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A LA GLOBALISATION HALIO-AQUACOLE

et 8) basées sur la cuisson et/ou la déshydratation des chairs (séchage, salage, fumage,

2.3 Des dynamiques commerciales asymétriques

Saumons de Norvège, crevettes de Madagascar, homards du Canada, colins d'Alaska, merlus d'Argentine, hokis de Nouvelle-Zélande, pangas du Vietnam,... L’observation des rayons « poissonnerie », « surgelés » ou « traiteur de la mer » de la grande distribution au sein des grands foyers urbains de la planète donne un

assez bon aperçu du tour du monde halio- aquacole actuel (Chaussade et Corlay, 2008) et permet de constater que les denrées aquatiques – en particulier le poisson (figure

19) – continuent leurs migrations bien après

leur capture (Le Sann, 1988 ; Guillotreau et

al., 2008). Ainsi, si la mondialisation

représente « un processus de généralisation des échanges entre les différentes parties du Monde » (Ghorra-Gobin, op. cit.), les Pdm

n’échappent pas à cette tendance lourde, tant leur mondialisation « n’a jamais été aussi forte que maintenant » (Chaussade et Corlay, 2008).

Selon ces auteurs, ces échanges connaissent en effet de profonds changements au cours de ces trente dernières années et s’intègrent de plus en plus au sein du système-monde aquatique. Au gonflement des volumes commercialisés est venu s’ajouter « une offre de plus en plus diversifiée mais concentrée entre les mains d'opérateurs de plus en plus puissants, une géographie des flux plus complexe où dominent cependant les courants Nord-Sud qui contribuent à mettre en place un marché désormais mondialisé mais très fragmenté et

fonctionnant sur plusieurs échelles » (ibid.). L’analyse géographique des principales

caractéristiques de ces flux commerciaux aquatiques confirme très largement ce constat, des principaux pôles émetteurs et récepteurs au détail de la structure des produits et des espèces échangées.

2.3.1 Les grands flux d’échanges aquatiques

2.3.1.1 Quelques données de cadrage aux échelles mondiale et intra-régionale

En 2006, le commerce international du « poisson et de ses dérivés » portent sur un volume record de 53 Mt. pour une valeur évaluée à quelques 78,4 de Mds $ – soit une progression

d'environ 30 % depuis 2000 et de plus de 50 % depuis 1995104. En proportion, si la

participation à l’échange des Pdm ne cesse de s’accroître (+ 140 % depuis 1985) pour atteindre à l’heure actuelle plus de 38 % de la production (équivalent poids vifs et algues exclues), celle-ci porte néanmoins sur des volumes réduits comparativement aux quantités de produits

103

Certains travaux géographiques récents – en particulier ceux de Carré (2008) et de Chaussade et Corlay (2008) ont très largement inspirés l’analyse de ces dynamiques commerciales aquatiques.

104 Depuis 2008, un certain fléchissement de la demande mondiale se fait néanmoins ressentir, du fait notamment des

turbulences financières (FAO, 2009b).

source : campagne des Verts, Parlement européen (2004)

Figure 19 – Certains aliments voient du pays avant d’arriver dans votre assiette…

agricoles ou de marchandises105 circulant sur l’ensemble de notre « planète transactionnelle » (Lévy, 2008). Une première distinction s’opère entre pays du Nord et pays du Sud, tant leur contribution à ces transactions aquatiques apparaît opposée (figure 20). En effet, si les premiers exportent plus des trois quarts de leur production (22 Mt.), les seconds n’en commercialisent qu’un quart (31,7 Mt.). Cet écart réduit (en volume) se doit toutefois d’être remis en perspective vis-à-vis d’une production halio-aquacole du Nord (28,7 Mt.) quatre fois moins élevée que celle du Sud (115 Mt.). En réalité, cette moyenne biaise le rôle majeur joué par ces pays du Sud qui contribuent pour moitié à la valeur des échanges internationaux (42,5

Mds de $)106, pour moitié au volume des flux des denrées aquatiques consommés

annuellement, et pour près des deux tiers au volume des produits à usages non alimentaires (FAO, 2009b ; 2008a).

Figure 20 – La part des produits de la mer échangés aux échelles mondiale, du Sud et du Nord en 2006

L’asymétrie de ces flux commerciaux se distingue également à l’échelle « intra-régionale », dont il est possible d’esquisser quelques grandes tendances générales à l’aide des données FAO

disponibles107 sur la période 2004-2006 (figure 21). Schématiquement, les « régions »

d’Amérique du Sud, d’Océanie et d’Afrique constituent un pool d’exportateurs nets108

auxquels fait face des pôles régionaux fortement ichtyophages et importateurs de pays développés (Europe/Russie, Amérique du Nord). Le pôle asiatique constitue un pôle intermédiaire, sorte de plateforme d’échanges aquatiques vers lequel de multiples flux convergent, et confirme ainsi le rôle toujours plus influent d’une Chine désormais positionnée au centre d'un réseau de flux aquatiques qui la mettent en relation avec les grands pôles d'échanges. Cette figure montre également que les pays développés échangent davantage entre

eux (près de 85 % de la valeur de leurs exportations) que les pays en développement (25 %)109.

On notera à ce titre l’ampleur des échanges intracommunautaires entre pays européens (85 % des exportations et 45 % des importations). Néanmoins, une part croissante des désirs de consommation des pays du Nord (près de la moitié en volume, les trois quarts en valeur) est aujourd’hui couverte par des importations massives du Sud, portant aussi bien des produits de capture (thons, céphalopodes) qu’élevés (crevettes, saumons) ou retransformés (filets de colin)

(cf. section 2.3.2.1). De leur côté, les pays du Sud restent néanmoins tributaires des

productions des pays du Nord, ces derniers demeurant parallèlement leurs principaux

105

La part des Pdm est évaluée aux environs de 9 % et de 1 % de ces volumes respectifs (Carré, 2008).

106

Les PFRDV représentent près de 20 % de cette valeur totale (17,2 Mds $ de gains générés) (FAO, 2009b).

107

Notons que la FAO ne dispose pas de statistiques pour près d’un tiers des pays africains (ibid.).

108

Exportations nettes : valeur totale des exportations moins la valeur totale des importations (ibid.).

109 Seuls les échanges en farine de poisson sont majoritaires entre les pays du Sud (58 % du total), du fait de l’importance

fournisseurs (près de 40 % de la valeur de leurs importations en 2006) : petits pélagiques à bas prix, espèces à valeur élevée pour les économies émergentes, matières premières transformées (puis réexportées), etc. (ibid.).

Figure 21 – Un commerce halio-aquacole mondialisé : les principaux flux et valeurs des échanges par grands ensembles « régionaux » (moyennes 2004-2006)

À l’échelle des nations enfin, force est de constater que le marché de Pdm oscille entre des tendances à la fois oligopolistiques et oligopsoniques, les dix premières nations exportatrices et

importatrices représentant respectivement près de la moitié et des deux tiers des flux échangés à l’échelle internationale en 2006 comme l’illustrent les figures 22a et 22b.

Figure 22a – Les parts respectives des dix premiers pays importateurs et exportateurs dans les importations et les exportations mondiales en 2006

Figure 22b – Les dix premiers pays importateurs (a) et exportateurs (b) en 2006 du système-monde aquatique

2.3.1.2 Les principaux foyers d’exportations et d’importations (en valeur)110

Avec une augmentation moyenne quasi constante de 5 % par an depuis 1996, la valeur des

exportations mondiales de Pdm atteint en 2006 un montant estimé à près de 86 Mds $111. Néanmoins, il semble que les principaux foyers d’exportations connaissent de profonds changements depuis une trentaine d’années (Chaussade et Corlay, 2008), comme l’illustre le classement des dix premières nations exportatrices (en valeur). En effet, avec plus de 10 % du marché en valeur, le géant halio-aquacole chinois domine ultra largement ce club

d’exportateurs et supplante depuis 2002 son homologue asiatique thaïlandais – 3e en 2006

avec quelques 5,2 Mds de $ (près de 6 % du marché) – qui a lui-même devancé les « traditionnelles » grandes nations exportatrices d’Occident au début des années 1990. À

l’heure actuelle, seule la Norvège – 2e avec 5,5 Mds de $ US. (6,4 % du montant global des

exportations) – figure dans le peloton de tête, les autres pays, tels les États-Unis, le Danemark

et le Canada – respectivement situés des 4e aux 6e rangs (autour de 4 Mds de $, ou bien encore

les Pays-Bas (9e) et l’Espagne (10e) avec près de 2,8 Mds de $ US. ayant été déclassées par ces

pays asiatiques. Par ailleurs, de nouveaux venus font leur apparition, tels le Chili (7e) et le

Vietnam (8e) qui exportent ainsi pour près de 3,4 Mds de $ chacun (FAO, 2008a).

110

Les chiffres des exportations diffèrent de ceux des importations car les premières sont déclarées en valeur f.o.b. (franco à bord) alors que les secondes le sont en valeur c.a.f. (coût, assurance et fret) (ibid.).

111

Soit une augmentation de 63 % depuis 1996, mais de 25 % en termes réels (moins l’inflation) (FAO, 2009b).

Du côté des importations – en hausse de plus de 57 % depuis 1996 pour atteindre un montant record de 90 Mds de $ en 2006, certaines permanences temporelles persistent. En effet, compte tenu de la stagnation relative de leur production et d’une demande croissante – voir « insatiable » (Chaussade, 1997) – de leur consommation intérieure, les pays du Nord assurent environ 80 % des importations en valeur (62 % en volume), ce que confirme la hiérarchie des dix premières nations importatrices. Le pôle nippo-coréen y figure en tête, notamment le

Japon – 1er importateur mondial – qui avec plus de 14 Mds de $ dépensés concentre ainsi plus

de 15 % des flux. La République de Corée (10e) importe quant à elle dans des proportions plus

limitées (2,7 Mds de $, 3 % du marché)112. Avec près de 15 % des flux captés en valeur (13,3

Mds de $), les Etats-Unis se situent au 2e rang de ce club d’importateurs. Enfin, l'Europe de

l’Ouest figure comme le dernier pôle importateur majeur : l'Espagne (6,4 Mds de $), la France (5,1), l'Italie (4,7), l'Allemagne (3,7), le Royaume-Uni (3,7) et le Danemark (2,8) y occupent respectivement les places 3 à 9 (ibid.).

Si ce bref aperçu des principaux échanges aquatiques internationaux laisse apparaître certains déséquilibres géographiques sur l’orientation de ces flux, l’analyse ultérieure de la balance

commerciale à l’échelle (nationale) des producteurs (cf. section 3.3.1.1) confirmera cette tendance au « transfert de protéines » du Sud vers le Nord (Chaussade, 1997). Mais pour l’heure, un focus sur la structure des échanges aquatiques nous semble nécessaire pour compléter notre analyse des dynamiques commerciales de la filière.

Ces données (re)interrogent donc avec plus d’acuité la (réelle) contribution de ce commerce halio-aquacole – et de sa libéralisation – en matière de développement.

112

Pour rappel, la Chine occupe le 6e rang avec près de 4 Mds $ acquitté en 2006 dans l’achat de Pdm.

L’influence chinoise dans les flux d’échanges halio-aquacoles

Depuis le début des années 1990, les exportations chinoises enregistrent une nette expansion, principalement due à l’augmentation de sa production aquatique (cf. infra) mais aussi à l’essor spectaculaire du secteur de la transformation du poisson dont elle tire profit par des coûts compétitifs de main-d’œuvre et de production (Lee, 2005). Depuis 2002, le pays figure ainsi au 1er rang mondial des exportateurs de Pdm et atteint en 2006 une valeur d’exportations supérieure à 9 Mds de $ (10 % du marché). Outre les exportations issues de sa production intérieure, la Chine réexporte également des quantités de matières premières importées, au préalable transformées (cf. le filetage de poisson), créant au passage une forte valeur ajoutée. Ses importations ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, et positionne le pays au 6e rang des importateurs mondiaux avec une valeur dépassant les 4 Mds de $ (4,7 % du marché). Cette croissance des importations est particulièrement perceptible depuis l’adhésion chinoise à l’OMC en 2001 – date à laquelle le pays a dû abaisser ses droits d’importation (notamment sur le Pdm) – mais est également à mettre au profit d’une demande intérieure plus forte sur des produits à haute valeur ajoutée que le pays ne produit pas (FAO, 2009b).

2.3.2 La structure des échanges aquatiques

2.3.2.1 Le poids omnipotent des poissons et des produits transformés dans les échanges

Aux dires de la FAO, les Pdm se présentent parmi les denrées alimentaires les plus polyvalentes et sont ainsi utilisés sous des formes ultra variées : vivant, frais, réfrigéré, congelé, chauffé, fermenté, séché, fumé, salé, saumuré, bouilli, frit, lyophilisé, en conserve, etc. (FAO, 2009b). Compte tenu de leur nature hautement périssable, la part des produits

vivants, frais ou réfrigérés ne portent que sur 10 % des volumes échangés (à peine 11 Mt.) –

mais 18 % en valeur –, ce type de produits très apprécié connaissant quelques difficultés dans son transport et sa commercialisation malgré des progrès notables (cf. section 241). Par conséquent, environ 90 % des échanges internationaux portent sur divers produits

transformés (filets ou longes congelés, conserves, séchés ou salés...). Les produits congelés

La libéralisation du commerce international de Pdm, un levier pour le développement ?

À l’exception de quelques pays (Norvège, Danemark), le commerce halio-aquacole ne représente que de faibles parts dans les exportations agricoles et totales des pays développés. La situation est bien différente pour l’ensemble des pays en développement puisque les exportations nettes de Pdm apparaissent d’une importance vitale, tant sur le plan économique qu’alimentaire (cf. section 222). En forte augmentation ces dernières décennies, leur valeur passe ainsi d’un peu moins de 2 Mds de $ en 1976 à plus de 24,6 Mds de $ en 2006 (plus de 10 Mds de $. pour les PFRDV). Ces exportations représentent un pourcentage non négligeable des exportations agricoles ou totales de nombreux pays (Bangladesh, Sénégal, Chili, etc.), dépassant même parfois celles de certaines denrées agricoles (riz, café, thé) (FAO, 2009b ; Lubis et al., 2005). À Madagascar par exemple, la filière crevettière constitue une importante source de richesses (environ 100 M€/an), tant pour l’État puisqu’elle contribue en 2006 à 1 % du Produit intérieur brut (PIB) national et 1,7 % des recettes fiscales publiques, que pour une partie de la société, avec près de 13 000 emplois directs et quelques 40 000 indirects, tous segments confondus (pêche et aquaculture, industriel et traditionnel) (Rajaosafara et

al., 2007 ; Ratsiazo, 2008). Fort du caractère hautement « mondialiste » des Pdm, nombreux sont

ceux qui voient dans ce commerce mondialisé un formidable levier au développement des pays du Sud. Si l’étude menée conjointement par la FAO et le ministère des Affaires étrangères norvégien conclut que ce commerce international de Pdm a plutôt des effets positifs en matière de sécurité alimentaire, de revenus et d’emplois, ce constat mérite d’être nuancé en fonction des pays impliqués dans ces échanges (Kurien, 2005, ICTSD, 2006). En effet, certains se contentent de réexporter après transformation des produits importés – avec peu d’impacts sur leur production nationale (Thaïlande, Taïwan) – alors que d’autres se spécialisent dans l’exportation de produits minotiers (Pérou et Chili) ou exportent la majeure partie de leurs captures du fait de leur faible ichtyophagie (Argentine et Namibie). À l’échelle du sous-continent africain, Béné tempère également cet engouement « pro-fish trade ». Au travers d’une analyse combinant statistiques (FAO) et indicateurs de développement (BM et Programme des Nations-Unies pour le développement, PNUD), il démontre que si la corrélation entre commerce mondial de Pdm et sécurité alimentaire semble se confirmer au niveau macro-économique de la région, la réciproque est beaucoup moins perceptible dans le développement socioéconomique et la réduction de la pauvreté des pays sub-sahariens (Béné, 2008). Enfin, à l’instar de Bairoch pour qui le libre-échange a très souvent signifié par le passé une « accélération du processus de sous-développement économique » envers les pays en développement (Bairoch, 1999), plusieurs études soulignent les inégalités qui persistent dans la répartition de ces gains à l'échange (cf. chapitre 3) (entre autres Kurien, 2005 ; Amhed, 2006 ; ICTSD, op. cit., Allain, 2007). Certains économistes évoquent même une sorte « d’échange écologiquement inégal », soulignant l'incapacité des pays pauvres – pour la plupart spécialisés dans la production de ressources naturelles – à internaliser ces externalités négatives sur le plan environnemental dans le prix de leurs exportations et le « dumping écologique » auquel se livrent les pays riches à leur encontre (Damian et Graz, 2001).

culminent à près de 40 % des volumes échangés (soit près de 22 Mt.) tandis que les produits préparés et en conserves ou transformés de manière « traditionnelle » portent respectivement sur 17 % (9,3 Mt.) et pour 5 % (2,7 Mt.) de ces volumes. Enfin, les exportations de produits non alimentaires représentent un peu moins d’un tiers du volume global soumis aux exportations (16,5 Mt. environ) (ibid.).

Au niveau des principales espèces faisant l’objet de transaction à l’échelle mondiale, la situation a beaucoup changé depuis les années 1980 (Chaussade et Corlay, 2008). Tandis que certaines espèces ou produits ont plutôt tendance à stagner (conserves de petits pélagiques, thonidés frais et réfrigérés...), voire régresser (morues et autres gadidés frais et réfrigérés), d’autres produits bénéficient en revanche de fort taux de croissance, que ceux-ci soient échangés : saumons, filets de poissons blancs en frais ; thons appertisés ; crevettes, thons, filets, céphalopodes congelés, etc. De nouvelles espèces (pangasius) et de nouveaux produits (invertébrés, chairs et pâtes de poisson) font aussi leur apparition sur le marché international des Pdm sous des formes plus diversifiées (préparations ou conserves) (ibid.). Dans le détail, la

figure 23 montre que le groupe des poissons marins se place en tête des Pdm les plus

échangés en 2006, contribuant ainsi aux trois quarts des volumes (près de 40 Mt. équivalent poids vif) pour plus de la moitié de la valeur générée (43 Mds de $). En volume, les Poissons marins non identifiés (PMNI)

arrivent très largement en tête avec plus de 23 Mt. Suivent par ordre décroissant certains groupes comme les morues (5,2 Mt.), les thons (3,7 Mt.), les petits pélagiques (3,3 Mt.) et les saumons (2,5 Mt.). Seuls quelques crustacés (groupe des crevettes avec 3,2 Mt.) et mollusques (groupe des

encornets avec 1,6 Mt.)

figurent dans ce classement, une diversité de poissons d’eau douce (carpes, tilapias) fermant la marche (1,1 Mt.). En valeur, cette hiérarchie est quelque peu modifiée puisque certains groupes tels (saumons et crevettes) y occupent une place plus importante. Si les PMNI sont toujours en tête avec plus de 17 Mds de $, le groupe des

crevettes, avec plus 14 Mds

Figure 23 – Les dix principaux groupes d’espèces échangés en 2006, en volume (en haut) et en valeur (en bas)

de $ arrivent en deuxième place. Suivent ensuite une série de poissons marins – groupes des saumons (10,5), des morues (9) et des thons (7) – auxquels s’ajoutent quelques mollusques – groupes des encornets (3,6) – et crustacés – homards et langoustes (3). Ce que confirment les deux sections suivantes qui présentent les principales espèces ou produits échangés en 2006, le groupe des crevettes se distinguant toutefois très nettement des autres.

2.1.2.2 La crevette, une espèce emblématique des échanges internationaux

La crevette se présente comme une « culture d'exportation intégrée de facto à la

mondialisation » (Goreau, 2006). En effet, la production de ce crustacé enregistre des taux de croissance vigoureux depuis une trentaine d’années, passant de 1,5 Mt. au début des années 1980 à près de 6 Mt. en 2005 (dont 3,3 Mt. pour la pêche contre 2,7 Mt. pour l’aquaculture). Cette formidable augmentation en volume résulte essentiellement des progrès réalisés par un

segment crevetticole qui a plus que doublé depuis 2000 comparativement à la stagnation

relative de captures ubiquistes effectuées sous diverses latitudes (Carré, 2008). Ce fort développement de la crevetticulture s’étend principalement sur les littoraux à mangrove des côtes basses tropicales, en particulier en Asie méridionale (Trent et al., 2004 ; Damanik et

Prasetiamartati, 2007), et dans une moindre mesure, en Amérique latine et en Afrique113

(Carré, 1998b). Sur les quelques 3000 espèces de crevettes recensées à travers le globe, seules

300 relèvent d’un intérêt économique114 et font l’objet d’une production répartie selon deux

foyers principaux (Gillet, 2008) :

- l'Asie du sud et du sud-est livre près de 4 Mt. par pêche et aquaculture (88 % du total mondial), dont la moitié en provenance de Chine, puis (dans l'ordre) de l'Indonésie, de l'Inde, de la Thaïlande et du Vietnam ;

- un second pôle de production – en majorité aquacole – se situe en Amérique latine, du Mexique au Brésil en passant par les « républiques » d’Amérique centrale et l’Équateur, et porte sur des niveaux de production bien moindre (0, 47 Mt., 7 % des apports totaux).

L’essor commercial de cette production crevettière est tel qu’aujourd’hui près de 60 % de la production globale s’échange en 2006, ce qui fait de cette denrée aquatique le Pdm le plus commercialisé à l’échelle mondiale avec près de 17 % des exportations globales en valeur (plus de 14 M de $. de gains générés). Sur le plan de la structure, les crevettes congelées (crues, cuites, décortiquées...) arrivent en tête des échanges (près de 75 %) : Vietnam, Inde, Thaïlande et Indonésie en sont respectivement les principaux exportateurs. Les conserves de

crevettes arrivent en deuxième position et restent dominées par la Thaïlande et la Chine qui

totalisent à elles deux près de la moitié de ce marché en tonnage comme en valeur (Chaussade et Corlay, 2008).

Enfin, si cette production à 95 % tropicale est massivement exportée par plus d’une centaine de pays, le marché de consommation de cette denrée de luxe reste lui concentré dans les pays développés (Carré, 2008) qui absorbent près des trois quarts des importations de ces produits crevettiers (dans l’ordre l’Europe, puis les Etats-Unis et l’ensemble Japon-Corée du Sud). Tout ce commerce implique des flux Sud/Nord de grande ampleur même si ces produits relèvent

113

Avec une production crevettière inférieure à 10 000 t./an, Madagascar reste un producteur marginal à l'échelle du négoce mondial de la crevette, alors que ce produit figure au premier plan des devises nationales (Goedefroit, 2003).

114

fondamentalement des pratiques festives plus que de la sécurité alimentaire des pays du Nord (Chaussade et Corlay, 2008). Autrement dit, par la production (aquacole) de cette denrée, les pays développés utilisent la zone intertropicale et ses faibles coûts de main-d'œuvre pour obtenir des animaux qui conviennent à leurs marchés mais qu'ils ne peuvent élever chez eux, et qui de surcroît sont inadaptés à la consommation de nombreux pays producteurs (Carré, 2008).

2.3.2.3 Les autres espèces et produits échangés

Derrière le groupe des crevettes, les poissons de fond comptent pour près de 10 % des exportations totales en valeur (environ 8,5 Mds de $). Chaque année, de nombreux poissons « blancs », capturés dans les eaux salées du Nord (lieu, morue, églefin, merlu, etc.) mais de

plus en plus élevés dans les eaux douces du Sud (tilapia, pangasius, etc.)115, profitent ainsi

pleinement de la mondialisation du secteur de la transformation (cf. section 2.4.2). Une partie

de ces espèces est traitée au sein des industries aval de pays développés (États-Unis, Islande, Norvège) ou en « périphérie », en Pologne ou dans les pays baltes (produits fumés et marinés transformés). Ceux-ci sont néanmoins de plus en plus massivement importés par le continent asiatique (Chine et Vietnam) pour être filetés sur place et réexportés ensuite congelés vers les marchés de consommation occidentaux (Chaussade et Corlay, 2008 ; FAO, 2009b).

Avec une participation aux exportations mondiales respectivement de l’ordre de 11 % et 8 %