Chapitre III. Caractériser la situation d’action concernée par des
III.2. Identifier les acteurs et fixer la focale pour étudier la RSE dans une filière agro-
L’outillage méthodologique du Bloomington Workshop présenté dans les sections
précédentes, appliqué pour étudier l’impact des dispositifs RSE mis en place par les
entreprises de la filière banane au Cameroun, impose de déterminer d’abord comment
analyser l’entreprise en tant qu’acteur et ensemble d’acteurs, et de fixer le périmètre de
l’analyse. Nous préciserons donc d'abord la conceptualisation retenue de l'entreprise, à la fois
comme acteur d'un système et sub-système elle-même au sein et autour duquel se tissent des
interactions variées, dont des relations de pouvoir (III.2.1.). Puis nous verrons comment le
concept de territoire peut permettre de répondre à la question de l'échelle pertinente pour
mener l’analyse pour une filière agro-industrielle (III.2.2.).
III.2.1. L'entreprise agro-industrielle, à la fois acteur d'un système et
sub-système au sein et autour duquel se tissent des relations de pouvoir
Nous ne mobiliserons ici la théorie de la firme que pour la conceptualisation de notre objet
d'étude (l'enjeu de ce travail de recherche n'est pas d'expliquer pourquoi cette forme
d'organisation existe ni de tenter une synthèse ou un état de l'art des derniers travaux à ce sujet
[Coriat & Weinstein : 1995 ; 2010]). La RSE étant souvent présentée comme une « initiative
volontaire » de l’entreprise ou au contraire comme une réponse à la demande sociétale, une
étape préalable à l'opérationnalisation de l'analyse des impacts des dispositifs RSE, est de
préciser si « l’entreprise » est un acteur ou un champ dans lequel s’investissent différents
acteurs internes et externes à l’entité constituée « entreprise ».Or l'entreprise n'existe pas sous
une seule forme organisationnelle ni juridique, et elle n'est pas homogène, au contraire de la
réduction symbolique à une « firme-point » dont elle a longtemps fait l'objet dans l'analyse
économique [Coriat & Weinstein : 1995]. Aussi faut-il la déconstruire analytiquement. Après
avoir rappelé les raisons pour lesquelles nous ne mobiliserons pas la « théorie des parties
prenantes » pour conceptualiser cette entité (section III.2.1.1)
,nous préciserons (section
III.2.1.2) la catégorisation d'acteurs internes et externes à l'entreprise que nous utilisons pour
conceptualiser cette dernière et instrumenter notre recherche de terrain.
III.2.1.1. Le mythe égalitariste de la théorie des parties prenantes
La notion de « partie prenante » a aujourd'hui envahi les travaux relatifs à la RSE, bien
au-delà de la seule littérature managériale qui l'a popularisée [Bonnafous-Boucher & Rendtorff :
2014]. Les développements auxquels elle a donné naissance nous semblent cependant
inadaptés à un travail d'évaluation des impacts des dispositifs RSE tel qu'envisagé ici,
principalement pour deux raisons : le manque de consistance de la définition même de « partie
prenante » d'une part, et le présupposé contractualiste et donc, implicitement, égalitariste de
cette théorie.
Même si ce concept tire ses racines de débats antérieurs [Mercier : 2010], le terme de
« stakeholder » (traduit en français par « partie prenante ») est formellement proposé et
défendu au début des années 1980 par Freeman [1984]. Il le mobilise pour critiquer le modèle
actionnarial de l'entreprise, selon lequel celle-ci doit être gouvernée uniquement dans
l'objectif de favoriser les intérêts des propriétaires du capital social de la firme, les
« shareholders » (modèle soutenu par la théorie de l’agence de Jensen & Meckling [1976]).
Pour Freeman, les actionnaires sont trop souvent court-termistes, ce qui est un risque pour
l’entreprise elle-même, d’où la nécessité de prendre en compte les autres parties prenantes
dans les arbitrages faits par les dirigeants.
Alorsque le terme avait déjà été utilisé dans les années 1960, en management stratégique,
pour désigner « les groupes d’individus qui sont indispensables à la survie de l’entreprise »
[Mercier : 2010, p.143], Freeman l'a imposé dans le débat académique en en élargissant le
sens, qui désigne désormais « non seulement ses actionnaires, mais aussi ses salariés et autres
parties contractantes et, au-delà, toute partie avec laquelle elle n’entretient pas de relations
contractuelles mais qui est susceptible d’affecter ses intérêts » [Capron & Petit : 2011, §21].
La capacité d'influence d’une partie prenante est donc assez rapidement devenue une question
primordiale dans les travaux de sciences de gestion s'appuyant sur cette théorie et cherchant à
définir des critères pour savoir, parmi toutes les parties prenantes, « qui compte » vis-à-vis des
dirigeants d'une entreprises [Mitchell et al. : 1997 ; Agle et al. : 1999]. Être à l'écoute des plus
influentes est devenu le leitmotiv des démarches utilitaristes de RSE, et le fait que ces
démarches se sont imposées à partir des années 1980 comme approche dominante de la RSE
[Capron & Petit : 2011] a propulsé ce souci des parties prenantes au rang d'objectif premier de
la responsabilité des entreprises : « par un curieux glissement conceptuel, la satisfaction du
bien commun a été [ainsi] transposée en satisfaction des attentes de ses parties prenantes »
[Capron & Quairel-Lanoizelée : 2010, p.12]. Autrement dit, la théorie des parties prenantes
est devenue une théorie de l’agence étendue, au-delà des seuls actionnaires, mais sans que ses
promoteurs assument toujours ouvertement qu'il ne s’agit pas de maximiser la satisfaction
globale de toutes les parties prenantes – ce qui est impossible notamment du fait de la
diversité de leurs préférences [Chanteau : 2017b] – mais la satisfaction de certaines d'entre
elles par ordre décroissant d’influence.
En 2001, la Commission des communautés européennes donne dans le résumé de son Livre
Vert pour la RSE, une liste des parties prenantes auxquelles les entreprises européennes « ont
affaire : salariés, actionnaires, investisseurs, consommateurs, pouvoirs publics et ONG »
[Commission CE : 2001, p.3]. Dix ans plus tard, dans sa communication visant à définir « une
nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014 », la Commission ajoute même les
médias :
« Les syndicats et les organisations de la société civile recensent les problèmes, exercent
des pressions en faveur d’améliorations et peuvent œuvrer dans un esprit constructif avec
les entreprises pour élaborer ensemble des solutions. Par les décisions qu’ils prennent au
niveau de leurs achats et de leurs investissements, les consommateurs et les investisseurs
sont en mesure de mettre en valeur la prime accordée par le marché aux entreprises
socialement responsables. Les médias peuvent accroître la prise de conscience des
retombées tant positives que négatives de l’activité des entreprises. Il convient que les
pouvoirs publics et ces autres parties prenantes responsables fassent la preuve d’un
comportement socialement responsable, notamment dans leurs relations avec les
entreprises. » [Commission CE : 2011, p.9]
Cetteinvitation à la « responsabilité », qui ne s'adresse pas aux dirigeants d'entreprises mais à
celles et ceux avec qui ils sont en « prise », illustre l’ambiguïté des notions d'intérêt ou
d'influence qui sous-tendent la théorie des parties prenantes, d’où son inconsistance : intérêt
de qui (détenteurs du capital, managers, « parties prenantes » prises comme un tout) ?
influence au sens d'une orientation donnée aux arbitrages des managers ou d'un impact sur la
vie et les activités de tous les autres ? Freeman lui-même, en proposant de définir les parties
prenantes comme « tout groupe ou individu qui affecte ou est affecté par l’accomplissement
des objectifs de l’organisation » [1984, p.37], évoquait les deux sens de la relation d'influence
ou d'impact que le terme continue d'impliquer. Plus récemment, la norme ISO 26 000 a défini
une partie prenante comme un « individu ou groupe ayant un intérêt dans les décisions ou
activités d’une organisation » [ISO : 2010, §2.20], en précisant :
« "intérêt" se réfère au fondement réel ou potentiel d’une réclamation ; à savoir exiger
quelque chose qui est dû ou exiger le respect d’un droit. Ce type de réclamation
n’implique pas nécessairement qu’il s’agisse de réclamations financières ou de droits
accordés par la législation » [§5.3.2].
Cette définition oriente donc davantage vers le fait d'être potentiellement affecté par un
arbitrage managérial que par sa capacité à l'influencer
181. Cependant, parmi les questions
qu’un dirigeant doit se poser pour définir les parties prenantes de son organisation, la même
norme précise qu'il est nécessaire de se demander « Qui peut influer sur la capacité de
l’organisation à s’acquitter de ses responsabilités ? » [§5.3.2]. De fait, le problème de
l'ambivalence du concept de partie prenante n'a pas été résolu dans la norme ISO 26 000.
Pour éviter cette ambiguïté, Chanteau [2011, §22] parle plutôt des « acteurs efficaces », qu'il
définit comme « les acteurs exerçant un effet sur l’entreprise au niveau de sa stratégie ou de sa
conduite opérationnelle » tandis que « tout acteur social affecté ou concerné par les activités
d’une entreprise n’a pas nécessairement vocation ni capacité à influencer celle-ci ». Cette
précision a l'intérêt d'introduire la notion de « capacité », c'est-à-dire de déséquilibre possible
entre les individus ou groupes dont il est question.
Tentant de répondre à ce type de critique, Bonnafous-Boucher et Rendtorff [2014] affirment
que « la valeur de la théorie des parties prenantes réside en grande partie dans sa capacité à
repérer des indices transformant notre manière d'appréhender l'organisation du pouvoir, la
décision et l'action » [p.7]. Selon ces auteurs, elle permettrait en effet, dans l'étude des
organisations, de tourner « son attention vers les notions d'intérêt, de négociation des enjeux,
de gestion de relations plus ou moins stables à l'intérieur de l'organisation et à l'extérieur »
[p.56]. Mais leur prise en compte des relations d'intérêts et de négociation se fait sur une base
contractualiste, en considérant l'entreprise comme « un ensemble d'individus, de groupes
coalisés ou en opposition ayant des relations contractuelles. Dans ces relations, l'intérêt de
chacun estdéterminant, mais aussi les intérêts porteurs d'enjeux collectifs » [p.66]. Et pour
eux, la théorie issue des travaux de Freeman constituerait ainsi « un apport majeur pour les
approches politiques, pour qui le pouvoir est moins un attribut qu'une relation » [p.68].
Les auteurs n’étayent cependant pas ces affirmations, en ne précisant pas ce qui caractérise les
« enjeux collectifs » – au niveau de quel(s) groupe(s) coalisé(s) ? – ni la façon dont les
intérêts de ce « collectif » pourraient être privilégiés par rapport aux intérêts de
sous-ensembles particuliers. On peut même voir une contradiction lorsqu’ils écrivent un peu plus
tôt [p.5] que cette théorie reste un « modèle de gouvernance négociée » : la maximisation
181 En parallèle, la norme définit une notion de sphère d'influence, comme l'ensemble « des relations politiques,
contractuelles, économiques ou autres à travers lesquelles une organisation a la capacité d’influer sur les
décisions ou les activités de personnes ou d’autres organisations » [ISO : 2010, §2.19]. il s'agit bien de la
sphère dans laquelle l'organisation a la capacité à influencer les décisions des tiers, et non celle dans laquelle
des tiers peuvent influencer ses propres décisions.
simultanée et systématique des attentes de l’ensemble des groupes coalisés étant impossible,
les choix prétendument collectifs correspondent à des arbitrages qui, en l’absence de
processus clair de décision (c’est-à-dire de règles de décision structurant le fonctionnement
d’un ensemble défini d’individus ou de groupes sociaux)
182, peuvent consacrer la
prépondérance de certains intérêts sans l’expliciter. Définir qui est légitime pour participer à
cette négociation, et selon quelles modalités, est pourtant un enjeu majeur pour la conduite
d’une entreprise et son articulation avec les groupes sociaux en présence, ce qu’une théorie
scientifique devrait expliciter sans pour autant s’habiliter elle-même à en décider [Chanteau :
2011]. C’est aussi un des enjeux des rapports de pouvoir de domination (cf. chapitre II).
Fondée sur une approche instrumentale de la RSE et un présupposé de principe «
gagnant-gagnant » [Boidin : 2008 ; 2009], cette théorie tend en outre à ignorer les antagonismes
existant entre certains ensembles d'individus ou groupes coalisés, et les rapports de
dépendance et/ou de domination qui peuvent exister entre eux. Cette approche contractualiste,
assumée par Freeman, est destinée à pallier l'insuffisance d'une régulation par les pouvoirs
publics, inadaptée selon lui au contexte de libéralisation économique et de
« mondialisation » :
« Malgré ou grâce à ce flou conceptuel, ce concept a indéniablement fait mouche et est
désormais associé au mouvement de la RSE, parce qu'il met la focale sur les acteurs,
c'est-à-dire sur le caractère "microfondé" de ce processus par lequel l'entreprise s'ouvre à
l'éthique. Freeman en fait la base d'une forme nouvelle de capitalisme, le "capitalisme des
parties prenantes". Selon cet auteur, après le capitalisme du travailleur de Marx, le
capitalisme des managers (vu par Berle et Means), le capitalisme d'Etat de Keynes et le
capitalisme des actionnaires de Milton Friedman, place est ainsi faite à cette nouvelle
phase du capitalisme. Il ne s'agit donc pas d'un mouvement historique contingent, mais
d'une modification profonde de la compréhension de ce que peut donner un "bon"
capitalisme, c'est-à-dire qui ne serait plus fondé sur un équilibre entre pouvoir public et
pouvoir privé, mais sur la recherche permanente d'arrangements privés entre contractants.
Le capitalisme qui se dessine est alors celui de la responsabilité individuelle et de la
négociation. Un capitalisme fondé sur le principe de l'autonomie parfaite d'individus
responsables, capables de définir entre eux, sans médiation institutionnelle, ce qui est
juste et bien. » [Sobel et al. : 2010, p.94]
Enchâssée dans cette approche contractualiste, la théorie des parties prenantes comporte donc
un double postulat implicite – mais explicité dans la conception libérale du droit des
contrats
183–, selon laquelle les contractants (ici une entreprise et ses parties prenantes) ont
toujours la liberté d’accepter ou de refuser le contrat, et ont la volonté de le conclure. Trop
souvent, « les théoriciens des parties prenantes postulent la réalité de cet accord et des
182 A l’opposé, en termes de négociation collective, des règles et de la communauté de membres qui
caractérisent un commun (voir supra).
183 En droit français, les deux parties signataires sont réputées s’engager librement, sous peine de nullité du
contrat (art.1108 et sq du Code civil)
caractéristiques de liberté, d’égalité et d’engagement réciproque chez les parties prenantes
dans leur ensemble » [Cazal : 2008, p.20]. Ils présupposent en effet « des "contrats libres"
entre individus qui sont de fait inégaux », comme le relèvent Sobel et al. [2010, p.95] :
« La "solution" de Freeman fait en effet abstraction de [ce] qui constitue pourtant
l'indépassable horizon de nos économies : la subordination des individus démunis de
capital aux individus détenteurs de monnaie. (…) L'apport de Polanyi est ici précieux. Il
nous enseigne en effet que le marché livré à lui-même brise précisément les possibilités
d'agir de manière raisonnable et éthique, car chaque individu y est renvoyé à son propre
intérêt. C'est là l'effet non pas de l'échange marchand, mais du rapport salarial et du
rapport à l'environnement qu'il dissimule. Derrière l'échange se dissimule en effet, dans
un capitalisme non régulé, le primat du capital. Un primat qui prive de réel pouvoir les
travailleurs et les défenseurs de l'espace naturel commun. »
Nous délaisserons donc cette terminologie de partie prenante, centrée sur le pilotage de
l'organisation et les arbitrages managériaux que cela implique, afin d'éviter ces différents
écueils.
III.2.1.2. Catégoriser des ensembles d'acteurs, dans le champ de l'entreprise et
autour de sa sphère d'influence
Pour analyser l'entreprise, nous privilégierons plutôt le concept « d'acteurs », c’est-à-dire des
individus ou groupes dotés d’une autonomie décisionnelle, mais une autonomie relative
puisque instituée, normée par la société dans laquelle ils se sont construits. La mobilisation de
ce concept nous semble plus à même de saisir les relations de pouvoir pouvant exister entre
groupes ou acteurs individuels, à l'intérieur comme à l'extérieur du champ de l'entreprise.
Or, il est primordial de tenir compte, dans la façon de conceptualiser l'entreprise, des relations
de pouvoir existant entre certains de ses acteurs, notamment le pouvoir des détenteurs du
capital social (cf. supra). En effet, si une société commerciale ne doit pas être considérée
comme la propriété de ses seuls actionnaires [Robé : 2006], elle n'en est pas moins dominée,
dans son mode de gouvernement interne, par ce contrôle du capital social
184(dont l'apport
initial par les associés fondateurs confère à ces derniers le pouvoir de déterminer la structure
du gouvernement de l’entreprise). Les détenteurs du capital social sont donc une composante
majeure de l'entreprise, mais ils peuvent même être scindés en deux ensembles : les
actionnaires déterminants (en général majoritaires, mais pas uniquement) qui s'impliquent
dans la conduite de l'entreprise et sont membresde son gouvernement (participation au conseil
184 C'est du moins le cas lorsqu'on considère une firme capitaliste et non des modèles alternatifs de
gouvernement d'entreprise susceptibles de dessiner « une sortie du capitalisme, sans pour autant aspirer à
l’étatisme » [Chanteau : 2011, §32] : ces types alternatifs n'ont pas été rencontrés dans ce travail de
recherche.
d'administration ou l’équivalent, selon le statut juridique), et les autres, qu'on peut désigner
comme des « actionnaires de portefeuille », qui ont placé du capital dans l'entreprise sans
participer activement ou de façon assidue à son pilotage stratégique.
Ce travail de déconstruction des différents acteurs concourant à la pérennisation et à
l’orientation des stratégies et modes de fonctionnement d’une entreprise nous conduit à
représenter ainsi (figure 8) le système complexe que forment ces acteurs dans le cas des
entreprises agro-industrielles que nous avons étudiées au Cameroun :
Figure 8. Schématisation des différents groupes d'acteurs
internes et externes au champ d’une entreprise
agro-industrielle au Cameroun
Les chevauchements des cadres indiquent des recoupements partiels entre groupes
d'acteurs. Les groupes d'acteurs ne sont pas nécessairement homogènes (la prise en
compte de critères supplémentaires pourraient faire apparaître d’autres clivages).
Source : auteur.
Ce schéma représente :
• les différents groupes d'acteurs susceptibles de faire exister, ensemble, par les
ressources qu’ils engagent (capital, travail, connaissances, relations sociales, etc.),
une « entreprise » (parmi lesquels on peut distinguer des sous-ensembles de
« dirigeants », « salariés »
185, « représentants du personnel » ou encore certaines
instances internes à la composition hybride) ;
• et d’autres catégories d’acteurs externes au champ d'application directe et
structurée des décisions du gouvernement de l'entreprise mais influençant ces
décisions ou étant affectées par celles-ci.
Comme les sous-traitants et fournisseurs, les clients sont considérés ici comme externes au
champ de l'entreprise : il s'agit des acheteurs externes à l'entreprise, donc hors acheteurs
faisant partie d'un même groupe intégré verticalement (commerce intra-firme). Ce type
d'acteur organisé peut néanmoins avoir un effet décisionnel important sur le gouvernement
d'entreprise.
Sur ce schéma, n’est représentée aucune relation de pouvoir, volontairement : si certaines sont
évidentes (par exemple du fait de la subordination des salariés aux décisions des dirigeants),
d'autres sont à analyser empiriquement. Cela implique préalablement de déterminer en
pratique l’ensemble des groupes d’acteurs à prendre en compte pour la situation analysée, et
pour cela de fixer la « focale » [Ostrom : 2005] pertinente de l’analyse.
III.2.2. Périmètre socio-géographique de l'étude d'une filière
agro-industrielle : le territoire comme échelle d'analyse
III.2.2.1. La focale : choisir son échelle d’analyse
Les méthodes d'analyse institutionnelle développées par l'École de Bloomington reposent,
dans une perspective systémique, sur l'analyse des interactions. Celles-ci s’enchaînent entre
plusieurs niveaux d’interactions, en autant de systèmes et sous-systèmes qui s’emboîtent
conceptuellement comme les différences d’éléments cartographiques aux différentes échelles
choisies [Ostrom : 2005]. Mais, l'analyste ne disposant pas d’un temps infini pour explorer
185 Ne sont désignés sous ce terme que les salariés n’ayant pas de responsabilité particulière au vu des autres
catégories : les « directeurs », « cadres », « représentants du personnel », « « élus FairTrade », etc. sont aussi
des salariés.
l’ensemble de ce réseau d’interactions, il doit faire un choix pragmatique de découpage de
cette réalité (pour borner sa recherche au plan pratique) sachant que le niveau d’analyse
retenu doit s’ajuster au mieux à la question que se pose le chercheur, et que ce qui a de
l’importance à un niveau n’en a pas nécessairement, ou moins, à un autre niveau. Autrement
dit, il doit déterminer la focale d'analyse empirique et « fixer les variables d'un niveau
supérieur » [Ostrom : 1990, p.71].
L’échelle d'analyse adéquate doit être choisie en fonction du système socio-écologique étudié,
en se centrant sur les institutions structurelles du système pour lesquelles l’intensité des
interactions est potentiellement plus forte et des modifications structurelles possibles par les
acteurs investis dans la situation analysée. Le choix de focale dépend donc du « point
d'entrée » de l'étude qui est réalisée, comme le précise Ostrom [2007, p.1186] à propos du
cadre d'analyse SES :
« The entry point depends on the question of major interest to the researcher, user, or
policy maker. For some questions, the appropriate focal system is the broader social,
economic, and political setting (S) in which one compares these broader settings over
time and across space as they impact on the problemsolving capability of resource users
Dans le document
Analyse multi-niveaux de l’économie de la RSE : le cas des entreprises de la filière banane au Cameroun
(Page 164-178)