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Un comportement personnel menaçant l’ordre public

PARAGRAPHE I : L’éloignement des ressortissants communautaires

B. Les mesures d’éloignement pour raisons de sécurité publique ou d’ordre public

2) Un comportement personnel menaçant l’ordre public

141. Les Etats membres peuvent prendre des mesures d’expulsion justifiées par des motifs sérieux tenant à l’ordre public ou à la sécurité publique. Ces restrictions ne doivent pas être discriminatoires, doivent être justifiées par « une raison impérieuse d’intérêt général »496, et doivent être nécessaires et proportionnelles à l’objectif poursuivi497. Aussi, il est admis que la seule violation des règles sur l’entrée et le séjour ne peut suffire à motiver de telles décisions. Ces règles d’exception sont destinées à limiter le droit d’entrée ou le droit de séjour des citoyens de l’Union, qu’ils soient migrants économiques ou migrants non économiques. Toutefois, les ressortissants non-actifs, les retraités et les étudiants doivent satisfaire à des conditions plus strictes pour pouvoir bénéficier d’un droit de séjour, ce qui les place dans une situation plus fragile que les actifs.

Il convient donc de rechercher ce qui dans le comportement d’une personne ou dans ses infractions peut constituer une atteinte suffisamment grave à l’ordre public pour légitimer une mesure d’éloignement (a). Ensuite, il importe plus spécifiquement d’analyser les droits des migrants non économiques pour en déterminer le statut, comparativement à celui des migrants actifs (b).

496 CJCE, arrêt du 9 mars 1999, Centros, aff. C- 212/97, pt. 34, Rec. I- p. 1459, cité par PLENDER (R.), Quo

Vadis ? Nouvelle orientation des règles sur la libre circulation des personnes suivant l’affaire Akrich, Cah. dr.

eur., 2004, n° 1-2, pp. 261-288, sp. p. 268.

a/ La portée de l’exception d’ordre public

142. Comme pour la directive 73/148/CEE du 21 mai 1973 en matière d’établissement et de prestation de services adoptée pour l’application des articles 43 et 49 CE, le règlement 1612/68 et la directive 68/360 CEE du Conseil en date du 15 octobre 1968 furent pris pour la mise en œuvre de l’article 39 CE498. La directive 68/360 était relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des Etats membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté. Elle posait les conditions ainsi que les modalités de délivrance des titres de séjour, et n’autorisait les Etats membres à déroger à ces dispositions « que pour

des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ». De même, l’ensemble

des directives que le Conseil avait adopté, afin de réglementer le droit de séjour des ressortissants qui se déplaçaient dans les Etats membres pour des raisons autres que pour rechercher ou exercer une activité professionnelle, prévoyait que ces Etats avaient la possibilité de déroger à ce droit de séjour pour ces raisons. La directive n° 2004/38 du 29 avril 2004 a modifié le règlement de 1968 et remplacé ces directives, dont les directives 73/148/CEE et 68/360 CEE499. Selon les termes de la Commission, elle « définit les

conditions d’exercice du droit à la libre circulation et au séjour pour les citoyens de l’Union et les membres de la famille », et fixe « les limitations à ces droits pour des raisons d’ordre public, sécurité publique et santé publique »500.

143. Avant que la directive de 2004 ne prenne effet au 30 avril 2006, la directive 64/221/CEE posait le cadre et les limites permettant d’invoquer les raisons d’ordre public ou de sécurité publique qui pouvaient justifier l’éloignement du territoire d’un Etat membre. Elle prévoyait notamment, au terme de son article 3 § 2, que « la seule existence de

condamnations pénales ne peut automatiquement motiver » les mesures d’ordre public ou de

sécurité publique501. Sur ce point, la Cour a précisé, au fil de sa jurisprudence, qu’une

498 Directive n° 73/148/CEE du Conseil, 21 mai 1973, JO n° L 172 du 28 juin 1973, p. 14. Règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, JO n° L 257 du 19 octobre 1968, p. 2. Directive n°

68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour

des travailleurs des Etats membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté, JO n° L 257 du 19 octobre 1968, p. 13.

499 Directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil, op. cit., supra note n° 467.

500 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2001 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement …, op. cit., supra note n° 475.

décision d’expulsion doit être prise dans le respect du principe de proportionnalité et au regard de la nature et de la gravité de l’infraction commise.

La condamnation doit donc traduire un comportement personnel caractérisant un certain degré de danger pour l’ordre public. En 1975, la Cour considérait que la présence ou le comportement du ressortissant d’un Etat membre devait constituer « une menace réelle et

suffisamment grave pour l’ordre public »502. Cette exigence d’atteinte sérieuse à l’ordre public soulevait toutefois la question de savoir s’il suffisait que l’ordre ait été gravement troublé par les faits commis pour que l’expulsion s’impose503. La Cour a alors pris une décision fondamentale le 27 octobre 1977 en décidant que « l’existence d’une condamnation

pénale ne peut être retenue que dans la mesure où les circonstances qui ont donné lieu à cette condamnation font apparaître l’existence d’un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l’ordre public »504. La commission d’actes anti-sociaux ayant perturbé l’ordre public ne semblait donc pas pouvoir légitimer en tant que telle une mesure d’expulsion. Ce ne fut que bien plus tard que la juridiction communautaire a entrepris de préciser cette solution en décidant « qu’une mesure d’expulsion ne pourrait être prise à

l’encontre d’une ressortissante communautaire (…) que si, outre le fait qu’elle a commis une infraction à la loi sur les stupéfiants, son comportement personnel créait une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société »505. Elle a ajouté que ledit comportement personnel devait constituer « une menace actuelle pour l’ordre public »506.

A nouveau, la directive du 29 avril 2004 tient compte de la jurisprudence de la Cour en consacrant la règle selon laquelle « le comportement de la personne concernée doit

représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société »507.

502 CJCE, arrêt du 28 octobre 1975, Rutili, op. cit., supra note n° 259, pt. 28.

503 Cf. les conclusions de l’avocat général J.-P. Warner, présentées le 28 septembre 1977, aff. C- 30/77, op. cit., supra note n° 254, p. 2023.

504 Souligné par nous. CJCE, arrêt du 27 octobre 1977, Régina c/ Bouchereau, op. cit., supra note n° 252, pt. 28.

505 C’est nous qui soulignons. CJCE, arrêt du 19 janvier 1999, Donatella Calfa, aff. C- 348/96, pt. 25, Rec. I- p. 21 ; Conclusions de l’avocat général A. La Pergola, présentées le 17 février 1998, Rec. I- p. 13. Affaire commentée notamment par COSTELLO (C.), in CMLR, vol. 37, n° 3, juin 2000, pp. 817-827.

Sur les affaires Régina c/ Bouchereau et Donatella Calfa, voir en particulier GUILD (E.), Security of Residence

and Expulsion of Foreigners : European Community Law, in GUILD (E.) et MINDERHOUD (P.), « Security of

Residence and Expulsion : Protection of Aliens in Europe », op. cit., supra note n° 341, pp. 59-80.

506 Id., pt. 24.

507 Directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil, op. cit., supra note n° 467, article 27 § 2 alinéa 2.

144. La tentative de la Cour de clarifier la notion de menace demeure toutefois insuffisante. Qu’entend-on par menace actuelle ? Qu’en est-il si par exemple, au moment de l’exécution de la décision d’expulsion, une longue période s’est écoulée depuis son adoption ? Ni le libellé de l’article 3 de la directive 64/221, ni la jurisprudence de la Cour de justice ne fournissent d’indications plus précises sur la date à retenir pour déterminer le caractère “actuel” de la menace. La Commission a évoqué le rôle joué par l’existence de condamnations pénales dans l’appréciation de la menace que pouvait représenter l’intéressé pour l’ordre public ou la sécurité publique, en insistant sur le fait de prendre en considération l’écoulement du temps et l’évolution de la situation de la personne concernée. Elle a estimé que « la manière dont la

situation de l’intéressé a évolué présente une importance particulière dans les cas où la menace est appréciée longtemps après la perpétration des actes menaçant l’ordre public, où une longue période s’écoule entre la prise de la décision initiale et sa mise en œuvre, et où l’intéressé fait usage de son droit d’introduire [un nouveau recours]. Lors de l’examen des motifs d’éloignement (…) d’un ressortissant d’un autre Etat membre, la bonne conduite devrait avoir la même importance que dans le cas d’un national »508.

Prenant en compte ces remarques, le législateur communautaire a reformulé l’article 3 de la directive de 1964 et a prévu, à l’article 27 § 2 alinéa 1er de la directive du 29 avril 2004, que « l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver » les mesures fondées sur l’ordre ou la sécurité publics509. En outre, et cet apport est considérable, le législateur a précisé que « lorsqu’une décision d’éloignement », ordonnée à titre de peine ou de mesure accessoire, « est exécutée plus de deux ans après qu’elle a été prise, l’Etat

membre vérifie l’actualité et la réalité de la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique que représente la personne concernée, et évalue si un changement matériel des circonstances est intervenu depuis le moment où la décision d’éloignement » a été adoptée510. Tout éloignement doit être justifié en fonction du risque qui continue de peser sur l’ordre public et la sécurité, et doit être examiné à la lumière de la situation personnelle et actuelle de l’individu qui en est frappé. On peut remarquer que le législateur ne se contente pas de reprendre les règles “générales” dégagées par la Cour de justice. Au contraire, il montre une réelle détermination à vouloir restreindre la portée des réserves tirées de l’ordre public et de la

508 Communication du 19 juillet 1999 de la Commission au Conseil et au Parlement européen, op. cit., supra note n° 473.

509 Directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil, op. cit., supra note n° 467.

sécurité publique en présentant des solutions aux problèmes soulevées par l’application de ces règles d’exception511. Ce faisant, il s’efforce de limiter les possibilités d’abus des Etats membres dans l’utilisation de l’ordre public aux fins d’expulsion.

145. Ces nouvelles règles ont rapidement inspiré la Cour de justice. En effet, dans l’arrêt

Orfanopoulos et oliveri512, rendu le même jour que celui d’adoption de la directive, la Cour interprète la notion de menace actuelle de la même manière que cette dernière. En l’espèce, deux citoyens de l’Union, l’un de nationalité grecque, l’autre de nationalité italienne, furent frappés d’une décision d’expulsion motivée par des infractions graves et par le risque de récidive. Les intéressés avaient séjourné légalement sur le territoire allemand. La Cour rappelle tout d’abord que, selon l’article 18 CE, « le principe de la libre circulation des

travailleurs doit être interprétés largement, tandis que les dérogations à celui-ci doivent être, au contraire, d’interprétation stricte »513. Elle rappelle ensuite que selon sa propre jurisprudence, une infraction porte atteinte à l’ordre public si elle crée une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société514. En l’espèce, « s’il est

vrai qu’un Etat membre peut considérer que l’usage de stupéfiants constitue un danger pour la société », la réserve d’ordre public doit néanmoins être interprétée de manière restrictive, si

bien que l’existence d’une condamnation pénale ne peut justifier une expulsion que si les circonstances ayant donné lieu à cette condamnation « font apparaître l’existence d’un

comportement personnel constituant une menace actuelle pour l’ordre public »515. Mais, la Cour ne va pas se contenter de reprendre sa jurisprudence antérieure. Sur invitation de l’avocat général, elle va préciser que l’actualité de la menace doit être appréciée à partir de tous les éléments et facteurs pertinents. En effet, comme l’indiquait l’avocat général Mme C. Stix-Hackl, le problème est que ni l’article 3 de la directive 64/221, ni la jurisprudence de la Cour ne précisent quelle doit être « la date à retenir pour déterminer [le] caractère

511 Pour un commentaire de cette législation communautaire, voy. GAUTIER (Y.), La directive n° 2004/38/CE :

simplification et élargissement des droits d’entrée et de séjour reconnus aux citoyens de l’Union, Europe,

octobre 2004, n° 10, pp. 4-5. Pour un résumé des modifications apportées par cette même directive, cf. AGUADO (A.) et ARMATI (S.), in « les dossiers européens: actualités en bref », RDUE, 2004, n° 1, pp. 93-100, sp. pp. 95-96.

512 CJCE, arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et autres, et Oliveri, op. cit., supra note n° 479. Sur cet arrêt, voy. la note de SIMON (D.), in Europe, juin 2004, n° 6, commentaire n° 200, pp. 21-23.

513 Id., pt. 64.

514 Id., pt. 66. La Cour renvoie à son arrêt du 27 octobre 1977, Régina c/ Bouchereau, op. cit., supra note n° 252, pt. 35.

“actuel” » de la menace516. La Cour répond que les juridictions nationales doivent prendre en compte les éléments de fait intervenus après la décision d’expulsion, dans la mesure où ils peuvent révéler « la disparition ou la diminution non négligeable de la menace actuelle » : tel peut être le cas s’il s’est écoulé un long délai entre la date d’adoption de la mesure d’éloignement et le moment de son appréciation517.

Cette solution a été confirmée dans le cadre d’un recours opposant un ressortissant de nationalité turque aux autorités allemandes, à propos d’une procédure d’éloignement du territoire allemand518. La Cour de justice a décidé, conformément à la directive 64/221, à sa propre jurisprudence et aux dispositions de l’accord d’association conclu entre la Communauté économique européenne et la Turquie519, que « les juridictions nationales

doivent prendre en considération, en vérifiant la légalité d’une mesure d’éloignement (…), les éléments de fait intervenus après la dernière décision des autorités compétentes pouvant impliquer la disparition ou la diminution non négligeable de la menace actuelle que constituerait, pour l’ordre public, le comportement de la personne concernée »520.

146. En général, la constatation d’une menace actuelle pour l’ordre public ou pour la sécurité implique chez l’individu concerné l’existence d’une tendance à maintenir ce comportement à l’avenir. Toutefois, la Cour admettait en 1977 que si les condamnations pénales doivent témoigner « d’une tendance présente ou future à agir d’une manière

contraire à l’ordre public ou à la sécurité publique », il peut arriver que « le seul fait du comportement passé réunisse les conditions » d’une menace de cette nature521. C’est dire que la conduite personnelle de l’individu en cause doit avoir été telle que sa présence sur le territoire de l’Etat membre d’accueil est devenue intolérable. Pareille menace doit donc être examinée au cas par cas par les juridictions nationales.

516 Voir les conclusions de l’avocat général Mme C. Stix-Hackl, op. cit., supra note n° 479, § 126.

517 CJCE, arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et autres, et Oliveri, op. cit., supra note n° 479, pt. 82.

518 CJCE, arrêt du 11 novembre 2004, Inan Cetinkaya contre Land Baden-Württemberg, aff. C- 467/02, Rec. I- p. 10924 ; Conclusions de l’avocat général M. P. Léger, présentées le 10 juin 2004, Rec. I- p. 10898.

519 Accord d’association Communauté économique européenne - Turquie, signé à Ankara le 12 septembre 1963, conclu, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil en date du 23 décembre 1963, JO 1964, n° 217, p. 3685.

520 CJCE, arrêt du 11 novembre 2004, Cetinkaya, loc. cit., pt. 47. Sur cet arrêt et sur la jurisprudence antérieure relative aux droits conférés et découlant de l’accord d’association, voir la note de MARIATTE (F.), in Europe, janvier 2005, n° 1, comm. n° 8, p. 13.

147. Toujours dans cet esprit plus protecteur des libertés communautaires, la directive 2004/38 du 29 avril 2004 confère aux ressortissants communautaires et à leur famille un droit définitif de séjour, dans un autre Etat membre que l’Etat d’origine, à compter d’une période de résidence de cinq ans dans cet Etat522. Ce droit de séjour permanent ne pourra être restreint, en vertu de l’article 28 § 2, que pour des motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique. En outre, pour ceux des citoyens de l’Union qui auront séjourné dans un Etat membre d’accueil pendant les dix dernières années, une décision d’éloignement ne pourra être prise à leur encontre que pour des raisons impérieuses de sécurité publique, conformément à l’article 28 § 3523. Ces dispositions sont en parfaite adéquation avec le principe de proportionnalité ; pourtant, il aurait été préférable que disparaisse ce « pouvoir étatique d’éloignement » pour les titulaires du droit de séjour permanent524. La Commission avait d’ailleurs proposé la protection absolue contre l’expulsion pour les bénéficiaires de ce droit525. Elle avait estimé que « ces personnes ont développé avec l’État membre d’accueil des liens d’intégration très

étroits, qui rendent une mesure d’éloignement injustifiable »526. Cette proposition n’a pas été retenue527. Les Etats membres ont refusé de renoncer à leur pouvoir en matière de police des étrangers528.

148. De même que des condamnations pénales ne peuvent en soi constituer une menace pour l’ordre public et donc motiver automatiquement une mesure d’éloignement, le non respect des formalités administratives ne peut en tant que tel perturber suffisamment l’ordre ou la sécurité publics et dès lors justifier l’éloignement.

522 Article 16 de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil, op. cit., supra note n° 467.

523 On est en droit de se demander si cette disposition est également applicable aux membres de la famille des citoyens de l’Union.

524 ILIOPOULOU (A.), Le nouveau droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille : la

directive 2004/38/CE, RDUE, 2004, n° 3, pp. 523-557, p. 549.

525 La Commission avait également visé les mineurs membres de la famille d’un citoyen de l’Union pour des « considérations d’ordre humanitaire ».

526 Article 26 § 2 de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2001 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement …, op. cit., supra note n° 475.

527 Proposition modifiée de directive du 15 avril 2003 du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, COM(2003) 199 final.

528 ILIOPOULOU (A.), Le nouveau droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille…, op.

L’article 3 § 3 de la directive 64/221 disposait que « la péremption du document

d’identité qui a permis l’entrée dans le pays d’accueil et la délivrance du titre de séjour ne peut justifier l’éloignement du territoire »529. Si cette règle paraissait aller de soi au vu de celle prévue au paragraphe précédent de la directive530 et de son explication par la Cour de justice, son application suscitait des problèmes d’interprétation et nécessitait par conséquent des précisions.

La directive de 1964 est ainsi au coeur de l’affaire Royer de 1976531. Ressortissant français, le sieur Royer séjournait en Belgique auprès de son épouse, qui y exploitait un café. N’ayant pas accompli les formalités administratives nécessaires pour son séjour, les autorités belges compétentes lui ordonnèrent de quitter le territoire. Saisie sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des Communautés décide que le droit des ressortissants d’un Etat membre d’entrer sur le territoire d’un autre Etat membre et d’y séjourner est « un droit acquis en vertu

du traité »532. Puis, se fondant sur les directives 68/360 et 64/221, elle en déduit que la simple omission par le ressortissant communautaire des formalités légales sur l’accès, le déplacement et le séjour des étrangers « ne saurait (…) à elle seule justifier ni une mesure d’éloignement,

ni une détention provisoire en vue d’une telle mesure »533. La méconnaissance des prescriptions nationales relatives au contrôle des étrangers doit être assortie de sanctions appropriées destinées à assurer l’efficacité de ces dispositions, ce qui n’est guère le cas d’une mesure d’éloignement.

Il découle de cette jurisprudence que « l’expiration du passeport utilisé pour l’entrée

sur le territoire national » d’un Etat membre autre que le sien, ou l’absence du permis de

séjour ne peuvent justifier un ordre d’expulsion au regard de ces directives534. De même,

529 Directive n° 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil, op. cit., supra note n° 468.

530 Rappelons que l’article 3 § 2 de la directive n° 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil prévoit que « la