Agir en fonction de la conjoncture du marché du travail est au cœur des activités de la société Intérimust, appartenant à un groupe international de l’intérim, et de son organisme Intérimust Formation, créé à la fin des années quatre‐vingt, et constitué d’un réseau assez dense de centres de formation en France.
C’est essentiellement à partir d’une demande interne qu’il est décidé de créer ce centre de formation. Il répond à l’exigence de couvrir les besoins du groupe en formation de ses intérimaires mis à disposition des entreprises. A l’époque, les besoins internes suivent la demande des clients. Celle‐ci porte massivement sur les emplois tertiaires, également en FLE (français langue étrangère). Les premiers sites de formation d’Intérimust sont donc nettement orientés vers la bureautique. Le personnel des années quatre‐vingt‐dix n’y est pas obligatoirement formé durant son cursus scolaire, encore moins aux logiciels qui ont cours au sein des grandes entreprises à l’époque (Mac, Windows 95, maitrise du multi plan etc.). Pour être délégués auprès de celles‐ci, les intérimaires doivent suivre d’abord une mise à niveau, et passer par le centre pour une formation courte de quelques jours afin de se qualifier dans le domaine informatique. Cette dimension bureautique est fondatrice de l’activité du centre de formation. Elle demeure une spécialité privilégiée même si au cours des années suivantes la demande se diversifie d’une part en s’ouvrant à des clients externes au groupe et d’autre part en répondant à de nouveaux besoins, comme les formations à la prévention en raison des nouvelles obligations découlant de la législation. Un responsable formation résume la philosophie de cette expansion : « nous sommes davantage
dans une culture d’entreprise qu’une culture institutionnelle, notre croissance ne part pas d’un positionnement sur les appels d’offre des prescripteurs comme les Conseils régionaux comme d’autres organismes de formation ; le développement de nos formations par le titre correspond à une stratégie locale, et puis il fallait tirer profit de notre outil de formation ‐ nous avons de très belles plateformes ‐ en le rentabilisant, en ouvrant à d’autres clients que nous‐mêmes ». Sous l’effet de cette diversification, l’offre d’Intérimust Formation aborde désormais un éventail très large de services : conseil en management de la formation pour les entreprises, ingénierie pédagogique, formative et financière, programmes de formation dont ceux préparant à de nombreux titres professionnels. La variété des services va de pair avec celle de la clientèle, qui peut être constituée des agences d’intérim du groupe mais aussi (le plus souvent) des entreprises, ou ponctuellement de Pole emploi pour lequel les formations sont organisées en délégation de service. Pour le groupe, la formation reste une branche rentable. Elle est en outre reconnue être un élément distinctif par rapport aux autres concurrents du marché de l’intérim, qui possèdent aussi des organismes de formation, toutefois plus modestes. L’offre du centre de formation est complétée en 2016 par l’ouverture d’une grande école de l’alternance destinée à former à des métiers « pénuriques » (conducteurs de train par exemple…), qui totalise plus de deux mille contrats en alternance conclus.
Pour les publics jeunes venant principalement des Missions locales et les plus éloignés de l’emploi, c’est le contrat CIPI (contrat d’insertion professionnelle intérimaire) qui sert de support à une formation au titre ‐ pour répondre à une demande nationale et non d’un bassin d’emploi ‐ pour des métiers comme préparateur de commande par exemple. Une fois la formation achevée, les personnes formées sont employées dans l’entreprise‐cliente, celle‐ci s’engageant à les garder plusieurs mois. Pour faire évoluer les intérimaires les plus faiblement qualifiés, par exemple un préparateur de commande vers le métier de cariste, le CQPI (contrat de qualification professionnelle intérimaire) est employé, et la formation dispensée est dans la plupart des cas qualifiante via le titre ou par un CQP. La POE (préparation opérationnelle à l’emploi) est destinée aux demandeurs d’emploi pour lesquels, après une formation certifiée par exemple par un titre de préparateur de commande, l’entreprise a obligation de proposer un contrat de travail, d’apprentissage, de professionnalisation etc. Si, pour ses formations, la société Intérimust a privilégié le titre professionnel, aujourd’hui la logique d’adaptation rapide à la demande la pousse à préférer les CQP estimés « moins compliqués à
organiser ». La demande actuelle se porte sur les formations qualifiantes de téléconseillers mais le
constat des responsables‐formation « est que celles conduisant au titre professionnel requierent
beaucoup trop de temps ».
Qu’en est‐il de la perception de l’utilité des titres lors de l’embauche par les entreprises‐clientes ?
« L’entreprise fait la différence non pas entre le diplôme et le titre mais entre la personne qui a une expérience et celle qui a validé l’expérience par le titre ». Cela confirme les observations antérieures
soulignant la primauté de l’expérience professionnelle sur d’autres critères de recrutement, avec cependant une appréciation positive de la formalisation des acquis par une certification qualifiante.
La certification par le titre est présentée comme inscrite dans une politique sociale de l’entreprise, s’adressant avant tout aux bas niveaux de qualification. Le recours au titre est également cité pour les cas où l’on propose une montée en compétences à des personnes peu qualifiées via des formations financées par l’Opca.
Enfin, les efforts actuels de la société d’intérim portent sur le développement de la VAE visant l’acquisition d’un titre, en tentant de casser les préjugés consistant à penser que seul un diplôme de l’Education nationale peut valider l’acquisition de compétences. Comme le précise un formateur du
centre, « pour beaucoup la VAE, c’est diplômant sur un diplôme scolaire ; or un dossier en VAE pour
un bac pro logistique par exemple est une erreur, c’est d’une grande lourdeur alors que l’on peut passer un titre ; le titre est plus adapté ; il faut informer les entreprises, tout passe par la communication qui n’est pas bonne pour les titres et encore moins lorsqu’il s’agit d’un dossier VAE ; aux entreprises, le titre ça leur parle pour la VAE, le diplôme pas du tout ». Un autre élément de
complexité pointé par cette même personne a trait à l’évolution du système de financement, et à la suppression de l’obligation du 0,9 % issu de la loi de 2014, pour laquelle la profession s’interroge sur son impact sur les choix de certification : « s’il y a suppression de l’obligation du 0,9 %, comment
l’entreprise va‐t‐elle financer le titre professionnel ? Soit par le Fongécif, soit dans le cadre de sa GPEC, soit en s’adressant à l’Opca qui lui, de son côté, a tendance à « vendre » des CQP qui rentreraient en concurrence avec les titres, qui eux ne sont pas une certification de branche... les financements et la certification sont devenus de vraies nébuleuses ».