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3. Une lecture cognitive de la forme scolaire de l’enseignement des

3.2. Un enseignement des langues scripturo-centré

Dans une analyse historique du rôle de la littérature, et par extension du document textuel dans l’enseignement scolaire des langues, Puren (1990 : 1), soutient que la littérature

a constamment occupé une place centrale dans la réflexion en didactique scolaire des langues vivantes, parce qu’elle s’est toujours trouvée étroitement liée à tous les objectifs fondamentaux de cet enseignement. Ces objectifs ont émergé progressivement et ont évolué au cours de l’histoire ; mais cette évolution s’est faite par des effacements, des restaurations et des modifications d’articulations et de hiérarchisations à l’intérieur d’un dispositif général étonnamment stable. Le dispositif général stable dont il s’agit est celui d’un enseignement scolaire de la L2 conçu autour du document textuel, et principalement littéraire, lequel permet la poursuite du double objectif d’enseignement conjoint de la langue et de la culture.

Le tableau 1 résume les compétences langagières communes à tous les niveaux (10ème, 11ème et 12ème) du domaine des langues et communication (DLC) qui regroupe l’ensemble des langues enseignées au lycée.

Tableau 1. Les compétences langagières visées par l’enseignement des langues

Compétences langagières pour toutes les séries et pour toutes les langues

Compétence d’expression à l’oral : communiquer

oralement selon des modalités variées

Compétence de compréhension de l’écrit : lire des textes

variés

Compétence de production écrite :

écrire des textes variés

Pour atteindre chacun de ces objectifs langagiers, les programmes d’enseignement du français des classesde Terminale Langues et Littérature (TLL) et Terminale Arts et Langues (TAL) préconisent des contenus que présente le tableau 2. Dans la colonne « contenus » de la deuxième ligne du tableau, les noms des auteurs en gras désignent les auteurs Français, ceux en italique les auteurs Maliens et ceux en gras et italique les auteurs d’autre pays d’Afrique francophone. Le repérage des auteurs nous permettra par la suite d’évoquer la dimension culturelle de l’enseignement scolaire du français au Mali.

Tableau 2. Les contenus d’enseignement correspondant aux compétences langagières du programme de français des TLL et TAL

Compétences Contenus Communiquer oralement

selon des modalités variées Techniques d’expression : entretien d’embauche ; l’interview (jeux de rôles).

Problèmes d’aujourd’hui à travers l’exposé, le débat, les jeux de rôle.

Lire des textes variés Le Renouveau poétique : Alcools (Guillaume Apollinaire).

Poésie négro-africaine : Jacques

Rabemananjara, Amadoune Issébéré, Tchicaya

U’Tamsi.

Problèmes d’aujourd’hui : le thème du travail. (textes au choix du professeur)

Le surréalisme : André Breton, Paul

Éluard, Louis Aragon.

Théâtre africain (une pièce au choix). Problème d’aujourd’hui : le thème du pouvoir (textes au choix du professeur).

Le théâtre du 20ème siècle : Albert Camus,

Jean-Paul Sartre.

Le nouveau roman : Roland Barthes,

Celine.

Problème d’aujourd’hui : Culture et Civilisation : Léopold Sedar Senghor, Amadou Hampâté Ba.

Écrire des textes variés La lettre de motivation ; le curriculum vitae. Écrire à la manière de…; écriture d’invention

Si les concepteurs institutionnels du programme d’enseignement du français ont « systématiquement institué des débats, des exposés […] comme supports de la construction des compétences de l’expression orale » (IPO, pp. 1), nous pouvons souligner que cet enseignement est scripturo-centré avec une prédominance de la compétence de compréhension de l’écrit et l’absence remarquable de la compréhension de l’oral comme compétence langagière faisant l’objet d’enseignement-apprentissage.

En centrant l’enseignement du français autour de l’écrit, il s’agit de « faire de la séquence de français un outil au service de la lecture mais aussi à celui de l’expression orale et écrite » (IPO, p. 1 ; nous soulignons). Cette centralité de la compétence de compréhension de l’écrit dans l’enseignement du français explique, par effet d’homologie entre fin et moyen, la nature littéraire des supports didactiques imposés aux enseignants. Ces supports servent les objectifs langagiers de l’enseignement de la L2. Quant aux objectifs culturels, ils ne sont ni définis dans le programme ni évoqués dans les instructions pédagogiques officielles. Ce silence des autorités institutionnelles sur la dimension culturelle de l’enseignement scolaire du français nous amène à converger avec le point de vue de Cuq (2003) sur la relation entre langue et culture dans les contextes d’enseignement du français langue seconde. Dans ces contextes, soutient Cuq, « la relation langue/culture s’opère selon des voies

particulières. Les littératures francophones sont le plus souvent sollicitées pour assurer la transition entre une langue, le français, et des cultures, celles de l’Afrique Noire » (p. 109). En examinant de près la répartition des auteurs littéraires inscrits au programme des Terminale Langue et Littérature (TLL) et Terminale Arts et Langues (TAL) (cf. tableau 2, ci-dessus), nous pouvons constater qu’il y a huit auteurs Français nommément indiqués contre cinq auteurs Africains dont deux Maliens. Si les concepteurs du programme de français, qui sont aussi auteurs des instructions pédagogiques officielles, restent muets sur l’objectif culturel de son enseignement, il semble bien que le choix des auteurs inscrits au programme le révèle. En donnant la priorité aux auteurs français, c’est bien la culture artistique française qui est mise en avant. Cela relève-t-il d’un choix idéologique ou didactique ? Nous penchons pour le choix idéologique car, dès lors que l’objectif assigné à l’enseignement du français est de développer des compétences langagières « pour elles-mêmes » et « pour les autres domaines » (IPO, p. 2), rien ne semble pouvoir justifier, d’un point de vue didactique, la prédominance des textes de la Littérature Française dans le programme. En envisageant la lexie « français langue seconde » comme un concept didactique, il s’agit de situer la question didactique au niveau des contenus d’enseignement à mettre en œuvre pour que des apprenants qui ont à effectuer toute leur scolarité en français s’approprient au mieux cet idiome (Cuq, 1995). Dans le contexte scolaire malien, ces contenus devraient-ils passer par la mise en avant d’une littérature finalement assez éloignée des référents culturels des lycéens ou par la recherche d’un équilibre entre le proche et le lointain, le familier et l’étranger, de sorte à faire prendre conscience aux apprenants, par comparaison entre culture cible et culture source, à la fois de la spécificité et de la relativité de leur propre culture (Puren, 1990). Mais pour cela, faut-il encore que l’institution scolaire explicite les enjeux culturels de l’enseignement du français au Mali. Plutôt que de les enfermer dans un non-dit, ces enjeux culturels gagnent à être sortis de leur statut d’implicite du discours curriculaire institutionnel pour en faire une question didactique clairement identifiable par les enseignants de français.

3.3. La méthode d’enseignement institutionnelle : l’approche par