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LES DIMENSIONS SPATIALES DE L’ALTERMONDIALISATION

Partie 2 – Les dimensions spatiales de l’altermondialisation halieutique

4.2 Les structures d’appui au réseau altermondialiste

« Sans organisations de pêcheurs, il ne peut y avoir de réel développement des pêches dans les pays du Sud. Les

initiatives mises en route depuis quelques temps (coopératives, centres de formation, syndicats, etc.) sont de plus en plus nombreuses. Il faut que les populations en gardent l'initiative et en soient maîtresses. Mais il faut aussi qu'elles bénéficient de l'appui financier et technique des pays du Nord. Non pas pour que ceux-ci imposent leurs vues, mais pour les accompagner dans le respect de leur culture et de leur mentalité. Dans ce que l'on pourrait appeler une relation entre partenaires, à égalité, sans rapport de dominant à dominé ».

François Bellec, Pêcheurs des Tiers-Mondes (1986).

Si plusieurs critères de classification existent pour appréhender le monde diversifié des ONG (Rubio, 2004), notre approche marie ici le caractère fonctionnel de ces organisations (développement, solidarité, environnement), l’inspiration ou le fondement de leur mission sociale (confessionnelle, laïque) ainsi que leur champ d’action (local, régional, global). Aussi distinguerons-nous dans cette section des organismes spécialisés des actions de vigilance envers la pêche artisanale en tant que telle de ceux qui s’activent plutôt dans des actions de développement et de solidarité.

4.2.1 Des ONGI spécialisées dans la vigilance de la filière halieutique artisanale

Un premier groupe d’acteurs altermondialistes identifié par Eddy Fougier s’apparente à des organisations de « vigilance citoyenne », contemporaines de l'actuelle phase de mondialisation, car créées en réaction à ce processus et spécialisées dans son étude et son évaluation (Fougier, 2004a ; 2006). Deux ONGI présentes chacune à leurs niveaux scalaires – international et « régional » – retiennent plus particulièrement notre attention, le think tank ICSF et l'observatoire CAPE.

Les raisons de l’agir et de l’engagement : quelques trajectoires militantes du réseau

Pour de nombreux sociologues et politologues, la prise en compte des attributs sociographiques des individus participants aux mobilisations altermondialistes apparaît des plus nécessaires, tant ils dépendent bien souvent de réseaux d'alliances qui comprennent à la fois une série « d'alignements » entre organisations (liens marqués par des activités communes, des alliances formelles, des cibles identiques, etc.) et des formes « d’affiliations » (multi-appartenances favorisant le rapprochement des organisations et la consolidation du réseau) (Coulouarn et Jossin, 2005 ; Fillieule et Blanchard, 2005 ; Ryfman, op. cit.). Ainsi, pour rendre compte des va-et-vient entre les parcours des individus et les organisations auxquelles ils appartiennent, le concept de « carrière » fournit un éclairage diachronique intéressant sur les diverses raisons de l’agir et de l’engagement personnel (Dauvin et Siméant, 2002). Cette notion permet de travailler ensemble les questions des prédispositions au militantisme, du passage à l'acte, des formes différenciées et variables dans le temps prises par l'engagement et de la multiplicité des engagements, et qui restent conjointement influencées par la participation politique ainsi que leur vie de famille et professionnelle (Fillieule et al., op. cit.). Aussi notre appréhension empirique du réseau altermondialiste de l’halieutique s’attache donc à mettre succinctement en lumière certaines trajectoires militantes d’acteurs chevronnés. Ces « militants par conscience » et ces « bénéficiaires potentiels » (Mathieu, 2004) se sont révélés comme autant de personnes-ressources nous guidant à travers les méandres de ce réseau. Qu’il nous soit permis ici de les remercier à nouveau, tant pour les sites Internet qu’ils contribuent à alimenter que pour les informations recueillies lors de nos différents entretiens.

4.2.1.1 L’ICSF, un think tank au service de la « pêche à petite échelle »

« Un avenir où les travailleurs de la pêche et leurs communautés vivent dans la dignité,

maintiennent leur mode de vie et leurs moyens d’existence et s’organisent pour renforcer la démocratie, l’équité, le développement durable et l’usage responsable des ressources naturelles vivantes » (site Internet d’ICSF).

À l’échelle internationale, l’International collective in supports of fishworkers (ICSF)185 se

présente comme la structure d’appui la plus emblématique de ce réseau militant. Celui-ci s’apparente à une sorte de cercle de réflexion et d'influence (think tank) spécialisé dans la reconnaissance et la valorisation des pêches à « petite échelle » (small scale fisheries) et des « travailleurs du poisson » (fishworkers) qui leur sont associés afin d’aider le secteur à sortir de sa marginalisation au sens large (sociale, économique, politique, etc.).

Dans le prolongement d’une Conférence internationale militante organisée à Rome en 1984

(cf. section 6.1.1), un réseau de supporters fishworkers se retrouve en novembre 1986 à

Trivandrum (Inde) à la suite d’une invitation conjointe de deux organismes indiens, le Centre

for development studies (centre de recherche) et la South Indian federation of fishermen societies (organisation de pêcheurs). Un collectif d’appui et d’échanges aux organisations

halieutiques professionnelles du Nord et du Sud prend donc naissance et se fédère autour d’une trentaine de militants associatifs (travailleurs sociaux), de techniciens et d’enseignants- chercheurs (anthropologues, économistes sociologues, biologistes). Issus d’une vingtaine de pays, ces supporters proviennent en large majorité du

Sud, du continent asiatique (Philippines, Thaïlande, Inde) à celui d’Amérique du Sud (Chili, Pérou, Brésil) en passant par l’Afrique (Sénégal, Guinée, Ghana, Afrique du Sud), même si quelques militants européens (France, Pays-Bas, Espagne et Belgique) et canadiens participent également à la dynamique de ce réseau (ICSF, 1986) (figure 37).

Actuellement, cette ONG internationale de droit suisse – enregistrée à Genève depuis 1988 – fonctionne avec deux bureaux principaux, un de coordination à Chennai (Inde), un autre de liaison et de secrétariat à Bruxelles (Belgique). Outre son affiliation officielle au Conseil économique et social des Nations-Unies, ICSF bénéficie aussi du statut d’organisme de liaison au sein de deux instances onu

-siennes (FAO et OIT). Aux dires de ses militants, le collectif est né pour « répondre à la nécessité de développer les échanges internationaux et une action commune afin de soutenir la cause des travailleurs de la pêche dans toutes les régions du monde, [pour] défendre les droits des pêcheurs et améliorer leurs conditions de vie grâce à une exploitation durable des ressources halieutiques » (Vivekanandan, 1996). La mise en réseau des membres à l’échelle mondiale s’effectue donc en toute logique afin que l’engagement aux côtés des travailleurs de la pêche de chaque pays puisse se situer dans une perspective plus large et qu’il soit aussi

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En français, Collectif international d'appui aux travailleurs de la pêche (CIAPA).

Figure 37 – Origine géographique des militants constitutifs du réseau ICSF

conducteur « d’une plus grande solidarité à travers les barrières de cultures, de langues et de frontières nationales » (Kurien, 1994).

Dans cette perspective, le travail d’ICSF se focalise essentiellement sur les fishworkers du Sud dans le but « d’apporter un soutien aux communautés de pêcheurs et aux organisations des travailleurs de la pêche, de renforcer leur capacité de décision afin de maintenir leur mode de vie et leurs moyens d’existence, de leur assurer un travail décent, la démocratie, l’équité, la justice entre les genres, l’autonomie, ainsi qu’un usage responsable des ressources naturelles vivantes » (ibid.). À travers la prise en compte de ces nombreux enjeux transversaux, ICSF se fixe un quadriennal de priorités sur des thématiques diversifiées évoluant selon les périodes et

selon les besoins (p)ressentis des organisations de pêcheurs et de leur communautés186. « En

s'attaquant aux questions locales qui ont des ramifications globales [ainsi qu’aux] questions globales qui ont un impact local » (Kurien, 1994), les tâches d’ICSF consiste en un travail de suivi, de recherche et de communication pour la promotion de la pêche artisanale à travers le monde mais aussi dans le soutien d’activités d’échanges et de formation, de campagnes de sensibilisation, de lobbying et d'action à destination des fishworkers et de leurs communautés (cf. chapitre 5). Ce que résume à sa façon l’un des militants du collectif pour qui c’est « finalement en faisant du lobbying international et en fournissant une information de qualité sur le secteur de la pêche que l’ICSF est parvenue à poser son empreinte » (Vivekanandan, 2006). Parallèlement, l’ONG soutient l'émergence d'organisations nationales de pêcheurs et leur participation aux décisions de différents lieux de pouvoir (nationaux ou internationaux), comme l’illustre son implication dans l’émergence d’un Forum mondial de pêcheurs artisans (cf. sections 4.3.1 et 6.3.1).

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Entre 1999-2002, ICSF concentre ainsi ses efforts sur quatre thématiques principales : modes de vie alternatifs et bien- être social ; communautés et gestion intégrée des zones côtières ; commerce, marché et investissements ; impacts des changements technologique et environnemental. Depuis 2006, elle s’implique plutôt en matière de droits de base communautaires et des droits humains, de politiques et de pratiques commerciales, de conditions de travail et de pratiques aquacoles (site Internet d’ICSF).

Brian O’Riordan, un militant de la pêche artisanale de la première heure Brian O'Riordan est engagé depuis plus d’une

trentaine d’années dans la défense et la promotion de la pêche à petite échelle. Sa première expérience du métier d’artisan- pêcheur lui vient au sortir de l’Université dans les années 1975 de part ses proches (d’abord son beau-frère, puis un de ses amis). Ce Britannique d’origine irlandaise travaille ensuite pendant quelques années au sein de différents segments de la filière : exploitant halieutique puis aquacole, commerçant, coopérant technique dans les projets de pays en voie de développement, etc. En 1986, il devient responsable du programme Pêche au sein d’une ONG anglaise – l’Intermediate tech

nology development group (ITDG) – basé à

Rugby et participe en tant qu’observateur à la création du réseau ICSF en Inde. C’est donc en toute logique que ce militant, familiarisé aux pêches de petite échelle du Sud, succède en 1999 à Pierre Gillet au poste de secrétaire général du bureau d’ICSF-

Bruxelles en Belgique, poste qu’il occupe

toujours aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années, son travail consiste prioritairement en des activités de soutien et de plaidoyer envers les organisations de pêcheurs artisans du Sud et du Nord en vue de promouvoir des échanges plus équitables entre ces derniers.

Pour accomplir l’ensemble de ces tâches, le collectif reçoit l’appui financier de plusieurs partenaires, principalement anglo-saxons (figure 36) :

- deux agences nationales de coopération et de développement : la NORAD (Norvège) en très

grande majorité, et par le passé l’ACDI(Canada) ;

- un organe onusien : le département Pêche de la FAO187 ;

- plusieurs ONG européennes, intervenant dans le champ du développement – CCFD (France), OXFAM (Hong Kong), Misereor (Allemagne), HIVOS (Pays-Bas) – mais aussi dans celui la conservation (SwedBio et SSNC, Suède).

4.2.1.2 La CAPE, un observatoire des relations halieutiques UE-ACP

« Fournir aux communautés côtières de pêche, une information

détaillée qui facilite leur participation active et informée dans les processus de prise de décision qui ont une influence sur leur vie quotidienne, en particulier dans le cadre des relations « pêche » entre l’Union européenne et les pays ACP » (site

Internet de la CAPE).

À une échelle plus « régionale », la Coalition pour des accords de pêche équitables

(CAPE)188 se présente comme un autre acteur pertinent de cette contestation de part ses activités d’observation des relations halieutiques entre pays du Nord et pays du Sud. À l’origine, la création de cette ONG relève de la conjugaison de trois facteurs principaux :

- une demande appuyée de pêcheurs sénégalais à l’égard du bureau d’ICSF-Bruxelles afin d’être davantage informés sur les accords de pêche qui se déroulent entre leur État et la CE ; - une opportunité d’accès par ce bureau d’ICSF-Bruxelles à certains textes confidentiels concernant les accords de pêche en cours entre la CE et certains pays africains ;

- un intérêt manifeste pour la question halieutique de la part de certains mouvements anti- apartheid anglo-saxons engagés dans des mouvements d’indépendance en Afrique.

Suite à une rencontre initiée en décembre 1992 par ICSF-Bruxelles autour de la « Bataille pour le poisson », une quinzaine d’ONG de diverses origines – transnationales, anglo-saxonnes (Grande-Bretagne et Irlande), francophones (France et Belgique) (figure 36) – se regroupent au sein d’une plate-forme spécifiquement dédiée à la problématique des relations halieutiques

entre pays européens et pays tiers (surtout ACP). En tant que « bras armé » d’ICSF, la CAPEa

pour but de mener des actions communes visant principalement à infléchir les politiques et les pratiques communautaires (accords de pêche, relations commerciales, sociétés conjointes) envers ces pays tiers tout en mettant en exergue l’importance qu’occupe la pêche à petite échelle « multi-fonctionnelle » dans l’économie de ces pays.

Plus précisément, son travail consiste à fournir aux communautés côtières du Sud une information détaillée sur les enjeux des relations pêche ACP-UE, ainsi que sur les calendriers de prise de décision, afin de faciliter leur participation active et informée dans ces processus qui les affectent au quotidien : conservation des ressources, sécurité alimentaire, conditions de vie et d’emploi, etc. Pour cela, la CAPE sensibilise et mobilise un certain nombre de partenaires (organisations de producteurs, États, ONG) sur des stratégies d’actions communes

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Qui finance notamment la participation du collectif au sein de l’International planning comitee for food soverainety (IPS) que l’organisme gère.

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telles que la mise en place de programmes d’accompagnement et de suivi, l’organisation de rencontres-débats, l’animation de réseaux entre partenaires, etc. Parallèlement à ces activités, la coalition mène des actions de lobbying auprès des grandes instances dirigeantes du secteur. Depuis une douzaine d’années, elle a su se créer un espace au sein des institutions européennes et onusiennes afin de pouvoir poursuivre son activité de veille, et installe son siège à Bruxelles, au côté du bureau d’ICSF. Ainsi l’ONG dispose actuellement de multiples leviers d’écoute au sein de ses structures : participation des délégations africaines au sein de certaines réunions de la FAO ; attribution d’un siège de membre aux Comités consultatifs « pêche et aquaculture » et « pêche lointaine » de la CE depuis 1998 ; contacts-relais avec les experts pêche de certains groupes politiques du Parlement européen, etc.

Mais très vite le besoin se fait ressentir de pérenniser les activités de cette coalition en renforçant sa capacité d’expertise informationnelle. À côté du soutien actif de certains de ces

membres fondateurs189, la CAPE collabore aussi avec un « stock renouvelable » de partenaires

composé aussi bien d’ONG intéressées par des campagnes ponctuelles et spécifiques sur la

pêche190, de centre institutionnel (Centre technique de coopération agricole et rurale, CTA) que

d’organisations professionnelles de pêcheurs d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mauritanie, Guinée, Sierra Leone) ou de quelques médias africains (Syfia).

4.2.2 Des organisations de solidarité envers les fishworkers artisans

Un second groupe d’organismes impliqué dans ce réseau contestataire concerne des ONG de solidarité internationale « tiers-mondistes », souvent d’obédience religieuse (chrétienne), et dont l’action majeure consiste à venir en aide à des populations spécifiques – les fishworkers du Nord au Sud – tout en liant leurs luttes ou actions à un discours global de critique de la mondialisation néolibérale (Fougier, 2004a ; Cohen, op. cit.). Parmi celles-ci, quatre structures

francophones retiennent plus particulièrement notre attention : deux ONG à vocation

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CCFD, ICSF, Greenpeace, Entraide & Fraternité, auquel s’est rajouté le Collectif P&D.

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C’est le cas d’Agir ici pour l’aide au développement à Madagascar en 1999 (cf. figure n) ou bien de la SSNC autour de questions relatives à la participation des communautés côtières au processus de décision (2008)...

Béatrice Gorez, une militante écologiste qui épouse la cause paysanne puis halieutique Après de courtes études en zoologie, Béatrice

Gorez débute sa « carrière militante » au cours des années 1980 comme membre, puis élue, du parti écologiste belge francophone Ecolo. En parallèle, elle travaille d’abord pour l’organisme de commerce équitable « Max Havelaar » et collabore ensuite avec le « Collectif stratégies alimentaires » où elle est sensibilisée à la dimension Nord-Sud des enjeux agricoles. C’est notamment à la suite d'un voyage d'études pour le parti écologiste en 1993 qu’elle découvre, sous la houlette du responsable d’ICSF-Bruxelles Pierre Gillet, le

secteur de la pêche en Bretagne ainsi que certains membres du réseau impliqué dans la défense de la pêche artisanale – CCFD, groupe Pêche de Solagral (cf. sections suivantes). Recrutée par l’ONG d’appui ICSF, elle devient l’année suivante coordinatrice de la plateforme d'ONG environnementales et de développement CAPE. Fonction qu’elle occupe toujours aujourd’hui en parallèle de ses activités de consultante sur le volet « pêche » du portail web « Agritrade » pour le compte du CTA.

internationale (le CCFD et la Fph), une association (le Collectif P&D) et une structure d’église (l’AMM) à vocation plus nationale.

4.2.2.1 Le CCFD, une ONG catholique dévouée à la coopération et au développement

« Le CCFD-Terre solidaire a reçu pour mandat de la Conférence des évêques de France de

mobiliser la solidarité des chrétiens, […] mobilisation qui est mise au service de ses deux missions : l'appui aux partenaires du Sud et l'éducation au développement » (site Internet du CCFD).

Au début des années soixante, répondant à l'appel lancé de la FAO pour la lutte contre la faim dans le monde, une trentaine de mouvements d’action catholique et de services d’Église se constituent en association pour susciter et encourager des actions de solidarité nationale et internationale avec le « Tiers-monde ». Ainsi naît en 1961 le Comité catholique contre la faim (CCF) qui s’adjoint quelques années plus tard le qualificatif de développement pour devenir en 1984 le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), aujourd’hui

première ONG française de solidarité internationale (CCFD, 2007)191. Dès son origine, la

philosophie des actions du Comité repose sur une « catholicité horizontale » qui vise à mettre en œuvre le développement basée sur l’idée de la dette sociale du Nord vis-à-vis du Sud. Cette conception « tiers-mondiste » tend à expliquer le fait que l’organisation ne se considère pas comme un « opérateur » du développement mais travaille plutôt sur une relation égalitaire et dans une stratégie à long terme avec ses « partenaires » (Maindo et Delazay, 2007).

Concrètement, avec près de 40 M€ de budget annuel192, les actions de développement

financées par l’ONG portent sur la promotion d’une part de plus de 500 initiatives et projets décidés et mis en œuvre par les partenaires de quelques 70 pays du Sud, et d’autre part sur une politique de sensibilisation et d’éducation au développement en France, en s’appuyant sur le réseau d’acteurs religieux constitutifs du Comité.

Dans sa « recherche d’alternatives [...] au type dominant de développement mondial », le CCFD souhaite favoriser des transformations sociales et renforcer la citoyenneté mondiale ».

Confronté à un marché de l’aide au développement de plus en plus formaté et concurrentiel193

l’ONG développe depuis le début des années 2000 une triple stratégie d’actions. La première consiste à renforcer l’approche « politique » de l’organisation en développant des activités de « plaidoyer » et de lobbying auprès de ses partenaires du Sud. La deuxième porte sur une « thématisation » systématique de ces champs d’activités et d’intervention, comme l’illustre le nouveau rapport d’orientation de 2008 (souveraineté alimentaire, égalité des genres, etc.). Enfin, la dernière évolution repose sur une évaluation interne des « partenariats » contractés, ceci afin de dépasser la seule logique « projet », de rationaliser son réseau et de mettre en place des critères objectifs d’évaluation (ibid.). L’intérêt de l’ONG pour le domaine maritime, et plus particulièrement pour le secteur de la pêche artisanale, l’amène à soutenir les organisations de pêcheurs ainsi que les autres structures d’appui à la fois sur le plan politique, au moyen de

191 L’ONG dispose d’une structure permanente de 170 salariés ainsi que d’un réseau de plus de 15 000 bénévoles répartis

dans une centaine de comités diocésains et quelques 1500 équipes locales. Elle possède par ailleurs le statut de consultant auprès du Conseil économique et social des Nations-Unies et participe activement à des réseaux et collectifs nationaux et internationaux, etc. (CCFD, 2007).

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Provenant aux alentours des 90 % de dons privés, le reste étant co-financé par des bailleurs de fonds publics, en particulier le ministère des Affaires étrangères français (Maindo et Delazay, op. cit.).

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Plusieurs facteurs interviennent : multiplication d’ONG « concurrentes » (droit-de-l’hommisme, urgentisme..), réorientation des flux de l’aide (privatisation, société civile...), etc. (Maindo et Delazay, op. cit. ; Cohen, 2004).

multiples actions de plaidoyer, de lobbying, de sensibilisation et d’échanges d'expériences, mais également sur les plans financiers et logistiques, en octroyant directement des aides à de nombreux membres du réseau altermondialiste halieutique (cf. figure 36).

Dans les faits, l’implication du CCFD au sein du mouvement altermondialiste remonte au début des années 1980 et s’inscrit dans le prolongement des conférences de Rome (1984) et

Trivandrum (1986) (cf. section 6.1.1). À la suite de ces deux événements, le CCFD décide de

se doter en interne d’un groupe de réflexion et de travail sur les questions maritimes (pêche et marine marchande), le groupe Mer, constitué de professionnels du milieu maritime français