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Bilan : systématisation des niveaux de liaison

À ce jour, la subordination apparait donc comme une notion complexe et multiforme de sorte qu’il devienne peu intéressant de se servir encore de cet outil d’analyse sans l’avoir redéfini au préalable. Ci-dessus, nous sommes revenue sur notre volonté de restreindre la subordination à la syntaxe ainsi que sur les raisons qui nous ont poussée à envisager la subordination comme un mécanisme de liaison au champ d’application aussi large que la coordination. Après être revenue sur les origines de l’« incidence », nous avons montré l’utilité d’inscrire la notion dans le champ des fonctions, à la regarder comme un principe organisateur des liaisons syntaxiques dans la phrase. Nous avons ensuite exposé les

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critères qui, selon nous, sont les plus efficients pour révéler l’incidence d’un élément phrastique et écarté en parallèle ceux qui signalent plus une propriété de la construction étudiée qu’ils ne renseignent sur le mode de liaison employé. C’est ainsi que nous avons retenu les paramètres de la prosodie, de la focalisation, du subjonctif régi et du partage de la force illocutoire. Les quatre critères sélectionnés ne se sont pourtant pas toujours révélés suffisants pour l’analyse du mode de liaison de prédications de certaines constructions complexes. C’est pourquoi nous avons dû régulièrement enquêter, en parallèle, sur de nouveaux indices plus spécifiques aux structures analysées, comme l’imbrication possible de la Préd1 dans la Préd2 pour les corrélatives en à peine, ou la portée de l’adverbe de phrase ou d’énonciation pour les constructions du type « Un N, (et) Préd2 ».

Après une révision du continuum d’intégration fonctionnelle – trop verbo-centré dans [1] –, nous avons fini par établir cinq saisies qui sont mieux aptes selon nous à organiser les termes apports au sein d’une phrase. La particularité de ce gradient est triple : outre qu’il tient compte des différents lieux d’incidence, il est atypique par l’intérêt qu’il porte à la nature non pas du groupe subordonné mais du groupe subordonnant (déterminatif, prédicationnel), comme il entend simultanément porter une attention particulière au mécanisme syntaxique matérialisant la subordination (détermination, prédication). Le continuum développé nous a permis de présenter de façon organisée les différentes études de cas réalisées au fil de nos recherches passées.

• La première saisie, d’abord, est celle qui nous a donné l’occasion de revenir sur les incidences anciennes et aujourd’hui grammaticalisées au sein de noms composés (pomme de terre, timbre-poste) dont la trace, il est vrai, est plus souvent recherchée à l’heure actuelle par le morphologue que par le syntacticien.

• Tremplin vers le monde de la seule syntaxe, la deuxième entrée de l’axe gradué a favorisé la réunion d’une série de termes apports qui, sans être lexicalement figés, se présentent comme les plus intégrés fonctionnellement dans la phrase : le mariage de l’article et du nom en fut un exemple ; les adverbes apports à un groupe déterminatif, comme déjà ou les corrélatifs paradigmatisants ni, soit et tantôt, en furent d’autres. À ce niveau, tous les apports syntaxiques ont en commun d’être incidents – de manière directe ou non – à un groupe déterminatif par le biais d’une relation de détermination. C’est cette dernière propriété qui différencie d’ailleurs ces subordinations des apports de troisième niveau.

• La troisième saisie du continuum rassemble les apports pareillement incidents à un groupe déterminatif mais qui recourent pour ce faire au mécanisme de la

prédication. C’est à ce niveau que nous avons discuté notamment la

composition du noyau de phrase et que nous avons signalé l’importance pour nous, pour des raisons de cohérence principalement, de faire du sujet le terme support de la prédication (auquel se rapporte donc le verbe). Cette tierce entrée du gradient nous a également offert la possibilité d’un retour sur l’apport prédicatif à un groupe déterminatif au sein d’une prédication impliquée, exemplifié par les prédications 1 et 2 des corrélatives du genre « tel père (, tel

fils) ». Ce cas de figure est resté marginal cependant en regard du nombre de cas

développés dans le cadre de la saisie suivante du continuum.

C ont inuum d’ in gr at io n fonc ti onne lle

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• Regroupant les innombrables apports par détermination à un groupe prédicationnel, la quatrième entrée du gradient a révélé la diversité naturelle des groupes préposés à l’exercice de cette fonction : la fonction de complément de cadre est pareillement exercée par des groupes déterminatifs (« Autant/

plus/déjà/de même Préd1 »), par des groupes prédicatifs seconds (« GDN mis à part, Préd1 ») et par des groupes prédicationnels, peu importe que ces derniers

prennent la forme d’une prédication impliquée177, expliquée178 ou expliquée

complète179. Nous avons vu ce faisant que cette saisie ne comptait pas seulement des apports à la composante phrastique de l’énoncé puisque c’est à ce niveau que sont également rassemblés les déterminants de l’énonciation. Syntaxiquement incidents à la relation prédicative première d’une prédication, ces derniers compléments se singularisent par la portée extraphrastique de leur apport sémantique, sur l’énonciation. Il en va ainsi de la Préd1 de certaines corrélatives lexicalement marquées (« [Autant Préd1], autant Préd2 ») ou non marquées (« Je serais toi, je ne ferais pas cela »), comme de certains emplois de l’adverbe déjà. Néanmoins, nous nous sommes gardée d’intégrer l’adverbe

autant à la liste des déterminants de l’énonciation pour cette raison que nous ne

nous accordions pas avec l’analyse qu’en a donnée Deulofeu. Pour nous, quand il n’est pas un adverbe de quantité, autant apparait plutôt en adverbe de modalité, ce qui l’associe aux entrées de la cinquième saisie du continuum. • Terminus ad quem du gradient, la cinquième entrée réunit en effet les apports prédicatifs à un groupe prédicationnel. Elle rassemble donc en son sein l’ensemble des adverbes modaux de la langue française (apparemment, certes,

heureusement, probablement, etc.).

Dans les sections qui composent cette partie sur l’incidence, nous avons fait le choix de ne pas présenter systématiquement l’ensemble des cas sur lesquels nous nous sommes penchée au fil de nos recherches passées. Nos contributions scientifiques rassemblées dans un autre volume comportent donc quelques illustrations supplémentaires (de la quatrième saisie du gradient, surtout), d’importance mineure, qui auraient pu venir étayer plus encore cette partie du mémoire d’habilitation180. Cet écrémage procède d’une seule volonté : nous avons jugé plus pertinent de prendre le temps d’exposer en profondeur les cas que nous avons les plus discutés dans nos travaux de recherches, et de ne pas céder en conséquence à un inventaire d’analyses trop superficielles, non motivées, sans apport réel, auquel nous aurait forcée la contrainte du nombre de pages essentiellement. À leur abondance, nous avons donc préféré la richesse et le renouvèlement des informations présentées, politique qui sera également mise en œuvre dans la suite de ce document de

synthèse.

177 E.g. « [Tel N1], tel N2 » ; « [Un N], et Préd2 » ; « [Autant/plus/pas/peu/beaucoup N1], autant/plus/pas/peu/beaucoup N2 » ; etc.

178 E.g. « [Meilleurs les N1], meilleurs les N2 ».

179 E.g. « [Plus Préd 1], plus Préd2 » ; « [À peine Préd 1], que/et/ø Préd2 » ; etc.

180 Nous n’avons pas reparlé des adverbes corrélatifs paradigmatisants (exposés une première fois à la saisie 2) à la saisie 4 par exemple, ni développé le cas de « À peine GP2, Préd2 » en plus de la structure « À peine Préd1, Préd2 » qui trouve pareillement sa place parmi les déterminants repris au niveau de la quatrième saisie. C ont inuum d’ in gr at io n fonc ti onne lle

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E

PARTIE. LINÉARISATION DE L’ÉNONCÉ : LA