partie d’un titre ou d’un diplôme et,  parmi eux, plus de 24 600 candidats ont obtenu une validation totale. Ces chiffres sont en baisse depuis 2011.  Depuis la mise en place du dispositif en 2002, un peu plus de 330 000 personnes ont obtenu une certification  ministérielle par la voie de la validation des acquis de l’expérience. Les femmes (73 %) et les personnes occupant  un  emploi  (74  %)  restent  majoritaires  parmi  les  candidats  à  une  certification  ministérielle.  Seules  45  %  des  certifications disponibles en 2015 hors enseignement supérieur, emploi et culture, ont été présentées. En outre,  le choix de la moitié des candidats se concentre sur seulement une dizaine de certifications, principalement dans  le domaine de la santé, des affaires sociales et de l’éducation. 58 % des candidats visent un titre ou un diplôme  de  niveau  baccalauréat  ou  CAP/BEP.  La  part  des  candidats  visant  un  diplôme  de  niveau  CAP/BEP  a  été  bien  moins élevée en 2015 (40 %) qu’en 2014 (52 %). » 

l’entreprise sur le marché. Mais dans ce cas ‐ soulignent les formateurs de l’entreprise ‐ la réflexion  arrive trop tard.  

 

Dans  une  majorité  de  cas,  la  lourdeur  du  dossier  administratif  et  des  procédures  de  validation  du  titre  sont  jugées  démotivantes  pour  les  candidats  au  titre ;  elles  sont  cause  d’un  taux  d’abandon  élevé  en  cours  de  route.  Le  fait  de  devoir  passer  par  le  même  type  d’examen  visant  à  donner  des  « preuves » professionnelles comme un candidat‐apprenant est perçu peu conforme avec l’idée que  l’on se peut se faire d’une démarche de validation d’expérience acquise. Cette absence de distinction  et  de  reconnaissance  du  bagage  initial  n’est  pas  en  soi  un  signal  très  encourageant  pour  les  personnes engagées dans une VAE. Peut‐être y‐aurait‐il là matière à réflexion pour une adaptation  des procédures afin de tenir compte des spécificités des publics candidats à la VAE pour un titre ?   

Plus  largement,  pour  les  autres  actifs  ou  les  demandeurs  d’emploi,  la  question  posée  est  celle  de  pouvoir  mixer  l’accompagnement  à  la  VAE  à  une  formation  au  titre  dans  la  visée  d’une  (ré)  orientation  tout  au  long  de  la  vie.  Les  dérogations  aux  procédures  ordinaires  d’obtention  du  titre  pour  être  adaptées  à  ce  type  de  parcours  mixte  ‐  formation  et  reconnaissance  des  acquis  de  l’expérience  ‐  n’est  pas  une  mince  affaire  à  mener  en  pratique.  Des  expérimentations  de  terrain  conduites par Pôle emploi ont permis, par exemple, de mettre au point une démarche VAE ayant fait  l’objet d’une dérogation pour la délivrance du titre d’agent de propreté et d’hygiène. Cela s’adressait  à des personnes ayant une expérience confirmée dans ce domaine, souvent en activité réduite, mais  qui ne pouvaient pas postuler à des emplois de nettoyage auprès de prestataires sous‐traitants parce  que ces derniers avaient recours au nettoyage mécanisé avec utilisation de machines spécialisées. Ce  titre  d’agent  de  propreté  et  d’hygiène  du  ministère  du  Travail  contient  un  CCP  centré  sur  le  nettoyage mécanisé. Les personnes à former, qui par ailleurs avaient déjà une expérience suffisante  sur un certain nombre de CCP, les ont ainsi obtenus par dérogation. Pour ce qui est de l’obtention du  CCP « nettoyage mécanisé », constitutif du titre pour lequel elles n’étaient pas exercées, un module  de formation à ce certificat Ieur a permis de l’acquérir ; dans ce cas, le jury évalue à la fois la partie  VAE  mais  également  la  partie  formation.  La  moitié  des  candidats  au  titre  par  la  VAE  l’a  ainsi  décrochée et a pu postuler pour des emplois auxquels elle n’aurait pas pu prétendre auparavant.    

Des tentatives d’articuler ces parcours VAE à des formations au titre ont été menées en particulier  dans le cadre du plan « 10 000 VAE » porté par l’AFPA et Pole emploi sur une quinzaine de titres du  ministère  du  Travail  de  niveau  V.  D’autres  expérimentations  encore  ont  eu  lieu  en  région,  en  identifiant  d’un  côté  les  demandeurs  d’emploi  susceptibles  d’entrer  dans  un  processus  VAE  pour  l’obtention d’un titre et de l’autre les besoins des entreprises, de telle sorte qu’en bout de parcours,  les personnes en recherche d’emploi en retrouvent un directement. Toutefois, force est de constater  que dans l’un et l’autre des cas, ces initiatives ont eu une portée très restreinte.    La mobilisation des titres professionnels pour la construction de parcours mixtes formation‐VAE ne  s’est pas révélée toujours probante. Néanmoins, les parties prenantes en soulignent le potentiel qui  pourrait être intensifié si des conditions adaptées étaient envisagées pour la validation des acquis.   

2.6. La complexité de la gouvernance et du pilotage de la politique du titre en 

région 

Les  avancées  et  les  contraintes  s’opposant  au  développement  des  certifications  du  ministère  du  Travail se comprennent aussi à la lumière des politiques publiques, des réformes et de la régulation  institutionnelle. Au fil des entretiens, se dévoilent les représentations qu’ont les acteurs du système  de certification. Une majorité des personnes enquêtées disent le trouver complexe et enchâssé dans  de nombreux dispositifs publics d’emploi ou de formation. En preuve à l’appui de cette complexité,  les  dispositifs  conduisant  aux  titres  sont  égrenés  au  fil  des  interviews  :  contrats  de 

professionnalisation ;  contrat  d'insertion  professionnelle  intérimaire  (CIPI) ;  contrat  développement  des  professions  intermédiaires  intérim  (CDPI) ;  dispositifs  de  Pôle  emploi,  dont  les  préparation  opérationnelle à l’emploi (POE) dans leur double forme, individuelle (POEI) initiée par l’entreprise et  collective (POEC) initiée par la branche, jugée d’ailleurs par certains voisin des CQP ; apprentissage.     

En  outre,  le  mode  de  gouvernance  et  de  pilotage  de  la  politique  de  certification,  plus  particulièrement  de  la  politique  des  titres,  ne  va  pas  sans  poser  question.  Cela  est  énoncé  comme  une source de complexité supplémentaire depuis les actes successifs de décentralisation qui ont fait  et défait la répartition des compétences entre Etat, Régions et partenaires sociaux.  

 

Les  points  de  vue  expriment  le  doute  que  la  séparation  formelle  entre  formation  et  certification  ‐  politique de formation professionnelle aux Régions et politique de certification à l’Etat ‐ ait abouti au  final à une plus grande transparence du système ou à un pilotage plus cohérent.     Les acteurs indiquent que leur propre perception du fonctionnement d’ensemble a été rythmée par  les réformes. Ces moments‐clé cités sont la loi de décentralisation d’août 2004 relative aux libertés  et aux responsabilités locales, la loi de 2008 instaurant l’ouverture à la concurrence du marché de la  formation et la fin du monopole de l’AFPA, élaborée à la suite d’un arrêt du Conseil européen de la  concurrence saisi par la Fédération française de la formation professionnelle ; des circulaires qui en  ont  découlé  ont  modifié  les  conditions  de  l’agrément  des  organismes  préparant  aux  titres  professionnels, les Direccte étant désignées pour cette tâche en substitution de l’AFPA. Les services  de l’Etat deviennent le garant de la fluidité du marché et de sa régulation. Interrogés sur ce point, les  décideurs  de  la  politique  du  titre  soulignent  la  volonté  de  faire  en  sorte  que  l’action  entre  Etat  et  Régions  ne  soit  pas  redondante.  Pour  les  titres,  il  est  rappelé  par  plusieurs  acteurs  que  la  compétence  de  l’Etat  n’est  pas  sur  la  formation  qui  est  décentralisée  mais  sur  le  contenu  des  référentiels de certifications avec à cet effet une délégation de service public attribuée à l’AFPA.    

La  préoccupation  de  l’Etat  est  également  d’éviter  la  redondance  de  l’action  entre  ministères ;  un  exemple  de  concertation  interministérielle  est  donné,  celui  de  la  rénovation  récente  du  titre  d’assistant(e) de vie aux familles, qui touche plusieurs publics et qui reste la certification‐phare de la  politique  du  titre.  Des  équivalences  partielles  ont  été  construites  entre  ce  titre  du  ministère  du  Travail et celui d’auxiliaire de vie sociale de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).   

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