Chapitre II. Choix méthodologiques pour la collecte et le traitement des
II.1. Une approche systémique des dispositifs RSE
L'évaluation des impacts de dispositifs RSE appelle une réflexion méthodologique préalable.
Dans une perspective d’analyse économique plutôt que de sciences de gestion, il convient en
effet de ne pas rester uniquement centré sur les objectifs de l’entreprise pour pouvoir prendre
en compte les effets induits, même si non recherchés, de ces dispositifs RSE (II.1.1). Pour
cela, on s’inscrira dans une approche systémique, même si celle-ci s’est heurtée à des
difficultés dans le recueil d’informations, ce qui limite les possibilités d’analyse quantitative
(II.1.2), et qu’il a fallu attacher un soin particulier à prendre la distance nécessaire vis à vis de
l’image de la réalité que façonnent la communication d’entreprise et le déclaratif – problème
classique pour l’analyse scientifique de la RSE – (II.1.3). La méthode de collecte
d’informations nécessaires à une analyse qualitative des rapports sociaux qui se nouent dans
et autour de l’entreprise, est ainsi présentée en fin de section (II.1.4).
104 Lorsqu'il s'agit d'une citation en français pour un auteur anglophone, la référence de page ou de paragraphe
renvoie à la traduction en français de sa publication, indiquée en bibliographie.
105 Traduit par « système socio-écologique » [Chanteau & Labrousse : 2013, §27], mais nous continuerons à
employer l'acronyme SES.
II.1.1. Éviter les lacunes d’une évaluation centrée sur l'entreprise
L’évaluation d’impact d’un projet consiste habituellement à apprécier l’effectivité du projet
(réalité et ampleur des moyens mis en œuvre) et son efficacité (degré de réalisation des
objectifs énoncés initialement par les porteurs de projet). Mais, dans une problématique de
développement social (en l’occurrence, en matière de dispositifs RSE), l’évaluation ne peut se
limiter aux objectifs et critères d’une seule catégorie d’acteurs, les managers d’entreprise :
leur conception des moyens et des objectifs de dispositifs RSE doivent être situés dans le
contexte dans lequel ces projets ont été décidés et mis en œuvre ; et l’évaluation doit tenir
compte aussi des effets non recherchés par les porteurs de projets.
Les dispositifs RSE sont communément mis en œuvre pour répondre à un problème ou un
risque qui est soit directement posé par les activités de l'entreprise (par exemple les problèmes
sanitaires liés à l'usage de pesticides), soit présent dans son environnement social ou
institutionnel (par exemple l'absence de ramassage des ordures ménagères) parce que la
direction de cette entreprise estime préférable d’y apporter une réponse (voir par exemple
Baret et Romestant [2017]). Dans tous les cas, une double dimension discrétionnaire de la
RSE s'exprime donc :
- D'une part dans le choix des problèmes à traiter, puisque la RSE s’entend communément
comme, au-delà des exigences réglementaires, des « initiatives volontaires » : une
direction d’entreprise peut donc choisir, sans devoir le justifier ni le faire approuver
préalablement, pourquoi son action portera sur l'absence de salles de classe dans telle
ville et pas telle autre, sur la réduction des nématicides et pas des fongicides, etc.
- D'autre part, dans le choix des réponses apportées. À ce niveau aussi, la direction
d’entreprise peut décider de la façon dont elle entend résoudre le problème qu’elle a
identifié. Par exemple, face à un problème de santé publique, de logement ou de
formation qui affecte la population de son bassin d’emploi, elle peut ainsi décider de
contribuer directement au financement public d’un service ou d’assurer elle-même un
service privé, seule ou conjointement avec d’autres entreprises de son secteur ou de son
territoire
106, ou encore de le confier à une organisation privée (commerciale ou à but non
lucratif). De même, face aux problèmes sanitaires posés par certains traitements aériens,
la direction peut choisir entre l’abandon de certains produits phytosanitaires ou chercher
106 On pense par exemple, pour la France, aux logements, dispensaires, etc., construits au XIX
esiècle par le
patronat dans les bassins sidérurgiques et miniers du Nord de la France ou du Creusot [Gacon & Jarrige :
2014]. Ou, plus récemment, les dispositifs de formation du secteur du décolletage dans la vallée de l’Arve
(Haute-Savoie) financés et pilotés par les entreprises du secteur [Bel : 1992].
à faire évoluer le mode d’application, ou encore chercher à limiter les effets par d’autres
mesures d’atténuation (limitation de la présence humaine dans les parcelles en cours de
traitement, plantation de haies pour réduire la dispersion par le vent). Or la RSE est
généralement opérationnalisée par les managers de l’entreprise selon l’idée que, dans la
triple bottom-line « people-planet-profit », c’est la contrainte financière qui prime (« le
développement durable de l’entreprise, c’est d’abord sa durabilité financière »). Les
dispositifs RSE retenus sont donc d’abord ceux qui servent (ou du moins qui ne
desservent pas) en même temps la performance économique de l’entreprise – ce qui
réduit considérablement le champ d’action de la RSE [Aggeri : 2017 ; Mottis : 2017 ;
Chanteau : 2017a] – et selon une procédure de management qui suit la ligne
hiérarchique habituelle des opérations de l’entreprise – sans apporter les modifications
de structure interne et statutaire qu’imposerait une acception différente de la RSE
[Chanteau : 2011].
L’évaluation d’un dispositif RSE ne doit donc pas se limiter aux impacts (sur les cibles
affichées ou tout autre acteur) mais doit aussi interroger ce processus décisionnel, en
cherchant à déterminer non seulement comment les décisionnaires en sont venus à choisir
telle solution plutôt qu'une autre à tel problème, mais aussi pourquoi ils ne se saisissent pas ou
pas suffisamment de tel autre problème. Autrement dit, interroger les dimensions politiques de
l’entreprise (voir par exemple : Danielsen [2005], Matten & Crane [2005] ou Edelblutte
[2010]).
En effet, le périmètre impacté par un dispositif RSE ne se limite pas nécessairement à celui
envisagé lors de sa conception [King & Lenox : 2000 ; Vogel : 2006 ; Giraud & Renouard :
2010]. Une action pensée au départ pour modifier uniquement les relations entre acteurs
internes à l'entreprise (par exemple des catégories de salariés) ou uniquement vis à vis d’une
catégorie d'acteurs externes à l'entreprise (par exemple les personnes atteintes d’une maladie
ou une communauté riveraine) peut aussi modifier les rapports sociaux avec d'autres acteurs
entre eux ou vis à vis de l'entreprise. Son impact doit donc s'apprécier d'une part en fonction
de sa capacité à faire face efficacement aux enjeux environnementaux et sociaux auxquels elle
est destinée à répondre, et d'autre part en fonction d'autres effets qu'elle pourrait induire
immédiatement ou ultérieurement. C’est le principe philosophique du « double-effet » qui,
comme le rappellent Giraud et Renouard [2010, p.106 nota 4], implique « l’évaluation ex ante
ou interim des dommages directs et collatéraux provoqués par l’activité et leur comparaison
avec les bienfaits attendus (cost-benefit analysis en termes sociétaux), comparaison qui
devrait pouvoir conduire à différer la poursuite d’une activité si les dommages qu’elle
provoque sont disproportionnés par rapport aux bienfaits attendus » – ou inversement
poursuivre une activité malgré des effets négatifs si ceux-ci sont explicités et acceptés. Les
notions de coût et de bénéfice doivent s'entendre dans une acception globale, aussi l'analyse
de l'effet des dispositifs RSE mis en œuvre par une entreprise implique-t-elle d'estimer non
seulement leur effet direct, mais également l'ensemble des effets sociaux et
environnementaux, bénéfiques ou négatifs, prévus ou imprévus, que pourraient avoir ces
modifications de pratiques : impact écologique imprévu de techniques alternatives, effet
déstabilisateur des structures sociales existantes, modification des rapports de pouvoir et de
subordination entre acteurs locaux, etc. Au Nigéria, les travaux de Cécile Renouard et ses
collègues sur l’impact des dispositifs RSE mis en place par les entreprises pétrolières
montrent par exemple les effets inattendus, et parfois négatifs, qui ont pu accompagner leur
mise en œuvre [Giraud & Renouard : 2010 ; Lado & Renouard : 2012]. De tels effets sont
susceptibles d’échapper au pilotage managérial de ces dispositifs et aux évaluations externes
qui seraient centrées sur l’entreprise (cf. exemple en encadré 1).
Encadré 1 : Un « double-effet » négligé par une ACV sociale de la banane camerounaise
De 2009 à 2014, Pauline Feschet a mené, en étudiant les filières agroalimentaires de fruits
tropicaux, un travail de recherche sur l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) sociale, « une
méthode qui partagerait les mêmes principes qui font le succès de l’ACV environnementale,
et qui évaluerait les impacts sociaux et économiques des produits tout au long de leur cycle de
vie » [Feschet : 2014, p.2]. Elle a notamment travaillé avec la Compagnie Fruitière, qui se
montrait intéressée par une telle évaluation :
« Consciente qu’elle avait des "responsabilités" dans les zones où elle est implantée, la
Compagnie Fruitière souhaitait au travers de ces travaux avoir une meilleure idée de ses
impacts, c’est-à-dire avoir une méthode fiable pour évaluer ses pratiques et les effets de
ses "dépenses sociales" (concernant la santé, l’éducation, l’aménagement local, etc.),
dans une perspective d’amélioration et d’optimisation. » [Feschet : 2014, p. xi]
S’intéressant à l’impact sur la santé des Camerounais de l’activité de production bananière de
la filiale locale de la Compagnie Fruitière, Feschet a « tenté d'explorer la relation empirique
de Preston [corrélation entre revenu et espérance de vie à la naissance] afin de construire un
pathway opérationnel contribuant à l'évaluation des impacts sociaux en ACV sociale »
[Feschet : 2014, p. 244]. Partant de cette relation, qui établit empiriquement et pour un
ensemble de pays à un temps donné, que l’espérance de vie est plus importante là où le
produit intérieur brut (PIB) par habitant est plus élevé, l’auteure propose une relation
dynamique entre l’espérance de vie et le PIB par tête en parité de pouvoir d’achat quel que
soit le pays.
Elle rappelle différentes conditions d’application (faible PIB par habitant, poids économique
important de l’entreprise ou du secteur considéré, période longue pour que l’effet soit
perceptible, etc.) qui font que selon elle, « ce pathway s’applique plutôt à des grosses
industries, impliquées depuis longtemps dans une zone et qui ont une contribution
économique significative » [Feschet : 2014, p. 232] ; puis elle pose l’hypothèse que la
croissance camerounaise et le poids de la PHP dans l’économie nationale resteront constants
dans les vingt années à venir : elle estime ainsi qu’entre 2010 et 2030, « l’espérance de vie
potentielle du Cameroun devrait augmenter de 2,94 ans, passant de 53,08 années à
55,89 années » [p.237] et que la PHP « devrait permettre d’améliorer l’espérance de vie
potentielle de 5 jours pour l'ensemble de la population du Cameroun au cours des vingt
prochaines années. Ce gain de 5 jours sur plus de 20 ans est issu des 200 000 tonnes de
bananes exportées annuellement » [p.238]. Il est notable que ce calcul, basé sur une
projection, ne tient pas compte des éventuels dispositifs RSE déjà mis en œuvre ou qui
pourraient être développés durant la période considérée ; tout comme il n’intègre pas
d’éventuels effets différés de cette activité économique sur la variable analysée, l’espérance
de vie (qui pourrait finalement baisser ou moins augmenter si l’exposition de longue durée à
des produits phytosanitaires provoque des pathologies, ou si le développement économique
s’accompagne d’un accroissement du taux de prévalence du VIH/SIDA, comme cela a parfois
été le cas ailleurs [Tsafack Temah : 2009]).
Feschet [2014] recommande « fortement que les résultats soient interprétés avec prudence, en
veillant que cela soit fait dans une perspective comparative et une analyse multicritère »
[p.241] car, comme elle le rappelle un peu plus tôt, l’ambition d’une ACV sociale n’est « pas
de "mesurer tout le social", mais de comparer les impacts potentiels d’alternatives en termes
de contribution à l’accroissement (ou détérioration) des niveaux de bien-être individuel et
social » [p. 144]. Toutefois, même une analyse comparative consistant, comme elle le
propose, à comparer ce gain d’espérance de vie à celui calculé dans le cas d’un doublement de
la production bananière de la PHP ou dans celui attribuable à une autre entreprise dans un
autre pays producteur, ne permet pas d’intégrer un double-effet potentiel : par exemple, si le
gain de croissance économique lié à la croissance de la production de banane implique un
changement technique (types et dosages de pesticides, par exemple) induisant un grave
problème de santé publique, cet effet n’est pas pris en compte. Le principe d’une analyse
multicritère, qui viserait à mettre en évidence l’impact d’autres facteurs (ex. une politique de
santé publique) sur l’espérance de vie, ou un transfert d’impact (c’est-à-dire « le phénomène
selon lequel, quand on compare deux scénarios variables, l’impact X est amélioré au
détriment de l’impact Y » [note 94 p.242]) lié à la production bananière, permettrait
davantage de tenir compte d’un éventuel double-effet. Mais si une telle analyse multicritère
(non réalisée par l’auteure) se focalise sur un ou deux autres effets recherchés par l’analyste
(par exemple un transfert d’impact sur l’exode rural, ou sur l’emploi des femmes), elle reste
méthodologiquement condamnée à ignorer d’autres éventuels impacts auxquels l’analyste n’a
pas pensé.
Se focaliser sur le seul effet de la croissance économique sur l’élévation de l’espérance de vie
peut donc gravement surévaluer ou sous-évaluer l’impact de l’activité de production
bananière, avec ou sans dispositifs RSE.
II.1.2. Des difficultés pour recueillir l'information sur les pratiques
effectives
Peu de travaux scientifiques sont disponibles sur la banane d’exportation camerounaise (sauf
quelques études réalisées par ou pour la filière [Scotti : 2005 ; Bello & Bomans : 2007 ;
Ndoumbe Nkotto : 2010] ou certains travaux d’agronomie [Nkapnang Djossi : 2011]). À cette
difficulté, s’ajoutent la faible qualité des données au niveau de l’administration camerounaise
d’une part, et le manque de coopération de plusieurs acteurs clés de la filière.
II.1.2.1. Des données administratives atomisées
En dépit de l’importance de la filière banane pour l’État camerounais, peu d’informations
fiables sont disponibles auprès de l’administration camerounaise, comme le relevait le FMI
[2013, p.10] :
« L’Institut national de la statistique du Cameroun (INS) a établi une révision des
estimations de comptes nationaux basée sur le Système de comptabilité nationale de 1993
(SCN 1993).
La mise à jour au SCN 2008 est en cours. Le dispositif de recueil et de production de
statistiques sur les entreprises a été jugé déficient, rendant difficile l’évaluation de la
structure de l’économie et de l’activité des secteurs. Des difficultés particulièrement
graves compromettent la qualité des données dans les grands secteurs suivants :
agriculture, transformation, distribution de gros et de détail, collectivités locales et
services. L’indice de production devrait être revu en profondeur et être intégré avec les
composantes pertinentes des comptes nationaux annuels. D’autres domaines soulèvent
également des préoccupations, dont la gamme limitée d’indices de prix pour déflater les
comptes nationaux et le manque d’information sur l’emploi. »
Le MINEPAT [2005, p.71] avait dressé le même constat au sujet du système statistique
concernant l’agriculture et l’élevage :
« L’absence de données statistiques fiables et exhaustives concernant les principales
productions du secteur rural handicape l’élaboration des politiques de qualité et
l’évaluation de leur mise en œuvre (absence de situation de référence).
La production, la diffusion et l’utilisation des statistiques pour le développement agricole
et rural présentent les mêmes faiblesses que l’appareil statistique national. Pourtant,
l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de la stratégie de développement du secteur
rural ainsi que la définition de bonnes politiques nécessitent la disponibilité de données
statistiques fiables et actualisées régulièrement. C’est ainsi que le fait de ne pouvoir
disposer de données récentes, pose de sérieux problèmes lorsque l’on doit construire des
indicateurs de suivi ou d’impact.
Cette situation est due au fait que le système des statistiques agricoles est en grande partie
obsolète et inexistant dans le cas des statistiques pastorales. La qualité des statistiques
agricoles s’est fortement dégradée (base de sondage surannée). A titre d’illustration, les
enquêtes annuelles n’ont pas été réalisées depuis 1993, le dernier recensement général de
l’agriculture remonte à 1984-1985 et la dernière base de sondage est issue du dernier
RGPH réalisé en 1987. Le dernier recensement du cheptel remonte aux années 1980. »
En outre, le stockage et le classement des archives nationales étant de très mauvaise qualité au
Cameroun, nombre de documents historiques sont inaccessibles à la recherche. Pour ce
travail, nous avons donc dû passer un temps inhabituel pour trouver un accès aux données qui
nous étaient nécessaires – parfois sans succès –, et la mobilisation dans notre travail de
certains documents administratifs doit finalement beaucoup à la persévérance d’étudiants
camerounais qui ont fini par réussir à se les procurer et parfois les ont reproduits en annexes
de leurs travaux universitaires de second cycle (tels Djoumeni [2001], Leumako [2003],
Assoua Elat [2004], Lontio Kahabi [2004]).
II.1.2.2. L'absence de coopération de certains acteurs
La littérature existante sur la filière établit la difficulté à obtenir des informations de la part
des entreprises de la filière. Par exemple, un étudiant déplore dans son mémoire de maîtrise
les réticences des dirigeants de la PHP [Lontio Kahabi : 2004] ; mais c’est un cas général
attesté par un mémoire de doctorat d’histoire économique :
« La première difficulté à laquelle nous nous sommes heurté est liée au mutisme de tous
les responsables et cadres opérant dans la filière bananière. » [Assoua Elat : 2015, p.20]
Même des consultants mandatés par l’Union européenne ou par des organismes de recherche
se sont retrouvés confrontés à cette difficulté. Ainsi, Bomans & Bouba [2007, p. 8], lorsqu’ils
réalisèrent une « étude comparée de la fiscalité appliquée à la filière bananière dans un
échantillon des États producteurs », constatèrent :
« Nous devons déplorer que les diverses demandes de renseignements demandés aux
sociétés productrices de bananes soient restées sans suite, il ne nous est donc pas possible
de répondre dans son ensemble aux termes de références faisant l'objet de la mission. Par
ailleurs, en date du 10 avril nous n'avions toujours pas eu une seule réponse à nos
questions précises posées auprès des sociétés de production de la banane au Cameroun
lors de notre séjour, à savoir le questionnaire précis (repris en annexe) et le coût précis de
tous les intrants utilisés dans le secteur de la banane. »
Plus récemment, une mission d’expertise menée à la demande du CIRAD a fait face au même
problème. Après avoir déploré « une certaine réticence à s’ouvrir, une méfiance et une
légèreté dans la communication des information », les auteurs expliquent :
« Malgré notre insistance sur le caractère consultatif de notre mission, nous nous sommes
vus refuser des informations aussi simples [que] le règlement intérieur, l’organigramme,
les données chiffrées sur les tonnages de productions (à la PHP).
Malgré nos multiples demandes, nous n’avons reçu aucun document ou fichier
numérique. Par contre à la CDC, c’est l’extrême lenteur dans l’établissement de notre
programme de travail et des responsables à rencontrer qui nous a posé problème, même si
certains cadres dont nous taisons les noms ont entrepris de nous aider avant que
l’autorisation ne soit effective. (...)
Les diverses demandes de renseignements auprès des responsables des sociétés
productrices de bananes sont restées pour l’instant sans suite. » [Assoua Elat &
Feintrenie : 2013, p.7]
De telles réticences ne sont en revanche pas observées dans le pré-audit FLO-CERT de la PHP
réalisé à la demande de l’entreprise, en novembre 2011 :
« Afin de vérifier et d’évaluer les non-conformités, les auditeurs ont eu, avec le
personnel, des entretiens structurés et semi-structurés fondés sur des conversations
individuelles et en groupe. La PHP a fait preuve, tout au long de la mission de bonne
coopération, d’une disponibilité sans faille et d’une très grande ouverture pour tous les
types d’interview. Elle a toujours permis aux auditeurs de travailler très librement. »
[FLO-CERT : 2011, p.6]
II.1.3. Sortir de la communication contrôlée
Comme expliqué au chapitre précédent, les entreprises de la filière banane au Cameroun ont
commencé à communiquer publiquement sur les dispositifs RSE mis en œuvre, notamment la
PHP qui publie depuis 2012 des rapports RSE, et consolide progressivement sa
communication à ce sujet. Notre travail de recherche, bien accueilli dans un premier temps
par les acteurs de la filière, s’est progressivement heurté à certaines difficultés qu’on peut
imputer à la volonté, implicite ou explicite, de la part des cadres des entreprises bananières et
de certaines autorités locales, de limiter notre accès aux informations de terrain. Ainsi, après
une phase de facilitation par la mise à notre disposition de documents et de contacts (II.1.3.1),
plusieurs indices on révélé la crainte d’une communication non contrôlée de la part de la
direction de la PHP (II.1.3.2), et les autorités camerounaises sont même intervenues pour
s’assurer des intentions qui motivaient cette recherche (II.1.3.3).
II.1.3.1. Appui et facilitation pour un travail partenarial
Notre travail de recherche a dans un premier temps été favorablement accueilli par les
directions d‘entreprises bananières, qui ont accepté de nous faire visiter leurs installations et
Dans le document
Analyse multi-niveaux de l’économie de la RSE : le cas des entreprises de la filière banane au Cameroun
(Page 83-102)