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LES DIMENSIONS SPATIALES DE L’ALTERMONDIALISATION

Partie 2 – Les dimensions spatiales de l’altermondialisation halieutique

4.3 Les structures « syndicales » du réseau altermondialiste

L’activité principale des structures syndicales que nous analysons ici consiste plus particulièrement à représenter, défendre et promouvoir les causes et/ou les intérêts particuliers, sur une base professionnelle (Guillon, op. cit.), de l’ensemble de pêcheurs de petite échelle et des travailleurs du poisson. Trois acteurs syndicaux sont analysés ici : l’un à l’échelle internationale, le World forum of fish harvesters and fishworkers, deux autres aux échelles nationales, en France (la BFFM) et à Madagascar (le COMM).

4.3.1 Le WFF, un syndicat international de masse de pêcheurs artisans « Attendu qu’une crise touche actuellement les fonds de pêche et les zones littorales

partout dans le monde, il y a une volonté des communautés côtières du monde entier de s'unir au sein du Forum mondial des pêcheurs artisans et travailleurs de la pêche afin de défendre et de faire respecter les droits de la personne, les droits fondamentaux, l'équité sociale et la culture des pêcheurs et travailleurs de la pêche

» (Préambule de la constitution ; WFF, 2000a).

À l’échelle transnationale, le World forum of fish harvesters and

fishworkers (WFF)203 se présente comme le « mouvement social syndicalisé » (Sall et Nayak,

2004) le plus à même de défendre et de promouvoir cette identité collective artisanale à l’échelle mondiale, de part les possibilités d’interactions entre une pluralité de groupes d'individus et d’organisations qu’offre cette structure réticulaire (Fougier, 2004a ; 2006).

Créée en novembre 1997 lors de la rencontre de New Delhi (cf. section 6.1.3), cette branche

syndicale transnationale se compose d’une quarantaine d’organisations nationales de pêcheurs artisans et traditionnels telles que « les syndicats, les associations et les fédérations de coopératives constitués démocratiquement ainsi que les nations autochtones qui dépendent de la pêche pour assurer leur subsistance » (WFF, 1999) (figure 36). À ce titre, selon l’article 3 de la constitution, toute personne ou groupe de personnes travaillant plus ou moins directement au sein de la filière et étant membres de l’une de ces organisations peut adhérer au Forum : pêcheurs de subsistance, artisanaux, capitaines-propriétaires indépendants, autochtones ou aborigènes, côtiers traditionnels ; membres d'équipage ; organisations populaires de femmes appartenant aux communautés de pêche ; travailleurs de la pêche dans les secteurs de la transformation, de la vente (à l'exclusion des commerçants) et du transport du poisson (ibid.). Par ailleurs, il est entendu que « les grandes sociétés multinationales et leurs filiales qui sont propriétaires des navires de pêche ou qui participent à la récolte, à la transformation du poisson, de même que [...] certains organismes internationaux comme Greenpeace, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, le Fonds international pour la protection des animaux ne peuvent adhérer et participer au Forum (WFF, 2000a).

Schématiquement, selon l’article 10 de sa constitution, le WFF s’organise en « interne » de la manière suivante (figure 39). À sa base se trouve une Assemblée générale constitutive regroupant les représentants des membres fishworkers adhérents. Composée de plusieurs

203

délégués par nation (art. 13) celle-ci se réunit au moins tous les trois ans (art. 18). Cette Assemblée délègue les fonctions dirigeantes à un Comité de coordination, composé d’une douzaine d’individus représentatifs des organisations nationales adhérentes, et dont les diverses tâches attribuées oscillent entre planification et mise en œuvre des actions proposées par le WFF en passant par sa représentation (art. 22). Ce Comité de coordination se subdivise en deux structures qui viennent l’épauler dans sa tâche de direction : un Comité exécutif s’occupe

Fi gure 3 9 L ’org a ni sa ti on s p ati a le d u World foru m of fi sh h a rvesters an d fis h wor k er s : pri n ci pal es ét apes gén éal ogi ques et org a ni sati ons na ti o n al es mem bres

plutôt des questions administratives et financières (article 29) ; six Conseils régionaux (CR), de composition équilibrée et paritaire, assurent la coordination et la consultation dans leur

région respective (article 25) (ibid.)204. Sur le plan financier enfin, les frais de gestion

administratifs du Forum sont en majorité pris en charge par l’organisation canadienne (CCPP)

204

Plus précisément, le Comité exécutif réduit de 4 personnes comprend : deux co-présidents, Thomas Kocherry (NFF, Inde) et François Poulin (CCPP, Canada) ; un trésorier, André Le Berre (BFFM, France) ; un directeur général, Pedro

Avendaño (CCPP, Canada). Les six CR se composent de huit responsables : Arthur Bogason (NAFSO, Islande) pour le

CR Europe ; Charles Capricho (BLP, Philippines) et Harekrishna Debnath (NFF, Inde) pour le CR Asie ; Dao Gaye (CNPS, Sénégal) pour le CR Afrique ; Silvia Gonzalez Sanchez (RNP, Mexique) et Humberto Mella (CONAPACH, Chili) pour le CR Amérique latine ; Earle McCurdy (CCPP, Canada) et Pietro Parravano (PCFFA, États-Unis) pour le CR Amérique du Nord (WFF, 1999).

Charte provisoire et principaux objectifs du WFF (article 2 de la constitution)

1) protéger, défendre et améliorer le sort des communautés qui dépendent de la pêche pour assurer

leur subsistance.

2) aider les organisations membres à garantir et à améliorer la viabilité économique et la qualité de

vie des pêcheurs, des travailleurs de la pêche et de leur communauté.

3) reconnaître, protéger et améliorer le rôle des femmes dans l'économie des pêches et la

subsistance de la communauté.

4) faire en sorte que les ressources soient considérées comme un patrimoine collectif de l'humanité

transmis aux générations futures, et veiller, par l'utilisation de méthodes de pêche durable, à la protection et à la régénération des ressources et des écosystèmes marins et en eaux intérieures.

5) protéger les communautés de pêche, les ressources et les habitats du poisson, comme les

bassins hydrographiques et les mangroves, contre les menaces d'origine terrestre et marine, par exemple le déplacement des populations entraîné par le tourisme, la pollution comme le déchargement de déchets toxiques dans la mer, l'aquaculture industrielle destructrice, les méthodes de pêche destructrices.

6) établir et faire valoir le droit d'accès des communautés de pêche aux territoires de coutume qui

sont de compétence nationale en zone côtière, pour la pêche et comme lieu d'habitation.

7) promouvoir le régime juridique propre à garantir aux communautés de pêche le respect de leurs

droits traditionnels et coutumiers d'accès à la pêche en territoire national.

8) faire valoir le rôle primordial des organisations de pêcheurs et de travailleurs de la pêche dans

la gestion des pêches et des océans, à l'échelle nationale et internationale.

9) favoriser la sécurité alimentaire des populations, à l'échelle locale et mondiale, en préservant la

pérennité des stocks de poisson pour l'avenir et en réservant le poisson à l'alimentation humaine.

10) favoriser une représentation équitable des organisations de pêcheurs et de travailleurs de la

pêche dans tous les forums régionaux et internationaux d'intérêt et travailler en faveur de leur reconnaissance.

11) jouer le rôle d'une unité de surveillance pour s'assurer que les États et les sociétés

transnationales respectent les accords internationaux en vigueur ; s'opposer à tout accord commercial qui met en péril le gagne-pain des pêcheurs.

12) empêcher l'exportation de la crise de l'effondrement des ressources ainsi que des technologies

et des pratiques qui en sont à l'origine.

13) soutenir les luttes, à l'échelle nationale et internationale, qui cadrent avec les objectifs du

Forum mondial des pêcheurs et travailleurs de la pêche.

14) encourager et aider les pêcheurs et les travailleurs de la pêche à s'organiser lorsqu'ils ne le sont

pas déjà.

15) faire valoir le droit des pêcheurs et des travailleurs de la pêche à la sécurité sociale, à des

conditions de travail sûres, à un salaire équitable et à la sécurité en mer; travailler à les faire reconnaître comme des marins.

16) améliorer la communication entre les pêcheurs et le milieu scientifique par le partage du

savoir et des connaissances.

17) reconnaître et rehausser la culture unique des communautés de pêche.

tandis que ses recettes proviennent pour les trois quarts des cotisations des membres, et pour le quart restant des ONG partenaires (CCFD, Fph,...). Se voulant à la fois « éducateur et militant » (ICSF, 1996), le WFF adopte dès son origine et à l'unanimité une charte provisoire

qui définit les grands objectifs que cette « Internationale de pêcheurs antimondialisation »205

entend mener pour promouvoir et défendre la cause de la pêche à petite échelle.

L’analyse de deux structures nationales membres de ce WFF – l’une française et l’autre malgache – nous apparaît ici des plus pertinents pour comprendre comment se structurent à un autre niveau d’échelle ces syndicats de fishworkers.

4.3.2 Des syndicats nationaux à forts ancrages « locaux »

La Branche française du forum mondial et le Collectif des organisations maritimes

malgaches se présentent comme deux organisations « syndicales » nationales créées ad hoc la

même année (2000) grâce au soutien de partenaires communs (principalement le CCFD) afin de pallier le déficit de représentativité dont souffrent ces pêcheurs artisans et traditionnels au sein de leurs espaces nationaux respectifs.

4.3.2.1 La BFFM ou la volonté de créer un syndicat français de la pêche artisanale

« Pour participer pleinement et être en accord avec les statuts du WFF, il faut disposer d'une organisation unique

représentative des pêcheurs artisans et des travailleurs de la pêche à l’échelon national ».

BFFM, Charte de la Branche française du Forum et quelques contributions (2000)

La mise en place de la Branche française du forum mondial (BFFM) repose sur un constat

assez simple pour ses sympathisants : il n’existe pas, en cette fin de XXe siècle, d’organisme

représentatif de la cause halieutique artisanale. La nécessité de créer « un puissant syndicat des pêcheurs » ne date pas d’hier, comme en témoignent les diverses tentatives de structuration et d’unification des pêcheurs au cours des siècles derniers, en particulier « pour pouvoir lutter contre les usiniers capitalistes de la conserve » –, mais qui au final n’ont guère connu de succès probants (Viaud, 2005)206.

La conséquence marquante des échanges institutionnalisés qui s'apparente au modèle français du corporatisme sectoriel est que les professionnels français de la pêche sont peu invités à penser la représentation de leurs intérêts en dehors de l'État (Lequesne, op. cit.). « Bien sûr, le Comité national des pêches est constituée majoritairement d'artisans, regroupe aussi des mareyeurs [mais a] pour vocation de représenter la pêche industrielle [...] Il suffit pour s’en rendre compte de voir le nombre de représentants de la pêche artisanale par rapport au nombre total de représentants. Ce comité constitue donc une voie difficile d’expression pour les pêcheurs artisans » (BFFM, 2001). Même constat au niveau des OP dont la priorité actuelle semble davantage se traduire par « une volonté des pêcheurs à se regrouper pour mettre en place des mesures de régulation du marché [plutôt] qu’une fonction sociale de rassemblement et de manifestation de solidarité » (Lebon Le Squer, 1998). Certains estiment par ailleurs que les pêcheurs artisans sont loin d’être démunis de structures collectives, mais qu’au contraire, ils

205

Citations respectives des périodiques Politis (édition du 5 octobre 2000) et de Ouest France (3 octobre 2000).

206

Cf. par exemple les luttes d’influence que se livrent les trois grandes fédérations syndicales pêcheurs au début du XXe siècle après l’échec de l’Entente interfédérale des pêcheurs de France (Viaud, op. cit.).

disposent peut-être d’un trop plein d'outils (sociétés de secours mutuels, coopératives, syndicats corporatistes, foyers de marins, OP, comités locaux, associations, etc.) qui nuisent à leur capacité de structuration et brouillent ainsi leur représentativité (Chever, 2007, 2009). J-R. Couliou en arrive donc à constater que « la pêche bretonne ne parvient pas à s’ordonner autour de cadres aussi puissants que ceux du système agroalimentaire [...] Comment en est-on arrivé à un pareil éparpillement alors que la solidarité des gens de mer est souvent citée en exemple ? Comment se fait-il que la cohésion des structures ne soit pas plus solide alors que

les prises de conscience de remèdes à l'individualisme remontent au XIXe siècle ? » s’interroge

le géographe (ibid.). Cet éclatement des structures demeure historiquement marqué par une forme de fuite en avant, orchestrée par des individualités qui réagissent au coup par coup, ainsi que par la configuration socio-économique des pêches (variété des métiers), cause de la difficulté d'un discours commun. La crise de confiance des années 1990 fait que les voies coopératives et les systèmes de mutualisation, qui exprimaient jadis une réelle solidarité des communautés halieutiques, ne semblent plus envisagées par les pêcheurs comme indispensables, accentuant la force des individualismes (ibid.).

C’est donc dans le but avoué de raviver les ferments d’une solidarité entre gens de mer ainsi que de rassembler et structurer toutes les parties intéressées de la filière halieutique au sein d’un même organisme que la BFFM est créée en mai 2000. Son objectif premier consiste, selon l’article 1 de sa Charte, à « protéger, défendre et améliorer le sort des communautés qui dépendent de la pêche pour assurer leur subsistance » (BFFM, 2001). Par opposition au « syndicalisme de classe » et à « l’individualisme entrepreneurial » du segment industriel, les pêcheurs artisans français chercheraient à défendre un « modèle d'administration coopératif de

Encadrement et structures professionnelles des pêches maritimes françaises

Les pêches françaises sont organisées en plusieurs structures d'encadrement, dont le dispositif d'ensemble est issu de l'Ordonnance de 1945 et de la décentralisation de 1983. Sur le plan administratif, le littoral est découpé en quartiers maritimes, circonscriptions de base de tout un édifice dominé par le Ministère de tutelle. Deux principaux types de structures professionnelles existent actuellement dans le paysage halieutique hexagonal. Les « structures syndicales », issues de l'Ordonnance de 1945, reposent sur une représentation d’élus issus de l’interprofession et s’échelonnent sur trois niveaux pyramidaux : un comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), une quinzaine de comités régionaux et près d’une quarantaine de comités locaux. La loi de modernisation de 1991 reconnaît à ces organisations un rôle actif dans l’aménagement des pêcheries, principalement à travers un mécanisme qui s’apparente à la co- décision, le comité national et les comités régionaux des pêches étant habilités à prendre des décisions en matière de gestion et de conservation des ressources, tandis que les comités locaux se voient charger de prérogative plus élargies, notamment sur le plan social. Mais depuis les années 1980, les « structures socioéconomiques », des coopératives aux Organisations de producteurs (OP), ont pris une importance croissante. Le mouvement coopératif s’étend à tous les domaines de la profession (mareyage, avitaillement, armement, aquaculture...) et à tous les ports de pêche, formant un réseau multiforme dont les branches sont interconnectées au sein de puissantes confédérations nationales. Du côté des OP, l’objectif consiste à assurer l’exercice rationnel de la production et l’amélioration des conditions de la mise en vente des Pdm (prix de retrait, reports de vente, qualité des Pdm...), conformément à la réglementation communautaire mise en place depuis les années 1970. Leur importance relative et leur assise géographique – quelques 25 organisations réparties au sein de deux grandes fédérations nationales (Fedopa et Anop) – traduisant la vitalité régionale de l'activité et le dynamisme de certains ports (Chaussade et Corlay, 1990 ; Couliou, 1997 ; Rey et al., op. cit.).

l'activité » et développeraient pour cela un « syndicalisme réformiste de producteurs » mieux adapté à leurs discours mobilisateurs qui mettent en accusation « l'industrialisation en cours des pêches maritimes » (Viaud, op. cit. ; Lequesne op. cit.). En veillant à représenter les différentes façades maritimes – Manche, Atlantique et Méditerranée – ainsi que les différentes catégories d’acteurs (syndicat et OP, comités locaux, pêcheurs côtiers et hauturiers, employés du mareyage, associations de femmes, etc.), « les pêcheurs, les hommes et les femmes, actifs ou retraités, directement impliqués dans le travail du poisson et en accord avec les catégories professionnelles définies par la constitution du WFF » peuvent ainsi faire partie de cette structure, sur la base d'adhésions individuelles (art. 3) (BFFM, 2001).

Soutenue par diverses ONG d’appui (figure 36), la BFFM entretient néanmoins des liens particulièrement solides avec le Collectif P&D mais plus encore avec le CLPMEMG – qui héberge le siège social de cette BFFM –, ce qui contribue à donner à cette structure syndicale une apparence fortement « locale ». Au vue de l’histoire syndicale maritime française (Viaud,

op. cit.) et bretonne (Vauclare, op.cit.), ce maillage organisationnel est loin d’être anodin pour

un observateur avisé des mouvements contestataires halieutiques, tant le foyer bigouden fait figure de fer de lance centripète de la cause artisanale. J-R. Couliou montre ainsi que l’épicentre des manifestations suite à la grave crise qui secoue le secteur halieutique français en 1993-1994 se situe au cœur de cette région littorale (Couliou, 1994 ; 1997). Par ailleurs,

Danièle Le Sauce, femme de marin et femme de terrain Indirectement liée au monde de la pêche de part

ses origines bretonnes et du fait que trois de ces oncles exercent dans le secteur, Danièle Le

Sauce entre « difficilement » mais progressivement dans ce monde maritime. Elle enchaîne dans sa jeunesse de petits boulots salariés plus ou moins en lien avec le secteur (serveuse, employée dans une usine de poisson, etc.) puis se marie au début des années 1970 avec un patron-pêcheur concarnois. Cette femme de marin se révèle alors très vite comme une « femme de terrain » (Brun, 2006), comme l’atteste son parcours professionnel et militant. A la fin des années 1980, elle s’engage dans l’entreprise artisanale de son mari (patron d’un navire hauturier de 24 m.) en s’occupant pendant près de 12 ans de la partie administrative en liaison avec un groupement de gestion. Mais c’est véritablement la crise de 1993-1994 qui constitue le moment fondateur de son entrée en militance, tant par solidarité que par révolte. Elle participe ainsi au groupe des femmes au sein du Comité de Survie qui se structure en Bretagne et s’associe aux manifestations (banque alimentaire, barrage, etc.). Son implication dans la contestation l’amène alors à présider tour à tour l’association des « Femmes du littoral de Breta

gne » puis la « Fédération interrégionale des femmes du Littoral » jusqu’à la fin des années 1990. Aux côtés d’autres femmes de marins et de conchylicultrices, Danièle Le Sauce poursuit son combat sur le terrain politique pour une reconnaissance juridique de son activité professionnelle, et notamment pour le statut de conjointe-collaboratrice qui voit le jour en 1997. Mais sa curiosité pour le monde maritime la conduit à militer aussi vers la société civile, en particulier à l’international. Membre fondatrice du Collectif P&D, elle noue de forts liens avec ses homologues féminines, en particulier sénégalaises auxquelles elle rend régulièrement visite. Elle participe aussi au côté d’ICSF et de la CAPE

au Comité consultatif « Pêche et

Aquaculture » de la CE de 2002 à 2006. Sa connaissance multiscalaire du terrain halieutique explique en partie qu’elle accepte d’autres responsabilités de présidence – de la BFFM (2000-2003), au Collectif P&D depuis juin 2009 en passant par WFF (2001-2004 –, à côté de son travail au Centre européen de formation continue de Concarneau pour les lycées maritimes bretons.

l’entrée en lutte de ces pêcheurs artisans – en particulier les hauturiers bigoudens – trouve pour Ch. Menzies un écho favorable dans ce contexte de libéralisation croissante du marché et de crise sectorielle (déclin des ressources, importations massives à bas prix) auxquelles sont confrontés ces producteurs. Ces derniers entament une double campagne de protestation à l’échelle supralocale, l’une politique envers leur secteur corporatif et l’État français, une autre économique à l’encontre de multinationales du secteur. Simultanément, ces pêcheurs et leurs organismes établissent des contacts supranationaux – en particulier avec les artisans sénégalais

(cf. section 4.2.2.3) –, ceci afin d’éviter un risque de marginalisation au niveau local et national

(Menzies, 2000 ; 2002b).

À ce titre, le Comité local du Guilvinec (CLPMEMG) demeure un lieu qui a connu, selon son secrétaire général, « beaucoup de tumultes, de cris individuels, de paroles collectives, mais aussi de réflexion, de propositions, de fraternité et de compassion » (Chever, 2007). Couliou est lui-même impressionné par « le nombre d'élus » qui siègent dans ce comité, ce qui semble répondre « à la multiplicité des tâches du comité, à la diversité des métiers de la mer, disséminés, entre des ports qui ont leur spécificité » (Couliou, 1997). Cette diversité des missions du CLPMEMG (accueil des marins, soutien aux entreprises, proposition de gestion, etc.) ainsi que la multiplicité de ses partenariats (associations, OP, criées, coopératives, syndicats, administrations...) (Chever, 2007) fournissent d’importantes ressources qui vont être mobilisées dans la création de la BFFM.

4.3.2.2 Le COMM, ou la lente maturation d’un syndicat de pêcheurs artisans malgaches

« Une organisation d’appui aux regroupements des gens de mer au commerce comme à

la pêche, qui se veut être une synergie de communication pour une meilleure prise en compte des besoins exprimés par les professions maritimes en [les] conscientisant sur leurs droits et leurs devoirs » (COMM, 2000).

Comme le rappelle au cours d’un entretien personnel le directeur national de l’AMM, « la mise en association ou le renforcement institutionnel des organisations de pêcheurs demeure une