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Partie I : Le transport à la demande et la recherche, état des lieux

1 Qu’est-ce qu'un transport à la demande (TAD) ou comment définir un mode de

1.1 Définition du transport à la demande

1.1.1 Quelle définition pour le transport à la demande ?

1.1.1.3 Une définition fonctionnelle du transport à la demande : principales caractéristiques et idées

1.1.1.3.1 Le transport à la demande : un mode de transport public

Que ce soit en Europe ou aux État-Unis, les auteurs sont d'accord sur le fait que le TAD appartient à la catégorie du transport public. Cette précision implique certaines contraintes notamment en France où la notion de service public est très développée.

Malgré l’appellation par la LOTI (cf. p.25) de « services occasionnels publics », le transport à la demande relève de la notion juridique classique de service public. Il est organisé pour le compte d'autrui (définition du service public) et non pas pour son compte propre (cas du transport privé). Ainsi, il tombe sous la même juridiction que les transports réguliers que sont les bus ou les autocars, notamment du point de vue des missions d’intérêt général qu’il représente, de son organisation ou de son financement :

• Le TAD contribue, au même titre que les services réguliers, à assurer un service public de transport en France. Il relève de l'intérêt général et participe « à la solidarité nationale, au

développement économique et social, à l’aménagement équilibré et au développement durable du territoire […]1. Le plus souvent il assure cette mission en complémentarité des

autres modes, mais en certains lieux, le TAD est le seul mode de transport public à remplir cette fonction. Ainsi, le TAD participe à la chaîne de transport public et joue un rôle essentiel dans la continuité territoriale du service public, ce point sera détaillé précisément dans la deuxième partie.

• Comme le précise la LOTI, l’organisation des services publics (que sont les services réguliers et à la demande) est confiée aux autorités organisatrices de transport (AOT). L’article 7 II précise : « l'Etat et, dans la limite de leurs compétences, les collectivités

territoriales ou leurs groupements organisent les transports publics réguliers de personnes ». Généralement cette fonction revient aux Départements, mais ces derniers ont

la possibilité de déléguer leur gestion à une autorité organisatrice de second rang (AO2) comme des groupements de communes (communautés de communes, communautés d'agglomération, Pays...).

• A l'instar du bus ou des autocars, le transport à la demande bénéficie de subventions pour son fonctionnement. Une part plus ou moins grande du prix d'un trajet est payé par la collectivité, le reste revient à l'usager. En réalité, peu de ces services sont autonomes financièrement et ils dépendent en très grande partie des fonds publics.

31 Les Etats-Unis et la plupart des pays Européens ont une conception des TAD assez proche. Le TAD y est considéré également comme un service public, organisé par des institutions publiques dont il dépend en grande partie d’un point de vue financier [Khattak et Yim, 2001; Enoch et al, 2004]. Ainsi, la majeure partie des TAD relève du service public, mais certains d’entre eux peuvent émaner d’initiatives privées ou associatives. Ces derniers ont cependant une dimension commerciale, ils sont peu nombreux et sont handicapés par un flou juridique4

[GART, 1997]. Les seconds appartiennent à une catégorie particulière de services, celle des « TAD sociaux » organisés et gérés par des associations. Nous reviendrons plus précisément sur ce cas dans la partie sur les AOT (cf. 1.2.1).

1.1.1.3.2 … « à la demande »

Le TAD nécessite une réservation préalable. Selon un délai qui peut aller de 2 jours à 30 minutes, l'utilisateur doit « commander » à l'avance un déplacement.

La réservation préalable est la clé de voûte du transport à la demande. Cette caractéristique le différencie en premier lieu des lignes régulières. Elle présente un certain nombre d'avantages financiers et en matière de gestion. Comme la demande est connue à l'avance, le transporteur peut s'organiser en adaptant l'itinéraire et le véhicule en fonction de ses commandes. Elle permet également d’éviter que les véhicules roulent à vide. D'une manière générale, elle permet de rationaliser les coûts.

Mais la réservation est aussi un point faible car elle peut être perçue comme une contrainte. En effet, l’usager est obligé de connaître ses déplacements à l'avance ce qui laisse peu de place aux imprévus. De plus, la gestion des réservations nécessite l'emploi de personnels ou de matériels spécialisés.

Pour être plus attractifs, les nouveaux TAD proposent des délais réservations plus courts (jusqu'au dernier moment). La gestion en amont se fait à l'aide de logiciels dotés des dernières technologies en matière de communication et d'information qui facilitent également la réservation pour l'usager (ex. la centrale de mobilité partagée entre plusieurs sites du projet FAMS). Ces technologies ont permis d'améliorer l'efficacité des TAD et de les rendre plus concurrentiels face aux autres modes de transport, et notamment face à la voiture. Toutefois, la grande majorité des autorités organisatrices est encore loin de pouvoir proposer de tels services (partie 2). Les délais de réservations sont généralement d'une demi-journée ou d'une

journée et les logiciels sont d'un coût assez élevé, et peu répandus. Ces services contribuent à diffuser une vision négative du TAD.

1.1.1.3.3 Un mode collectif...

Le TAD n'est pas une forme de taxi subventionné, mais fait bien parti des transports collectifs. Des personnes qui ne se connaissent pas partagent un trajet le temps d'un déplacement. Certaines formes de TAD réservés à des clientèles particulières (personnes à mobilité réduite ou membres d'une association) peuvent bénéficier de déplacements personnalisés pour raisons médicales ou autres (ex. TAD sociaux5), mais elles restent des

exceptions.

Le TAD est un mode collectif comme le précise le décret du 16 août 1985. Il doit ainsi transporter plusieurs personnes sur un même trajet. Cependant ce n’est pas toujours le cas, même au sein de services organisés par une institution publique. Par facilité ou pour des raisons financières, certains systèmes préfèrent gérer séparément les demandes (deux clients seront transportés séparément).

Le taux de « regroupement »6 des personnes par véhicule est un moyen d'estimer

l'efficacité d'un système. Il désigne le nombre de personnes transportées dans un même véhicule. Plus le taux de regroupement est élevé, plus le coût moyen par tête sera bas. Aujourd'hui des logiciels tels RESAD2 permettent de gérer les demandes pour les regrouper sur les mêmes trajets. Comme pour le bus, les frais au kilomètre sont fixes, à la différence que le TAD emprunte le plus court chemin. Or le regroupement repose sur l'émergence de demandes de déplacements sur la base de proximités à la fois géographique et temporelle. Il ne se réalise que si les flux de passagers à transporter sont importants ou si l'aire de déplacement est restreinte. Néanmoins, il existe des moyens d’en augmenter la probabilité d’apparition (contraintes sur les déplacements, horaires..., ou incitations tarifaires (Doubs central7).

1.1.1.3.4 Un service de niche ?

Quel que soit le pays considéré, le TAD est souvent présenté comme un service de niche, c’est-à-dire réservé à certaines catégories d'usagers (PMR, personnes âgées) ou à des zones peu denses comme les espaces ruraux ou certains quartiers périurbains excentrés. Par

5 Par exemple, les TAD sociaux faisant de l’insertion peuvent transporter les personnes vers leur lieu de travail

ou de formation, cf. p. 31.

6 On parle aussi de taux de remplissage.

7 Le TAD du Doubs central propose un prix plus avantageux si deux personnes réservent un voyage en même

33 exemple, selon la définition de P. Bakker, le transport à la demande ne serait bon qu'à desservir les secteurs où les lignes régulières sont inefficaces [Bakker, 1999, op cit. p. 28]. Ou encore selon l’ORT de Picardie : « le transport à la demande apparaît comme une solution de

transport en commun desservant des zones géographiques peu denses et/ou en heures creuses là où des services traditionnels (amplitude et fréquence de passage importantes,…) sont moins performants» [ORT de Picardie, 2004, 21]. Les grands groupes de transport français

adoptent une position similaire. Dans leur stratégie, le transport à la demande est fréquemment utilisé comme mode de rabattement vers les lignes de bus.

Cette idée de transport réservé à des « niches » ressort de façon plus ou moins nuancée, dans presque tous les rapports. Il est vrai que le TAD est bien adapté à ces secteurs d'activités particuliers, et a même été créé dans ce but à l’origine. Toutefois réduire le TAD à un service de niche serait réducteur. Le TAD possède des potentialités de développement importantes, en phase avec les attentes actuelles des usagers (celles-ci seront exposées au chapitre 2). Il a d'ailleurs déjà commencé à empiéter sur le terrain des autocars et de plus en plus sur celui des bus : « Lorsque le transport à la demande a été créé, voici plus de 20 ans, il était surtout

destiné à la desserte des marchés en milieu rural pour les personnes âgées. Aujourd'hui, le transport à la demande est préconisé pour un large public et pour de nombreux motifs de déplacements : loisirs, études, démarches administratives, courses... » [Mobiter]8.

1.1.1.3.5 Un service économe

D’un certain point de vue, le TAD est un mode économe, ceci expliquant en grande partie son succès. Il permet de mettre en place un nouveau service ou de remplacer une ligne régulière à moindre frais. Plusieurs caractéristiques favorisent des coûts bas. D'abord le système ne fonctionne que si un usager en fait la demande, le véhicule ne roule jamais à vide et lorsqu'il fonctionne le trajet est optimisé de manière à minimiser les coûts (plus court chemin). D'autre part, la majorité des TAD sont réalisés par des véhicules de faible capacité (minibus, microbus...) ou des taxis. Beaucoup de services sont sous-traités à des entreprises locales de transport ou à des artisans taxis afin de ne payer que les déplacements effectués. Cette option minimise les coûts, comme les charges salariales, l'achat de véhicules... Selon le type de service proposé et le niveau d'intégration des TIC, le TAD revient plus ou moins cher. Les logiciels de gestion permettent d’optimiser les itinéraires selon les chemins les plus courts et de façon à regrouper le plus de passagers, mais représentent un investissement initial assez important (cf. 1.1.1.3.3).

La question de la rentabilité du TAD reste épineuse. Comme le bus, le TAD est très fortement subventionné et se caractérise par un déficit important. Ce qui amène certains acteurs du transport à mettre en doute la nécessité d'un tel service. Pourtant les TAD se caractérisent par un rapport R/D (recettes sur dépenses) équivalent à la moyenne de ceux des bus. Mais il est difficile d’en avoir une vision objective sur ce point. En effet, pour diverses raisons, les autorités organisatrices ne souhaitent pas communiquer leurs résultats. Il est donc impossible de quantifier avec exactitude le coût de ces services. Mais dans l’ensemble, il est admis qu’à service équivalent, le TAD coûte moins cher qu'une ligne régulière. Ces propos peuvent être illustrés par les citations suivantes : « malgré son coût généralement élevé, le

TAD apparaît comme une réponse économique, par rapport au transport régulier, adaptée à la desserte publique des secteurs de faible clientèle » [Certu, 2005, 3]. « …Par ailleurs, il induit une charge financière moins lourde pour la collectivité » [ORT de Picardie, 2004, 21].

« …Ils présenteraient également l’avantage d’engendrer des coûts d’exploitation moins

élevés que les services réguliers et la capacité d’intégrer la multitude des transporteurs coexistant du secteur privé » [Le Breton et al., 2000, 169].

1.1.1.3.6 Un service marginal ?

Pendant longtemps le TAD a été envisagé comme un service marginal, tant du point de vue de l’étendue des territoires concernés que de celui du fonctionnement. Il était considéré comme peu fréquenté, réservé à des populations captives ou comme un palliatif de transition avant une fermeture de ligne. Cette image a favorisé le développement de TAD mis en place à moindre coût pour satisfaire le droit au transport. Le service offert est réduit au strict minimum, assorti de fortes contraintes pour les usagers. Comme l'offre est inadaptée, ces TAD sont peu utilisés, et accusaient souvent de fort déficit. Le plus souvent ces services étaient destinés à disparaître à terme. Cette image de TAD réservé aux espaces maginaux a longtemps circulé en France et reste toujours d'actualité dans certains secteurs.

Cette vision réductrice est un héritage des premiers services créés dans les années 70 et 80, où les TAD avaient du mal à fonctionner, faute de moyens techniques adaptés. Aujourd'hui, cette conception est remise en cause grâce aux nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) qui permettent de compenser les handicaps d'autrefois. Les nombreuses publications récentes attestent de ce changement. Tout l'exposé du chapitre 3 tend à montrer que ce service ne peut plus être qualifié de marginal, tant en nombre de services créés que par ses modes de fonctionnement. Il n'est toujours pas comparable aux transports

35 collectifs classiques mais l'évolution rapide qu'il a connu ces dernières années mérite que l'on s'y attarde.

Cependant un certain nombre d'acteurs opérationnels et de transporteurs restent sceptiques sur l'utilité du transport à la demande et sur sa justification sociale. Ces personnes souvent fortement impliquées contribuent à limiter le développement de services innovants en pointant les services les plus contraignants. Ils continuent ainsi à favoriser une conception peu efficace des TAD. Ce comportement est motivé par des personnes qui voient dans le TAD une concurrence ou tout simplement qui ne veulent pas changer la façon d’opérer dans les transports. Malgré cela, de nombreux chercheurs tendent à en promouvoir une autre conception car le potentiel du TAD est loin d'être totalement exploité.

1.1.1.3.7 Un service flexible

Quand dans les années 90, le TAD fait sa réapparition, son retour sur le devant de la scène se construit notamment autour d'une nouvelle image : celle d'un mode flexible : « DRT is an

intermediate transport mode between conventional bus and taxi transport. Routes and time- tables are flexible and the cost of journeys to the customers are or at least should be moderate if compared to the level of service offered » [Matintupa ,1999].

Lorsque les auteurs définissent le TAD comme un mode qui « combine les avantages du bus et des véhicules privés », ou bien qui se « situe entre le bus et le taxi », ils introduisent une première forme de flexibilité. Les définitions récentes construisent même leur argumentaire autour de cette notion. La définition de l'APTA ou du FAMS citées plus haut, mais aussi des auteurs français véhiculent l'idée que le TAD s'adapte à la demande des usagers : « ... to pick up and drop off people in accordance with their needs » [Grosso et al, 2002, op. cit.] ; qu'il est plus proche de leurs attentes : «... semblent adaptés aux nouveaux

comportements de mobilité quotidienne des citadins » [Le Breton et al, 2000] ; mais aussi

plus concurrentiel face aux autres modes.

Contrairement aux bus pour lesquels les conditions sont toujours fixées à l'avance, la flexibilité ou souplesse porte sur plusieurs critères et varie d'un service à l'autre. Elle peut concerner la desserte territoriale, les horaires de déplacement “...Routes and time-tables are

flexible...” [Matintupa, 1999] ou le mode de tarification. Cette image est très forte dans le

livre édité du FAMS : « DRT services are meant to introduce a certain level of flexibility in

comparison with traditional public transport or they aim to keep a certain level of flexibility starting from taxi services » [Ambrosino et al., 2004, 57]. La particularité du TAD est d'être

organisatrice peut choisir ou adapter le service aux besoins spécifiques d'une clientèle ou d'un territoire particulier. Même si la majorité des AOT reproduit les systèmes déjà connus, celles- ci gardent une marge de manœuvre non négligeable.

Cette vision varie d'un pays à l'autre, dès l’origine, les auteurs américains voient le TAD comme un mode beaucoup plus flexible que leurs homologues français : « DRT systems on

the other hand represent a broadclass of public transportation options characterized by capital and or temporal flexibility in serving demand » [Lerman, 1980]9. Dans les années 70,

les chercheurs développent déjà des algorithmes pour résoudre les problèmes d'optimisation que posent les TAD [Lerman et al, 1974; Wilson et al, 1976; Daganzo, 1978]. Cette vision mettra un certain temps à arriver en France et aujourd'hui encore, elle est loin d'être admise par tous. Néanmoins elle a fait son chemin. Certains auteurs vont plus loin et défendent l'idée que cette souplesse de fonctionnement est un atout considérable largement sous-exploité jusqu'à présent. Les TAD pourraient bien concurrencer à terme la voiture sur son terrain, leurs services seraient ouverts à tous et feraient partie intégrante du service public. On retrouve cette idée aux Etats-Unis notamment [Khattak et Yim, 2001] ainsi que dans des projets européens (FAMS...). En France, cette conception est aussi défendue par certains auteurs [Josselin et Genre-Grandpierre, 2005], et peut être illustrée par deux citations : « le TAD

semble être une solution à la fois souple (en terme d’horaire) pour le client et peu coûteuse pour la collectivité. Si la contrainte liée à la réservation semble restreindre certains de ses avantages, il permet de répondre à des besoins spécifiques et de desservir le périurbain en complément, le cas échéant, des chaînes de transport multimodales » [Bailly et Heurgon,

2001, 161]. « Les services publics de TAD demeurent bien une forme de service spécifique, du

fait de leur flexibilité. (…) De fait, les services de TAD ont bien conservé cette flexibilité, caractéristique, d’horaires et d’itinéraires. Pour autant, ils n’ont pas été exempts de tout élément de régularité. Ils ont généralement fonctionné selon des jours de service, des lieux de destination et des plages horaires définis à l’avance. Les Collectivités ont ainsi eu tendance à assimiler ces services de TAD, « semi-réguliers », à de véritables services réguliers. La régularité des demandes exprimées a pu parfois renforcer cette confusion » [Le Breton et al,

2000, 169].

Conclusion

Le transport à la demande est un mode de transport public (bien qu’il existe d’autres formes de TAD) soumis à une réservation préalable, qui doit être passée plus ou moins

37 longtemps à l’avance. Il est un mode collectif, économe, réservé au départ à des « niches commerciales » mais qui, comme le montreront les 2e et 3e parties, gagne chaque année de nouveaux territoires et tend à se développer sous des formes de plus en plus flexibles. La présentation de ces caractéristiques communes n’est pas exhaustive de toutes les formes de TAD existantes. Nous verrons dans la suite du texte que le TAD se décline en une grande variété de services aux objectifs et fonctionnements différents. Dans la deuxième partie de ce chapitre, nous proposerons d’appréhender les TAD à partir de ses principaux éléments constituants : ses « composantes ». Auparavant, il reste à préciser les différents termes qui sont utilisés pour désigner les TAD.