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2.4 Un seul anticorps répond au cahier des charges

Pour qu’un anticorps puisse être utilisé pour vectoriser le repliement il doit remplir le cahier des charges suivant :

1. Etre spécifiques d’une partie de la séquence de la protéine dans son état réduit,

2. La vitesse de dissociation de ces anticorps doit être rapide par rapport à la vitesse de repliement de Tox62 pour que le démarrage du repliement dans la partie concernée soit synchronisé dans toute la population de protéines étudiées.

3. Il nous faut montrer qu’il est possible de lier plusieurs de ces anticorps sur la même protéine réduite

4. Une fois lié, il doit être capable d’empêcher la fermeture des ponts et donc d’inhiber le repliement en présence d’un agent oxydant,

2.4.1 Reconnaissance de la forme réduite

La première vérification a consisté à comparer l’affinité de nos anticorps pour leur peptide épitope à leur affinité pour la toxine polyS, donc dans le contexte de la protéine entière. Pour les trois anticorps étudiés ces affinités sont comparables. Seul l’anticorps acpTx2 a une affinité diminuée d’un ordre de grandeur lorsque l’épitope est inclus dans la protéine entière. Cette différence peut s’expliquer par une différence de présentation de l’antigène entre la protéine entière et le peptide seul.

Dans un deuxième temps, l’affinité de ces anticorps pour la protéine réduite a été comparée à leur affinité pour la toxine polyS. Ces antigènes diffèrent uniquement par le remplacement des sérines par des cystéines libres. La chaîne latérale des sérines porte une fonction alcool alors que celle des cystéines réduites une fonction thiol. Les fonctions thiol et alcool diffèrent de part la différence d’électronégativité des atomes de soufre et d’oxygène et de part leur différence de pKa (la fonction thiol est beaucoup plus acide que la fonction alcool : leurs pKa sont de 11 et 15 respectivement). Les anticorps acpTx2 et acpTxETag ne sont pas influencés par le remplacement des sérines par des cystéines réduites. L’affinité de acpTx3 est diminuée de deux ordres de grandeur dans le cas de la toxine réduite par rapport à la toxine polyS. Le peptide épitope pTx3 contient deux cystéines mutées en sérine en position centrale de l’épitope ce qui semble ne pas être sans conséquence sur l’affinité de cet anticorps.

Ces résultats montrent que la stratégie adoptée pour obtenir des anticorps reconnaissant la protéine réduite est valable.

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Cependant, la substitution des cystéines par des sérines a un effet sur l’affinité de ces anticorps, il est donc préférable d’éviter de choisir des épitopes contenant plusieurs cystéines en position centrale. Nous avons vérifié que l’affinité de nos anticorps pour la forme réduite était plus importante que leur affinité pour la forme oxydée. Le gain d’affinité est de 500 fois pour acpTx2 contre 10 fois pour acpTx3 et acpTxETag.

La stratégie envisagée permet donc d’obtenir des anticorps dirigés contre différentes parties de la toxine et spécifiques de sa forme réduite par rapport à sa forme oxydée.

2.4.2 Vitesse de dissociation

L’étude de la vitesse de dissociation en RIA de l’anticorps acpTx2 a montré que le temps de demi-dissociation est de l’ordre de 3,5 minutes ce qui est 23 fois inférieur au temps de demi- repliement de Tox62 de 4 heures. Cette différence semble suffisamment importante pour considérer comme quasi-instantanée la dissociation de la toxine.

2.4.3 Complexe tripartite

Pour que la vectorisation du repliement d’une protéine par l’utilisation d’anticorps soit envisageable, il faut pouvoir lier au moins deux anticorps sur le même antigène.

Cette question a été étudiée par Biacore dans le cas le plus défavorable, celui de la liaison simultanée de acpTx2 et acpTx3 dont les séquences épitopes ne sont séparées que par trois acides aminés. Les résultats obtenus en Biacore indiquent qu’il existe dans les solutions polyclonales de acpTx2 et acpTx3, des populations d’anticorps capables de se lier simultanément sur le même antigène. Cependant, il subsiste un doute quant à la validité de cette interprétation.

Pour obtenir une image plus directe de la liaison tripartite, il est préférable de tenter d’immobiliser un premier anticorps sur une puce de Biacore puis de tenter de lier un complexe préformé du deuxième anticorps avec l’antigène. Des essais ont été menés pour réaliser ce type d’expérience. Malheureusement, lorsqu’on tente d’immobiliser un des anticorps, comme il s’agit d’une solution polyclonale de faible concentration, il est nécessaire de lier simultanément une grande quantité d’anticorps non spécifiques. Ces molécules inactives produisent un bruit qui perturbe le signal si bien que nos essais n’ont pas été concluants. D’autre part, le fait d’utiliser le Biacore pour étudier cette question, implique qu’il faut immobiliser un des anticorps ce qui introduit une gêne stérique qui n’existe pas dans le cas de l’expérience de vectorisation que l’on souhaite mener.

Récemment Bornhop et al. ont mis au point un système de détection (par interférométrie de réfraction de la lumière) de la liaison de deux molécules biologiques en solution ((Bornhop et al., 2007)). L’utilisation de ce type de technique permettrait d’étudier la formation d’un complexe tripartie dans des conditions s’approchant de celles de l’expérience de vectorisation.

Boulain et al. ont montré que la liaison d’un anticorps monoclonal augmentait la vitesse de dissociation du complexe toxine α de Naja nigricollis / récepteur à l’acétylcholine ((Boulain and Menez, 1982), (Boulain et al., 1985)). Leurs résultats étaient en accord avec un modèle cinétique supposant l’existence d’un complexe tripartie anticorps/toxine/récepteur. La liaison de plusieurs anticorps sur la même toxine ne paraît donc pas invraisemblable.

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2.4.4 L’anticorps anti pTx2 permet de contrôler le repliement de

Tox62

La suite de l’étude a consisté à observer l’action de ces anticorps sur le repliement de la toxine. Etant donné la faible concentration de ces solutions d’anticorps en espèces actives, le développement d’une méthode sensible de suivi du repliement était donc nécessaire. Deux techniques basées sur des principes différents se sont avérées suffisamment sensibles pour suivre le repliement de Tox62 et Tox62 ETag à des concentrations de l’ordre du nanomolaire. La première, par mesure de l’activité biologique, est très sensible (détecte des concentrations de toxine inférieures à 1 nM) mais donne uniquement une information sur l’apparition de l’activité alors que certains intermédiaires de repliement disposent d’une activité biologique proche de celle de la molécule native. La deuxième, par isoélectrophorèse, est moins sensible mais permet de séparer et d’observer les intermédiaires de repliement. L’étude du repliement de Tox62 (ou Tox62 ETag) en présence de acpTx3 et acpTxETag par ces deux méthodes a montré que ces anticorps n’ont pas d’effet sur le repliement. A l’inverse les deux méthodes prouvent que acpTx2 a la capacité d’inhiber le repliement.

Bien que les trois anticorps reconnaissent préférentiellement la forme réduite de la toxine par rapport à sa forme oxydée, leurs effets sur le repliement diffèrent. AcpTx2 inhibe le repliement. Notons que l’interaction entre deux protéines est un phénomène dynamique. Lorsque acpTx2 et la toxine sont mis en présence, les anticorps se lient à la toxine puis peuvent ensuite se dissocier. Or, cet anticorps est capable d’inhiber le repliement pendant des temps bien supérieurs à son temps de demi-dissociation. Cela indique que le temps de recapture de l’antigène est inférieur au temps nécessaire au repliement de la partie de la molécule reconnue par l’anticorps (Figure 62 1). Les résultats du repliement en présence de acpTx2 par mesure de l’activité et par isoélectrophorèse montrent qu’au temps 24 heures environ 50% de l’activité et une quantité non négligeable de forme oxydée sont apparus. Ce résultat semble indiquer qu’une partie des toxines parviennent à s’échapper de la recapture par l’anticorps puis à se replier.

L’absence d’inhibition observée lors de l’utilisation des anticorps acpTx3 et acpTxETag peut être due à un rapport entre la vitesse de recapture et la vitesse de formation de structure dans la région de leur épitope moins favorable que dans le cas de acpTx2. (Figure 62 2). On peut également envisager que dans les régions de la toxine correspondant aux épitope pTx3 et pTxETag, la protéine est capable de se structurer et d’induire le relargage de l’anticorps(Figure 62 3). Pour obtenir des réponses plus détaillées à ces questions mécanistiques, l’obtention d’anticorps monoclonaux serait un préalable indispensable.

En plus de l’inhibition du repliement, la présence de acpTx2 provoque la formation d’un intermédiaire (probablement un intermédiaire à trois ponts) qui n’existe pas lors du repliement de Tox62 in vitro. AcpTx2 semble être capable de modifier la trajectoire de repliement de Tox62.

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Figure 62 : Schéma interprétatif des résultats d’inhibition du repliement par les anticorps. En bleu l’anticorps, en rouge la toxine

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Les résultats obtenus montrent que la stratégie adoptée pour produire des anticorps dirigés contre certaines parties de la protéine réduite est valable puisque tous les anticorps qui reconnaissent polyS reconnaissent préférentiellement la toxine réduite à la toxine oxydée. Un des anticorps (acpTx2) est capable d’inhiber le repliement et répond à l’ensemble du cahier des charges qui avait été fixé pour tenter de réaliser la vectorisation du repliement De plus les éléments dont nous disposons indiquent qu’il est possible, même dans le cas le plus défavorable, de lier deux anticorps sur le même antigène. Il nous a manqué un deuxième anticorps (au moins, car quatre auraient été préférables) disposant des même caractéristiques que acpTx2 pour pouvoir tenter une expérience de vectorisation in vitro.

Cependant nos résultats ne nous permettent pas de comprendre pourquoi acpTx2 inhibe le repliement alors que acpTx3 et acpTxETag en sont incapables. Pour analyser les mécanismes mis en œuvre lors de cette inhibition, il est nécessaire de disposer d’une solution homogène d’anticorps (donc d’anticorps monoclonaux) pour lesquels il est possible de définir des caractéristiques cinétiques. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est difficile de proposer une stratégie permettant de contourner une difficulté mal identifiée. Les résultats obtenus n’excluent pas que la seule région de la molécule capable d’induire des anticorps inhibant le repliement est celle couverte par pTx2 et que toute tentative d’obtenir des anticorps inhibant le repliement en utilisant d’autres régions de la molécule est vouée à l’échec.