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III Résultats

2. Analyse des entretiens

2.2 Représentation du document d’aide à la décision

2.2.3. Une aide pour la coordination des soins

Le document d’aide à la décision permet, d’après les médecins interrogés, une meilleure coordination des soins. Les médecins doivent organiser la permanence des soins (77). Certains médecins essayent d’être au maximum présents lors des fins de vie, de rester joignable grâce à leur portable, y compris le week-end. Cependant, ils ne peuvent être présent 24 h sur 24. Comme l’a fait remarqué un médecin, il arrive souvent que la situation décompense à ces moments-là (la nuit ou le week-end).

Dans sa fiche « Comment favoriser le maintien à domicile des patients adultes relevant de soins palliatifs ? », l’HAS précise que le partage des informations, en accord avec le patient, est nécessaire pour une bonne qualité de la prise en charge du patient dans son lieu de vie habituel (75). Le document d’aide à la décision, laissé dans le dossier du patient à l’EHPAD, permet aux professionnels intervenant dans l’urgence, et qui ne connaissent pas le patient ni sa situation, d’avoir une connaissance plus globale de la problématique de ce patient. Même si le médecin garde une totale liberté de

prescription, il peut être aidé par l’encadré « conduite à tenir » si la situation à laquelle il est confronté, correspond à une des situations décrites.

Le document d’aide à la décision a été présenté par l’EMTSP Ressources aux médecins de SOS-médecins. Ces derniers médecins interviennent régulièrement en l’absence du médecin traitant dans les EHPAD de l’agglomération caennaise.

Il serait d’ailleurs intéressant, à l’avenir, d’interroger les différents intervenants extérieurs sur la représentation qu’ils ont du document d’aide à la décision et sur les forces et limites de ce dernier. 2.2.4. La validation d’un projet de soin pour et avec l’équipe soignante Les situations, pour lesquelles un document d’aide à la décision est réalisé, sont complexes. Pour le malade d’abord, pour sa famille, la mort prochaine est une situation qui touche chacun au plus profond de lui-même. Elle questionne sur tout le sens d’une vie, une vie passée, et elle interpelle aussi sur cet « après » qui est tout de même un inconnu ! La personne soignante, qui accompagne la personne qui « va partir » doit gérer à la fois la partie « soins », les questionnements et les doutes du patient, de sa famille, mais également ses propres souffrances. La réunion pluridisciplinaire permet à chacun de s’exprimer sur son vécu, ses propres doutes, ses difficultés. Il est important que chacun se sente écouté afin d’apaiser les tensions pouvant survenir. Plusieurs médecins interrogés nous ont dit porter beaucoup d’importance à l’écoute de l’ensemble de l’équipe soignante. Et comme toute l’équipe soignante ne peut pas être présente, le document d’aide à la décision et la présence de l’infirmier coordinateur permettent à chacun de connaître les décisions prises, afin que tous avancent vers le même objectif : le bien-être de la personne âgée en fin de vie.

Le soignant est happé par la charge de travail à réaliser. La mécanisation des actes, réduits à l’application de protocoles et de gestes techniques, fait que le soignant peut finir par perdre le sens du soin donné ; sa capacité d’écoute, sa capacité à entrer en relation avec la personne sont alors altérées. Quand on ne perçoit plus la personne âgée que comme un objet de soin, et non comme une personne à part entière, le risque de maltraitance, même involontaire, est présent. La réunion de concertation permet aux soignants d’enfin se poser, de prendre du recul, et comme l’a dit un des médecins interrogés, « de se mettre aussi à la place du patient, de ce qu’il peut ressentir ».

Isabelle Regnault précise : « l’éthique du « care » est bien de donner du sens, de reconnaitre l’autre dans ses besoins, son désir. Le « prendre soin » vise à soulager les symptômes, diminuer la souffrance et améliorer le confort et le bien être de la personne. Il s’agit de passer de la pathologie (Alzheimer, Parkinson, démence ...) à la vulnérabilité. La personne est vulnérable : ce principe ouvre en définitive l’espace des besoins et de leur prise en compte. La vulnérabilité doit être considérée comme étant l’état de chacun, car chaque personne est récipiendaire d’une forme de « care ». (68) » Enfin, le projet de soin, validé par une réunion pluridisciplinaire, dont une équipe spécialisée en soins palliatifs, a plus de poids pour l’équipe soignante qui est ainsi rassurée dans la position à adopter.

2.2.5 Une aide thérapeutique pour le médecin

Les soins palliatifs nécessitent des connaissances théoriques spécifiques sans lesquelles un médecin généraliste peut se sentir démuni. Le domaine de la médecine générale est tellement vaste que le médecin généraliste ne peut pas être à l’aise dans tous les domaines : il peut avoir besoin de l’aide de spécialistes. L’article L 4130-1 du code de santé publique le rappelle, une des missions du médecin généraliste est : « Administrer et coordonner les soins visant à soulager la douleur. En cas de nécessité, le médecin traitant assure le lien avec les structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur. (58) »

Les médecins interrogés déplorent un manque de formation. Le médecin M1 est le seul à avoir suivi un diplôme universitaire en soins palliatifs, cependant il exprime avoir toujours besoin des conseils de l’EMTSP Ressources. Les protocoles, discutés avec l’EMTSP Ressources, sont une référence pour lui et il peut ainsi les ressortir dans d’autres situations en les adaptant. Les médecins et l’équipe soignante semblent plus sereins après l’aval de l’EMSP Ressources lors de l’utilisation des antalgiques notamment les morphiniques ou les sédatifs comme l’Hypnovel®.

2.2.6 Une aide pour le patient D’après une revue de la littérature aux Etats-Unis, la délivrance de soins palliatifs dans leur composante globale, au sein des maisons pour personnes âgées, pourrait avoir plusieurs bénéfices : améliorer la qualité de vie, les symptômes d’inconfort et diminuer le taux d’hospitalisation (55).

Dans le cas précis du document d’aide à la décision, les médecins interrogés trouvent que ce document peut être une aide pour l’échange avec le patient sur sa situation.

Avant la réalisation du document, si le patient est en mesure de communiquer, l’avis du patient est demandé comme le prévoit la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Le patient peut décider des conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médical. Le médecin est dans l’obligation de respecter ses volontés, après l’avoir informé des conséquences de ses choix et de leur gravité (8). Le médecin généraliste a également l’obligation de tenir son patient informé du projet de soin. Par le document d’aide à la décision, il peut lui proposer un projet plus abouti, réfléchi en réunion pluridisciplinaire, ce qui peut être rassurant pour le patient. Un des médecins interrogés explique ne pas dire l’ensemble des décisions prises parce que, pour lui, un excès d’information pourrait être source d’anxiété pour le patient. La loi prévoit que la volonté du patient, d’être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, doit être respectée (6).

Enfin les médecins interrogés ont fait remarquer que dans de nombreuses situations de fin de vie en EHPAD, notamment en cas de maladie neuro-dégénérative, le patient n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté. Dans ces situations, le médecin regarde si le patient a rédigé des directives anticipées, sinon il cherchera à recueillir sa volonté auprès de sa personne de confiance ou de ses proches. Dans le cas où le patient n’est plus en mesure de s’exprimer, le document d’aide à la décision, réalisé suite à une discussion collégiale, donne du poids au projet de soin. 2.2.7. Une aide pour la famille Pour la famille, la période de fin de vie d’un proche est également douloureuse.

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