Chapitre II. Choix méthodologiques pour la collecte et le traitement des
II.2. Le cadre d'analyse institutionnelle d'un système socio-écologique (SES) au-delà
Les travaux d’Elinor Ostrom et de ses collègues du Bloomington Workshop ont développé un
outillage méthodologique en revendiquant une approche systémique et pluridisciplinaire
[Ostrom : 1990 ; Ostrom : 2011a ; Ostrom & Basurto : 2011 ; Chanteau & Labrousse : 2013].
Si leurs travaux ont privilégié l’étude de systèmes coopératifs [Ostrom : 1990 ; Ostrom :
2007 ; Ostrom : 2010 ; Ostrom : 2011b], leur permettant de développer le concept de
communs (voir chapitre III), l’outillage conceptuel reste mobilisable pour des systèmes non
coopératifs – i.e. dans lesquels il n’y a pas de communauté d’usagers partageant des règles
favorisant un usage coopératif de ressources.
En suivant Ostrom, nous nous intéresserons donc à la grammaire institutionnelle qui permet
de caractériser toute situation d'action (II.2.1), étape nécessaire pour voir comment mobiliser
le cadre d'analyse SES (systèmes socio-écologiques) au-delà du cas d'un système coopératif
de gestion d'une ressource (II.2.2.), notamment pour tenir compte de rapports de pouvoir entre
acteurs (II.2.3).
II.2.1. Caractériser une situation d’action : à la recherche de la
grammaire institutionnelle
Ostrom [2005 ; 2010 ; 2011a] et ses collègues ont développé un cadre d'analyse, nommé IAD
pour « Institutional Analysis Development framework », basé sur la décomposition et la
caractérisation descomposants (acteurs et modes d’interactions) d'une « situation d'action »,
que Cole [2017, p.3] définit comme :
« an actual or virtual social forum where individuals meet and engage with one another,
establishing patterns of interaction that generate outcomes for those individuals, as well
as wider social and ecological effects. Actors enter action situations in positions (e.g.
citizen, seller, buyer, senator, litigant, judge, etc.), with whatever cognitive capacities,
information, preferences, strategies (conditional cooperator, rent-seeker, free-rider, etc.),
they possess, all of which are to varying degrees shaped by existing biophysical
conditions, the attributes of the community in which they live, and the ‘rules’. »
II.2.1.1. Décomposer une situation d’action
Cette situation se réalise sous la triple contrainte de variables considérées comme externes
123(au sens où les acteurs directement concernés par la situation doivent considérer qu'ils n'ont
pas la capacité de les changer – ou trop peu pour espérer obtenir un changement – au cours de
leur action) :
– les conditions biophysiques (climat, limitation potentielle de la ressource, etc.),
123 Comme l’explique Cole [2017, p.3] : « This makes sense in so far as they are external to a given action
situation. But the variables are, in fact, endogenised to the framework by virtue of the feedback loops from
the Outcomes box, as patterns of interaction effecting biophysical conditions, community attributes and
rules. It is, perhaps, more appropriate to think of those variables as the ‘social and ecological context’ within
which a focal action situation arises. »
– certaines caractéristiques du groupe d'utilisateurs ou de la « communauté » humaine
dont ils sont issus,
– et les règles sur lesquelles cette communauté n'a pas ou que peu d'emprise.
Les interactions se traduisent par des résultats (outcomes), et sont l'objet d'un processus
permanent d'évaluation par les acteurs (en termes d'encadrement et de prévisibilité des
interactions, d'accomplissement des potentielles attentes sociales et environnementales). En
fonction de ces résultats, des ajustements et évolutions (feedback) ont lieu au sein de la
situation d'action mais aussi de certaines des variables externes : influence sur l'évolution des
règles déterminées à un niveau supérieur ; sur certains attributs de la communauté (par
exemple en fonction d'un processus redistributif de la valeur créée) ; et sur certaines
conditions biophysiques telles que la disponibilité de la ressource (cf. figure 1).
Figure 1. Structure de base du cadre d'analyse IAD
Source : Ostrom [2010b : p.26]
Ce concept de situation d'action se définit par « l’hypothèse que toute interaction humaine est
composée de 7 éléments opératoires : des acteurs occupant certains rôles choisissent parmi
des actions à différents stades du processus décisionnel, à la lumière de leur capacité de
contrôle sur un nœud décisionnel, des informations dont ils disposent, des résultats probables,
et des coûts et bénéfices perçus pour ces résultats » [Ostrom & Basurto : 2011b, §20].
Afin d’analyser une situation d’action, le Bloomington Workshop invite le chercheur à
caractériser sa grammaire institutionnelle :
« The grammar of institutions is an effort to develop a common framework for
understanding strategies, norms, and rules as different types of institutional statements,
which are governed by an underlying grammatical structure (Crawford & Ostrom,
1995). » [McGinnis : 2011b, p.177]
L’établissement de cette grammaire consiste à déterminer et décrire les règles (« rules »),
c’est-à-dire les institutions qui prescrivent le comportement des acteurs en fonction de leurs
rôles :
« Schlager and Ostrom (1992: 250) define ‘rules’ as ‘generally agreed-upon and enforced
prescriptions that require, forbid or permit specific actions for more than a single
individual’. This statement can usefully be decomposed into two elements that together
comprise a rule: (1) deontic specification, i.e. the rule must specify actions that specified
actors may, must, or must not perform; and (2) levels of compliance/enforcement, i.e. the
rule must be obeyed and/or enforced to some inevitably uncertain level below which it
would no longer be considered a rule (see e.g. Elmes, 1966: 51)
124but something less,
such as a standard, guideline, recommendation, ethic, signal, expression or simply an
empty gesture. » [Cole : 2017, p.7]
Tout en les désignant sous le terme générique de « règles »
125, Bloomington distingue en fait
analytiquement trois types de prescriptions (« règles », « normes » et « stratégies
partagées ») : les stratégies partagées n'ont pas de caractère impératif, contrairement aux
normes et aux règles ; les règles sont « en outre porteuses de l’attribution d’une sanction
lorsque des actions prohibées sont commises et constatées par un surveillant » [Ostrom &
Basurto : 2011b, §17]. Sans le préciser ici, les auteurs font référence à une sanction
individuelle appliquée par les autres individus, et non à la sanction que peut représenter par
exemple le coût social de n’avoir pas suivi une stratégie partagée.
II.2.1.2. Observer les pratiques, identifier les règles
Si les règles étaient performatives, chaque action personnelle serait strictement conforme à la
conduite prescrite dans ces règles. Mais c’est un cas exceptionnel [Jeammaud : 1993]. Une
première source de non-conformité des actions par rapport aux règles provient du nécessaire
travail interprétatif sur le sens à donner à telle ou telle règle et sur la conduite à tenir en
conséquence – plusieurs réponses étant possibles
126. Une seconde cause possible vient de la
capacité de certaines personnes ou de groupes à imposer leurs pratiques personnelles en
contradiction avec les règles formelles, sans pour autant chercher à modifier ces règles. Au
total, une pratique régulière s’instaure qui diffère des règles ou normes codifiées auparavant
124 L’auteur cite en note : « The laws of the land share one great weakness with all other laws; they are not laws
unless they are enforced. »
125 Ostrom parle en effet de « rule » parfois dans un sens générique, parfois dans le sens spécifique de
prescription impérative avec sanction.
126 Ce travail interprétatif est une délibération privée (appréciation personnelle) ou publique (fonction de la
jurisprudence, par exemple).
dans le droit écrit ou coutumier – pratique régulière dont on peut inférer des règles de
conduite tacites ou informelles
127.
Le point de départ analytique est l’observation de la situation, à partir de laquelle le chercheur
cherche à conceptualiser l’ensemble de règles, normes et stratégies (qui peuvent avoir
différentes origines : droit écrit ou coutumier, culture locale ou familiale, etc.) qui régissent
réellement le comportement des acteurs, les « working rules » ou « rules-in-use »
128:
« When we do a deeper institutional analysis, we attempt first to understand the working
rules that individuals use in making decisions. Working rules are the set of rules to which
participants would make reference if asked to explain and justify their actions to fellow
participants. » [Ostrom : 2005, pp.19-20]
Il s’agit cependant bien de se baser sur l’ensemble de l’observation des pratiques et non sur
les seules justifications des individus, qui risqueraient de soumettre la démarche analytique
au(x) critère(s) de justification morale de tel ou tel acteur
129:
« The capacity of humans to use complex cognitive systems to order their own behavior
at a relatively subconscious level makes it difficult at times for empirical researchers to
ascertain what the working rules for an ongoing action arena may actually be in
practice. » [Ostrom : 2005, p.19]
Nous parlerons ici de « pratiques usuelles » pour décrire les régularités de comportements au
sein d’un groupe social
130, dont on cherche à caractériser les déterminants, qu’ils fassent ou
non l’objet d’une formalisation collective et quelque soit la considération morale qui leur est
apportée par les acteurs : ce sont les « règles usuelles » (rules-in-use – appelées aussi working
rules, « règles appliquées ») dans ce groupe social.
Celles-ci ne correspondent donc pas forcément à l’ensemble des lois et réglementations
formellement édictées
131:
« In an open society governed by a “rule of law”, the general legal framework in use will
have its source in actions taken in constitutional, legislative and administrative settings
augmented by rule-making decisions taken by individuals in many different particular
settings. In other words, the rules-in-form are consistent with the rules-in-use
(Sproule-Jones 1993). [But] in a system that is not governed by a “rule of law”, there may be
central laws and considerable effort made to enforce them, but individuals generally
attempt to evade rather than obey the law. » [Ostrom : 2005, pp.19-20]
127 Ce qui définit en économie une convention [Orléan: 2004].
128 Les deux appellations sont équivalentes [Cole : 2017]
129 Or d’une part chacun des acteurs ne peut pas justifier les pratiques dominantes d’un groupe auquel il
appartient éventuellement malgré lui, d’autre part les pratiques n’ont pas à être justifiables moralement pour
exister.
130 Ce groupe social ne partage pas nécessairement un projet commun (à la différence d’une « communauté
d’usagers » -community users- qui caractérise un commun, voir chapitre III).
131 Enoncés formellement édictés qui peuvent être alternativement désignés « legal formal rules » [Cole : 2017,
p.1] ou « formal rules (or rules-on-paper) » [McGinnis : 2011, p.175] ou encore « rules-in-form » [Ostrom :
2005, p.19].
Au sein de ces règles usuelles, il y a certes des lois, réglementations, règlements internes, etc.
que respectent les acteurs (parmi les règles qui leur sont imposées de l’extérieur ou qu’ils se
sont données collectivement), mais il y a également ce que l’observateur peut inférer de leurs
pratiques usuelles : par exemple, une règle de sociabilité que l’on peut inférer de rituels de
politesse, qui s’analyse comme une convention, c’est-à-dire une prescription qu’un nouvel
intrant a intérêt à suive sous peine de ne pas être pleinement accepté par le groupe ; ou une
règle de stratégie économique que l’on peut inférer de pratiques usuelles de corruption (cas de
la « corruption systémique », cf. section II.2.4), autre convention dont un acteur aurait intérêt
à intégrer l’existence dans son calcul économique si l’accès à certains droits ou ressources
prime pour lui sur son jugement moral ou politique ; etc.
Comme le rappelle Cole [2017, p.11], il n’existe pas de lien évident et systématique entre
l’application des règles formelles de droit et les règles usuelles qui structurent les pratiques
usuelles :
« monitoring, enforcement and sanctioning regimes are themselves complex adaptive
systems, [so] relations between formal laws and rules-in-use cannot be explained simply
by a casual reference to monitoring, enforcement and sanctioning. Rather, analysts must
dig into the actual monitoring, enforcement and sanctioning institutions and organisations
of specific cases to learn whether, and to what extent, legal rules influence or determine
the ‘working rules’. »
L’auteur invite d’ailleurs à étudier finement la relation existant entre les règles formelles de
droit et les règles usuelles (dont l’évolution permet d’analyser le processus d’évaluation mené
par les acteurs en fonction des résultats, cf. infra figure 1), dont il propose une typologie selon
un continuum marqué par trois cas-types : « (1) the formal legal rule is the ‘working rule’ (2)
the formal legal rule significantly influences the ‘working rule’ (and sometimes vice versa),
and (3) the formal legal rule bears no apparent relation to the ‘working rule’ » [Cole : 2017,
p.11]. L’observation des pratiques usuelles ne doit donc pas faire l’impasse des règles de droit
formel, et c’est bien le croisement de cette observation de terrain et de ce descriptif du droit
existant qui permet de caractériser les règles usuelles qui structurent une situation d’action.
II.2.1.3. Caractériser les règles usuelles
Ce cadre d’analyse a été développé et mis en œuvre principalement autour de l’analyse de
communs, c’est-à-dire la gestion collective et collaborative d’une ressource par une
communauté d’utilisateurs (voir chapitre III). Il n’est cependant pas limité à l’analyse de telles
situations :
« [Elinor Ostrom] intended the IAD as a general framework for diagnosing and possibly
predicting collective action, including in dynamic settings. It was not designed only to
diagnose local common-pool resource issues, where formal legal rules might be expected
to play a limited role.
Even in local common-property regimes, rules often are codified and more or less formal
mechanisms established for monitoring and enforcing compliance ». [Cole : 2017,
pp.16-17]
Comme le signalent Hollard et Sene [2010, p.449], le cadre d'analyse IAD peut en fait « être
compris comme un cadre opérationnel […] servant de base à une évaluation des problèmes de
gestion commune ». Ostrom et ses collègues ont en effet identifié après des années de
recherche empirique sept types de règles usuelles à rechercher : leur existence ou leur absence
et la définition de leurs modalités permettent de caractériser la structuration d’une situation
d’action particulière :
« 1) Les règles de définition des rôles, 2) Les règles d’accès aux rôles, 3) Les règles
d’allocation des ressources, 4) Les règles sur les procédures de décision collective, 5) Les
règles d’information, 6) Les règles de contribution-rétribution, 7) Les règles délimitant
les usages possibles des ressources » [Chanteau & Labrousse : 2013, §34].
Cole [2017] a proposé une bonne synthèse pour formuler la fonction de chacun de ces sept
ensembles de règles usuelles (cf. tableau 3).
Tableau 3. Fonction de chacun des sept ensembles de règles dans le
cadre d’analyse IAD
Type of rule Function of rule
Position rules (règles de
définition des rôles)
Create positions (e.g. member, judge, voter, representative) that
actors may hold.
Boundary rules (règles
d’accès aux rôles)
Define (1) who is eligible to hold a certain position, (2) the
process by which positions are assigned to actors (including rules
of succession), and (3) how positions may be exited.
Choice rules (règles
d’allocation)
Prescribe actions actors in positions must, must not, or may take in
various circumstances.
Aggregation rules
(règles de procédures de
décision)
Determine how many, and which, players must participate in a
given collective- or operational-choice decision.
Information rules
(règles d’information)
Authorise channels of information flows available to participants,
including assignation of obligations, permissions, or prohibitions
on communication.
Payoff rules (règles de
contribution-rétribution)
Assign rewards or sanctions to particular actions that have been
taken or based on outcomes.
Scope rules (règles de
ciblage des usages)
Delimit the range of possible outcomes. In the absence of a scope
rule, actors can affect any physically possible outcomes.
Source : Cole [2017, p.9]. La traduction des types de règles est celle proposée par
Chanteau et Labrousse [Ostrom & Basurto : 2011b] – sauf « règles de procédures de
décision » plutôt que « règles de procédures de décision collective » : dans une
situation non coopérative, la procédure usuelle peut prévoir que la décision soit prise
individuellement par un acteur.
Ostrom [1990] distingue trois niveaux
132auxquels ces règles peuvent s’établir :
- les règles du niveau opérationnel, qui prescrivent les actions individuelles des
utilisateurs de la ressource : comment utiliser des unités de ressources, qui surveille
cette utilisation, quelle information échanger, comment telle action est-elle sanctionné
ou récompensée, etc.
- les règles du niveau de décision (qu’Ostrom désigne même comme le niveau « de
décision collective », collective-choice level, mais cette décision peut ne pas être
collective, dans un système non coopératif) qui régissent la détermination des règles
opérationnelles : comment et par qui sont prises les décisions concernant les droits et
devoirs des acteurs du système)
- les règles du niveau constitutionnel, qui précisent comment les règles de décision sont
fixées : qui peut contribuer aux délibérations qui mènent à établir une règle de décision,
sous quelles contraintes (temps de délibération possible, système majoritaire ou
consensuel, etc…).
L'exemple donné par Ostrom et Basurto [2011, p. 328] présente les règles usuelles mobilisées
au niveau opérationnel dans les systèmes d’irrigation qu’ils ont repérées le plus fréquemment
dans leurs études de cas (cf. tableau 4).
132 Leurs travaux ultérieurs ont cependant amené Ostrom et ses collègues à proposer un quatrième type, dit de
l'analyse « méta-constitutionnelle » [McGinnis : 2011b, p.173], pour désigner les contraintes implicites et
souvent lentes à changer qui contribuent à façonner les 3 autres types de règles (par exemple des habitudes
culturelles).
Tableau 4. Exemples de règles usuelles fréquemment caractérisées au
niveau opérationnel dans les systèmes collectifs d’irrigation
Règles d’accès au système [boundary rules]
B1 : Zonage foncier : être propriétaire ou locataire de terres dans un périmètre spécifié.
B2 : Parts sociales : propriété ou bail répartis en parts cessibles, indépendantes du foncier mais proportionnées
au volume d’eau prélevé.
B3 : Adhésion : adhésion à un groupe dans le but de bénéficier de l’eau.
Règles de définition des rôles [position rules]
P1 : Rotation : les utilisateurs d’eau se succèdent pour assurer la surveillance du système.
P2 : Surveillance externe : recrutement de gardes extérieurs à la communauté des utilisateurs de l’eau.
P3 : Surveillance locale : recrutement de gardes appartenant à la communauté des utilisateurs d’eau
Règles d’allocation de la ressource [choice/allocation rules]
C1 : Volumes fixes : le volume d’eau disponible est divisé en parts fixes au prorata de la surface foncière
possédée ou tout autre critère.
C2 : Plages horaires : chaque individu (ou sous-groupe du canal d’irrigation) bénéficie d’un créneau horaire
fixe pendant lequel il peut prélever de l’eau.
C3 : Tour de rôle : les agriculteurs prennent leur tour pour prélever de l’eau, dans l’ordre où chacun se situe le
long du canal (ou tout autre ordre clairement défini).
Règles d’information [information rules]
I1 : Publicité sur les infractions aux règles : annonce faite en public par différents moyens.
I2 : Contingentement : publicité sur les mesures des dimensions de chaque barrage de dérivation.
I3 : Comptes rendus : journal écrit des opérations et rapports financiers accessibles à tous.
Règles sur les procédures de décision collective (entre acteurs) [aggregation rules]
A1 : Accord entre voisins : les deux agriculteurs sont présents et valident la fin et le début de leurs créneaux
horaires de prélèvement.
A2 : Vote de la communauté : définit le moment d’un changement de règles d’allocation de la ressource.
A3 : Arbitrage : si des agriculteurs sont en désaccord, le contrôleur a le dernier mot.
Règles de contribution-rétribution [payoffrules]
Y1 : Pénalités : les agriculteurs contribuent en monnaie, en travail ou toute autre ressource en cas d’infraction à
la règle.
Y2 : Impôt sur l’eau : les agriculteurs payent un impôt financier annuel.
Y3 : Obligation de travail : les agriculteurs doivent contribuer sous forme de travail à la maintenance régulière
et aux réparations d’urgence, selon une formule convenue à l’avance
Règles de ciblage des usages possibles de la ressource [scope rules]
S1 : Domaine géographique : définit le périmètre foncier éligible à l’irrigation.
S2 : Usage de l’eau : définit les limites des usages possibles de l’eau prélevée sur le système.
S3 : Cultures : définit les limites des récoltes possibles avec l’eau prélevée sur le système
Source : Ostrom et Basurto [2011a, p. 328] selon la traduction proposée par
Chanteau et Labrousse [Ostrom et Basurto : 2011b, §41-47], sauf pour les Boundary
rules, que ces auteurs traduisent par « règles d’accès aux rôles dans le système »,
pouvant induire une confusion avec les Position rules.
La codification de la grammaire institutionnelle permet ensuite de préciser la force
prescriptive de chaque règle (prescription dont le non-respect est assorti de sanction formelle)
ou norme (prescription dont le non-respect n’est pas assorti de sanction formelle) : Ostrom et
Basurto [2011a] utilisent quatre opérateurs logiques pour caractériser des normes ou des
règles :
- normes : S (Should) pour les actions souhaitées ;
- règles: R, (Required) pour les actions impérativement requises ; P (Permitted) pour les
actions permises ; et F (Forbidden) pour les actions interdites.
Pour chaque situation d'action, l'analyse de la structure institutionnelle passe donc par
l'explicitation de cette « grammaire institutionnelle » qui permet « de repérer les
configurations de règles en vigueur et leur évolution dans le temps » [Chanteau & Labrousse :
2013, §35].
II.2.2. L’extension au cadre d’analyse SES
Plutôt que de mobiliser tel quel ce cadre d'analyse IAD, via un inventaire descriptif et une
codification des différentes configurations institutionnelles, nous proposons d'utiliser son
prolongement, le cadre d'analyse SES (Socio-Ecological Systems), davantage axé sur l'étude
des interactions. Bien que principalement développé, comme l'IAD, à partir de cas d'étude de
« communs » (voir chapitre III), ce cadre doit également pouvoir être utilisé dans l’analyse
des systèmes non coopératifs.
II.2.2.1. Un cadre d’analyse étendu
Dans les années 2000, Ostrom et ses collègues du Bloomington Workshop ont développé le
Dans le document
Analyse multi-niveaux de l’économie de la RSE : le cas des entreprises de la filière banane au Cameroun
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