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L’approche géographique développée dans cette thèse tente, à l’instar de J-B. Arrault (2007a), d’articuler l’étude (verticale) des interconnexions entre les faits (du local au global) avec celle (horizontale) des interrelations entre les segments de la filière halieutique (d’amont en aval).

23 Sa nature d'espace vécu enraciné dans les pratiques du quotidien, son double rôle (politique) de référent identitaire et

de médiateur des rapports sociaux militent entre autres en faveur d'une intense actualité du territoire (Di Méo, 1998).

Le territoire « géographique » : essai de définition

La plupart des géographes qui se sont interrogés sur la nature du territoire insiste sur la complexité de cet objet géographique qui relève à la fois de la Nature et de la Société, du passé et du futur, de la matérialité et de l'immatérialité, des pratiques et des représentations (Di Méo, 1998 ; Elissalde, op.

cit. ; Girault, op. cit.). Notre acception du territoire fait donc de celui-ci un « construit social, [...]

une appropriation à la fois physique, économique, idéologique et politique (sociale donc) de l'espace » (Di Méo, 1998). Forme objectivée et consciente de l'espace (Brunet, 1997), réordonnée et sémiotisée (Raffestin, 1986), le territoire relève d’une portion d'espace terrestre socialisée, appropriée, occupée et aménagée par un groupe social en vue d'assurer sa reproduction ainsi que la satisfaction de ses besoins vitaux (Le Berre, 1992).

Trois niveaux de compréhension des territoires sont généralement identifiés et semblent faire consensus (ibid. ; Di Méo, 1998). Le premier, existentiel, considère le territoire comme une entité spatiale dotée d’une identité propre (limites, marquage, histoire...). Donnée incontournable de l'expérience humaine avec la surface terrestre – la « géographicité » de Dardel (1990), le territoire représente un espace culturel d'appartenance constructeur d'identité, source d'une relation d’essence affective à l’espace car empreint de sens et nourri de géosymboles et riche de mémoire (Bonnemaison et Cambrézy, 1996). Le deuxième, matériel, procède de l'observation des propriétés naturelles (physiques) et matérielles (résultant des actions d’aménagement) qui servent à décrire les configurations territoriales, la physionomie paysagère de cet espace approprié (en termes de potentialités et de contraintes socialisées) au travers des pratiques et les usages sociétaux qui en sont faits. Le troisième, organisationnel, analyse les comportements territoriaux des acteurs dans la gestion et l'aménagement du territoire, et notamment les différents rapports sociaux qu’ils entretiennent entre eux (hiérarchie, domination, réciprocité, complémentarité...) et qui font (ou pas) cohésion dans leur interaction. Comprendre le fonctionnement territorial suppose donc d'identifier, d'autre part, les échanges d'information et les processus décisionnels auxquels ils donnent lieu (Le Berre, op. cit. ; Di Méo, 1998). Par ailleurs, cette réalité concrète et quotidienne du présent qu’est le territoire se conçoit difficilement sans appréhender toute son épaisseur temporelle, toute son historicité (Lévy et Lussault, op. cit.), sans prendre en compte cette « mémoire sociale forgée dans la durée » (Di Méo, 1998). Enfin, par sa « nature multiscalaire », le territoire reste « résolument ouvert, prêt à épouser toutes les combinaisons spatiales que tissent les collectivités humaines dans les limites de l'étendue terrestre » (ibid.).

Ainsi, sur un plan théorique, notre posture s’ancre plus particulièrement au croisement de plusieurs thématiques géographiques, à savoir :

- une géographie halieutique afin d’analyser la filière halio-aquacole, tant en opérant un focus plus particulier sur les « pêches artisanales » ;

- une métagéographie, utile pour l’analyse du système-Monde aquatique, tant dans la répartition et l’organisation spatiale de ce système que de ces dysfonctionnements et de ces inégalités socio-spatiales ;

- une géographie sociale nécessaire pour l’analyse des spatialités altermondialistes, tant du point de vue des acteurs et des organisations que de leurs stratégies et de leurs dynamiques ; - enfin, une géographie du développement, indispensable pour étudier les conditions de durabilité spatiale et/ou territoriale de cette filière halieutique, à la dialectique entre l’environnement marin et le développement socioéconomique des fishworkers.

Sur un plan plus méthodologique, cette thèse s’inscrit dans une démarche (géo)systémique, dans le sens où notre analyse géographique de la mondialisation halieutique intègre plusieurs

interactions qui s’entrecroisent, des plus fonctionnelles (un objet en analyse et les autres) aux

plus disciplinaires (le champ de la connaissance géographique et les autres), des plus spatiales (l'ici et l'ailleurs) aux plus scalaires (niveaux d'échelles) en passant par les plus temporelles (du passé au prospectif), des plus théoriques (recherche de sources diversifiées) aux plus empiriques (études de terrain) (Corlay, 1999).

Une géographie halieutique sous le prisme du géosystème et des pêches artisanales

Plusieurs chercheurs appréhendent le champ « halieutique » en tant que système et définissent celui-ci comme un ensemble coordonné d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue de valoriser les ressources halieutiques (Rey et al., 1997). Dans ce domaine pluridisciplinaire, le rôle du géographe consiste alors à analyser « les organisations spatiales induites de l'activité de pêche » ainsi que « leurs dynamiques à tous les niveaux de l'échelle spatio-temporelle » (Corlay, 1993). Pour ce faire, J-P. Corlay développe le concept de

« géosystème halieutique » (figure 2a) qu’il définit comme une construction socio-

économique et spatiale résultant de la rencontre d'un potentiel de ressources biologiques marines – l’écosystème – et d'une stratégie d'exploitation de ce potentiel à l’aide de divers facteurs de production – le sociosystème. À l'intersection de ces deux systèmes « naturel » et « sociétal » est généré un système spécifique qui s'inscrit à la surface de la terre (géo) sous la forme d'une structure spatiale singulière, un espace « terraqué » qui s'étend à la fois sur mer et sur terre, l’espace halieutique (ibid.).

Comme le géosystème halieutique s’organise selon une logique de filière, l’espace halieutique se subdivise schématiquement en trois sous-espaces :

- un espace de production, c’est-à-dire une aire maritime à l'intérieur de laquelle les ressources sont prélevées (ou élevées pour l’aquaculture) ;

- un espace de distribution et de consommation, autrement dit la zone continentale dans laquelle s'opèrent la commercialisation et la consommation des Pdm ;

- un espace structurant, l’interface portuaire, point de jonction entre les deux autres espaces, à la fois espace fonctionnel en tant que lieu de mise à terre des captures mais aussi espace social en tant que lieu de sociabilité (ibid.).

À l’origine du géosystème halieutique, il existe un projet au sein d'un groupe social qui se traduit par une stratégie d'exploitation d'une ressource biologique marine. Celle-ci conduit à mobiliser des facteurs sociaux et matériels de production dont la mise en œuvre constitue l'effort de pêche, c’est-à-dire la pression exercée sur un stock (nombre et puissance des bateaux, temps de travail, nombre d’engins, etc.). Cet effort de pêche se déploie sur une pêcherie à travers de multiples tactiques appelés « métiers », c’est-à-dire l’utilisation d’un engin de pêche destinée à la capture d’une ou plusieurs espèces-cibles dans une zone de pêche délimitée). Le résultat de l'exploitation produit des captures à l'amont, qui deviennent des apports lors du débarquement, de la vente et/ou de la transformation au centre, puis des biens marchands lors de leur distribution et de leur consommation à l'aval sur le(s) marché(s). Ce processus économique met aussi en scène des acteurs sociaux, des producteurs (les pêcheurs) aux consommateurs en passant par tous les travailleurs et les emplois induits dans les industries et les services, acteurs sociaux qui s’inscrivent tous plus ou moins fortement au sein de l’espace halieutique (Corlay, 1993).

Figure 2a – L’approche géosystémique de la filière halieutique

Chacun de ses sous-espaces agit et réagit en fonction des événements de tous ordres affectant les deux autres. On a donc affaire à un système, c'est-à-dire à un ensemble d'éléments interdépendants, mais à un système ouvert qui subit de multiples influences (internes et externes) de l'environnement physique (variations climatiques, mortalité des espèces) et anthropique (pression sur le milieu, réglementation, diffusion technologique, etc.).

Toutefois, il apparait clairement que l’ensemble des composantes de ce géosystème évolue selon des échelles de temps et d’espace bien souvent différentes, qui font « qu'il existe autant de (géo)systèmes halieutiques que de régions et de pays » (ibid.), ce qui en retour n’est pas sans engendrer certaines tensions et crises qui conduisent à remettre en cause le système en lui- même, ou du moins à le modifier (figure 2b). En effet, la mondialisation croissante de cette filière aquatique à l’heure actuelle, qui fait du géosystème halieutique un système de plus en plus pluriscalaire et globalisé, accentue la dichotomie spatiale entre les espaces de production et les espaces de distribution. La résultante de ces évolutions fait alors apparaître des espaces halieutiques de plus en plus multipolaires, de l’éclatement de bases avancées de production à la concentration de grandes plates-formes poissonnières d'approvisionnement (Corlay, 1993).

Si la cohésion de ce modèle spatial apparaît de plus en plus discutable et discutée, sa pertinence n’en demeure pas moins réelle notamment pour l’analyse des pêches artisanales, en dépit de quelques aménagements nécessaires afin de mieux prendre en compte la réalité des géosystèmes halieutiques « artisans » (figure 2b). En effet, aux vues des dynamiques halieutiques en vigueur sur de nombreux littoraux (tropicaux) du Sud, il nous paraît nécessaire d'infléchir le concept d'espace halieutique – notamment au niveau de l’espace de production – pour lui préférer celui d'espace aquatique, au sens défini par M-C. Cormier-Salem comme « entité spatiale structurée par des systèmes d'usages multiples des ressources aquatiques »

(Cormier-Salem, 1995a)24. En effet, la complexité et la variété des écosystèmes littoraux

donnent lieu à des « combinaisons d'usages multiples de ressources, techniques et acteurs, créant ainsi des espaces agro-pastoralo-halieutiques différenciés et complexes» (ibid.).

Figure 2b – L’approche géosystémique d’une filière halieutique mondialisée

Paradoxalement, parmi l’ensemble des activités halio-aquacoles, les pêches artisanales semblent souffrir d’un certain désintérêt à travers le monde de la part de multiples administrations étatiques, intergouvernementales, d’investisseurs, etc., ces derniers soutenant plus volontiers le développement d’entreprises de pêche industrielles plus productives et aux économies d’échelle et à la rentabilité économique plus importantes (Troadec, 1989 ; Mac Goodwin, 2003). Si ce segment halieutique artisan apparaît au premier abord quelque peu primitif, de nombreuses études soulignent au contraire « un phénomène géographique bien vivant, localement fondamental » (Besançon, 1965) et considèrent ce secteur comme

dynamique et en évolution25, au regard notamment de sa prégnance socioéconomique sur

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La géographe y révèle ainsi la diversité des pratiques et représentations de l'espace aquatique, tout à la fois étendue solide et profondeur liquide, structuré par des lieux et des itinéraires, et surtout conçu selon une double conception territoriale : celle d’une maîtrise du milieu par les paysans-pêcheurs (les terroirs aquatiques) et celle d’une conquête de l’espace marin par les marins-pêcheurs (les parcours maritimes) (Cormier-Salem, 1995a).

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Sur les 2 millions de navires motorisés et armés pour la pêche recensés en 2006, près de 90 % font moins de 12 m de long et environ 70 % sont concentrés sur le continent asiatique. Parallèlement, les flottilles industrielles – quelques 23 000 navires de plus de 24 m de long et de plus de 100 tonneaux de jauge brute (Tjb) – sont plutôt disséminées en Europe et dans les Amériques (Nord et Sud). Enfin, un nombre très important – bien qu’inestimable – d’embarcations

l’ensemble des littoraux de la planète, tant en matière de réduction de la pauvreté que d’interrelation avec d’autres activités rurales (cf. entre autres Garcia et al., 2010 ; Béné, 2006 ; Durand et al., 1991 ; Mac Goodwin, 2003 ; Le Sann, 1988 ; 1995c ; Mathew, 2009b).

Les pêches « artisanales » : essai de définition

Classiquement définie par opposition à la pêche industrielle qui se présente comme « une entreprise fondée sur la firme », la pêche artisanale reste bien souvent appréhendée – au sens large du terme – comme « une unité productive fondée sur le ménage » (Delbos, 2006). Derrière cette dichotomie artisanal/industriel (traditionnel/moderne), certains chercheurs insistent plutôt sur la coupure qui existerait entre « une logique de profit et une logique de reproduction sociale » (Chauveau et Weber, 1991). Face à la diversité des interprétations de ce segment halieutique, nous optons pour une définition combinant plusieurs critères d'appartenance (cf. Garcia et al., 2010 ; Chauveau et Weber, op. cit. ; Mac Goodwin, 2003 ; Chuenpagdee et al., 2006 ; Ruddle, 2007 ; Kurien, 1998c) : - des pêcheries bien souvent plurispécifiques, les pêcheurs ayant tendance à cibler plusieurs espèces (saisonnières) différentes ;

- un capital restreint ainsi qu’une main d'œuvre abondante*, tant à terre qu’en mer ;

- des pêcheurs qui sont le plus souvent propriétaires de navires, bateaux de petite taille et souvent de fabrication locale, et à faible rayon d'action au cours d'une marée** ;

- une activité professionnelle dont l’utilisation de techniques de pêche variées nourrit des valeurs symboliques qui confèrent une identité culturelle assimilable à un genre de vie particulier ;

- des communautés de pêcheurs nombreuses et très souvent dispersées sur l’ensemble du pourtour littoral (mais aussi à l’intérieur des terres dès qu’un plan d’eau est à disposition) ;

- une activité professionnelle où règne une certaine réciprocité sociale (liens de parenté et liens sociaux forts) ainsi qu’une division du travail marquée (par genre et par âge), traduisant ainsi une différenciation des rôles sociaux (production masculine, transformation et distribution féminine) ; - un écoulement des prises et une intégration sur des marchés bien souvent locaux et nationaux, bien qu’une part de la production soit également autoconsommée.

Pratiquées à des niveaux organisationnels très divers – micro-entreprises informelles, pêcheurs indépendants, armements structurés etc. –, ces pêches artisanales ne constituent pas une catégorie homogène, et ce peu importe les pays ou les régions d’étude (Garcia et al., op. cit. ; Béné, 2006). Leur définition se doit par conséquent de mieux prendre compte le contexte géographique – tant spatial que scalaire – dans lequel celles-ci s’insèrent et se développent. En effet, « la pêche artisanale des Tropiques est si différente de la pêche artisanale des latitudes tempérées que les mettre dans un cadre analytique commun est forcément source d’erreurs et de dysfonctionnements (Ruddle, op.

cit.). Il convient donc d’affiner notre première définition en distinguant au sein de ces « pêches à

petite échelle » ce qui relève d’un côté de la « pirogue » et de l’autre du « chalutier » (Le Sann, 1988). Les pêches traditionnelles font ainsi plutôt référence à une terminologie anglo-saxonne basée sur les aspects technologiques, impliquant des embarcations et des engins de pêche de petites tailles, auxquelles s’ajoutent de faibles niveaux de technologie et d’investissement en capital par pêcheur. Par ailleurs, cette activité traditionnelle n’est bien souvent qu'une des activités prises en charge par les communautés de pêcheurs, notamment au Sud. De leurs côtés, les pêches artisanales renvoient davantage à une terminologie latine basée sur une consonance socio-économique, et impliquent des entreprises individuelles et/ou familiales indépendantes dans lesquelles le propriétaire est souvent l’actionnaire principal, bien que les navires puissent parfois appartenir à certains investisseurs extérieurs (des commerçants). S’ajoutent à ces variables des niveaux de technologie peu élevés par pêcheur, sans que la variable taille des navires et des engins de pêche n’interviennent comme élément déterminant (Garcia et al., op. cit. ; Mac Goodwin, op. cit.).

* L’évolution du nombre de personnes employées dans ces secteurs révèle un fort contraste entre nations développées et en développement. En effet, au déclin progressif mais général de près d’un quart des effectifs depuis les années 1990 au sein des pays du Nord (le nombre de pêcheurs avoisine désormais les 860 000) – répond un accroissement plutôt régulier chez les pays du Sud, notamment sur le continent asiatique (près de 8 M. de pêcheurs pour la seule Chine) (FAO, 2009b).

** Les travaux menés par Chuenpagdee et al. concluent qu’environ 70 % des 140 pays étudiés définit la pêche artisanale selon la taille maximum du bateau – qui varie entre 5 et 15 m de long – et que ses aires de captures ne dépassent guère les 200 m de profondeur, pour une distance à la côte inférieure à 50 km (op. cit.).

Ces pêches artisanales apparaissent donc assez difficiles à saisir dans leur globalité. La dispersion des points de débarquement, la multiplicité des techniques, la grande variété des espèces débarquées, les aspects multiformes de la distribution et de la commercialisation, la carence des données statistiques (ou leur manque de fiabilité), les difficultés d’application des règles de gestion… constituent autant de facteurs qui font que la recherche halieutique apparait parfois fort dépourvue dans ses outils et ses méthodes d’analyses, voire se sent impuissante à dépasser le cadre de simples descriptions singulières (Chaussade, 1991 ; Garcia et al., 2010). S’il y a bien un écueil à éviter pour J. Chaussade, « c'est d’en rester à des analyses sommaires, non quantifiées qui ne puissent faire l'objet d'aucune transposition. Ce qu'il faut retenir et approfondir de l'étude de ces micro-activités qui animent la plupart des littoraux de la planète, ce n'est pas tant ce qui relève d'un caractère exceptionnel, non répétable, mais au contraire ce qui peut donner lieu à des comparaisons, à des généralisations » (Chaussade, 1991).

S’il convient de définir précisément ce qui nous entendons par ce terme « d’artisan », il nous faut également être attentif au fait que les pêches estampillées « artisanales » ne relèvent plus uniquement des pays du Nord et celles « traditionnelles » des littoraux du Sud. Il existe bien souvent des pêches traditionnelles, « indigènes et autochtones » au sein du secteur halieutique des nations développées (Canada, Nouvelle-Zélande, DOM-TOM français…). Par ailleurs, de nombreuses pêches traditionnelles du Sud renvoient désormais – par bien des aspects (techniques, commerciaux...) – à des activités « artisanales » (cf. entre autres Le Bail, 1995 ; Le Roux, 2005 ; Durand et al., 1991). Néanmoins, par commodité, nous nous appuierons sur cette distinction entre segment « traditionnel » et « artisan » tout au long de cette thèse.

La recherche de sources diversifiées

Au vu de l’originalité, de la diversité et la richesse des champs thématiques étudiés, notre recherche s’est très vite orientée vers une diversification des sources.

Sur le plan bibliographique, notre travail a consisté à faire un état de l’art des deux principaux objets géographiques de cette thèse, à savoir la mondialisation (et son pendant alternatif) et l’halieutique. Les informations acquises par l’intermédiaire d’ouvrages, de travaux, d’articles de presse et de revues spécialisées, de comptes-rendus de réunions, de sites Internet... émanant tantôt de recherches universitaires et d’expertises, tantôt d’analyses journalistiques ou de points du vue militants, ont toutes contribués, à des degrés différents, à alimenter et enrichir

notre réflexion26. Si la notion de mondialisation a fait l’objet d’une recherche largement

pluridisciplinaire parmi l’ensemble des sciences sociales (économie, sciences politiques, sociologie), nous avons toutefois souhaité insister et combiner certains travaux géographiques, en particulier ceux d’Olivier Dollfus et de Laurent Carroué. Notre approche d’une « autre mondialisation » procède d’une démarche analogue, bien que compliquée par la rareté des informations disponibles en géographie (à l’exception des travaux de Fabrice Ripoll). Nos recherches bibliographiques se sont donc orientées vers d’autres sciences sociales plus prolixes sur le sujet – notamment la sociologie (Éric Agrikoliansky, Isabelle Sommier) et les sciences politiques (Eddy Fougier, Zaki Laïdi) – afin de comprendre comment celles-ci appréhendaient,

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Le lecteur pourrait être surpris par la suprématie des sources bibliographiques francophones au détriment d’autres, en particulier anglo-saxonnes. Cela s’explique par le fait que les thématiques altermondialistes (générales et halieutiques) sont très présentes dans le panorama hexagonal et que celles-ci y sont régulièrement analysées et traduites.

chacune à leur manière, ce nouvel objet de recherche pour ensuite en proposer une transposition et un éclairage au sein de notre discipline. Enfin, l’exploration du champ « territorial » dans son ensemble repose principalement sur les synthèses conceptuelles proposées par Maryvonne Le Berre et de Guy Di Méo.

Notre analyse du champ halieutique, en dépit de son caractère systémique et pluridisciplinaire (Rey et al., op. cit.) qui fait l’objet de nombreux ouvrages, publications techniques (ceux de la FAO par exemple) ou de périodiques spécialisés (tels Produits de la mer), s’appuie majoritairement sur les analyses géographiques de trois halieutes (Jean Chaussade, Jean-Pierre Corlay et Marie-Christine Cormier-Salem). Toutefois, dans un souci de (re)présenter au mieux la relation mondialisation-halieutique, un premier travail a consisté à proposer un traitement

cartographique multiscalaire et multivarié de la filière halio-aquacole. À ce titre, l’usage

des Annuaires statistiques des pêches et de l’aquaculture publiés par la FAO pour l’année 2006 s’avère une entrée de premier ordre pour saisir les grandes tendances de cette filière, tant sur les plans productifs halieutique (FAO, 2007b ; 2007c) que commerciaux (FAO, 2007d). En dépit de certaines difficultés à les saisir (Rey et al., op. cit.), de certaines précautions nécessaires à leur égard (Lefort, op. cit.), voire de leur obsolescence dans un monde de plus en plus transnational (Dolffus et al., 1999a), ces statistiques « nationales » offrent encore un panorama général des plus utiles pour appréhender quantitativement la filière aquatique sur le plan international. Toutefois, dans un contexte spatial globalisé qui fait que le centre du monde est partout, il nous est apparu inopportun de continuer à proposer une « géographie à plat, avec l’Europe bien au centre de nos cartes » (Bouchet, op. cit.). Soucieux d’éviter tout « tropisme occidental » (ibid.), notre parti-pris méthodologique a consisté à « déplacer le vide du Pacifique au centre de la figure [...] sur les mappemondes économiques de demain » (Péguy, 2001), tant ce continent se positionne comme le cœur du système halio-aquacole mondial.

Concernant notre approche de l’altermondialisation halieutique27 – le thème central de cette

thèse –, l’essentiel de nos informations (et de nos réflexions) provient des différents supports