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Partie I : Le transport à la demande et la recherche, état des lieux

2 Etat de l’art sur la recherche des TAD

3.1 Un contexte économique et social longtemps favorable aux modes individualisés

3.1.2 Un système favorisant la dépendance automobile

Cette complexification de la mobilité a été très favorable à la voiture qui n’a cessé de gagner en part modale [Kaufmann, 2000, 73]. L’individualisation des comportements a favorisé la diffusion de la voiture car celle-ci apparaît souvent comme la seule solution

capable de répondre simultanément à toutes les attentes : « Le rayon d’action d’une voiture

multipliant la liberté de choix dans tous les domaines, ceux du travail, des services, de l’approvisionnement, des échanges sociaux, les habitants voient s’assouplir la loi de proximité » [Piveteau, 1995, 155].

Périodes :

Nombre moyen de déplacements par jour

et par personne

% de la marche et des

deux-roues % des véhicules privés

% des transports publics urbains 1973-77 3,11 50,16 40,84 9 1978-82 3,18 45,91 45,91 8,18 1983-87 3,26 39,26 50 10,74 1988-92 3,37 32,34 57,57 10,09 1995-98 3,67 33,24 58,58 8,17

Tableau 2 : Evolution du nombre de déplacements et des modes utilisés sur la période 1973-1998 96

Ainsi, au cours des années 60, le pourcentage de ménages motorisés a doublé97 [Beaucire et

Meyer, 2000] et par la suite la voiture n’a cessé de gagner en part modale (Tableau 2). On peut noter que ce choix n’est pas toujours lié à un choix rationnel, mais dépend également de la perception, des valeurs associées à ce mode, ou même du réflexe [Kaufmann, 2000, 85]. « L’automobile est associée à un sentiment de liberté, de choix, de libération, s’opposant à

l’obligation, à la coercition, à la contrainte (…) de là naît un sentiment d’autonomie et de pouvoir sur le temps, absent dans le transport en commun. Du coup, conduire son automobile, fût-elle ralentie par les embouteillages de la ville, par la recherche d’un stationnement, n’est pas perçu comme perte de temps, mais comme gain, comme relâchement de contraintes, comme latitude arrachée… Le système automobile signifie donc depuis toujours libération, puissance, maîtrise du temps et de l’espace » [Dupuy, 1995, 101].

Outre les valeurs liées à la perception, la périurbanisation, la déconcentration des entreprises et la saturation du trafic ont favorisé l’allongement des trajets, rendant ainsi le recours aux modes alternatifs à la voiture plus difficile. M. Wiel mentionne que ceci contribue à entretenir un système favorable à la voiture « Il faut constater que la quasi-totalité de la

croissance urbaine se réalise là où seule l’auto est compétitive, cela provoque une augmentation du trafic lié à des choix individuels et donc une plus forte dépendance à l’automobile » [Wiel, 2002, 101].

96 Source : Enquête-ménages, Certu. Cité dans Beaucire F., Meyer A. » L’usage des transports publics dans les

villes françaises de province », In Pumain D., Mattei M. F. Données urbaines 3. Paris : Edition Anthropos, 2000, p. 61-67.

97 Entre 1962 et 1973, la part des ménages français possédant une automobile passe de 35 % à 62 % [Beaucire et

105 3.1.2.1 Le transport public peu adapté aux exigences de flexibilité et aux formes

complexes de mobilité

D’une manière générale, les modifications de la mobilité ne sont pas favorables aux transports en commun. Ces derniers sont très efficaces pour desservir les zones denses aux flux importants. En plus de l’allongement des déplacements et de leur augmentation en nombre, l’étalement urbain a favorisé de nouveaux types de déplacements (en périphérie, tangentiels et transversaux) qui se prêtent mal au transport public [Orfeuil, 2000a, 76].

Or, une étude sur le réseau de transport du schéma directeur d’Ile-de-France sur les recensements de population de 1976, 1983 et 1991, montre que l’essentiel de la croissance se situe au niveau des déplacements périphériques (banlieue-banlieue) qui augmentent de 37 % sur la période98. Ils représentent les deux tiers des déplacements régionaux de 1991 et ne

comptabilisent que 14 % des déplacements en transport en commun [Ministère de l’Equipement, des transports et du logement, 1999, 136-138]. De plus, les transports en commun sont peu adaptés pour assurer les pérégrinations par rapport à la voiture ou à la marche : « la mobilité automobile autorise des circuits (pérégrinations) et par conséquent

donne la possibilité d’un usage de la ville beaucoup plus à la carte (chacun associant dans un même trajet ce qui l’intéresse) qu’au menu (où tout est pré-regroupé)» [Wiel, 2002, 61]. De

même, l’inertie et la rigidité des transports en commun font que la voiture est le moyen le plus pratique sur certains créneaux horaires comme en soirée [Bailly et Heurgon, 2001, 161].

3.1.2.1.1 Des usagers de plus en plus exigeants sur la qualité des services proposés

L’individualisation des comportements associée aux besoins de flexibilité qui touchent autant le domaine privé que professionnel, conduit les voyageurs à exiger un fonctionnement en continu, des services plus personnalisés, plus confortables et plus sécurisés. Selon V. Kaufmann, les acteurs individuels cherchent « à éviter de se trouver pris au dépourvu et ont

en conséquence des stratégies de maximisation de leur potentialité ». Selon lui ces deux

aspects sont généralement défavorables aux transports en commun : « la capacité de

réaction… pour faire face à un imprévu est limitée lors de l’utilisation des transports publics » [Kaufmann, 2004a].

Les transports publics ont du mal à rencontrer les attentes des usagers. « Fondés sur des

déplacements pendulaires (domicile-école ou travail), selon des horaires classiques, l’offre de service actuellement produite par le transport public correspond de moins en moins aux

98 Les déplacements centraux (Paris-Paris) sont stables dans l’ensemble et les déplacements radiaux (Paris-

banlieue) connaissent une faible croissance (+ 11 % en 15 ans). Sur ces deux segments, 60 % des déplacements se font en transport en commun.

pratiques des citadins » [Bailly et Heurgon, 2001, 105]. Ainsi, pour répondre aux attentes des

usagers les transports publics doivent théoriquement élargir leurs plages horaires de fonctionnement, leur couverture spatiale et améliorer leur fréquence, tendant ainsi vers un fonctionnement du service en continu. Or, ces aspirations ont un coût assez élevé pour la collectivité. De plus, le caractère diffus des flux (pérégrinations…) rend difficile l’élaboration de lignes structurantes en dehors des zones denses. Si l’on ajoute les difficultés à desservir certains lieux (ex. les équipements sportifs), horaires (les dessertes de soirées), catégories d’usagers (PMR, touristes) ou l’afflux soudain et ponctuel de spectateurs à transporter, il en résulte que les transports publics ont du mal à couvrir les besoins des usagers. L’ensemble de ces besoins exige d’élargir la gamme des solutions pour les adapter à des demandes variées.

3.1.2.1.2 Un système favorisant les véhicules individualisés au détriment des modes collectifs

Les éléments présentés jusqu’à présent ont très largement contribué à créer une dépendance vis-à-vis de l’automobile [Dupuy, 1999], affaiblissant par là-même le transport public. En effet, le développement des véhicules individuels a été accompagné d’une baisse de la fréquentation du transport public, si bien qu’au début des années 70, le transport public assure principalement le transport des « captifs » [Beaucire et Meyer, 2000]. Cette diminution a eu des répercussions sur l’offre de transport public, rendant ceux-ci moins attractifs et, de fait, moins concurrentiels face à la voiture. Les facteurs ayant conduit à cet état sont présentés dans la Figure 4 sous forme de schéma. Celui-ci décrit la situation observée à la fin des années 1990 en indiquant les principales causes qui ont conduit au cercle vicieux de la dépendance au détriment du transport public.

Les principaux facteurs évoqués ont été regroupés dans les 3 angles de la figure. Ils ont été rassemblés par catégories. Le premier groupe en haut à droite désigne les transformations qui ont affecté la société (cf. 3.1.1.1), le deuxième, celles qui ont touché le monde du travail et enfin le troisième, en bas à gauche, les opportunités techniques. L’ensemble de ces facteurs a engendré un système favorable à la dépendance automobile au détriment des transports publics (en gris au centre) aux lourdes conséquences environnementales représentées dans le quatrième angle en bas à droite.

107 Figure 4 : Système de mobilité favorisant la voiture au détriment du transport public

Conclusion

L’ensemble des facteurs ayant conduit à ce système très favorable à la voiture a entraîné son lot de nuisances. Il a eu pour conséquence d’accroître la circulation automobile et par là- même les émissions de polluants. Les villes se sont retrouvées confrontées à des phénomènes d’encombrements (congestion automobile), de nuisances sonores, de dégradations paysagères et à la délicate gestion du stationnement fortement consommateur d’espace.

Tolérés dans un premier temps, ces inconvénients ont conduit les acteurs politiques et du transport public à réagir entraînant un revirement de situation ces dernières années. Ce changement est perceptible dans la fréquentation des transports publics, mais aussi dans les résultats des récentes enquêtes transports.

3.2

Revaloriser les transports publics par une meilleure prise en compte des