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Typologies des modes de liaison avec une entrée « subordination »

Incidence & subordination

B) Typologies des modes de liaison avec une entrée « subordination »

i) Typologie à cinq entrées : Gardes Tamine (2015 : juxtaposition, coordination, subordination, corrélation, incise/parenthèse).

ii) Typologie à quatre entrées : Verjans (2013 : subordination, coordination, juxtaposition, corrélation), Riegel, Pellat & Rioul (2016 : juxtaposition, coordination, subordination, insertion).

iii) Typologies à trois entrées : Dubois & Lagane (1973), Chevalier & alii (1990), Lagane (1995), Gobbe & Tordoir (1999), Académie française (2000, 9e éd.), Baccus (2002), Leeman (2002), Delatour & alii (2004), Eluerd (2008), Porée (2011), Simard & Chartrand (2012), etc. (Subordination, coordination, juxtaposition).

iv) Typologies à deux entrées-mères : Grevisse (1975, 1980), Grevisse & Goosse (1980 ; 1986, 1993, 2007, 2011, 2016), Béchade (1994), Denis & Sancier-Château (1994), Tomassone (2002), Cherdon (2005), Pellat (2009), Gousseau (2010), etc.

À l’homogénéité de la famille d’auteurs listés en « B.iii » répond une hétérogénéité inégalable des organisations des modes de liaison du côté des grammairiens indexés en

43 Décennie choisie pour ce qu’elle signe l’entrée dans l’ère de la quatrième grammaire scolaire (cf. Piron 2010b).

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« B.iv ». Dans cette dernière catégorie, la typologie traditionnelle (coordination vs

subordination) côtoie une série d’organisations systémiques dans lesquelles la

subordination n’occupe pas l’une des deux entrées-mères (e.g. Tomassone 2002 ; tableau 3). Il arrive également que la subordination soit présentée comme un métaterme non essentiel, la préférence étant alors donnée au substantif hypotaxe (e.g. Pellat 2009 ; tableau 4).

Mécanismes de liaison

Parataxe Hypotaxe

Coordination Juxtaposition Subordination Insertion Incise Incidente Tableau 3 – Typologie à deux entrées selon Tomassone (2002)

Mécanismes de liaison

Parataxe Hypotaxe

ou subordination

Coordination Juxtaposition

Tableau 4 – Typologie à deux entrées-mères selon Pellat & alii (2009)

Qu’elle s’effectue sous l’angle de la subordination ([1], [30]) ou de la juxtaposition ([a], [26]), la comparaison de ces typologies donne ainsi à voir une palette de façons d’envisager les modes de liaison en français qui, parce que ces organisations ne se recoupent pas toujours (cf. A vs B), peut laisser perplexe le lecteur non initié. Un constat identique peut être dressé à partir de l’observation des définitions mêmes des notions convoquées par ces typologies, comme la « subordination ».

1. DE LA SUBORDINATION À L’INCIDENCE

Le croisement de différents regards contemporains portés sur la subordination en grammaire et en linguistique fait ressortir la plurisémanticité du terme, mais également son application dans des domaines de la linguistique parfois très différents de la syntaxe ([1], [30]) – bien que celle-ci reste son champ de prédilection44.

A) LA SUBORDINATION EN LINGUISTIQUE

La subordination est retrouvée en sémantique, d’abord : sous la plume d’Andersen (1995), elle prend la forme d’un « rapport de dépendance » (1995 : 45) entre deux propositions, que traduit par exemple une relation de cause à conséquence. Cette idée est retrouvée notamment dans les travaux d’Allaire (1982) et de Culicover & Jackendoff (1997) au chapitre de l’analyse des structures corrélatives (plus ou moins) isomorphes

44 Bien que le développement de la subordination doive beaucoup à l’essor des propositions subordonnées au début du XIXe siècle (cf. [a]), il est à noter toutefois que le terme subordination bénéficiait déjà d’une acception grammaticale au XVIIIe siècle (Raby 2002). En atteste par exemple cet extrait de l’Encyclopédie : « SUBORDINATION, s. f. (Gramm.) est un terme relatif qui exprime les degrés d’infériorité entre une chose & une autre. […] (Diderot & d’Alembert, L’Encyclopédie, 1765 [1751] : 571).

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(e.g. Plus il parle, plus il assomme son public ; One more can of beer and I’m leaving), lesquelles sont décrites comme des cas de coordination syntaxique doublée d’une

subordination sémantique. Sans être identique, cette façon de regarder les phrases

corrélatives ne va pas sans rappeler la subordination sémantique de Ducrot (1972 ; Anscombre & Ducrot 1977), directement inspirée des phrases liées de Bally (19442) (cf. Larcher 1992).

Chez Ducrot, il y a coordination sémantique chaque fois qu’il y a deux phrases et que l’une prend l’autre pour thème, autrement dit chaque fois qu’elles font l’objet d’énonciations reliées mais distinctes, que ces deux phrases soient, sur le plan syntaxique, juxtaposées, coordonnées ou l’une subordonnée à l’autre (alors qu’en ce dernier cas, Bally parle de phrase segmentée). Et il y a phrases liées = subordination sémantique chaque fois qu’il y a deux phrases fondues en une seule structure sujet-prédicat (complexe), autrement dit chaque fois que ces deux phrases font l’objet d’une énonciation unique, que ces deux phrases soient sur le plan syntaxique coordonnées ou subordonnées. (Larcher 1992 : 35)

En revanche, ce n’est pas tant le sens que donne Sekali (2012) à l’expression « subordination sémantique ». Selon elle, il est plus approprié de :

[…] définir la subordination sémantique en tant qu’opération linguistique marquée, par laquelle un énonciateur asserte, par un ou plusieurs signes linguistiques en interaction, l’existence d’un processus de repérage inter-énoncés qui prend pour cible le niveau énonciatif de la structuration du premier conjoint P. (Sekali 2012 : en ligne)

Cette acception de la subordination sémantique procède évidemment du cadre théorique retenu, plutôt culiolien (cf. Culioli 1999). Comme chez Ducrot (1980, 1984), la subordination met ici les voiles vers une acception plus énonciative, l’énonciation étant un autre domaine dans lequel la notion grammaticale a trouvé matière à se déployer. Bres (1999, 2014), notamment, mêle la subordination à la problématique du dialogisme,

(1) Il savait, sans en pouvoir douter, qu’il aimerait cette femme. (Balzac, Béatrix)

La subordination syntaxique signale la subordination énonciative : le locuteur-énonciateur E1, à savoir ici le narrateur, rapporte la pensée (savait) d’un autre énonciateur e1, (il), cette énonciation enchâssée (e) est antérieure pour E1, le procès de son contenu (aimer) est ultérieur pour e1. (Bres 2014 : 23)

dans laquelle les conjonctions subordonnantes (comme que ou puisque) jouent un rôle potentiellement important : « Que, subordonnant syntaxique, offre ses services à la

subordination énonciative. Cette aptitude se trouve réalisée dans la causale introduite par puisque, et par certaines subordonnées en position initiale thématisante » (Bres 1999 : en

ligne).

De même, l’examen des structures corrélatives en à peine (e.g. À peine elle est rentrée,

elle râle déjà) invite Maurel (1992 : 72-76) à admettre l’existence d’une forme de subordination énonciative distincte de la plus traditionnelle subordination syntaxique eu

égard à la relative autonomie (ibid. : 72) intonative des prédications45 liées dans les schémas en « À peine…, … ».

Alors que la subordination « syntaxique » […] obéit aux mêmes géométries que celles de la syntaxe (une S enchâssée a des fonctions ordinaires dans la S matrice : complément, modificateur, etc.), la subordination « énonciative » fait apparaître des arrangements superficiels dont les figures

45 Dans ce travail, nous utiliserons les termes prédication et proposition en synonymes l’un de l’autre. Dans les deux cas, il conviendra de désigner un groupe prédicatif comportant un verbe conjugué à un temps fini.

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principales sont la succession ou l’interruption. Chaque séquence en effet est une manifestation distincte de l’activité du locuteur et doit donc pouvoir recevoir une intonation propre ; et la voix est contrainte par la linéarité. (Maurel 1992 : 74)

Cette même idée est rencontrée chez Muller (20021/20082), qui considère à son tour la perte de propriétés énonciatives d’une prédication comme la manifestation d’une « subordination énonciative » (Muller 2008). Parce qu’elle n’en est pas le calque fidèle, celle-ci apparait indépendamment de la réalisation d’une subordination syntaxique (ibid.). C’est d’ailleurs plus ou moins dans cette acception que l’étiquette de

subordination énonciative est utilisée par Mignon, aussi, sur la base cette fois de l’étude

des enchainements du type « [...]. Non X. ». Dans ces derniers, explique l’auteure, la relation d’interdépendance qui lie les deux parties donne à voir une subordination

énonciative.

À ce jour, la subordination est également évoquée dans les travaux de pragmatique. Elle est liée alors aux actes de langage. Forsgren, par exemple, répertorie quatre réalisations de subordination pragmatique (1996 : 179-180), dont la subordination argumentative qu’il reprend à Roulet & alii (1985) – et qui offre la particularité d’opposer un acte

subordonné à un acte directeur (Forsgren 1996 : 180). Rubattel (1987, 1988), de même,

recourt à la notion de subordination pragmatique. De son avis, « La subordination pragmatique peut être marquée par la subordination syntaxique, par la coordination ou par la juxtaposition » (1988 : 15). Si elle double systématiquement les subordinations syntaxiques, la subordination pragmatique n’est en revanche pas toujours rencontrée aux côtés d’une coordination syntaxique. Elle l’est cependant lorsque la connexion syntaxique s’effectue au moyen des conjonctions mais, car ou or – « si tant est », ajoute l’auteur, « que ce soient vraiment des coordonnants » (1987 : 381)46.

En outre, la notion de subordination est parfois exploitée, encore, à des fins plus spécifiquement informationnelles. Dans une série de travaux (Ferrari & Mandelli 2010 : 281, Ferrari & Ricci 2011 : 43, etc.), la subordination désigne en effet l’organisation, dans une construction47 pluri-informationnelle (e.g. Je veux qu’il s’en aille vs Il dit qu’il

a faim), des différentes informations. Une information sera ainsi dite subordonnée à une

information principale si elle est jugée secondaire par rapport à cette autre information (Andersen 1996). Inscrite dans la continuité des subordinations énonciative et pragmatique, la subordination informationnelle voit son appellation ainsi réservée aux questions des répartition et pondération des informations au sein d’un énoncé.

La subordination croise enfin la route du marquage, lexical et prosodique. La

subordination lexicale, d’abord, également appelée – paradoxalement – « subordination sans marqueur » (Béguelin 2010 : 28), est parfois évoquée dans le cadre des structures

corrélatives du type Plus il dort, plus il est fatigué, sans conjonction apparente. Elle est plus fréquemment rencontrée au détour de l’examen de phrases comme Il peut toujours

parler, je ne le crois pas (Marcotte 1997 : 16), qui illustrent sans doute mieux la jonction paratactique/juxtaposante/asynétique. Plus souvent retrouvée sous l’étiquette subordination implicite (Antoine 1958 : 429, Remacle 1960, Wagner & Pinchon 1962,

46 Nous reviendrons sur cette question dans la troisième partie de ce document de synthèse.

47 Dans ce mémoire d’habilitation, nous utiliserons le terme construction en synonyme des termes structure ou tour (syntaxiques). Dans les trois cas, il s’agira de désigner alors le patron syntaxique de la phrase étudiée.

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Damamme Gilbert 1989 : 157, Morel 1996 : 154, Garagnon & Calas 2002, Verjans 2013 : 155, etc.),

Subordination implicite : relation entre deux propositions, dont la première est interprétable comme la subordonnée de celle qui la suit, sans être introduite par une conjonction de subordination. Toutes les propositions relevant de la subordination dite « implicite » […] présentent un marqueur lexical (avoir beau, pouvoir), ou sont marquées par un mode spécifique (conditionnel), qui permet d’analyser leur statut de « subordonnée » […] par rapport à la proposition à laquelle elles sont associées. (Morel 1996 : 154)

cette acception de la subordination concerne finalement autant les registres de la morphologie et de la syntaxe que celui du lexique à proprement parler. Au demeurant, cette réalisation de la subordination est souvent étudiée conjointement sous l’angle de la prosodie, ce qui a pour effet de doubler la subordination implicite/lexicale d’une

subordination prosodique. Pour autant, les deux types de subordination (lexical et

prosodique, donc) ne sont pas intimement liés ; c’est pourquoi l’identification d’une

subordination prosodique (Martin 2013a, 2013b ; Di Cristo 2016) dans un énoncé

présentant une conjonction (= subordination explicite) demeure tout à fait possible comme le montre Martin (2013a, 2013b), notamment à travers les exemples qu’il dissèque à la loupe de la macrosyntaxe aixoise (2013a : 420-421). En effet, par-delà le problème que pose toute identification hâtive du mode de liaison en fonction du type de conjonction utilisée (et de l’analyse qui en est traditionnellement faite)48,

il a été établi depuis longtemps qu’il n’y a pas nécessairement de congruence entre l’organisation syntaxique et la structure prosodique d’un énoncé [MAR[TIN 20]09]. Rien ne garantit alors qu’une relation de rection ou son absence puisse être inférée à partir des seuls faits prosodiques de regroupement ou non des unités correspondantes, qui seraient alors considérées d’emblée comme dominants par rapport à d’autres indications morphosyntaxiques. (Martin 2013a : 411)

Si elle n’ancre pas ses racines dans la morphosyntaxe, la subordination intonative se présente donc comme une réalisation différente et singulière, encore, de la subordination lexicale (Groupe de Fribourg 2012, Avanzi 2012, Avanzi & Johnsen 2015). Selon Martin, les coordination ou subordination prosodiques ne peuvent d’ailleurs être révélées autrement que par ces quelques principes :

Sur l’axe temporel, les groupes A et B sont perçus séquentiellement par l’auditeur. S’ils se terminent par des contours mélodiques identiques (c’est-à-dire reconnus comme apparte[nant] à une même classe), leurs composants A et B seront identifiés comme étant dans une relation de coordination […]. S’ils se terminent par des contours différents, soit B se termine par un contour hiérarchiquement supérieur à celui placé en fin de A, et A sera subordonné à B […], soit B se termine par un contour hiérarchiquement inférieur à celui placé en fin de A, et A et B n’auront pas de relation directe de coordination ou de subordination (Martin 2013a : 413)

***

Quoiqu’il reste certainement incomplet, ce premier tour d’horizon montre combien la notion de subordination est polysémique à ce jour : elle touche désormais tous les domaines de la linguistique (la sémantique, l’énonciation, la pragmatique, l’information, le lexique, la prosodie, etc.), et son acception, loin d’être unifiée aussi au sein de ces différentes branches de l’étude du langage, est à ce point multiple que l’on pourrait penser qu’elle est fonction du linguiste étudié. Ce constat ouvre la porte à un autre questionnement, celui de l’incertitude du signifié qu’assignent les syntacticiens à la

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subordination syntaxique : la subordination est-elle entendue de la même façon par tous

les grammairiens et linguistes qui l’étudient sous l’angle particulier de la connexion

syntaxique ?

B) LA SUBORDINATION EN SYNTAXE

S’il est important de préciser que nous retiendrons exclusivement l’acception syntaxique de la subordination, il ne faut pas bien longtemps avant de constater que le terme

subordination n’est pas mieux circonscrit dans les études de syntaxe. Que l’on examine

son champ d’application (§ a) ou les critères avancés pour définir la notion (§ b), la subordination reste une notion grammaticale difficile à cerner tant ses acceptions sont multiples ([1], [30], [a]).

(a) Concernant son domaine d’exercice, force est de constater que le terme subordination n’est pas toujours employé pour désigner un même cas de figure : alors que « Le chat

parti, les souris dansent » exemplifie une subordination propositionnelle (participiale)

d’après la grammaire de Baccus (2002 : 107), la liaison des deux parties de la phrase resterait sans étiquette si l’on s’en remet à la grammaire de Simard & Chartrand (2012 : 188-189). La raison de cette différence est à chercher du côté de l’étendue même des phénomènes grammaticaux couverts par la subordination, plus ou moins large selon les auteurs. De manière plus générale, la lecture et la comparaison de différents discours grammaticaux et linguistiques sur la portée du champ d’application de la subordination ouvrent la porte à la création d’un continuum, allant des acceptions les plus restreintes de la subordination à ses étendues les plus larges.

• La première entrée de ce gradient, son terminus a quo, reprend l’acception la plus étriquée de la subordination. À ce stade, la subordination est cantonnée au domaine propositionnel, et les propositions se caractérisent prototypiquement par la présence d’un verbe conjugué à un temps fini (indicatif, subjonctif). C’est l’option que retiennent entre autres Van Raemdonck (20111) et Simard & Chartrand (2012), ou encore Gardes Tamine (2015)49.

• Le deuxième stade rassemble les grammairiens et linguistes qui envisagent également la subordination sous l’angle des liaisons de propositions mais qui définissent différemment la proposition : définie par la seule présence d’un verbe, cette dernière peut aussi bien intégrer un verbe conjugué à un temps fini (cf. stade 1) qu’un verbe à un temps non fini (participe, infinitif). Ce principe permet la reconnaissance des propositions participiale et infinitive, qui sont donc deux types de propositions subordonnées (Grevisse 198011 et éditions antérieures ; Chevalier & alii 1990 : 126 ; Baccus 2002 : 108 ; Tomassone 2002 : 168 ; Riegel, Pellat, Rioul 20043 : 473-474 ; Eluerd 2008 : 167 ; Verjans 2013 : 83 ; Pellat & Fonvielle 2016 : 285).

• Illustré par une maigre poignée de grammairiens et linguistes, le troisième

échelon de ce continuum doit sa reconnaissance aux discours qui font de la

subordination un mécanisme de liaison propositionnelle (peu importe le temps

49 Après avoir discuté les cas des « propositions infinitives » et « propositions participiales », Gardes Tamine choisit en effet de leur refuser l’accès à la subordination (2015 : 182-183).

É te ndue du c ha m p d’ app lic at io n de la s ubor di nat ion

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de conjugaison du verbe de la prédication subordonnée) et qui admettent, de surcroit, que la subordination se déploie également au niveau des liaisons de groupes prédicatifs seconds à noyau vide (e.g. Brillante, elle réussissait tout). Cherdon (2005), par exemple, identifie une subordination du groupe50 Tout à

fait soûl à la prédication première il s’endormit dans la phrase « Tout à fait soûl,

il s’endormit » (2005 : 164).

• Le terminus ad quem concentre les discours qui octroient une large amplitude à la notion syntaxique examinée : à ce stade, la subordination s’applique à toutes les liaisons syntaxiques associant un élément apport à un élément support (Dubois & alii 1973, par la première des deux acceptions données dans leur dictionnaire51 ; Martinet 1979 ; Grevisse & Goosse 1980 ; Grevisse & Goosse 198612, 199313, 200714, 201115, 201616 ; Ancourt & Denuite 1992 ; Braun & Cabillau 2007 ; Van Raemdonck 20162). Grevisse & Goosse, entre autres, définissent la subordination comme toute

relation qui unit, à l’intérieur de la phrase, des éléments qui ne sont pas du même niveau, qui ont des fonctions différentes, dont l’un dépend de l’autre. Ils forment un groupe, un syntagme, dans lequel il y a un élément syntaxiquement plus important, le noyau, qui est comme le support des éléments dépendants, subordonnés, appelés généralement compléments. (Grevisse & Goosse 198612 : 408 ; 199313 : 387)

Pour ces auteurs, la subordination est donc rencontrée, déjà, dans un groupe nominal (GN) simple du type « la linguistique » par exemple ; de même, il se réalise deux subordinations dans le GN étendu « le livre marron ».

Ces différentes positions théoriques semblent donc pouvoir être ramenées au nombre de quatre, tandis que deux critiques générales suffisent, nous semble-t-il, pour trancher en faveur de l’option qui nous parait la plus pertinente dans un cadre d’analyse microsyntaxique. La première remarque nait du fait que la coordination est, à de rares exceptions près ([1], [26], [a]), systématiquement regardée comme un mécanisme jonctif de large envergure, liant aussi bien deux propositions (ex. 2) que deux groupes (3), voire même un groupe et une proposition (4).

(2) Je viendrai et je te montrerai comment faire. (3) Il achète une pomme et une poire.

(4) J’avais si peur de ne pas pouvoir venir, et que tu m’en veuilles encore plus ! (Google, blog) Dès lors, pourquoi refuserait-on de reconnaitre le même champ d’application à la

subordination ? Cette question sert d’assise épistémologique, sans doute, à notre seconde

remarque, induite par le principe de la commutation. Le test de la commutation rappelle en effet que les positions saturées fonctionnellement par une proposition subordonnée peuvent l’être également par un groupe (ex. 5 et 6).

(5) (a) J’entends que les oiseaux chantent.

50 Ces derniers sont nommés, dans le modèle de syntaxe génétique de Van Raemdonck (2011), « groupes prédicatifs seconds » (GP2). La particularité de ces groupes tient en la réalisation d’une relation prédicative unissant un terme apport (prédicat) à un terme support (noyau du groupe) bien qu’il n’y ait pas de verbe conjugué à un mode personnel (ibid.). Dans l’exemple que cite Cherdon, la position noyau n’est pas saturée. Elle l’est en revanche dans un énoncé comme Le chat parti, (les souris dansent).

51 SUBORDINATION : « Rapport qui existe entre un mot régissant et un mot régi » (Dubois & alii 1973 : 462). É te ndu e du c ha m p d’ appl ic at ion de la s ubor di na ti on

38 (b) J’entends les oiseaux chanter. (c) J’entends le chant des oiseaux. (6) (a) Qu’il parte m’attriste.

(b) Son départ m’attriste.

S’il est question de subordination dans les phrases (5a) et (6a), est-il pour autant proscrit de parler de subordination dans les exemples (5b), (5c) et (6b) ? Pourquoi restreindre la portée de la subordination aux liaisons propositionnelles (avec ou sans verbe conjugué), sinon au motif de la nature/classe grammaticale des éléments linguistiques ? La définition de la proposition, et plus généralement la composition naturelle des unités lexicales de la phrase, ne devrait pas intervenir dans la résolution du problème des rapports syntaxiques entre les unités de la phrase, à notre sens. Pour nous, il importe plutôt de considérer tout élément linguistique, seul ou en association avec d’autres, comme un groupe – même si cet ensemble ne compte parfois qu’un singleton – susceptible d’être lié à un autre groupe de la phrase : soit par coordination, soit par subordination52 ([1], [18], [30], [38]).

Pour autant, nous ne pensons pas qu’il y ait une absence de congruence totale entre la nature des éléments linguistiques et le type de liaison syntaxique puisque, comme l’ont montré Wilmet (1986, 19971, 20105) et Van Raemdonck (1996, 20111) avant nous ([1], [2]), les parties du discours ont chacune un fonctionnement prototypique : un groupe verbal (qui a donc un verbe pour centre) est le plus souvent lié à son support par une relation prédicative tandis qu’un adjectif est ordinairement relié à un nom-support par une relation de détermination. Mais… ne s’agirait-il pas de subordination dans les deux cas ? Admettre ce principe reviendrait à accepter l’idée d’une subordination d’acception (très) large étant donné que les groupes mis entre crochets dans les phrases (7) et (8) seraient tous les deux dits subordonnés.

(7) Jacques dit [qu’il arrivera en retard]. (8) Jacques [mange].

Accepter ce principe revient à souscrire à la dernière des quatre options du continuum ; autrement dit, à se rallier au discours des grammairiens et linguistes mentionnés au niveau du terminus ad quem. Pour notre part, c’est bien la voie dans laquelle nous avançons depuis quelques années ([1], [30], [38]). Ce choix s’est vu conforté, d’ailleurs, par les observations listées ci-après, qui procèdent de la comparaison des différentes propriétés qui font, dit-on, de la subordination un mode de liaison distinct de la

coordination.

(b) Comme son étendue, la liste des propriétés définitoires de la subordination fluctue selon les auteurs consultés. En fin de compte, l’examen de la littérature syntaxique sur la question ([1], [30]) a révélé la coexistence de six arguments différents, qui, s’ils sont souvent combinés, dénoncent une nouvelle fois l’aspect tautologique de la terminologie