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III Résultats

2. Analyse des entretiens

2.2 Représentation du document d’aide à la décision

2.2.6 Une aide pour le patient

D’après une revue de la littérature aux Etats-Unis, la délivrance de soins palliatifs dans leur composante globale, au sein des maisons pour personnes âgées, pourrait avoir plusieurs bénéfices : améliorer la qualité de vie, les symptômes d’inconfort et diminuer le taux d’hospitalisation (55).

Dans le cas précis du document d’aide à la décision, les médecins interrogés trouvent que ce document peut être une aide pour l’échange avec le patient sur sa situation.

Avant la réalisation du document, si le patient est en mesure de communiquer, l’avis du patient est demandé comme le prévoit la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Le patient peut décider des conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médical. Le médecin est dans l’obligation de respecter ses volontés, après l’avoir informé des conséquences de ses choix et de leur gravité (8). Le médecin généraliste a également l’obligation de tenir son patient informé du projet de soin. Par le document d’aide à la décision, il peut lui proposer un projet plus abouti, réfléchi en réunion pluridisciplinaire, ce qui peut être rassurant pour le patient. Un des médecins interrogés explique ne pas dire l’ensemble des décisions prises parce que, pour lui, un excès d’information pourrait être source d’anxiété pour le patient. La loi prévoit que la volonté du patient, d’être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, doit être respectée (6).

Enfin les médecins interrogés ont fait remarquer que dans de nombreuses situations de fin de vie en EHPAD, notamment en cas de maladie neuro-dégénérative, le patient n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté. Dans ces situations, le médecin regarde si le patient a rédigé des directives anticipées, sinon il cherchera à recueillir sa volonté auprès de sa personne de confiance ou de ses proches. Dans le cas où le patient n’est plus en mesure de s’exprimer, le document d’aide à la décision, réalisé suite à une discussion collégiale, donne du poids au projet de soin. 2.2.7. Une aide pour la famille Pour la famille, la période de fin de vie d’un proche est également douloureuse.

Cette famille peut même vivre une période de pré-deuil. Elle a donc besoin d’être soutenue dans sa souffrance, qu’elle soit d’ordre affective, psychologique ou spirituelle. L’accompagner est une des missions de l’EHPAD (44).

Selon l’étude de l’ONFV, réalisée sur l’entourage proche des résidents en EHPAD, 75 % des résidents n’ont pas choisi d’entrer en EHPAD (69). Il peut donc y avoir une certaine culpabilité, pour cet entourage, d’avoir forcé la personne âgée à entrer en EHPAD, de l’avoir abandonnée. Lorsqu’ils sont interrogés sur la « toute fin de vie » en EHPAD, les proches expriment d’abord leur inquiétude d’une aggravation brutale de l’état de santé du résident (36 %) ainsi que d’un acharnement thérapeutique (31 %). Ils formulent également des craintes liées à une appréhension personnelle de la fin de vie (27 %) et à la peur de ne pas être disponible aux côtés de leur proche lors des derniers instants (26 %) (69). Il en résulte une certaine agressivité qui n’est que la signature d’une profonde souffrance. Les familles expriment en outre une difficulté à se situer dans l’accompagnement de leur parent. Elles ne savent pas souvent comment répondre, concrètement, à l’aide dont a besoin leur proche.

Un des médecins interrogés émet l’hypothèse que certaines familles, par la méconnaissance des soins palliatifs, seraient opposées à la mise en place de soins palliatifs. Elles pourraient être heurtées, avoir l’impression que l’équipe médicale ne se bat plus pour celui qui leur est cher, que les soignants l’abandonnent. Dans l’étude de l’ONFV sur les proches des résidents en fin de vie en EHPAD, plus de la moitié des résidents n’évoquent jamais la question de leur devenir avec leurs proches (69). L’annonce d’une prise en charge en soins palliatifs pourrait être, pour certains, trop brutale.

Les médecins interrogés pensent cependant que le document d’aide à la décision peut être une aide pour une discussion avec la famille. L’explication de ce document peut permettre de redéfinir, avec la famille, les soins palliatifs, des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne, dont l’objectif est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle. Le fait que le document d’aide à la décision soit réalisé de façon collégiale peut permettre de rassurer la famille. Lorsqu’une décision d’arrêt ou de limitation de certains traitements est prise, ce n’est pas par le seul médecin traitant

mais par l’ensemble de l’équipe soignante, elle-même ayant fait appel à une équipe spécialisée. Le document d’aide à la décision permet de présenter à la famille un projet de soin, de la rassurer sur le fait que l’équipe soignante a réfléchi aux différentes situations possibles et aux réponses à apporter. 2.3. Freins pour la mise en place du document d’aide à la décision 2.3.1. Refus du médecin traitant Comme nous l’avons vu précédemment, le médecin généraliste, médecin traitant du patient, est au centre de la coordination des soins. Si le médecin généraliste n’adhère pas au projet, le document d’aide à la décision ne peut pas être réalisé. Le médecin généraliste, lorsque le document est rédigé, signe ce dernier pour montrer son accord. Dans sa thèse, Stéphanie Chane-Won-In décrit qu’une méconnaissance importante des équipes mobiles de soins palliatifs chez certains médecins peut générer une appréhension de son intervention par crainte d’une confusion des rôles (78). L’équipe mobile de soins palliatifs ne se substitue ni au médecin traitant, ni à l’équipe soignante. L’encadré « conduite à tenir » n’est d’ailleurs pas une prescription mais une proposition. Pour le médecin M6, une fois que l’on connaît cette coopération médecin/EMTSP Ressources, si riche, on ne peut plus être opposé à un tel projet. S’il y a refus, c’est qu’il y a principalement un manque de connaissance. Il serait donc intéressant d’interroger les médecins généralistes n’ayant jamais réalisé un document d’aide à la décision et d’en connaître leurs raisons. Pourquoi ne pas réaliser une campagne de communication envers les médecins généralistes afin de les sensibiliser au document d’aide à la décision ? 2.3.2. Manque de temps du médecin traitant Mais même si le médecin généraliste valide le projet, le manque de temps de ce dernier reste un frein majeur. Stéphanie Chane-Won-In le reconnaît également dans son étude (78).

Tout d’abord la réalisation du document d’aide à la décision nécessite du temps. Il faut organiser une réunion de concertation pluridisciplinaire et pour se faire, il faut que tous les intervenants puissent être disponibles au même moment. Il s’agit d’un point relevé lors de l’évaluation du plan personnalisé de santé Paerpa de l’HAS. Les difficultés ont été de « créer une coordination clinique de proximité avec des intervenants surbookés (pas disponible en même temps) et éloignés, et de libérer le temps nécessaire à l’élaboration des plans personnalisés de santé. (57) »

Un autre frein serait le manque d’anticipation à la réalisation du document d’aide à la décision :

- soit le passage en soins palliatifs a été décidé trop tardivement, ceci lié à plusieurs facteurs faisant intervenir le patient, la famille, l’équipe soignante, le médecin. Stéphanie Chane-Won-In note, dans son étude, que bien souvent, les équipes mobiles de soins palliatifs sont sollicitées quand le patient est en phase terminale. « Les soins palliatifs sont encore largement associés à la phase terminale et à une mort imminente et donc proposés en dernier recours. (78) »

- soit la situation évolue tellement rapidement que la rédaction du document d’aide à la décision n’a pas le temps d’être réalisée. Le médecin M8 note ainsi que certaines situations nécessitent une décision rapide ; et certaines équipes ou familles préfèrent que la personne soit adressée aux urgences, ou à l’hôpital, plutôt que de devoir attendre l’intervention d’un réseau ou d’un prestataire.

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