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III Résultats

2. Analyse des entretiens

2.1 La fin de vie en EHPAD : Ressentis

2.3.5. Un document définitif ?

L’un des freins à la mise en place de ce document d’aide à la décision pourrait être, d’après le médecin M4, une mauvaise vision de celui-ci. Si le patient ou la famille ont l’impression que ce document est gravé dans du marbre, qu’on ne peut pas revenir dessus, ils peuvent avoir peur de réaliser celui-ci en pensant qu’il est irrévocable. M4 : (silence)… Ben que les patients ou la famille pensent qu’une fois, … que quelque chose est décidé, qu’on ne puisse pas revenir dessus… donc ce qu’il faut, il faut bien expliquer que ce n’est pas un document définitif et que ça peut être après réévalué au cours de la fin de vie du patient.

Mais l’obstacle, que nous venons d’énoncer, est accentué si la communication est défaillante : ainsi le médecin M1 indique que le frein principal peut être un manque de communication lors de la présentation du projet au patient et à sa famille.

Les autres médecins ne semblent pas voir cet obstacle, hormis le médecin M1 qui reconnaît que la communication est primordiale.

M1 : si on en a parlé avant, ils sont d’accord. Après s’ils disent non, ils disent non, et on ne met pas en place le document. Donc voilà, c’est la discussion avec le patient, le patient s’il est lucide et la famille. …Sinon on ne peut pas… je ne vois pas pourquoi il y a un frein.

Il reste aussi, comme le note bien le médecin M7, qu’il est difficile de prévoir l’évolution d’une fin de vie.

M7 : Après ça… je trouve quand même qu’il y a, à chaque problème qui se pose, un nouveau questionnement. M7 : Oui c’est plus difficile de tout prévoir… enfin voilà chaque histoire est différente. 2.4 Place de l’équipe mobile territoriale de soins palliatifs Ressources 2.4.1. Une aide thérapeutique

Pour l’ensemble des médecins interrogés, l’équipe mobile territoriale de soins palliatifs Ressources est d’une aide primordiale pour la mise en place d’une thérapeutique adaptée. En effet, légalement, le médecin généraliste a besoin d’une équipe spécialisée pour pouvoir délivrer des médicaments non disponibles en ville, particulièrement l’Hypnovel®, en fin de vie.

M1 : on fait appel pour déjà avoir les produits (rire), parce que sinon on ne peut pas les avoir, c’est simple !

M2 : même moi, j’étais perdu, c’est pour ça que j’avais fait appel au réseau Ressources parce qu’au niveau pharmacologique, tout ça, c’est compliqué.

M3 : une aide à la décision et une aide dans la prise en charge pour manier les morphiniques, pour manier l’Hypnovel®…

M4 : ils nous aident bien quand on a besoin de traitement style Hypnovel® et tout ça… ça aide bien oui.

M6 : Mais voilà, je l’ai déjà eu au téléphone et c’est super agréable parce que souvent, en palliatif, quand on a des traitements, je pense au PCA, les dosages, que ce soit les morphiniques, les Hypnovel®, je ne sais pas, sur tout produit, c’est vrai qu’en pratique quotidienne, ce n’est pas un truc que je fais. Et eux, ils ont toujours vraiment ces réflexes-là. Et c’est bien d’avoir des rappels à l’ordre.

M7 : et puis il y a souvent des conseils bons qui sont donnés… enfin voilà, de l’extérieur, je suis toujours preneur des conseils des infirmiers, du médecin. M7 : il y a des aides pour mettre en place des HAD quand il y a besoin, quand on a besoin d’avoir recours à ces médicaments qui ne sont accessibles qu’à l’hôpital, on peut faire l’HAD et avoir accès à ces médicaments et c’est clairement plus simple quand ça se fait avec le réseau et ça va beaucoup plus vite. Et puis c’est logique pour nous, on n’en prescrit pas tous les jours, enfin… Ca aide à faire les choses comme il faut, pour le mieux…

M8 : ça permet aussi de voir pour des antalgiques différents, des morphiniques sous des formes dont on n’a pas l’habitude qui peuvent rendre service parce ils ont un DU sur la douleur. Je ne sais pas si c’est un DU maintenant, ou autre chose, ou soins palliatifs. Mais c’est une équipe qui est formée.

L’un des médecins interrogé, le médecin M1, explique qu’il lui arrive même de réutiliser les protocoles réalisés avec l’équipe mobile territoriale de soins palliatifs Ressources dans d’autres situations :

M1 : Après ce protocole là, il est en photo dans mon téléphone, il est écrit dans mon téléphone, et ça m’est arrivé de le ressortir ! Bon pas forcément en fonction… pas forcément avec les mêmes doses et tout ça, mais là le protocole, il est ressorti et c’est quand même un outil très pratique et confortable, entre guillemet, pour nous. 2.4.2. Une aide psychologique L’EMTSP Ressources peut apporter une aide psychologique tant pour le patient et sa famille, que pour l’équipe soignante et le médecin traitant. Le simple fait de savoir qu’une équipe spécialisée en soins palliatifs a été contactée est rassurant pour les familles. M7 : donc de proposer le réseau aussi, ça leur permet de se rendre compte que l’on continue à faire des choses, à être très actif même avec de nouveaux intervenants. L’EMTSP Ressources facilite la communication, la relation, entre le patient et sa famille, et le corps médical. Par son expérience et sa formation plus affinée sur le plan de la

psychologie, elle peut aider à pacifier malade et famille, en cette période de la vie, souvent difficile, anxiogène, et donc qui peut être source de conflits.

Pour le personnel médical, souvent placé au centre de ces tensions douloureuses, et qui, de plus, supporte le stress occasionné par la recherche d’un traitement le plus adapté possible, l’EMTSP Ressources est aussi une aide précieuse.

M8 : Oui aussi parce que je sais qu’ils interviennent euh… les psychologues peuvent intervenir auprès du patient et auprès de l’équipe quand ça pose problème. Pour cette patiente là, c’était très difficile et ils intervenaient aussi auprès de l’équipe parce que la famille et la patiente étaient très revendicatrices. Ben c’était une revendication pas méchante, mais elle remettait en question sans arrêt : « Est-ce qu’on peut faire autre chose ? Est-ce que malgré tout, vous avez tout essayé ? » Et, donc ils mettaient un peu en difficulté sans arrêt psychologiquement l’équipe en disant : « voilà, on la laisse comme ça, on ne fait plus d’examens. » Elle était un petit peu… un petit peu… dans une présentation particulière. Donc c’est vrai qu’ils ont aussi aidé l’équipe à ne pas, à ce qu’ils ne culpabilisent pas, quoi en fait, sur l’évolution de la pathologie de la patiente.

M6 : oui je fais appel à eux sur le plan psychologique (…) l’infirmier de Ressources le propose déjà aux gens, on le propose à la famille quand on les voit. J’essaye de les voir au moins une fois avec l’infirmier, ou avec un des médecins, pour les présenter : « Bonjour, voilà ils arrivent. » Et puis souvent l’infirmier va dire : « Attends, on va faire intervenir le psychologue, ou la psychologue. » Ouais… Ce n’est pas les mêmes mots que nous, les mots sont plus choisis. Donc, nous, on va être un peu des fois cartésiens, terre à terre, et ce n’est pas ce qu’il faudrait. Il faudrait être un peu plus soft, là aussi (rire). 2.4.3. Assurer une discussion collégiale

Le médecin généraliste peut se sentir très seul dans certaines situations complexes de fin de vie. L’EMTSP Ressources permet de rompre cet isolement. Elle offre particulièrement une vraie discussion collégiale.

M3 : Euh, la place, une grosse aide pour le médecin traitant… euh pour avoir une décision conjointe… pour avoir…, ne pas être tout seul à prendre une décision. Ce serait vraiment de l’aide… M8 : on ne peut pas, je pense, éditer ce genre de document sans avoir l’aide d’une équipe qui est formée parce que nous, nous ne sommes pas forcément formés. M6 : c’est bien car ils ont un œil expert eux. Ils ont un œil que nous on n’a pas… qu’on a moins. Qu’on n’a pas, ce serait un peu méchant pour nous. On n’a pas le même œil. Mais par contre, on leur apporte aussi… Eux ils nous apportent énormément dans cette prise en charge, parce qu’elle est importante… importante et elle n’est pas négligeable… puis ils peuvent nous apporter une hospit si on a besoin, des thérapeutiques… ils nous apportent des idées, ils nous confortent dans nos idées. Mais nous, on apporte aussi toute l’histoire du patient. Ce dernier médecin insiste sur l’intérêt de rassembler l’ensemble des intervenants. M6 : (la discussion) doit se faire avec le médecin-co, l’équipe, l’équipe palliative, le médecin traitant, les médecins spé si on peut les avoir, l’infirmière-co qui va nous faire le relais avec l’équipe soignante, et des fois, c’est arrivé, plus d’une fois, qu’on ait aussi des soignants, des infirmières de l’équipe qui viennent. L’EMTSP Ressources est également précieuse pour établir, si besoin, une passerelle avec le monde hospitalier. M6 : Et donc pour les joindre, c’est super compliqué, ils ne répondent pas. Donc le médecin de l’équipe mobile de soins palliatifs du CHU nous sert d’intermédiaire. Je trouve ça génial mais… sans eux… Moi j’ai besoin de l’équipe parce que l’infirmier va me faire le lien avec l’hôpital, que ce soit… Le médecin de Ressources va faire le lien, là aussi avec l’hôpital, elle va prendre le temps si tu ne peux pas… « Si tu n’as pas le temps, moi je peux. ». Ce n’est pas qu’elle a plus de temps que moi, elle a moins de temps, mais elle les côtoie plus facilement que nous. Donc, non, non… Mais par contre, je ne conçois pas maintenant une aide à la décision dans ce cas-là. De tout façon, je ne vois pas dans quel autre cas… elle doit se faire vraiment avec une équipe de ce type-là donc une équipe palliative mobile, ce n’est plus Ressources mais on s’en fout du nom. Le nom c’est anecdotique.

Pour le médecin M1, l’intérêt principal de l’EMTSP Ressources est surtout la validation du projet de soin par une autorité compétente. Cette notion d’autorité est reprise plusieurs fois dans l’entretien.

M1 : parce que ça permet d’avoir l’aval d’une autorité supérieure qui ne sera pas contestée. Et bon ça vient du réseau, donc c’est une autorité qui ne sera pas contestée, et vis à vis des autres médecins, et vis à vis du personnel de l’EHPAD.

En sa qualité d’autorité compétente, l’EMTSP Ressources peut apaiser les relations, rassurer sur le choix des soins apportés au patient, conforter chacun sur le bien-fondé d’une décision.

M1 : il faut être humble sur nos capacités. Comme moi je ne lui ferai pas forcément confiance si elle m’appelle et me dit : « C’est le moment où ça ne va pas »…(soupir) Ben voilà, je vais dire Ok. Alors que si c’est une infirmière que je connais qui m’appelle en me disant : « C’est le moment où ça ne va pas. » Je sais que c’est le moment où ça ne va pas. Voilà, vous comprenez ?

M1 : Voilà pour ça, ce document me permet d’avoir une validation de la décision. Une validation du bien fondé de la décision : c’est beau ça !

M1 : je pense que c’est pas mal qu’il y ait un passage justement de l’autorité supérieure. Je pense, parce que ça marque les esprits. Et puis après même, au niveau du personnel, pas les infirmiers mais les personnels soignants qui parfois, il y a quand même un investissement un peu affectif sur des patients qui sont là longtemps. Mais c’est vrai que cela dépend si c’est juste une EHPAD mouroir ou c’est… Je ne connais pas les statistiques, mais les statistiques sur certaines EHPAD sont étonnantes, sur la durée de séjour, quoi ! Et quand ce sont des patients qui sont là, un certain temps, il y a quand même un côté affectif qui fait que, je pense, c’est pas mal, c’est pas mal qu’on parle, qu’on dise : « voilà, le réseau soin palliatif est venu, le réseau est venu, on les a appelés. » On fait attention et puis il y a des trucs qui se mettent en place. Voilà, je pense que ce n’est pas plus mal.

L‘EMTSP Ressources ne fait parfois que valider un projet de soin. Comme intervenant extérieur, sa présence est cependant appréciable car elle conforte le médecin dans les choix établis. Ce dernier a aussi l’assurance de pouvoir bénéficier d’un avis plus objectif.

M4 : Ben, c’est un avantage d’avoir cette équipe. Ca permet de montrer que l’on a tout fait, qu’on a exploré à peu près toutes les possibilités, c’est un plus. Mais ça peut aussi bien être fait, c’est sûr, sans l’équipe mobile…Non en fait, on appelle l’équipe mobile quand on ne sait plus trop quoi faire, quand il y a un doute de la prise en charge par rapport… avec une famille qui ne comprend pas très bien ou une famille qui demande si tout a été fait… Et voilà, ça permet un peu de clarifier les choses… C’est pas mal qu’il y ait un intervenant extérieur qui vienne…

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