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Structures d’intermédiaires de repliement ou de leurs analogues

3 LE REPLIEMENT OXYDANT IN VITRO DES PROTEINES A PONTS DISULFURE

3.4 Structures d’intermédiaires de repliement ou de leurs analogues

Un des intérêts majeurs de l’étude du repliement oxydant des protéines à ponts disulfure est qu’il permet l'isolement des espèces intermédiaires. Afin d’étudier leur structure, deux stratégies peuvent être utilisées :

- La première consiste à réaliser le repliement de la molécule puis de bloquer les cystéines libres à l’aide d’un agent alkylant. On étudie ensuite directement les formes intermédiaires purifiées.

- La seconde consiste à concevoir un mutant dont les cystéines correspondant aux

cystéines libres dans l’intermédiaire sont mutées en sérines ou en alanines.

La première stratégie est difficile à mettre en œuvre car il est souvent difficile d’obtenir la quantité nécessaire de protéine pour réaliser une étude structurale par purification du mélange d’intermédiaire de repliement. A l’inverse, l’étude à partir des mutants de cystéines est plus indirecte. Il subsiste donc un doute sur le fait que l’intermédiaire et l’analogue obtenu par mutation adoptent précisément la même structure. De plus, le choix de la nature de l’acide aminé de substitution n’est pas neutre. Les premières études de ce type menées par Creighton et al. sur le BPTI ont été réalisées par substitution des cystéines libres par des sérines ((van Mierlo et al., 1991b)). Il est considéré que les sérines miment bien les cystéines libres puisqu’elles ne diffèrent des cystéines que par la substitution d’un atome de soufre par un atome d’oxygène. Cependant, l’atome d’oxygène présentant une électronégativité supérieure à celle de l’atome de soufre et la fonction thiol une acidité plus importante que la fonction alcool, la sérine ne remplace pas parfaitement la cystéine réduite. D’autres études ont utilisé une substitution des cystéines par des alanines ((Eigenbrot et al., 1990), (Laity et al., 1997))

3.4.1 Intermédiaires de repliement du BPTI

Le BPTI est également le modèle dont la structure des intermédiaires a été étudiée de la manière la plus exhaustive :

- Lors de son repliement, le BPTI peut emprunter une voie passant par la formation de l’intermédiaire (5-55) qui ensuite donne (5-55 ;14-38). C'est une voie sans issue qui ne permet pas la formation de la protéine native. Le mutant sérine correspondant à l’intermédiaire (5-55) a été étudié en RMN ((van Mierlo et al., 1991b)). Malgré une importante perte de stabilité et une augmentation de la flexibilité de la structure, la conformation de cet analogue d’intermédiaire à 1 pont est semblable à la structure du BPTI natif. Il a été observé que les cystéines 14 et 38 sont bien orientées l’une par rapport à l’autre et qu’elles sont accessibles au solvant. A l’inverse les cystéines 30 et 51 sont enfouies. Cette observation est cohérente avec le fait que (5-55) produit l’intermédiaire (5- 55 ; 14-38). La structure tridimensionnelle de C30A/C51A, un analogue de (5-55 ;14-38) obtenue par cristallographie aux rayons X ((Eigenbrot et al., 1990)) montre que les alanines correspondant aux cystéines mutées sont enfouies dans la structure. Cette observation explique pourquoi l’agent oxydant n’a pas accès à ces cystéines et donc l’impossibilité pour cet intermédiaire de permettre la production de la forme native du BPTI. La formation d’un pont reliant l’extrémité N-terminale à l’extrémité C-terminale diminue suffisamment l’espace conformationnel pour que l’ensemble de la structure native apparaissent.

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- L’intermédiaire (30-51) est un des intermédiaires à 1 pont qui permettent la production de

l’intermédiaire des [14-38], lui-même constituant l’unique intermédiaire à deux ponts productif du mécanisme. La structure tridimensionnelle d’un analogue de cet intermédiaire obtenue par RMN ((van Mierlo et al., 1993)) montre que l’organisation générale de la molécule est comparable à celle de la molécule native bien que certaines parties ne soient pas structurées. En effet les 15 résidus N-terminaux ainsi qu’une boucle englobant les résidus 37 à 40 sont beaucoup plus mobiles et ne forment pas les contacts nOe attendus. A partir de cet intermédiaire se forme l’intermédiaire (14-38 ; 30-51) par fermeture du pont 14-38. Le mécanisme proposé dans le Tableau 1 indique que l’intermédiaire (14-38 ; 30-51) ne peut pas produire directement la forme native ; le pont natif 14-38 doit préalablement être réduit pour que les ponts non natifs 5-14 ou 5-38 puissent se former. Ces deux intermédiaires donnent (5-55 ; 30-51) qui lui est productif. L’étude en R.M.N de (14-38 ; 30-51) ((van Mierlo et al., 1991a)) montre que cet intermédiaire est proche de la structure native même si les extrémités N et C-terminales sont partiellement déstructurées. Une nouvelle fois, un intermédiaire disposant d’une structure native et dont il ne manque qu’un seul pont représente une voie sans issue. L’accessibilité des cystéines ne semble pas ici être en cause puisque lors du repliement du BPTI les deux formes à disulfure mixte de l’intermédiaire (14-38 ; 30-51) ont pu être isolées. L’étape de formation du disulfure mixte n’est donc pas limitante dans la réaction d’oxydation des cystéines 5 et 55. C’est donc la seconde étape consistant en l’attaque du disulfure mixte par l’ion thiolate de la cystéine libre restante qui semble défavorisée (Figure 3). Les auteurs proposent deux hypothèses pour expliquer ce phénomène. La première implique l’absence de structure native au niveau des extrémités N et C terminales de l’intermédiaire (14-38 ; 30-51) qui contiennent les résidus 5 et 55 empêche l’apparition d’une géométrie entre les cystéines libres compatible avec la formation du dernier pont (hypothèse entropique). La seconde postule la nécessité d’existence d’une conformation de haute énergie (état contraint ou « frustré ») pour permettre l’attaque du disulfure mixte par l’ion thiolate qui empêcherait la fermeture du pont.

Les résultats précédents montrent que les intermédiaires (5-55) et (14-38 ; 30-51) ont des structures natives. Cela implique que les ponts disulfure du BPTI ne constituent pas des éléments qui définissent la topologie adoptée par cette protéine. Ils ne sont manifestement pas nécessaires à l’acquisition de la structure native. Cependant leur contribution à la stabilité est manifeste.

3.4.2 Intermédiaires de repliement de la RNAse A :

La RNAse A est une protéine à 4 ponts qui se replie via deux intermédiaires à 3 ponts natifs tous deux capables de produire la forme native. Ces intermédiaires sont des[40,95] et des[65-72]. Des analogues de des[40-95] et des[65-72], obtenus par la substitution des cystéines libres par des résidus sérine dans des[40-95] et alanine dans des[65-72], ont été étudiés par RMN ((Shimotakahara et al., 1997), (Laity et al., 1997)). Ces études montrent que ces deux analogues ont des structures proches de la structure native et que tous deux sont moins stables que la protéine native. Cette perte de stabilité est imputée à une déstabilisation de leur cœur hydrophobe.

Introduction

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3.4.3 Intermédiaires de repliement du lysozyme du blanc d'œuf de

poule:

Lors de son repliement, le lysozyme forme trois intermédiaires à trois ponts natifs à savoir des[6-127], des[64-80] et des[76-94]. L’intermédiaire des[76-94] est le plus abondant. Sa conversion en protéine native est beaucoup plus lente que celle de des[6-127] ((van den Berg et al., 1999)). L’étude RMN directe de des[76-94] bloqué au iodoacétamide montre que sa structure est comparable à celle de la protéine native ((van den Berg et al., 1999)). Un analogue de cet intermédiaire dans le lysozyme humain dont les cystéines libres étaient mutées en alanine a également été étudié par cristallographie aux rayons X ((Inaka et al., 1991)). La structure de cet analogue montre que l’alanine 77 (position équivalente à la cystéine 76 dans le lysozyme du poulet) est accessible au solvant alors que l’alanine 94 est enfouie. En considérant que l’analogue de la protéine humaine a une structure équivalente à celle de l’intermédiaire de la protéine de poulet, ces résultats expliquent l’impossibilité du pont 76-94 à se former par l’inaccessibilité de la cystéine 94.

3.4.4 Intermédiaire de repliement du LCI:

L’intermédiaire III-A identifié lors du repliement du LCI comme étant l’intermédiaire des[22- 58] a été étudié en RMN ((Arolas et al., 2004), (Arolas et al., 2005)). Exceptionnellement, la molécule utilisée n’était ni un analogue, ni un intermédiaire alkylé mais cet intermédiaire a été purifié en conditions acides. Les expériences de RMN ont été menées à pH 3,5 afin d’empêcher l’oxydation des cystéines libres. Cet intermédiaire constitue le principal piège cinétique lors du repliement du LCI. La structure de III-A s’apparente à la structure native. Une nouvelle fois l’hypothèse proposée pour expliquer la difficulté à fermer le dernier pont implique un enfouissement des cystéines libres.

3.4.5 En résumé :

Toutes les structures d’intermédiaires de repliement étudiées jusqu’à aujourd’hui montrent que ces espèces adoptent des structures très proches de la forme native. L’étude structurale d’espèces dans lesquelles il manque deux ponts natifs a été menée uniquement pour le modèle BPTI. Ces espèces ont déjà acquis la topologie de la structure native et même une bonne partie de la structure secondaire, seules certaines parties étant déstructurées. Dans le cas du BPTI, il semble qu’aucun des ponts disulfure n’est nécessaire à l’acquisition de l’agencement natif.

Les intermédiaires dont il manque uniquement un pont natif ont généralement une structure de type natif. Ces études structurales ont été le plus souvent mises en œuvre afin d’expliquer l’incapacité de ces formes à produire la protéine oxydée. Dans la grande majorité des cas l’existence d’une structure de type natif est associée à l’enfouissement des cystéines libres ce qui explique l’incapacité pour ces cystéines d’avoir accès à l’agent oxydant. Ce type d’intermédiaire à été baptisé par Scheraga et al. ((Narayan et al., 2000)) intermédiaire « locking-in » puisque les cystéines libres se trouvent être piégées dans leur structure. L’intermédiaire (14-38 ; 30-51) du BPTI est à ce jour le seul intermédiaire de protéine à ponts disulfure qui n’est pas de type « locking-in » puisqu’on retrouve des formes contenant des disulfure mixte de (14-38 ; 30-51) lors du repliement. Les cystéines libres se trouvent à proximité puisque la structure est de type natif, elles sont accessibles au solvant et pourtant le pont ne se forme pas. Ceci implique que dans certains cas, l’étape limitante est l’attaque du disulfure mixte par l’ion thiolate de la cystéine libre. Les hypothèses entropiques ou de frustration ont toutes deux été proposées pour expliquer l’impossibilité de voir cet intermédiaire produire directement la forme native (voir partie 3.1.2 de cette introduction).

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4 LE MODELE D’ETUDE : LA TOXINE αααα DE NAJA NIGRICOLLIS,

UNE PROTEINE A TROIS DOIGTS