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LA CONSTRUCTION DU CONCEPT DE BAIN D’INFORMATION

4- Le dirigeant, comme chef et comme homme

2.1 UNE CONFRONTATION ENTRE LES DEUX SOUS SYSTEMES

2.1.1 Une confrontation non-organisée

L’appropriation de l’information par le dirigeant passe d’abord, dans un premier temps par une confrontation entre les informations recueillies par le système d’information de l’entreprise, ces informations agrégées, historiques, d’une part, et d’autre part, les

informations recueillies par le dirigeant, ces informations vivantes, incertaines, de type potin et rumeur. La confrontation de l’information issue des deux types de circuits – l’institutionnel et le spécial – permet au dirigeant dans certains cas un décodage différentiel du filtre induit par la structure (Lauvergeon, Delpeuch, 1988).

Mais il peut arriver certains cas où, au contraire, l’information en provenance du système d’information de l’entreprise est privilégiée par le dirigeant, même si l’information stimulus lui permet de se diriger dans la masse d’informations produites par l’entreprise. Carlos Ghosn (Ghosn, 2005) relève cette confrontation créatrice lorsqu’il analyse le rôle de l’information factuelle comparée à celui des impressions dans une situation stratégiquement importante. « En mars 1999 je sais que l’entreprise 19 a une performance qui est très mauvaise. J’ai regardé les comptes (…). Le panorama est peu reluisant. Par ailleurs, dès lors qu’il y a négociation, vous avez à droite et à gauche des gens qui participent aux discussions avec les Japonais et qui en tirent un certain nombre d’impression. Mais d’une manière générale, cela relève plutôt d’une somme d’impressions que d’une analyse factuelle et construite. Cela repose sur des faits divers, des anecdotes et le tableau qui en ressort est très confus. Je n’y accorde pas grand crédit. A ce stade, je n’accorde d’importance qu’aux chiffres et aux résultats parce qu’ils traduisent la réalité de l’entreprise tout en sachant que, vis-à-vis des données qui nous ont été présentée, il y avait une certaine distanciation, un certain scepticisme (…) la dégradation 20 saute aux yeux mais ce qui est vraiment à l’origine de cette dégradation, je l’ignore, l’impression qui ressort est très décousue. Je soupçonne des problèmes de management, de stratégie, de précision dans l’action, mais sans plus ».

Ainsi peuvent s’articuler dans l’esprit des dirigeants des données chiffrées, factuelles, obtenues au travers le système d’information de l’entreprise Et des données beaucoup plus informelles, sensitives, obtenues par le dirigeant par lui-même, au travers de ces réseaux, de ses voyages, de ses rencontres avec ses collaborateurs ou des personnalités extérieures. Finalement, le second type d’information apparait comme des indices qui permettent aux dirigeants de mieux s’approprier l’information chiffrée, structurée, construite par le système d’information de l’entreprise.

Il semblerait que les dirigeants organisent une chaîne de production de l’information en confrontant les deux sous-systèmes d’une façon relativement organisée. Les dirigeants

19 Nissan 20

procéderaient d’abord, avec leurs collaborateurs, par un tri préalable des informations. Ils développeraient ensuite une grille de lecture en s’attachant à certains points ou chiffres clés. Si ces données déclenchent des alertes, ils poursuivraient leur investigation. Ensuite ils auraient recours à l’expérience dans l’entreprise. Et ils auraient la possibilité d’obtenir une assistance par leurs réseaux (Bescos, 1999). Une autre procédure pourrait être suivie. Certaines sources – lecture de la presse, rapport écrit, source passive en provenance du système d’information de l’entreprise - seraient utilisées pour identifier et définir les problèmes. D’autres sources seraient ensuite sollicitées lors du processus de prise de décision par des rendez-vous, des demandes de mémo à des experts extérieurs, des téléphones et plus globalement utilisation de sources actives (Jones, Saunders, 1990).

2.1.2 La confrontation organisée par le benchmark

Les dirigeants, confronté à la globalisation, et à des expériences réussies menées avec des regards différents de par le monde, s’approprient également l’information par le biais du benchmark, c’est-à-dire de la comparaison de bonnes pratiques. Les dirigeants alors confrontant leurs expériences personnelles dans les pays visités et avec les personnalités d’autres secteurs ou d’autres mondes, d’une part, et, d’autre part, avec des études et des rapports produits par l’entreprise elle-même ou par des consultants.

Les dirigeants ont besoin d’un benchmark permanent qui suppose une confrontation au marché et aux offres des concurrents. « On cherche toujours des benchmarks, c’est un élément nouveau. On passe à une logique de comparaison constante avec les voisins (…) notre génération passe son temps à observer la concurrence en continu, quel est le produit, pourquoi ils performent, les raisons …», dit Gérard Bayol 21 (in Dubois, 2008). Le dirigeant doit être à l’affût des évolutions, des nouvelles attentes des clients et des nouvelles offres des concurrents. Ce besoin de benchmark est également évoqué par Bruno Lafont 22 (in Dubois, 2008), qui l’inclut dans la notion de terrain. Pour lui, il est fondamental d’aller voir les clients et les concurrents. Il compare ces déplacement aux voyages du monarque aux marges de l’Empire : « qui sont en Chine, par exemple, les nouveaux entrepreneurs chinois pugnaces et rapides vis-à-vis desquels il faut être meilleur ? » Surveiller les pays en forte croissance et les entrepreneurs de ces pays permet à la fois de préserver ses marchés, d’améliorer son offre et de conquérir de nouveaux territoires.

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Alors Président du comité de direction de DEXIA 22

Les dirigeants doivent ainsi organiser le benchmark qui leur est utile pour mener à bien leur mission. Ainsi l’information stratégique externe joue un rôle est important. Néanmoins, face à l’afflux d’information transmis il convient d’aider le dirigeant dans le recueil et le traitement de ladite information. Il semblerait que les dirigeants soient parfois aidés par des courtiers en information, même si le travail de ces spécialistes et leurs relations avec les dirigeants nécessite des axes d’amélioration dans la gestion de l’information stratégique du courtier vers le dirigeant (Maltese, Morana, 2002).