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UNE PROTEINE A TROIS DOIGTS 4.1 La toxine αααα

6 LE REPLIEMENT DES TOXINES A TROIS DOIGTS

6.1 Repliement des neurotoxines trois doigts

Les premières études concernant le repliement oxydant des toxines trois doigts datent du début des années 80 ((Ménez et al., 1980)). Ménez et al. ont étudié le repliement oxydant à l’air de différentes neurotoxines courtes naturelles dont la longueur de la séquence était de 60, 61 ou 62 résidus. Le suivi de la réaction de repliement était effectué par mesure de l’apparition des structures secondaires en dichroïsme circulaire. Les auteurs ont interprété les résultats grâce à un mécanisme à deux états et ont déterminé la vitesse initial de la réaction. Les valeurs de vitesse initiale de repliement sont présentés dans le Tableau 2.

Nom Espèce Nbre a.a. Séquence Vi

Toxine a A. s. 60 MTCCNQQSSQPKTTTNC-AG-NSCYKKTWSDHRGTIIERGCGCPQVKSGIKLECCHTNECNN 5,6 Toxine b A. l. 60 LTCCNQQSSQPKTTTDC-AD-NSCYKMTWRDHRGTRIERGCGCPQVKPGIKLECCKTNECNN 5,6 Toxine α N. n. 61 LECHNQQSSQPPTTKTC-PGETNCYKKVWRDHRGTIIERGCGCPTVKPGIKLNCCTTDKCNN 4,0 Toxine d N. m. 61 MECHNQQSSQPPTTKTC-PGETNCYKKQWSDHRGTIIERGCGCPSVKKGVKINCCTTDRCNN 2,9 Toxine IV H. h. 61 LECHNQQSSQTPTTQTC-PGETNCYKKWWSDHRGSRTERGCGCPTVKPGIKLKCCTTDRCNK 6,4 Toxine α N. n. p. 61 LECHNQQSSQAPTTKTC-SGETNCYKKQWSDHRGTIIERGCGCPKVKPGVKLNCCRTDRCNN 6,4 Erabutoxine a L. s. 62 RICFNHQSSQPQTTKTCSPGESSCYNKQWSDFRGTIIERGCGCPTVKPGIKLSCCESEVCNN 0,8 Erabutoxine b L. s. 62 RICFNHQSSQPQTTKTCSPGESSCYHKQWSDFRGTIIERGCGCPTVKPGIKLSCCESEVCNN 0,7 Cobrotoxine N. n. a. 62 LECHNQQSSQTPTTTGCSGGETNCYKKRWRDHRGYRTERGCGCPSVKNGIEINCCTTDRCNN 0,6

Tableau 2 : Séquences et vitesses initiales de repliement de différentes neurotoxines courtes. V :

vitesse initiale de repliement en 10-5 s-1. L. s. : Laticauda semifasciata, N. n. a. : Naja naja atra ;

N. n. : Naja nigricollis ; N. m. : Naja melanoleuca ; H. h. : Hemachatus haemachatus ; N. n. p. :

Naja naja Philippinensis ; A. s. : Astrotia stokesii, A. l. : Aipysurus laevis.

A partir de ces résultats, les auteurs ont proposé que les importantes différences de cinétique observées au sein de cette série de protéines étaient dues principalement à l’addition d’un acide aminé dans lk1 (voir Figure 11). Cependant l’existence d’autres différences dans ces séquences ne permettait pas d’affirmer que l’addition d’un résidu dans lk1 était l’unique facteur influençant la vitesse de repliement. Pour obtenir une réponse plus fiable à cette question, Ruoppolo et al. ((Ruoppolo et al., 1998)) ont étudié le repliement oxydant de variants de la toxine α de Naja nigricollis en présence de glutathion oxydé et de glutathion réduit. L’apparition de la forme native a été suivie en analyse en spectrométrie de masse.

Nom Séquence ½ vie

Toxine a MTCCNQQSSQPKTTTNC-AG-NSCYKKTWSDHRGTIIERGCGCPQVKSGIKLECCHTNECNN <60

α60 LECHNQQSSQPPTTKTC--GETNCYKKVWRDHRGTIIERGCGCPTVKPGIKLNCCTTDKCNN 35

Toxine α LECHNQQSSQPPTTKTC-PGETNCYKKVWRDHRGTIIERGCGCPTVKPGIKLNCCTTDKCNN 60

Erabutoxine b RICFNHQSSQPQTTKTCSPGESSCYHKQWSDFRGTIIERGCGCPTVKPGIKLSCCESEVCNN 210

α62 LECHNQQSSQPPTTKTCSPGETNCYKKVWRDHRGTIIERGCGCPTVKPGIKLNCCTTDKCNN 220

Tableau 3 : Vitesse de repliement de variants synthétiques de la toxine α de N. nigricollis, et des

Introduction

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Cette fois-ci, les séquences des protéines comparées étaient identiques (α60, α61et α62), la seule différence étant la longueur de lk1. Les résultats obtenus montrent que le simple fait de d’ajouter un résidu dans lk1 induit une diminution de la vitesse de repliement d’un facteur 3,5 (Tableau 3). Une hypothèse mécanistique a été formulée par les auteurs pour expliquer l’influence de la longueur de lk1 sur la vitesse de repliement oxydant de ces molécules : une augmentation de la longueur de lk1 impliquerait une augmentation de la liberté conformationnelle de la chaîne dans cette région. Par conséquent, les possibilités d’appariements différents seraient accrues, et donc il se formerait un plus grand nombre d’intermédiaires de repliement dans les premières étapes. Le phénomène global de repliement serait alors ralenti.

6.2 Repliement de αααα62

A la suite de cette étude, la même équipe a détaillé le mécanisme de repliement de la toxine α ((Ruoppolo et al., 2001)). Deux intermédiaires stables à trois ponts appelés C et D s’accumulent. L’attribution des ponts pour ces intermédiaires fut obtenue par digestion à la trypsine suivie d’une dégradation d’Edman couplée à l’analyse de masse des mélanges obtenus.

Figure 16 : Séquence, structure secondaire et ponts disulfure de α62

Les travaux de Ruoppolo et al. ont permis de démontrer qu’il manque le pont [43-54] à l’intermédiaire C et le pont [17-41] à l’intermédiaire D (Figure 16). Les auteurs ont également bloqué à l’acide puis purifié ces intermédiaires en chromatographie phase inverse et dans un deuxième temps ont étudié le repliement oxydant à partir de ces intermédiaires purifiés. Ils ont pu alors proposer le mécanisme présenté sur la Figure 17.

Figure 17 : Schéma du repliement oxydant de α62 proposé par Ruoppolo et al.. Avec : R , forme

dépliée réduite ; 1S , ensemble d’intermédiaires à un pont ; 2S , ensemble d’intermédiaires à deux ponts ; C , intermédiaire des[43,54] ; D , intermédiaire des[17,41] ; N, forme native à quatre ponts. 5 L E C H N Q Q S S Q P P T T K T C S P G E T N C Y K K V W R D H R G T I I E R G C G C P T V K P G I K L N C C T T D K C N N Brins β 35 40 45 10 15 20 25 Coude 1 50 55 60

Coude 2 Coude 3 Coude 4 Coude 5

30 3 - 24 17 - 41 43 - 54 55 - 60 1S 2S R C N D

Introduction

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D’après ces résultats, lors du repliement de α62, l’intermédiaire D (ou des[17-41]) est une voie sans issue et il est nécessaire qu’un de ses ponts soit réduit pour former l’intermédiaire C qui lui, est productif. Les auteurs avaient remarqué que ce mécanisme est similaire à celui du BPTI, dans lequel des intermédiaires à ponts natifs constituent des pièges cinétiques. Comme pour le BPTI aucun intermédiaire « scrambled » (c’est à dire complètement oxydé mais dont l’appariement est non natif) n’a été mis en évidence.

6.2.1 Repliement des cardiotoxines

L’étude du repliement oxydant de la cardiotoxine III de Naja naja atra a montré que cette toxine se replie selon un mécanisme différent de celui de α62 ((Chang et al., 1998), (Chang et al., 2006)). En effet, un massif d’intermédiaires possédant un nombre variable de ponts disulfure apparaît, aucun de ces intermédiaires n’étant majoritaire. De plus, lors de son repliement oxydant, cette protéine produit une quantité importante de formes à quatre ponts, donc complètement oxydées, mais dont l’activité est nulle. D’après le mécanisme proposé par Chang et al. ((Chang et al., 2006)), la conversion de ces intermédiaires à quatre ponts non natifs en la forme native constitue l’étape finale du repliement (Figure 18).

Figure 18 : Mécanisme de repliement de la cardiotoxine II proposé par Chang et al.((Chang et al.,

2006)). R : forme réduite ; 1S, 2S, 3S : formes à 1, 2 et 3 ponts ; 4Smes : forme à 4 ponts

mesappariés ; N : forme native.

Comme cela a été rappelé en partie 5.2 de cette introduction, les mécanismes de repliement oxydant des petites protéines à ponts disulfure peuvent être classés en deux catégories ((Arolas et al., 2006)). Les résultats obtenus lors de l’étude de α62 et de la cardiotoxine III montrent que la première appartient à la classe de type BPTI ((Arolas et al., 2006)) et la seconde à la classe de type hirudine ((Chang et al., 2006)), alors que ces deux protéines partagent des similitudes structurales. Dans le cas de la cardiotoxine III, il est possible que la présence de nombreux résidus hydrophobes nécessaires à la réalisation de la fonction conduise à un repliement de type « hydrophobic collapse ».

1S, 2S, 3S 4Smes

Introduction

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7 PROBLEMATIQUES

L’étude du repliement de la toxine α m’a conduit à m’intéresser à deux problématiques bien distinctes. Chacune de ces problématiques fait l’objet d’une partie dans les résultats et lors de la discussion.

7.1 Mécanisme de repliement in vitro de la toxine αααα de N. nigricollis